Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.151/2003
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2P.151/2003/KJE/elo
Arrêt du 11 février 2004
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Müller, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

X. ________ AG, recourante,
représentée par Me Markus Jungo.

contre

Direction des finances du canton de Fribourg,
rue Joseph-Piller 13, 1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Cour fiscale, rue André-Piller 21, 1762 Givisiez.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (acquisition d'une participation majoritaire
indirecte dans une société immobilière),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour fiscale
du Tribunal administratif du canton de Fribourg du
2 mai 2003.

Faits:

A.
La société X.________ AG est une société de participations. Par convention
des 3 et 5 juin 1997, elle a acquis, de A.________, B.________ et C.________,
5'100 actions au porteur d'une valeur de 1'000 fr. de la société D.________
SA, pour un prix total de 5.1 millions. Elle détenait ainsi le 25.1% du
capital-social de ladite société (11.6% des voix).

B.
D.________ SA a modifié sa structure, en septembre et octobre 1997. Elle a
également changé sa raison sociale en E.________ SA. Cette société, qui était
un pur holding, détenait six sociétés qui formaient les divisions
industrielles du groupe, une société de services et la totalité du
capital-actions d'une société immobilière, F.________ SA, qui gérait les
immeubles utilisés par les entreprises du groupe.

La situation financière du groupe s'est détériorée. Après avoir examiné
différentes solutions d'assainissement, X.________ AG a décidé d'augmenter sa
participation dans E._________ SA. Le 7 juin 1999, elle a ainsi acquis 16'675
actions nominatives et 733 actions au porteur supplémentaires auprès des
personnes physiques susmen- tionnées. Elle disposait dès lors de 46.1% du
capital-actions et de 51.2% des voix au sein de E.________ SA. Un nouveau
conseil d'administration et une nouvelle direction ont été mis en place. Il a
été procédé à des modifications structurelles et opérationnelles.

C.
Le 13 novembre 2000, le Conservateur du registre foncier du district de la
Sarine a adressé à X.________ AG un bordereau d'un montant total de
534'047.55 fr. au titre de droits de mutation cantonaux et de centimes
additionnels pour les quatre communes sur lesquelles se situent les
vingt-deux immeubles de F.________ SA. La taxation a été effectuée sur la
base du 50.1% de la valeur vénale totale (de 43'818'000 fr.) des immeubles,
soit 21'952'818 fr.

D.
Par décision sur réclamation du 15 janvier 2002, la Direction des finances du
canton de Fribourg (ci-après: la Direction des finances) a partiellement
admis la réclamation de X.________ AG contre la taxation précitée. Elle a en
effet fixé la base de calcul à 46.1% de la valeur vénale des immeubles, soit
20'200'098 fr. Le montant d'impôt dû a ainsi été réduit à 491'408.95 fr. Le
principe de l'imposition a toutefois été maintenu.

E.
Par arrêt du 2 mai 2003, la Cour fiscale du Tribunal administratif du canton
de Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours de
X.________ AG contre la décision de la Direction des finances du 15 janvier
2002. Le Tribunal administratif a considéré en substance que, par sa prise de
participation de 51.2% des voix dans E.________ SA, qui elle-même détient
l'entier de la société immobilière F.________ SA, X.________ AG avait obtenu
indirectement le pouvoir de disposer des immeubles de cette société
immobilière, et cela même si X.________ AG avait acquis les actions de la
société holding E.________ SA, et non pas directement celles de la société
immobilière fille.

F.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ AG demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif du 2 mai 2003. Elle invoque la violation des art. 9 et
29 al. 2 Cst. Elle fait valoir que l'attitude de l'autorité intimée est
contradictoire en ce qu'elle se réfère, dans la même décision, à la fois à la
réalité économique et à la forme juridique du groupe de sociétés. En outre,
elle soutient que son droit d'être entendu a été violé, l'arrêt attaqué
n'étant pas suffisamment motivé.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours sous suite de frais. La
Direction des finances conclut au rejet du recours.

G.
Par ordonnance du 4 juillet 2003, le Président de la IIe Cour de droit public
a rejeté la demande d'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi contre une
décision finale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être
attaquée que par la voie du recours de droit public et qui touche la
recourante dans ses intérêts juridiquement protégés, le présent recours est
recevable au regard des art. 84 ss OJ.

2.
2.1 Selon l'art. 1 de la loi fribourgeoise du 1er mai 1996 sur les droits de
mutation et les droits sur les gages immobiliers (ci-après: LDMG/FR ou la loi
fribourgeoise sur les droits de mutation), entrée en vigueur le 1er janvier
1997, l'Etat prélève des droits de mutation sur les transferts immobiliers à
titre onéreux ayant pour objet des immeubles situés dans le canton.

L'art. 4 let. e LDMG/FR prévoit:
"Sont assimilés à des transferts immobiliers:
(...)
e) l'acquisition, en une ou plusieurs opérations, de la participation
majoritaire directe ou indirecte dans une société immobilière; le prélèvement
a également lieu si, par une acquisition minoritaire, l'acquéreur accroît sa
majorité."
L'art. 7 LDMG/FR dispose:
"Sont des sociétés immobilières:
a) celles dont l'activité effective consiste principalement à acquérir des
immeubles ou à aliéner, gérer ou exploiter un ou des immeubles leur
appartenant;
b) celles dont les immeubles représentent le principal actif;
c) celles dont la participation directe ou indirecte à des sociétés visées
aux lettres a et b représente, isolément ou compte tenu d'une propriété
d'immeuble, le principal actif."
La recourante admet que F.________ SA est une société immobilière et que le
transfert des actions de cette société est en soi imposable. Par contre, elle
conteste que le holding E.________ SA soit une société immobilière car
celle-ci détient sept sociétés d'exploitation ou de services et une seule
société immobilière. Il s'agit donc de déterminer si le transfert des actions
d'un tel holding peut être soumis aux droits de mutation dans la mesure où,
avec la société immobilière (et les immeubles qu'elle représente), sont
transférées d'autres sociétés.

La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir apprécié le même
état de fait, d'une part, selon sa forme juridique, en se contentant de
constater que le holding détient, entre autres sociétés, une société
immobilière, et en ignorant que, sous l'angle économique, l'acquisition
devait être vue comme celle d'une entreprise industrielle et commerciale,
dont les immeubles ne servent qu'à l'activité du groupe et ne forment qu'une
part des actifs. D'autre part, ledit tribunal aurait soumis cet état de fait
à une imposition selon la réalité économique, en appliquant l'art. 4 let. e
LDMG/FR qui assimile l'acquisition d'actions à un transfert immobilier. Ce
procédé constituerait un dualisme de méthodes inadmissible au regard de
l'art. 4 aCst.

2.2 Appelé à revoir l'interprétation d'une norme sous l'angle restreint de
l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si
l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas
déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition
ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si
une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF
117 Ia 97 consid. 5b p. 106, 292 consid. 3a p. 294 et les références citées;
sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168 et la
jurisprudence citée).

2.3 Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa
lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si
plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de
rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de
tous les éléments à considérer, soit de sa relation avec d'autres
dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but
poursuivi, de l'esprit de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose,
singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que
de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux
préparatoires (interprétation historique) (ATF 128 II 56 consid. 4 p. 62; 125
II 192 consid. 3a p. 196, 183 consid. 4 p. 185, 177 consid. 3 p. 179; RDAF
1998 II p. 148 consid. 2c p. 151).

2.4 En application de ces principes, le Tribunal administratif a estimé que
la loi fribourgeoise sur les droits de mutation permettait de soumettre
l'acquisition indirecte d'une société immobilière aux droits de mutation.
Afin de définir si l'acquisition opérée par la recourante peut être imposée,
il s'agit de déterminer si l'autorité intimée pouvait admettre sans
arbitraire, premièrement, que celle-là détient une participation majoritaire
dans une société immobilière et, deuxièmement, qu'elle a une participation
indirecte au sens de l'art. 4 let. e LDMG/FR.

3.
Le Tribunal administratif s'est fondé sur les éléments suivants:
3.1 Non seulement l'art. 4 LDMG/FR assimile l'acquisition de certains droits
(tels que l'acquisition résultant d'un changement des personnes au sein d'une
communauté en main commune ou d'une modification des parts de personnes
composant cette communauté [let. a], l'acquisition d'une construction
consécutive à l'extinction ou au retour relatifs à un droit de superficie
[let. b], les cessions d'un droit d'acquérir ou les renonciations à un tel
droit [let. c et d]) à un véritable transfert immobilier économique (Crausaz
Pierre, La nouvelle loi fribourgeoise sur les droits de mutation et les
droits sur les gages immobiliers (LDMG), in: Revue fribourgeoise de
jurisprudence 1996, p. 87), mais, de plus, il définit de manière extensive le
transfert économique imposable en se référant aux notions de « l'acquisition
... de la participation majoritaire ... indirecte dans une société
immobilière; ... » (let. e). Le Message qui accompagnait le projet de loi sur
les droits de mutation et les droits sur les gages immobiliers du 27 juin
1995 (ci-après: le Message) précise, à propos de l'art. 4 let. e LDMG/FR, que
le prélèvement aura lieu en cas d'acquisition d'une participation majoritaire
directe ou indirecte et cite, comme exemple, le transfert de la majorité des
actions d'une société holding, dont les actifs se composent principalement
d'une participation majoritaire à une société immobilière. Il ressortirait de
ce qui précède que le législateur vise l'imposition des transferts
d'immeubles et de ceux du capital-actions de sociétés immobilières même dans
les cas où l'immeuble est transféré par l'acquisition d'une participation
indirecte à travers un holding. En outre il y aurait imposition, toujours
selon l'art. 4 let. e LDMG/FR, que l'acquisition se fasse en une ou plusieurs
opérations, et lorsque l'acquéreur accroît sa majorité par une acquisition
minoritaire.

En l'espèce, les immeubles appartiennent à la société immobilière F.________
SA qui est détenue à 100% par E.________ SA. En augmentant sa participation
dans cette dernière société, pour passer de 25.1% du capital-actions détenu à
46.1%, la recourante est devenue détentrice de la majorité des droits de vote
(51.2%). Ainsi, la recourante a bien acquis une participation majoritaire
dans la société immobilière F.________ SA par l'intermédiaire du holding
E.________ SA - même si celui-ci comporte par ailleurs des actions de
sociétés industrielles. En effet, par sa participation de 51.2% à E.________
SA, elle détient, indirectement, le même pourcentage de la société
immobilière. Or, l'actionnaire majoritaire, en termes de droits de vote,
domine l'assemblée générale ce qui lui confère le pouvoir de disposition sur
les immeubles de la société. En l'occurrence, cet actionnaire majoritaire est
la recourante.

3.2 L'interprétation du Tribunal administratif n'est pas arbitraire. Elle
paraît conforme à la volonté du législateur: la lettre de l'art. 4 let. e
LDMG/FR permet de considérer que l'acquisition d'une participation à un
holding peut constituer un transfert d'immeubles imposable en tant que tel.
C'est en effet le pouvoir de disposition sur les immeubles de F._________ SA
qui est déterminant et l'achat des actions supplémentaires a eu pour
conséquence que ce pouvoir a également été transféré à la recourante. Ainsi,
ce n'est pas lors de sa première prise de participation minoritaire dans le
groupe que la recourante a été soumise aux droits de mutation mais lors de sa
deuxième acquisition par laquelle elle a obtenu la majorité des droits de
vote dans le holding et donc le pouvoir de disposition sur les immeubles en
cause. A cet égard, la situation n'est pas différente lorsque plusieurs
personnes acquièrent une part prépondérante des actions d'une société anonyme
dont l'actif principal consiste en un immeuble, même si individuellement leur
part est minoritaire (RDAF 1993 426, 2P.289/1992; Archives 31 49).

4.
Il reste à définir si la recourante détient une participation indirecte au
sens de l'art. 4 let. e LDMG/FR.

4.1 Dans l'arrêt entrepris, le Tribunal administratif a jugé que la société,
dont les actions sont acquises et qui domine la société immobilière
concernée, ne doit pas être nécessairement une société immobilière au sens de
l'art. 7 LDMG/FR. Ainsi, l'acquisition indirecte du capital-actions d'une
société immobilière, par l'intermédiaire d'un holding qui détient également
des sociétés d'exploitation, est soumise aux droits de mutations si, comme on
l'a vu (consid. 3), l'acquéreur obtient le pouvoir de disposer des immeubles.
Ni le texte légal, ni le Message n'exigeraient que la société acquise soit
elle-même une société immobilière. Selon l'art. 4 let. e LDMG/FR,
l'acquisition d'une participation indirecte dans une société immobilière
signifie que le capital-actions d'une société immobilière peut être détenu
par l'intermédiaire d'une société holding, autre qu'immobilière, dominant la
société immobilière concernée. Cela suffirait à justifier une imposition.
Comme le relève le Tribunal administratif, la notion de participation
"indirecte" n'a de sens que si le holding dont la participation est acquise
n'est pas lui-même une société immobilière, tout en détenant une telle
société. Si la loi exigeait que la société mère dont le capital est acquis
soit également immobilière au sens de l'art. 7 LDMG/FR, la notion de
participation indirecte figurant dans le texte légal serait vidée de son
sens, car l'acquisition des actions de la société mère représenterait
toujours celle d'une participation directe à une société immobilière. Enfin,
le Message - relève l'arrêt entrepris - ne fait que mentionner, à titre
d'exemple, que, dans l'hypothèse où la société acquise est elle-même une
société immobilière, l'imposition aurait lieu dans tous les cas (Message p.
27 et p. 29).

4.2 Bien que les textes en cause puissent faire l'objet d'une interprétation
plus restrictive, il n'apparaît pas dépourvu de sens de considérer que seule
doit répondre à la définition de l'art. 7 LDMG/FR, la société filiale de
celle dont les actions sont acquises, en l'occurrence F.________ SA. La
société qui détient cette société immobilière, dans le cas présent E.________
SA, n'y est pas tenue. Au demeurant, l'art. 4 let. e LDMG/FR parle
d'acquisition d'une participation majoritaire indirecte "dans" une société
immobilière et non de l'acquisition "d'une" société immobilière. Il faut
également relever que l'art. 7 LDMG/FR se borne à indiquer que sont des
sociétés immobilières celles dont les immeubles ou les participations
déterminantes représentent le principal actif, sans toutefois définir la
notion d'actif principal. Ainsi, même si l'on admettait que le holding dont
les actions sont acquises devait être une société immobilière, il faudrait
encore définir si ces immeubles ou participations déterminantes doivent
représenter 50% des actifs ou s'il suffit qu'ils soient l'actif le plus
important de façon relative. Pour l'exercice 1998-1999 (l'achat des actions
supplémentaires ayant eu lieu le 7 juin 1999), le bilan au 30 juin 1999 du
groupe E.________ mentionne que la valeur comptable des immeubles étaient de
35'971'000 fr. pour des actifs totaux de 85'695'000 fr. Les immeubles
représentaient ainsi le 41.97% des actifs du groupe et représentaient le
poste le plus élevé du bilan. Enfin, l'acquéreur de la majorité des actions
d'un holding qui n'est pas une société immobilière demeure imposable
uniquement sur les valeurs immobilières de la filiale qui doit être une
société immobilière. Les art. 12 et 19 LDMG/FR excluent toute extension de
l'imposition à des éléments non immobiliers, comme des éléments
d'exploitation.

Cette imposition n'apparaît pas arbitraire dans son résultat. En l'espèce,
seule la valeur des immeubles transférés - en proportion des
actions achetées - a été imposée et non le capital-actions acquis. La valeur
vénale des immeubles s'élevait à 43'818'000 fr. et la base de calcul à
20'200'098 fr. (43'818'000 fr. x 46.1%).

4.3 La recourante invoque la jurisprudence. Dans un arrêt du 19 septembre
1956 (publié in: Monatsschrift für bernisches Verwaltungsrecht und
Notariatswesen 1957 p. 153), le Tribunal fédéral a considéré qu'il était
justifié d'imposer uniquement l'acquisition du capital-actions d'une société
immobilière et non celui d'une société à but lucratif car, dans ce cas, les
effets de cette acquisition ne se limitaient pas au transfert du pouvoir de
disposer des immeubles de la société. La législation bernoise, dont il était
question, assimilait aux mutations d'immeubles imposables les actes
juridiques dissimulant un transfert de propriété sous une autre forme ou qui,
au lieu de revêtir la forme d'un transfert immobilier, accordaient le pouvoir
de disposition sur les immeubles à un tiers comme s'il en était propriétaire.
Elle ne mention- nait pas expressément l'acquisition du capital-actions d'une
société immobilière. Dans un deuxième arrêt (ATF 99 Ia 459), le Tribunal de
céans a admis d'assimiler à un transfert immobilier l'acquisition des actions
d'une société holding à condition que le holding soit lui-même une société
immobilière. Il a refusé de voir dans l'acquisition du capital-actions d'une
société d'exploitation une opération destinée à transférer les immeubles de
la société, et, partant, d'admettre l'imposition d'une telle opération.
Toutefois, la législation lucernoise, en cause dans cet arrêt, ne contenait
pas de disposition prévoyant l'imposition d'opérations équivalant
économiquement à une mutation d'immeubles. A la différence de ces deux cas,
le législateur fribourgeois assimile expressément, à l'art. 4 let. e LDMG/FR,
l'acquisition de la participation majoritaire indirecte dans une société
immobilière à un transfert immobilier (Message p. 27 et 29).

C'est donc en vain que la recourante invoque l'arbitraire d'une appréciation
contradictoire de sa situation. En l'occurrence, c'est le législateur qui a
prévu d'imposer un tel transfert économique. En outre, l'art. 7 LDMG/FR, qui
mentionne de manière toute générale la propriété d'immeubles, n'exclut pas
l'imposition du transfert d'immeubles d'exploitation à travers les sociétés
immobilières qui les détiennent. A cet égard, on ne saurait reprocher à
l'autorité intimée une interprétation dualiste et contradictoire de la loi,
du moment que les immeubles sont imposés en tant que tels, qu'ils soient de
placement ou d'exploitation, et que le critère déterminant pour définir la
société immobilière est l'importance de l'actif immobilier et non sa
fonction.

4.4 Au vu de ce qui précède, le Tribunal administratif pouvait sans
arbitraire soumettre aux droits de mutation selon l'art. 4 let. e LDMG/FR la
part des immeubles acquise par la recourante à travers sa participation
majoritaire à E.________ SA, qui lui assure indirectement celle de la société
immobilière et le droit de disposer des immeubles.

5.
La recourante se plaint de ce que l'autorité intimée n'ait pas débattu, dans
son arrêt, de la jurisprudence et de la doctrine selon lesquelles le
transfert des actions d'une société d'exploitation n'est pas assimilable à un
transfert immobilier; cette autorité aurait ainsi violé son droit d'être
entendue protégé par l'art. 29 al. 2 Cst.

5.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, garanti par l'art. 29
al. 2 Cst. (art. 4 aCst.), le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 126 I
97 consid. 2b p. 102; 122 IV 8 consid. 2c p. 14/15). Ainsi, lorsque le choix
que le juge est amené à faire dépend de l'éclaircissement de certains points
de fait ou de droit contestés par les parties, il lui appartient de dire,
dans la motivation de son arrêt, pourquoi il a admis tel point plutôt que tel
autre afin de permettre, d'une part, aux parties de comprendre les raisons
pour lesquelles leur argumentation n'a pas été retenue et de décider, en
toute connaissance de cause, s'il se justifie de porter l'affaire devant
l'instance supérieure et, d'autre part, à cette dernière de contrôler que le
droit a été correctement appliqué (ATF 119 Ia 264 consid. 4d p. 269; 117 Ia 1
consid. 3a p. 3). Cela ne signifie toutefois pas que le juge doive s'exprimer
expressément et distinctement sur chaque allégation de fait et sur chaque
point de droit, invoqués ou non. Il peut se limiter aux points essentiels
pour la décision (ATF 124 V 180 consid. 1a p. 181; 118 V 56 consid. 5b p. 57;
117 Ib 481 consid. 6b/bb p. 492; 112 Ia 107 consid. 2b p. 109/110).

5.2 En l'espèce, le grief de la recourante est manifestement infondé.
L'autorité intimée a consacré plus de neuf pages (considérants 3 à 7) de son
arrêt à exposer pour quels motifs l'argumentation que la recourante
prétendait tirer des différentes interprétations possibles de la disposition
légale appliquée (considérant 5), ainsi que de la doctrine et de la
jurisprudence (considérant 4c sur la notion de société immobilière et,
partant, la délimitation par rapport à la société d'exploitation), ne
conduisait pas à l'exonérer des droits de mutation. La motivation de l'arrêt
en question est donc amplement suffisante. En fait, la recourante reproche au
Tribunal administratif non pas tant de n'avoir pas examiné ses arguments que
de ne pas les avoir admis. Dès lors, son droit d'être entendu n'a pas été
violé et son grief doit être rejeté.

6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, la
recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a
OJ). Il n'est pas alloué de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à la
Direction des finances et à la Cour fiscale du Tribunal administratif du
canton de Fribourg.

Lausanne, le 11 février 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: