Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.116/2003
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2P.116/2003/VIA/elo
Arrêt du 15 janvier 2004
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Yersin.
Greffier: M. Vianin.

X. ________, recourant,
représenté par Me Bernard Détienne.

contre

Y.________, intimée,
représentée par Me Antoine Zen Ruffinen.

Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais, Palais de Justice,
avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

art. 9 et 29 al. 1 Cst. (allocations familiales, taux préférentiel, déni de
justice formel),

recours de droit public contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances du 26 mars 2003.

Faits:

A.
X. ________ exploite une étude d'avocats et notaire à A.________, en
association avec Z.________. Comme employeur, il est tenu de verser des
contributions à la Caisse d'allocations familiales Y.________ (ci-après: la
Caisse), à Sion. A ce titre, la Caisse lui a ainsi réclamé 2'388 fr. 35 pour
2001 et 2'755 fr. 15 pour 2002.

X. ________ ayant appris que certains employeurs bénéficiaient d'un taux de
faveur de 1,6%, il a demandé à la Caisse, par courrier du 28 novembre 2001,
qu'en vertu du principe d'égalité ses contributions soient calculées au même
taux. La Caisse a rejeté cette requête par lettre du 3 décembre 2001.

Dans un courrier du 6 décembre 2001, X.________ a offert que ses
contributions soient calculées au taux de 2%. Par décision du 7 décembre
2001, la Caisse a rejeté cette proposition en rappelant que le taux avait été
fixé à 3,2% pour tous les employeurs affiliés à elle.

B.
Le 8 janvier 2002, X.________ - qui agissait, en tant que besoin, également
au nom de son associée Z.________ -, a déféré cette décision au Tribunal
cantonal des assurances du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal).
Il a conclu principalement à la constata- tion de la nullité de la décision
et subsidiairement à son annulation, le tout sous suite de frais et dépens. A
l'appui de son recours, il a produit notamment la copie d'une décision du
Conseil d'Etat du canton du Valais du 3 janvier 1952, selon laquelle les
hôpitaux régionaux ne remplissaient pas toutes les conditions pour être
exemptés des contributions en matière d'allocations familiales, mais
pouvaient être mis au bénéfice d'un taux de contribution réduit.

Par arrêt du 26 mars 2003, le Tribunal cantonal a déclaré le recours
irrecevable et renoncé à percevoir un émolument. Il a considéré en bref que
la question des taux préférentiels, comme celle de l'exonération des
contributions, était de nature politique et ressortissait au Conseil d'Etat.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler l'arrêt attaqué. Il se
plaint d'arbitraire et d'un déni de justice formel.

La Caisse conclut à l'admission du recours, alors que le Tribunal cantonal
renonce à se déterminer en renvoyant à la décision attaquée.

Dans sa détermination, la Caisse a relevé que, par décision du 19 décembre
2001 prenant effet le 1er janvier 2002, le Conseil d'Etat avait annulé sa
décision du 3 janvier 1952, précitée. Cette décision était liée à la révision
de la loi valaisanne du 20 mai 1949 sur les allocations familiales aux
salariés et sur le fonds cantonal pour la famille (RS/VS 836.2; ci-après: la
loi), qui tendait notamment à réduire les écarts des taux de contribution
entre les caisses.

A la demande du Président de la Cour de céans, X.________ a indiqué par
courrier du 26 juin 2003 qu'il maintenait son recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droit
public et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés,
le présent recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ.

2.
2.1 Le recourant soutient que la décision attaquée est arbitraire du fait
qu'elle contrevient à l'art. 26 de la loi. Selon lui, au vu de cette
disposition, l'autorité intimée aurait dû entrer en matière sur son recours,
de sorte qu'en déclinant sa compétence elle a commis un déni de justice
formel.
Pour sa part, l'autorité intimée a fondé sa décision d'irrecevabilité sur
l'art. 3 al. 2 du règlement d'exécution de la loi sur les allocations
familiales aux salariés et sur le fonds cantonal pour la famille, du 8
novembre 1949 (RS/VS 836.200; ci-après: le règlement), disposition qui règle
l'exemption des contributions, qu'elle met dans la compétence du Conseil
d'Etat, et sur l'application qui en a été faite par celui-ci dans sa décision
du 3 janvier 1952, précitée. L'autorité intimée a également invoqué une
jurisprudence fédérale (ATF 117 V 318).

2.2 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation
de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair
et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.
De plus, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué soient
insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit arbitraire dans son
résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution
que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275;
127 I 60 consid. 5a p. 70; 125 I 166 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence
citée).

2.3 Intitulé "recours", l'art. 26 de la loi dispose ce qui suit dans sa
teneur en vigueur à partir du 1er janvier 2002:
"1 Les décisions prises en application de la présente loi par les organes
compétents, selon les statuts et les règlements des caisses, peuvent faire
l'objet d'un recours, dans les 30 jours dès la notification, auprès du
Tribunal cantonal des assurances.

2 Le Tribunal cantonal des assurances réglera la procédure conformément aux
dispositions de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants."
Dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2001, l'art. 26 al. 1
comportait une seconde phrase qui réservait les procédures spéciales des art.
15 (reconnaissance des caisses professionnelles), 16 (recours d'un employeur
contre son affiliation d'office à une caisse) et 29 (recours au Conseil
d'Etat contre le prononcé d'une amende sanctionnant une contravention). Pour
le reste - et sous réserve d'une divergence purement rédactionnelle -, la
teneur de l'art. 26 était identique.

Les art. 1 à 3 du règlement traitent des "Employeurs tenus de s'affilier".
Intitulé "Exemptions", l'art. 3 dispose ce qui suit à son alinéa 2:
"Le Conseil d'Etat est autorisé à exonérer du paiement de la contribution les
institutions de bienfaisance qui n'exercent aucune activité économique
susceptible de faire concurrence aux employeurs soumis à contribution."
Dans sa décision du 3 janvier 1952, le Conseil d'Etat a considéré que les
hôpitaux régionaux ne remplissaient pas toutes les conditions pour être
exemptés des contributions en matière d'allocations familiales, mais qu'il se
justifiait néanmoins de les mettre au bénéfice d'un taux de contribution
réduit, en faisant une "application partielle" de l'art. 3 al. 2 du
règlement.

2.4 En l'occurrence, la décision du 7 décembre 2001 a été rendue par une
caisse d'allocations familiales, en application de la loi précitée. Elle ne
s'inscrit pas dans l'une des procédures spéciales que réservait l'art. 26 al.
1 de la loi, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2001. Dès lors,
en vertu du texte clair de cette disposition - que celle-ci soit applicable
dans son ancienne ou sa nouvelle teneur -, la décision pouvait faire l'objet
d'un recours auprès de l'autorité intimée, comme elle l'indiquait d'ailleurs
expressément. L'autorité intimée ne pouvait donc décliner sa compétence,
laquelle s'imposait aussi sous l'angle de l'art. 6 CEDH (arrêt 2P.103/2001 du
6 novembre 2001 consid. 4). En particulier, elle ne pouvait pour ce faire
prétendre qu'il s'agissait d'un "problème avant tout politique" et invoquer
l'art. 3 al. 2 du règlement, disposition qui ne concerne pas la procédure de
recours contre la décision d'une caisse (et, partant, n'entre pas en conflit
avec l'art. 26 al. 1 de la loi), mais prévoit la compétence du Conseil d'Etat
pour statuer, en procédure administrative, sur l'exonération du paiement des
contributions (et, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, sur la mise au
bénéfice d'un taux de faveur).

Quant à la jurisprudence fédérale invoquée par l'autorité intimée, elle
concerne la retenue que le juge s'impose dans le cadre d'un contrôle concret
lorsqu'il s'agit de questions à trancher par le législateur. Elle se rapporte
donc à l'examen du fond par le juge, et non pas à sa compétence procédurale,
de sorte que l'autorité intimée ne pouvait l'invoquer aux fins de décliner
celle-ci.

Ainsi, l'arrêt attaqué est arbitraire dans la mesure où il élude entièrement
l'art. 26 de la loi. Il doit donc être annulé, sans qu'il soit besoin
d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé.

Bien qu'il succombe, le canton du Valais n'a pas à supporter les frais
judiciaires, car ses intérêts pécuniaires ne sont pas en cause (art. 156 al.
2 OJ).
Le recourant a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ), qu'il convient de
mettre à la charge du canton du Valais.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal cantonal des assurances du 26
mars 2003 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le canton du Valais versera au recourant une indemnité de 1'500 fr. à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais.

Lausanne, le 15 janvier 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: