Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.113/2003
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2P.113/2003/LGE/mks

Arrêt du 15 septembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Berthoud, Juge suppléant.
Greffier: M. Langone.

X. ________,
recourante,
représentée par Me Michel Bise, avocat, Passage Max.-Meuron 1, case postale
3132, 2000 Neuchâtel,

contre

Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique,
Zähringerstrasse 25, case postale 5975, 3001 Berne.

art. 8, 9, 27 et 29 Cst.: reconnaissance du diplôme EESP en tant que diplôme
ESTS ou ESS,

recours de droit public contre la décision de la Conférence suisse des
directeurs cantonaux de l'instruction publique du 24 mars 2003.

Faits:

A.
X. ________ est titulaire d'un diplôme d'éducatrice spécialisée délivré par
l'Ecole d'études sociales et pédagogiques de Lausanne (ci-après: EESP) le 16
mai 1990. Le 20 octobre 2002, elle a présenté auprès de la Conférence suisse
des directeurs cantonaux de l'instruction publique (ci-après: CDIP) une
demande de reconnaissance rétroactive de son diplôme EESP en tant que diplôme
des écoles supérieures de travail social (ci-après: ESTS ou ESS). A l'appui
de sa requête, elle a produit différents certificats de travail et
attestations de cours de formation continue.

B.
Par décisions des 22 novembre et 13 décembre 2002, confirmées le 24 mars
2003, la CDIP a refusé la reconnaissance sollicitée. Elle a retenu que les
titulaires de diplômes délivrés jusqu'au 31 décembre 1992 devaient justifier
d'une pratique professionnelle reconnue de cinq ans au moins et d'un cours
post-grade dans la spécialisation correspondant au diplôme. Ce cours
post-grade devait s'étendre sur un minimum de cent cinquante heures
d'enseignement et les formations continues de moins de cent cinquante heures
ne pouvaient être reconnues que si elles étaient étroitement liées et
faisaient partie d'une formation plus vaste ou d'études post-grades. Dans le
cas particulier, la CDIP a retenu que X.________ ne pouvait pas se prévaloir
d'un cours post-grade d'une durée d'enseignement de cent cinquante heures.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision de la
CDIP du 24 mars 2003. Elle dénonce la violation des principes
constitutionnels de l'égalité, de l'interdiction de l'arbitraire, du droit
d'être entendu, des garanties générales de procédure et de la liberté
économique. A titre de mesure d'instruction, elle sollicite l'audition d'un
témoin.

La CDIP conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174, 129 II 225 consid.
1 p. 227; 128 I 46 consid. 1a p. 48 et la jurisprudence citée).

1.1 La décision entreprise est fondée sur l'art. 21 lettre b du Règlement du
6 juin 1997 concernant la reconnaissance des diplômes des écoles supérieures
de travail social (ci-après: le Règlement ESTS), prévoyant que les titulaires
d'un diplôme délivré avant le 1er janvier 1993 doivent justifier d'une
pratique professionnelle de cinq ans au minimum et de l'accomplissement d'un
cours post-grade dans leur domaine spécifique, conformément aux lignes
directrices de la CDIP.

Ce règlement a été édicté par la CDIP en application des art. 2, 4, 5 et 6 de
l'Accord intercantonal du 18 février 1993 sur la reconnaissance des diplômes
de fin d'études (RS 413.21; ci-après: Accord intercantonal). Selon l'art. 10
de cet accord, tout particulier concerné peut interjeter un recours de droit
public au Tribunal fédéral, en application de l'art. 84 al. 1 lettre a et b
OJ, contre les règlements et les décisions de la CDIP agissant en qualité
d'autorité de reconnaissance.

La décision attaquée ne repose donc pas sur le droit fédéral; elle émane d'un
organisme intercantonal chargé d'une tâche d'intérêt public par l'ensemble
des cantons suisses qui ont signé l'Accord intercantonal précité. Seule la
voie du recours de droit public est en conséquence ouverte.

1.2 Formé en temps utile contre une décision ne pouvant être soumise au
Tribunal fédéral que par la voie du recours de droit public - la recourante
étant manifestement touchée dans ses intérêts juridiquement protégés au sens
de l'art. 88 OJ - le présent recours est en principe recevable au sens des
art. 84 ss OJ.

1.3 La recourante sollicite l'audition d'un témoin. Cette requête doit être
écartée. Le Tribunal fédéral est en effet en possession des informations
nécessaires pour statuer. Les pièces produites par les parties contiennent
tous les éléments de fait utiles, de sorte que la mesure d'instruction
requise est superflue.

2.
2.1 La recourante soutient que le Règlement ESTS violerait en tant que tel
les principes de l'égalité et de l'interdiction de l'arbitraire.
Ces griefs, tendant au contrôle préjudiciel de la constitutionnalité de la
norme intercantonale contestée, sont recevables dans le cadre du recours de
droit public pour violation des droits constitutionnels des citoyens (ATF 124
I 289 consid. 2 p. 291; 121 I 49 consid. 3a p. 50, 102 consid. 4 p. 103/104;
117 336 consid. 2 p. 338/339). Le Tribunal fédéral ne les examine que dans le
contexte de l'espèce; l'admission du recours sur ces points entraînerait
uniquement l'annulation de la décision d'application, mais non point de la
norme elle-même (ATF 124 I 289 consid. 2 p. 291; 121 I 102 consid. 4 p. 104;
117 Ia 336 consid. 2 p. 338 et les arrêts cités).

2.2 La recourante fait valoir en particulier que le Règlement ESTS sur lequel
se fonde la décision attaquée consacre une triple inégalité de traitement:
a)Entre les titulaires de diplômes obtenus avant le 1er janvier 1993 et après
cette date, dans la mesure où aucun fait important ne justifie une telle
distinction (aucun changement notable dans la formation dispensée auprès de
l'EESP, notamment pour ce qui concerne le programme des cours, aucun lien
avec la date de la reconnaissance de l'EESP comme école spécialisée par la
CDIP, absence de coïncidence entre la date d'obtention du diplôme et la
période de formation).
b)Entre les personnes requérant la reconnaissance d'un diplôme ESTS et celles
requérant la reconnaissance d'un diplôme des hautes écoles spécialisées
(ci-après: HES), celles-là devant justifier cumulativement d'une pratique
professionnelle et d'un cours post-grade, celles-ci n'étant soumises
qu'alternativement à l'une ou l'autre condition.
c)Entre les travailleurs à temps complet et les travailleurs à temps partiel,
soit le plus souvent entre les hommes et les femmes, les premiers disposant
de plus de jours de perfectionnement que les seconds pour atteindre le nombre
d'heures de cours post-grades exigé par la CDIP.

2.3 La protection de l'égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l'arbitraire
(art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision est arbitraire lorsqu'elle
ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens ni but. Elle
viole le principe de l'égalité lorsqu'elle établit des distinctions
juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la
situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions
qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est
semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est
dissemblable ne l'est pas de manière différente. II faut que le traitement
différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait
importante. L'inégalité apparaît ainsi comme une forme particulière
d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être
de manière semblable ou inversement (ATF 129 I 1 consid. 3 p. 3; 127 I 185
consid. 5 p. 192 et les arrêts cités).

2.4 La date du 1er janvier 1993 contenue à l'art. 21 du Règlement ESTS
correspond au premier jour à partir duquel des prescriptions minimales pour
les formations en éducation spécialisée ont été formalisées sur le plan
national. C'est en effet le 17 mars 1993 que la Conférence suisse des écoles
supérieures d'éducateurs spécialisés a édicté les conditions minimales de
reconnaissance des écoles supérieures d'éducateurs et d'éducatrices
spécialisés; cette réglementation avait pour but de garantir que les
formations dispensées dans les écoles supérieures seraient de même niveau
pour l'ensemble de la Suisse; elle a été reprise par la CDIP lors de la
rédaction du Règlement ESTS du 6 juin 1997.

Pour la reconnaissance rétroactive des diplômes, l'exigence d'une pratique
professionnelle d'une certaine durée et de connaissances théoriques
actualisées permet de garantir à l'employeur potentiel d'anciens diplômés que
leur formation a atteint un niveau comparable à celui des porteurs d'un
diplôme ESTS. Cette assurance d'une formation qualifiée est d'autant plus
justifiée que les diplômes ESTS peuvent, à certaines conditions, être
reconnus comme diplômes HES et donner notamment accès aux études
universitaires, en Suisse et à l'étranger.

La date du 1er janvier 1993 n'a donc pas été fixée arbitrairement et le
traitement différencié réservé aux porteurs de diplômes obtenus avant et
après cette date est justifié par l'exigence d'une formation de niveau
supérieur, en termes d'expérience professionnelle et de connaissances
théoriques. A cet égard, il est indifférent que l'EESP n'ait été reconnue
qu'ultérieurement par la CDIP comme école supérieure spécialisée. En outre,
même si le programme des cours n'a pas notablement changé, comme le relève la
recourante, il ne fait pas de doute que le contenu de l'enseignement a été
constamment actualisé, en fonction de l'évolution des techniques et des
connaissances spécifiques de la branche. Or c'est précisément cette
réactualisation des connaissances qui est recherchée au travers de la double
exigence posée par l'art. 21 du Règlement ESTS. Enfin, la recourante ne peut
pas tirer argument du fait qu'elle a accompli ses études de 1984 à 1987 et
qu'elle n'a reçu son diplôme qu'en 1990. Plus l'achèvement de la formation
est ancien, plus les exigences d'expérience professionnelle et de mise à jour
des connaissances théoriques sont justifiées.

2.5 Selon la disposition de l'art. 13 al. 1 du Règlement du 10 juin 1999
concernant la reconnaissance des diplômes cantonaux des hautes écoles
spécialisées (ci-après: Règlement HES), les personnes qui ont obtenu un
diplôme reconnu par le CDIP, délivré par une école supérieure devenue ensuite
haute école spécialisée (HES), peuvent demander que le titre HES
correspondant leur soit décerné s'ils justifient d'une pratique
professionnelle reconnue de cinq ans au minimum ou de l'achèvement avec
succès, dans le domaine spécifique concerné, d'un cours post-grade conforme
aux directives de la commission de reconnaissance et correspondant au moins à
un cours dispensé par une école spécialisée.

Les titulaires des diplômes cantonaux délivrés avant le 1er janvier 1993
sont, pour leur part, astreints cumulativement à l'exigence d'une pratique
professionnelle de cinq ans et à l'accomplissement d'un cours post-grade pour
obtenir la reconnaissance de leur titre en diplôme ESTS par le CDIP.
La recourante est titulaire d'un diplôme cantonal décerné avant le 1er
janvier 1993 par une école, qui à l'époque ne remplissait pas les exigences
minimales de formation fixées au niveau suisse pour les écoles supérieures.
Sa situation n'est donc pas comparable à celle d'un titulaire d'un diplôme
ESTS - délivré par une école supérieure et reconnu par le CDIP -, qui demande
que le titre HES correspondant lui soit décerné. Il se justifie donc de poser
des conditions plus sévères pour la reconnaissance d'un diplôme cantonal
délivré avant le 1er janvier 1993 comme diplôme ESTS que pour la conversion
d'un diplôme ESTS en diplôme HES. D'autant plus que les titulaires d'un
diplôme ESTS peuvent ensuite, à certaines conditions, obtenir un diplôme HES.

2.6 Les directives concernant les cours post-grades des écoles supérieures de
travail social, édictées le 12 avril 2002 par la CDIP, prévoient que ces
cours doivent s'étendre sur cent cinquante heures au moins. Pour tenir compte
des circonstances particulières, la CDIP accepte de prendre en compte
différents types de formations continues qui ne sont pas proposées
explicitement sous la dénomination de "cours post-grades". En outre, les cent
cinquante heures exigées ne doivent pas être effectuées obligatoirement dans
le cadre d'un seul et même cours; elles peuvent l'être sous forme de modules
plus courts, dont les durées sont additionnées. La réglementation en vigueur
est ainsi suffisamment souple pour permettre aux travailleurs occupés à temps
partiel d'accomplir le cours post-grade requis en fonction de leur horaire de
travail. Pour le surplus, le principe de l'égalité ne postule pas que les
travailleurs à temps partiel soient mis sur un strict pied d'égalité avec les
travailleurs à temps complet puisque leur situation respective est
différente. Il ne saurait y avoir inégalité de traitement dans une
réglementation traitant différemment des situations dissemblables.

Le grief tiré de la violation du principe d'égalité et de l'interdiction de
l'arbitraire est en conséquence infondé.

3.
La recourante fait valoir que la décision de la CDIP du 24 février 2003 est
insuffisamment motivée dans la mesure où elle n'explique pas pourquoi sa
formation continue, qui totalise plus de cent cinquante heures, n'est pas
prise en compte comme cours post-grade. Elle soutient en outre que cette
décision viole la disposition de l'art. 16 du Règlement ESTS, selon lequel la
CDIP doit, en cas de refus d'une reconnaissance, préciser les motifs dans la
décision et indiquer les mesures qui doivent être prises pour que le diplôme
puisse être reconnu ultérieurement.

3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.,
implique, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision (ATF 123 I 31
consid. 2c p. 34; 122 IV 8 consid. 2c p. 14/15 et les arrêts cités). Elle
n'est toutefois pas tenue de discuter de manière détaillée tous les arguments
soulevés par les parties et peut se limiter à l'examen des questions
décisives pour l'issue du litige. Il suffit que le justiciable puisse
apprécier correctement la portée de la décision et l'attaquer à bon escient
(ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17; 125 II 369 consid. 2c p. 372).

3.2 La motivation de la décision attaquée est succincte et peu explicite. La
CDIP se borne en effet à rappeler que le cours post-grade doit s'étendre sur
un minimum de cent cinquante heures d'enseignement, que les formations
continues de moins de cent cinquante heures ne peuvent être reconnues que si
elles sont étroitement liées et font partie d'une formation plus vaste ou
d'études post-grades et qu'en l'absence de cours post-grades d'une durée de
cent heures d'enseignement, le diplôme de la recourante ne peut pas être
reconnu. On comprend, à la lecture de cette décision, que la recourante ne
remplit pas la condition liée à la fréquentation d'un cours post-grade de
cent cinquante heures et que les différents cours de formation continue
qu'elle a suivis ne sont pas étroitement liés entre eux pour faire partie
d'une formation plus vaste ou d'études post-grades. Or cette absence de lien
entre les différents cours suivis n'est pas discutée par la CDIP qui
n'explique pas en quoi ces cours sont trop disparates pour pouvoir être pris
en considération.

Il ressort toutefois du dossier que la recourante, à la suite d'une
intervention de son conseil auprès de la CDIP, a été invitée à démontrer que
les différents cours de formation continue qu'elle avait suivis présentaient
une certaine cohérence et qu'il existait un lien thématique entre eux. Elle a
tenté de le faire à l'appui de sa demande de réexamen du 2 janvier 2003 en
soulignant qu'elle avait suivi un ensemble de cours de perfectionnement
reflétant son souci de formation permanente et linéaire en rapport avec la
présentation et l'analyse des situations et en admettant que d'autres cours
relevaient de sa seule volonté de se tenir à jour avec les nouveaux outils de
communication et n'entraient donc pas dans la même démarche. Implicitement,
la recourante a donc admis elle-même l'absence de cohérence et de lien
thématique exigés. Dans ces conditions, on peut comprendre que la CDIP n'ait
pas repris les explications de la recourante à l'appui de son refus du 24
mars 2003 et n'ait pas indiqué les mesures à prendre pour que son diplôme
puisse être reconnu. En outre, la plupart des cours suivis par la recourante
ne répondent pas aux exigences des Directives concernant les cours
post-grades des écoles supérieures de travail social, par exemple sur le plan
du contrôle des prestations, du programme d'enseignement, des modalités
d'évaluation et de l'établissement de certificats. Au demeurant, la
recourante ne soutient pas, dans son recours, que les cours de formation
qu'elle a fréquentés répondraient aux exigences des directives précitées.

Dans la mesure où la décision entreprise contenait en fin de compte les
éléments suffisants pour apprécier sa portée et l'attaquer à bon escient, le
reproche de motivation insuffisante doit être écarté.

4.
Selon la recourante, le fait qu'elle n'ait disposé, à l'encontre de la
décision de la CDIP, que de la possibilité de former un recours de droit
public auprès du Tribunal fédéral violerait son droit à un procès équitable
institué par la Constitution et la Cour européenne des droits de l'homme.

4.1 Le droit à un procès équitable est consacré, en droit interne, par l'art.
30 al. 1 Cst. relatif aux garanties de procédures judiciaires. Selon cette
disposition, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure
judiciaire a droit à ce que sa cause soit jugée devant un tribunal établi par
la loi, compétent, indépendant et impartial. En droit international, l'art. 6
§ 1 CEDH prévoit que toute personne a notamment droit à ce que sa cause soit
entendue par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera en particulier des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil.

Le Tribunal fédéral interprète la notion conventionnelle des "contestations
sur des droits et obligations de caractère civil" aussi largement que le font
les organes institués par la Cour européenne des droits de l'homme. La
contestation, qui doit être réelle et sérieuse, peut porter aussi bien sur
l'existence d'un droit que sur son étendue ou les modalités de son exercice;
l'issue de la procédure doit être directement déterminante pour l'exercice
d'un tel droit. L'art. 6 § 1 CEDH ne vise pas à créer de nouveaux droits
matériels qui n'ont pas de fondement légal dans l'Etat concerné, mais à
accorder une protection procédurale aux droits reconnus en droit interne. II
régit uniquement les contestations relatives à des droits dont on peut dire,
au moins de manière défendable, qu'ils sont reconnus en droit interne; par
lui-même, il n'assure aux droits et obligations visés aucun contenu matériel
déterminé dans l'ordre juridique des Etats contractants (ATF 125 I 209
consid. 7a p. 215 ss et les références citées).

4.2 Dans le cas particulier, la disposition conventionnelle de l'art. 6 § 1
CEDH n'est pas applicable. Selon la jurisprudence, elle ne s'applique pas aux
décisions relatives à l'évaluation des examens scolaires ou universitaires
(ATF 128 I 288, consid. 2.7 p. 294 et les références citées). La Cour
européenne des droits de l'homme a jugé que l'évaluation des connaissances et
de l'expérience professionnelle nécessaires pour l'exercice d'une certaine
profession sous un certain titre s'apparentait à un examen de type scolaire
ou universitaire et s'éloignait tant de la tâche normale du juge que des
garanties de l'art. 6 CEDH ne sauraient viser des différends sur pareille
matière. Sans même s'interroger sur le caractère civil du droit revendiqué,
la Cour a retenu qu'il n'y avait pas "contestation" au sens de l'art. 6 CEDH
(arrêt de la CourEDH dans la cause Van Marle et autres contre Pays-Bas du 26
juin 1986, série A, vol. 101, par. 36 ss. Voir aussi récemment décision sur
la recevabilité de la CourEDH dans la cause San Juan contre France du 28
février 2002). II n'y a pas lieu de réserver un traitement différent à
l'évaluation des connaissances et de l'expérience professionnelle requises
pour la reconnaissance rétroactive d'un diplôme. Par ailleurs, l'art. 30 Cst.
n'offre pas, de manière générale, la garantie d'une procédure judiciaire
déterminée. Il permet de revendiquer l'accès à un tribunal indépendant et
impartial lorsque cela est prévu par le droit international public, notamment
l'art. 6 § 1 CEDH ou que la cause, bien qu'exclue du champ d'application de
cette disposition conventionnelle, est tout de même soumise à un contrôle
judiciaire en vertu du droit interne (fédéral ou cantonal), comme par exemple
le droit fiscal ou le droit des étrangers (ATF 128 I 288 consid. 2.2. p. 290;
126 II 377 consid. 8 a/bb p. 396; voir aussi le Message du Conseil fédéral du
20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1
p. 184/185).

L'art. 6 § 1 CEDH n'étant pas applicable et le droit interne ne prévoyant pas
un contrôle judiciaire en la matière, le grief de violation des garanties
générales de procédure ne peut pas être retenu.

5.
Se prévalant du principe constitutionnel de la liberté économique, la
recourante soutient que la décision de la CDIP du 24 mars 2003 restreint ses
chances d'obtenir à l'avenir un poste à responsabilités dans son domaine
d'activité et d'accéder à des études universitaires. En dépit de sa bonne
formation de base et de sa solide expérience professionnelle, elle
rencontrera des difficultés à trouver un emploi bien rémunéré.

5.1 Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1); elle
comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une
activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette
liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre
professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I
19 consid. 4c/aa p. 29; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996
relatif à une nouvelle Constitution fédérale in: FF 1997 I p. 1 ss, p. 176).
Elle peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les
personnes morales (FF 1997 I 179; Andreas Auer/ Giorgio, Malinverni/Michel
Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2000, n. 605, p. 315).

Aux termes de l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit
être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues
par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés (al.
1). Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un
intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2).
Toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au but visé
(al. 3). L'essence des droits fondamentaux est inviolable (al. 4).

Les restrictions à la liberté économique peuvent prendre la forme de
prescriptions cantonales instaurant des mesures de police proprement dites
mais également d'autres mesures d'intérêt général tendant à procurer du
bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à accroître ce
bien-être, telles que les mesures de politique sociale ou sanitaire. Ces
restrictions cantonales doivent reposer sur une base légale, être justifiées
par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de la
proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation des
buts d'intérêt public poursuivis. Les restrictions cantonales à la liberté
économique ne peuvent toutefois se fonder sur des motifs de politique
économique et intervenir dans la libre concurrence pour favoriser certaines
formes d'exploitation en dirigeant l'économie selon un certain plan, à moins
que cela ne soit prévu par une disposition constitutionnelle spéciale (ATF
128 I 3 consid. 3a et b p. 9/10; 125 I 209 consid. 10a p. 221 et les arrêts
cités).

5.2 La recourante n'établit pas que la décision de la CDIP du 24 mars 2003
constituerait actuellement une entrave à sa liberté économique. Elle exerce
d'ailleurs son métier d'éducatrice spécialisée à titre professionnel et en
retire un revenu. Son affirmation selon laquelle seuls les titulaires d'un
titre ESS (ou ESTS), voire HES, seront à l'avenir en mesure de trouver un
poste à responsabilités dans le domaine de l'éducation spécialisée, est
difficilement vérifiable. La recourante ne démontre en tout cas pas qu'elle
serait concrètement menacée de perdre son emploi en raison de la
non-reconnaissance de son titre de formation comme diplôme ESS. Si l'absence
d'un tel titre devait néanmoins freiner dans le futur la progression de sa
carrière professionnelle, il conviendrait de constater que l'exigence d'un
diplôme ESS ou HES répondrait à un intérêt public. II est en effet légitime
d'attendre du titulaire d'un poste à responsabilités qu'il apporte
concrètement la preuve de son expérience professionnelle et de
l'actualisation de ses connaissances théoriques au travers des exigences
liées à la conversion d'un diplôme ancien en un diplôme plus récent.

En outre, les conditions posées par le Règlement ESTS ne sont pas
disproportionnées. La durée d'une pratique professionnelle reconnue de cinq
ans n'est pas excessive; la recourante remplit d'ailleurs largement cette
condition. L'accomplissement d'un cours post-grade d'une durée de cent
cinquante heures peut en outre être attendu des candidats à la conversion de
leur diplôme. Ce d'autant plus que la CDIP n'exige pas que cette condition
soit satisfaite au travers d'un seul et même cours; elle peut l'être par la
fréquentation de plusieurs formations de plus courte durée. La recourante
conserve d'ailleurs la faculté d'entreprendre en tout temps le cours
post-grade en question; le cas échéant, elle pourra faire valoir certains des
cours de formation continue qu'elle a déjà suivis, soit ceux présentant un
lien thématique avec les cours complémentaires auxquels elle s'inscrirait. La
recourante obtiendra ainsi la reconnaissance rétroactive de son titre
professionnel en diplôme ESS et pourra faire acte de candidature à un poste à
responsabilités, si tant est qu'un tel diplôme soit exigé.

La décision attaquée repose sur une réglementation qui n'est pas dépourvue de
base légale (voir consid. 6 ci-après), qui répond à un intérêt public
suffisant et qui est proportionné au but visé; elle ne saurait donc
constituer une violation de la liberté économique de la recourante.

6.
La recourante se plaint enfin de l'absence de base légale de la
réglementation sur la reconnaissance de son diplôme.

La loi fédérale du 19 juin 1992 sur les aides financières aux écoles
supérieures de travail social (RS 412.31) subordonne l'octroi du soutien
financier de la Confédération aux écoles satisfaisant à certaines exigences
en matière de qualité de l'enseignement. Selon l'art. 14 de l'ordonnance du
18 décembre 1995 relative aux exigences minimales que doivent remplir les
écoles supérieures de travail social (RS 412.314), la question de la
reconnaissance des diplômes est régie par l'Accord intercantonal. A teneur de
l'art. 6 de cet accord, chaque diplôme de fin d'études fait l'objet d'un
règlement de reconnaissance établi par la CDIP. La compétence de la CDIP
repose sur un accord intercantonal expressément prévu par le Conseil fédéral
dans une ordonnance d'exécution d'une loi fédérale. Une telle délégation
législative est admissible dès lors que la réglementation d'une question
aussi technique que la définition de l'équivalence de diplômes ne saurait
être contenue dans une loi formelle et que la CDIP, de par sa composition et
la compétence de ses membres dans le domaine concerné, est plus qualifiée que
le Conseil fédéral pour élaborer les différents règlements nécessaires. En
outre, le Règlement ESTS n'introduit en aucune manière, comme la recourante
le laisse entendre, un numerus clausus nécessitant une base légale formelle.
II faut donc admettre que ce règlement repose sur une base légale suffisante.

7.
Mal fondé, le recours doit être rejeté.

Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.
1, 153 et 153 a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante et à
la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique.

Lausanne, le 15 septembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: