Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen P 5/2002
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P 5/02 Mh

                        IIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer et Frésard.
Greffière : Mme von Zwehl

                  Arrêt du 24 avril 2002

                       dans la cause

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du
Lac 37, 1815 Clarens, recourante,

                          contre

A.________, intimée, représentée par son tuteur,
B.________, lui-même représenté par la Fédération suisse
pour l'intégration des handicapés (FSIH), place Grand-
Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

                            et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

     A.- a) A.________, de nationalité portugaise, est née
en 1978. Gravement handicapée, elle séjourne à la Clinique
X.________ de Zurich depuis 1980. Ses parents ont été
domiciliés dans le canton de Vaud jusqu'en 1997. Cette
année-là, ils ont quitté définitivement la Suisse pour
s'établir au Portugal.

     A.________ a fait l'objet d'une mesure d'interdiction
dès le 20 novembre 1997. B.________, oncle de l'enfant,
domicilié à C.________ (ZH), a été désigné comme tuteur par
la Justice de paix du cercle de D.________ (VD).
     Considérant que A.________ était hospitalisée pour une
durée indéterminée, sans doute à vie, à la Clinique
X.________, la Justice de paix du cercle de D.________ a
rendu une décision, le 17 septembre 1998, par laquelle elle
a invité la Justice de paix de C.________ à accepter en son
for la mesure tutélaire instituée en faveur de A.________.
Dans une lettre du 16 décembre 1999, adressée au tuteur, le
secrétariat de l'autorité tutélaire de C.________ a indiqué
qu'il n'avait reçu aucune demande de transfert et que si
une telle demande devait être présentée, elle serait vrai-
semblablement rejetée. A ce jour la demande de transfert
n'a pas reçu de suite favorable.

     b) Le 30 avril 1999, l'Office de l'assurance-invali-
dité du canton de Vaud a alloué à A.________, avec effet au
1er novembre 1998, une rente extraordinaire d'invalidité
ainsi qu'une allocation pour impotent de degré grave.
     Le 18 janvier 1999, B.________ a présenté au nom de sa
pupille une demande de prestations complémentaires auprès
de la Caisse cantonale vaudoise de compensation (ci-après :
la caisse). Après divers échanges de correspondance entre
cette caisse et l'Office des prestations complémentaires à
l'AVS/AI du canton de Zurich, ce dernier a rendu une
décision, le 14 janvier 2000, par laquelle il s'est déclaré
incompétent pour le versement de prestations complémentai-
res en faveur de l'assurée. Par écriture du 31 janvier
2000, la caisse a recouru contre cette décision devant le
Bezirksrat de Zurich. Il semble que le Bezirksrat n'ait pas
encore statué à ce jour.

     Le 31 janvier 2000 également, la caisse a rendu une
décision par laquelle elle déclinait aussi sa compétence
pour fixer et verser la prestation complémentaire en faveur
de A.________.

     B.- A.________ a recouru contre cette dernière déc-
ision devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud.
     Statuant le 15 septembre 2001, le tribunal des assu-
rances a annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à
la caisse pour qu'elle entre en matière sur la demande de
prestations complémentaires de l'assurée et rende une déci-
sion.

     C.- La caisse interjette un recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en demandant au Tribunal fédéral
des assurances de prononcer qu'elle n'est pas compétente
pour allouer des prestations complémentaires à A.________.
     Cette dernière et l'Office des prestations complémen-
taires à l'AVS/AI de la ville de Zurich concluent tous deux
au rejet du recours. Quant à l'Office fédéral des assuran-
ces sociales, il ne s'est pas déterminé à son sujet.

                  Considérant en droit :

     1.- Selon l'art. 1er al. 3 LPC, le canton de domicile
du bénéficiaire est compétent pour fixer et verser la pres-
tation complémentaire. En cas de contestation au sujet de
cette compétence, il appartient aux autorités cantonales de
recours et, en dernière instance, au Tribunal fédéral des
assurances de statuer sur la question du domicile du
bénéficiaire (ATF 127 V 238 consid. 1 et les références
citées).
     La notion de domicile au sens de l'art. 1er al. 3 LPC
est celle définie aux art. 23 ss CC (ATF 127 V 238 con-

sid. 1). Conformément à l'art. 25 al. 2 CC, le domicile des
personnes sous tutelle est au siège de l'autorité tuté-
laire. Par cette disposition, le législateur a voulu fixer
le domicile du pupille à un endroit qui soit facilement
reconnaissable et qui offre une certaine stabilité. Il
s'est aussi agi d'exclure la possibilité pour des communes
de se décharger d'une tâche ingrate, encombrante ou coû-
teuse, au mépris des intérêts du pupille. Enfin, la fixa-
tion du domicile au siège de l'autorité tutélaire est de
nature à faciliter à l'autorité le pouvoir de s'occuper des
affaires du pupille dans des contestations administratives
ou judiciaires, dans l'intérêt de celui-ci (Eugen Bucher,
Das Personenrecht, Berner Kommentar, 3ème éd., 1976,
note 90 ad art. 25). Il y a domicile légal même si le
pupille est en séjour hors de l'arrondissement de tutelle
(art. 26 CC), et même s'il réside le plus souvent ailleurs
(Deschenaux/Steinauer, Personnes physiques et tutelle,
4ème éd., 2001, no 397).
     La doctrine est divisée sur le point de savoir où se
trouve le domicile des personnes sous tutelle, lorsque
l'arrondissement de tutelle s'étend à plusieurs communes.
Certains auteurs estiment en effet que le domicile du pu-
pille reste au lieu où il avait son domicile au moment de
la mise sous tutelle, sous réserve d'un changement de domi-
cile au sens de l'art. 377 CC (Schnyder/Murer, Berner Kom-
mentar, 1984, note 21 ad art. 376 CC; Hausheer/Reusser/Gei-
ser, Berner Kommentar, 1999, note 34/23a ad art. 162 CC;
C. Hegnauer, RDT 1981, p. 67 ss). D'autres considèrent en
revanche que, s'agissant du domicile civil, cette con-
ception n'est pas conciliable avec le texte de l'art. 25 CC
(Deschenaux/Steinauer, op. cit., no 398a; dans le même
sens, Daniel Staehelin, in : Honsell/Vogt/Geiser, Kommentar
zum Schweizerischen Privatrecht, ZGB I, note 11 ad art. 25
CC; Riemer, Personenrecht des ZGB, 1995, no 199; Jacques-
Michel Grossen, Les personnes physiques, in : Traité de
droit privé suisse, tome II, 2, p. 68).

     Dans le cas particulier, il n'y a pas lieu de trancher
la controverse, dans la mesure où il ne s'agit pas de dé-
terminer le domicile de l'assurée en fonction de plusieurs
communes du même arrondissement tutélaire.

     2.- En l'occurrence, l'assurée a son domicile civil au
siège de l'autorité tutélaire qui a prononcé l'interdic-
tion, c'est-à-dire dans le canton de Vaud. C'est donc à bon
droit que les premiers juges ont considéré que la Caisse
cantonale vaudoise de compensation était compétente pour
fixer et allouer la prestation complémentaire.
     Le parallélisme que la recourante tente d'établir avec
l'arrêt ATF 127 V 237 n'est pas pertinent en l'occurrence.
Dans cette affaire, la personne concernée, qui vivait dans
un home pour personnes âgées, n'avait pas - contrairement à
la situation qui prévaut en l'espèce - un domicile légal
dépendant (ou dérivé); il s'agissait de déterminer son
domicile au regard des critères de l'art. 23 CC.
     Quant au fait, invoqué par la recourante, que le tu-
teur est lui-même domicilié à Zurich, il n'est pas décisif,
le législateur suisse - à la différence de certains légis-
lateurs étrangers (cf. Grossen, op. cit., p. 68) - ayant
précisément opté, pour les raisons évoquées plus haut (con-
sid. 1), pour le domicile légal au siège de l'autorité tu-
télaire en ce qui concerne le mineur et l'interdit placé
sous tutelle.
     Enfin, c'est en vain que la recourante conteste le re-
fus - non motivé et par une simple prise de position admi-
nistrative - des autorités de C.________ d'accepter le
transfert de la tutelle de l'intéressée. Le Tribunal fédé-
ral des assurances n'a pas à se prononcer à titre préjudi-
ciel sur cette question. Le pupille possède et garde son
domicile légal (quel que soit le lieu où il habite en fait)
au siège de l'autorité tutélaire qui exerce la tutelle, les
conditions d'un transfert dussent-elles être remplies et la
demande de changement dût-elle déjà avoir été adressée à
l'autorité du nouveau lieu de résidence (ATF 86 II 289). On

se contentera de rappeler ici que le refus, dans les rela-
tions intercantonales, d'accepter le transfert d'une
tutelle peut faire l'objet d'une réclamation de droit
public (art. 83 let. e OJ) au Tribunal fédéral (cf.
Schnyder/Murer, op. cit., note 134 ad art. 378 CC).

     3.- Dans l'arrêt ATF 127 V 237, le TFA a certes relevé
(p. 242 consid. 2d) que la réglementation actuelle, qui dé-
termine la compétence pour la fixation et le versement des
prestations complémentaires en fonction du lieu du domicile
du requérant n'était guère satisfaisante au regard de la
mobilité croissante de la population et des nouvelles
formes d'hébergement, dans des homes ou des établissements
de soins. Cette situation peut conduire à des conflits
négatifs de compétence entre les cantons et retarder le
versement de la prestation complémentaire. Il appartient
cependant au législateur - et non au juge - de mieux régler
les choses en ce domaine, en s'écartant éventuellement de
la notion de domicile au sens du droit civil.
     Il s'ensuit que le recours est mal fondé.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est rejeté.

 II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. La caisse cantonale vaudoise de compensation AVS
     versera à l'intimée une somme de 2000 fr. à titre de
     dépens (y compris la taxe à la valeur ajoutée) pour
     l'instance fédérale.

 IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
     Tribunal des assurances du canton de Vaud, à l'Office
     des prestations complémentaires à l'AVS/AI de la Ville
     de Zurich, ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances
     sociales.

Lucerne, le 24 avril 2002

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIe Chambre :

                                   La Greffière :