Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 69/2002
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K 69/02

Arrêt du 21 juillet 2004
Ire Chambre

MM. et Mmes les Juges Borella, Président, Leuzinger, Widmer, Ursprung et
Frésard. Greffier : M. Beauverd

CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents, Bundesplatz 15, 6003
Lucerne, recourante,

contre

A.________, intimée,
agissant par son mari C.________,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 7 mai 2002)

Faits:

A.
A.  ________, née en 1958, est affiliée depuis 1996 à Concordia, Assurance
suisse de maladie et accidents (ci-après: La Concordia) pour l'assurance
obligatoire des soins en cas de maladie et diverses assurances
complémentaires.

Le 8 juillet 1972, elle a été victime d'un accident de la circulation,
ensuite duquel elle a notamment subi des fractures des incisives et d'une
canine supérieures. Ces lésions ont nécessité d'importants soins dentaires
conservateurs et prothétiques.

Dans le courant de l'automne 2000, C.________, époux de l'assurée, s'est
adressé à la Concordia, afin de savoir si celle-ci prendrait en charge les
frais d'une nouvelle prothèse destinée à remplacer celle qui avait été posée
à l'origine. La Concordia lui a alors fait parvenir un « bulletin d'accident
» en le priant de le remplir. Le 1er novembre 2000, le mari de l'assurée a
renvoyé ce document dûment rempli accompagné d'un certificat (du 9 octobre
2000) et d'une estimation d'honoraires du docteur G.________,
médecin-dentiste. Ce praticien indiquait que la prothèse mise en place en
1972 devait être remplacée par une nouvelle réalisation prothétique, la
présence de caries radiculaires, de problèmes endodontiques et parodontaux
nécessitant l'extraction de quatre dents-piliers. Les frais de ce traitement
étaient estimés à 25'580 fr., y compris 9'547 fr. de frais de laboratoire.
Dans un rapport complémentaire du 20 novembre 2000, le docteur G.________ a
indiqué que le traitement envisagé était destiné à pallier aux conséquences à
très long terme de l'accident du 8 juillet 1972, du moment qu'une réfection
prothétique devait être remplacée après 15 ans « toutes considérations
confondues (fonctionnelle, esthétique, infectieuse, traumatique) ».

La Concordia a requis l'avis de son médecin-dentiste conseil, le docteur
N.________, lequel était d'avis qu'en raison des affections indiquées par le
docteur G.________ (caries radiculaires, problèmes endodontiques et
parodontaux) le cas ne relevait ni de l'assurance-maladie obligatoire ni de
l'assurance-accidents (rapport du 28 mai 2001). Aussi, par lettre du 29 juin
2001, la Concordia a-t-elle informé le mari de l'assurée qu'elle ne prendrait
pas en charge le traitement dentaire envisagé, motif pris que celui-ci
n'était pas rendu nécessaire par l'accident du 8 juillet 1972 ni par des
séquelles tardives de cet événement.
Le mari de l'intéressée a alors demandé à la Concordia de rendre une décision
formelle sur le cas, en indiquant être disposé à assumer le coût
spécifiquement lié aux quatre dents défectueuses qui n'avaient pas été
atteintes lors de l'accident.

Par décision du 11 septembre 2001, la Concordia a confirmé sa position.
Saisie d'une opposition, elle l'a rejetée par décision du 16 octobre 2001.

B.
A. ________ a recouru contre cette dernière décision devant le Tribunal
administratif du canton de Genève (aujourd'hui, en matière d'assurances
sociales : Tribunal cantonal des assurances sociales), en concluant à la
prise en charge par la Concordia de l'intégralité des frais nécessaires à la
réalisation de la nouvelle prothèse dentaire à l'exception du coût lié aux
quatre dents qui n'avaient pas été atteintes lors de l'accident mais qu'il
était indispensable d'intégrer à ladite prothèse.

A la requête du juge délégué, l'assurée a indiqué qu'au moment de l'accident,
elle était assurée auprès de l'assurance scolaire, à Genève; quant au
conducteur responsable, il était assuré en responsabilité civile auprès de la
Winterthur Assurance (lettre du 8 mars 2002).

En réponse à une demande du juge délégué, le Service des assurances de l'Etat
de Genève a indiqué que l'assurance scolaire n'était pas un assureur social
au sens strict du terme et qu'avant l'entrée en vigueur de la LAMal, les
frais dentaires résultant d'un accident étaient couverts, jusqu'à concurrence
de 20'000 fr., pendant une durée de 3 ans. Après cette période, les parents
devaient faire une demande pour obtenir un complément de 1'000 fr. pour des
traitements futurs, par dent endommagée (lettre du 15 avril 2002).

Par jugement du 7 mai 2002, la juridiction cantonale a admis le recours et
condamné la Concordia à rembourser à l'assurée les frais relatifs au
remplacement de sa prothèse dentaire.

C.
La Concordia interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation, en concluant au rétablissement de sa décision
sur opposition du 16 octobre 2001, subsidiairement au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale, « afin d'examiner l'économicité du traitement », le
tout sous suite de dépens.

L'intimée conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales, Domaine Maladie et accident (intégré, depuis le 1er
janvier 2004, à l'Office fédéral de la santé publique) a renoncé à se
déterminer sur celui-ci.

Par écriture du 20 août 2002, la recourante s'est exprimée sur la réponse de
l'intimée. Cette écriture a été communiquée à l'intimée pour information.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-maladie. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAMal en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
Aux termes de l'art. 31 al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend
en charge les coûts des soins dentaires :
a)s'ils sont occasionnés par une maladie grave et non évitable du système de
la mastication, ou
b)s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave ou ses séquelles, ou
c)s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou ses séquelles.
Selon l'art. 33 al. 2 LAMal, il appartient au Conseil fédéral de désigner en
détail les prestations prévues à l'art. 31 al. 1 LAMal. A l'art. 33 let. d
OAMal, le Conseil fédéral a délégué cette compétence au Département fédéral
de l'intérieur (DFI). Le DFI a fait usage de cette délégation aux art. 17 à
19a de l'ordonnance sur les prestations dans l'assurance obligatoire des
soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS; RS 832.112.31).

Sur le vu des renseignements médicaux figurant au dossier, la nature des
affections dont souffre l'intimée ne relève manifestement pas de l'un des
états de fait médicaux mentionnés aux art. 17 à 19a OPAS. A juste titre, ce
point ne fait pas l'objet de controverse entre les parties. Il s'ensuit que
l'assurée ne peut prétendre des prestations à la charge de
l'assurance-maladie fondées sur l'art. 31 al. 1 LAMal.

3.
3.1 Selon l'art. 1er al. 2 aLAMal, l'assurance-maladie sociale couvre non
seulement la maladie (let. a), mais aussi l'accident (let. b) et la maternité
(let. c). En particulier, l'assurance obligatoire des soins prend en charge
les coûts du traitement de lésions du système de la mastication causées par
un accident selon l'art. 1er al. 2 let. b aLAMal (art. 31 al. 2 LAMal). Les
accidents ne sont toutefois couverts que dans la mesure où ils ne sont pas
pris en charge par une assurance-accidents, qu'elle soit obligatoire ou
privée. Dans ce domaine, l'assurance-maladie sociale remplit ainsi à la fois
un rôle subsidiaire et complémentaire : subsidiaire quand elle a pour tâche
de combler dans ce domaine des lacunes d'assurances en raison de sa fonction
supplétive; complémentaire lorsqu'elle peut être amenée à prendre en charge
des frais non couverts ou couverts partiellement par une assurance-accidents
(cf. message du Conseil fédéral concernant la révision de l'assurance-maladie
du 6 novembre 1991, in : FF 1992 I 123; Gebhard Eugster, Krankenversicherung,
in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch.
162 sv.).
3.2  En matière d'application du droit dans le temps se pose la question des
frais de traitement pour les séquelles tardives ou les rechutes d'accidents
qui se sont produits avant l'entrée en vigueur de la LAMal le 1er janvier
1996, lorsque ni un assureur social tenu prioritairement selon l'art. 110
OAMal, ni un autre assureur tenu en vertu de l'art. 102 al. 4, dernière
phrase, LAMal n'ont à en répondre. Selon le système de la loi et les buts
fixés par le législateur, c'est normalement à l'assurance-maladie qui couvre
l'assuré au moment du traitement qu'il incombe d'allouer ses prestations.
Cette règle découle au demeurant de la disposition de l'art. 103 al. 1 LAMal
qui se réfère à la date du traitement et non pas, par exemple, à celle de
l'événement assuré ou de l'envoi de la facture. En matière
d'assurance-maladie, en effet, la date de la survenance de la maladie ou de
sa première apparition n'est pas décisive pour déterminer l'obligation
d'allouer des prestations. Etant donné l'art. 28 LAMal qui met sur un pied
d'égalité les prestations en cas de maladie et d'accidents, on doit en
déduire que lorsque les conditions de l'art. 1er al. 2 let. b aLAMal sont
données, il en va de même de la prise en charge par l'assureur-maladie, tenu
au moment du traitement, des soins pour les suites tardives ou la rechute
d'un accident.

Comme l'art. 31 al. 2 LAMal met à la charge de l'assurance obligatoire des
soins les coûts des lésions du système de la mastication causées par un
accident selon l'art. 1er al. 2 let. b aLAMal, il s'ensuit que, comme pour
d'autres séquelles d'accident, c'est la date du traitement qui est
déterminante pour fixer l'obligation éventuelle de l'assureur-maladie
d'allouer des prestations (ATF 126 V 321 consid. 4a; RAMA 1998 no KV 33 p.
284 consid. 2).

4.
4.1 En l'espèce, ni un assureur social tenu prioritairement selon l'art. 110
OAMal ni un autre assureur tenu en vertu de l'art. 102 al. 4, dernière
phrase, LAMal n'ont à allouer des prestations pour le traitement dentaire
envisagé. Aussi est-ce à la recourante, en sa qualité d'assureur-maladie de
l'intimée au moment dudit traitement, qu'il incombe de rembourser les frais
de celui-ci, pour autant que les lésions dentaires nécessitant le traitement
constituent des séquelles tardives de l'accident du 8 juillet 1972 (cf. ATF
126 V 322 consid. 4b).

4.2  Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose
d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte
à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie
lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage
ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même
manière. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par
un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que
l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant
essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être
tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante,
appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale.
Il ne suffit pas que l'existence d'un rapport de cause à effet soit
simplement possible ou probable. En droit des assurances sociales, il
n'existe pas un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait
statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré. Le défaut de preuve va au
détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF
126 V 322 consid. 5a et la référence).

Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de
causalité adéquate.
La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et
l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet
du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant
de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 461 consid.
5a et les références).

4.3  En l'occurrence, le traitement dont l'intimée demande la prise en charge
par la recourante consiste dans le remplacement de la prothèse dentaire posée
en 1972 et son extension à quatre dents-piliers dont l'extraction est rendue
nécessaire par la présence de caries radiculaires, de problèmes endodontiques
et parodontaux.

Dans un premier temps, le docteur G.________ a indiqué que le remplacement de
la prothèse était motivé par l'extraction de quatre dents-piliers rendue
nécessaire par la présence des affections susmentionnées (rapport du 9
octobre 2000). C'est seulement ultérieurement que ce médecin a indiqué que le
traitement était destiné à pallier aux conséquences à très long terme de
l'accident du 8 juillet 1972, du moment qu'une réfection prothétique devait
être remplacée après 15 ans « toutes considérations confondues
(fonctionnelle, esthétique, infectieuse, traumatique) » (rapport du 20
novembre 2000).

De son côté, le docteur N.________, médecin-dentiste conseil de la
recourante, est d'avis que le traitement est nécessité essentiellement par le
mauvais état des quatre dents-piliers dont l'extraction est indispensable
(rapport du 28 mai 2001).

4.4  Sur le vu de ces avis médicaux contradictoires, il n'est pas possible de
savoir si le traitement prothétique aurait dû quand même être entrepris si le
mauvais état des quatre dents-piliers n'avait pas nécessité leur extraction.

C'est pourquoi il convient de renvoyer la cause à la juridiction cantonale
pour qu'elle effectue une instruction complémentaire sur ce point et statue à
nouveau. Si le traitement en cause devait être effectué indépendamment du
mauvais état des dents-piliers - en raison par exemple de l'usure de
l'appareillage prothétique -, il existe un lien de causalité naturelle et
adéquate entre l'accident et le remplacement de la prothèse, mais pas son
extension aux dents susmentionnées dont le mauvais état est imputable à des
facteurs étrangers audit accident, qui ne relèvent pas, par ailleurs, de l'un
des états de fait médicaux mentionnés aux art. 17 à 19a OPAS.

Si, en revanche, le remplacement de la prothèse est rendu nécessaire
uniquement en raison du mauvais état des dents-piliers, la recourante n'aura
pas à en assumer les frais.

5.
La recourante a conclu à l'octroi de dépens. Bien qu'elle obtienne
partiellement gain de cause, elle ne saurait en prétendre, aucune indemnité
pour les frais de procès n'étant allouée, en règle générale, aux organismes
chargés de tâches de droit public (art. 159 al. 2 in fine OJ; ATF 118 V 169
s. consid. 7 et les références). En l'occurrence, il n'y a pas de motif de
s'écarter de cette règle.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal administratif
du canton de Genève du 7 mai 2002 est annulé, la cause étant renvoyée au
Tribunal des assurances sociales du canton de Genève pour complément
d'instruction au sens des considérants et nouveau jugement.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 21 juillet 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: