Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 20/2002
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K 20/02 Bh

                        IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Vallat

                   Arrêt du 27 août 2002

                       dans la cause

S.________, 1966, recourant, représenté par Me Maurizio
Locciola, avocat, Boulevard Helvétique 27, 1207 Genève,

                          contre

Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du
bâtiment et branches annexes, Rue Argand 3, 1211 Genève,
intimée,

                            et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

     A.- a) S.________, né en 1966, a travaillé en Suisse
comme manoeuvre dans la bâtiment depuis 1989. Le 18 mai
1994, il est tombé sur le dos après une glissade alors
qu'il portait une charge, ce qui lui a occasionné de fortes
douleurs dans la colonne cervicale et le dos. Par la suite,
les médecins ont diagnostiqué une hernie discale C6-C7 avec
canal cervical étroit, ainsi qu'une dégénérescence discale
C5-C6 et C6-C7.

     Le cas a été pris en charge par la Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA).
Celle-ci a mis fin à ses prestations par décision du 8 fé-
vrier 1995 avec effet au 28 février 1995. A la suite du
rejet de l'opposition de l'assuré, cette décision est
entrée en force (décision sur opposition du 2 août 1995).
     Par décision du 12 février 1997, la CNA a refusé
d'intervenir à la suite de la rechute qui serait survenue
le 30 août 1996, date à laquelle l'assuré a cessé de tra-
vailler.

     b) Le 30 janvier 1996, le cas avait été annoncé à la
Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du
bâtiment et branches annexes (CMBB), auprès de laquelle
S.________ est assuré. Par décision du 6 février 1996, la
CMBB a refusé d'intervenir pour la période comprise entre
le 1er mars et le 12 décembre 1995 au motif que ni la CNA
ni la Dresse Z.________, médecin traitant, n'avaient
annoncé de maladie en temps utile pour cette période.
L'assuré s'est opposé à cette décision.
     La CMBB a mis en oeuvre plusieurs expertises. Selon
les conclusions du docteur Y.________, spécialiste en
médecine interne et médecin-conseil de la caisse, l'assuré
est pleinement capable de travailler (rapport du 30 avril
1997). Pour le docteur X.________, spécialiste en neuro-
logie, une intervention neurochirurgicale - dont l'idée a
été ultérieurement abandonnée - aurait pu se justifier
(rapport du 25 mars 1997). Quant au docteur W.________,
spécialiste en neurologie, il considère que l'assuré est
parfaitement apte à travailler à 100 % dans un travail un
peu plus léger que le sien précédemment (rapport du
18 avril 1997).
     Sur la base de ces avis médicaux, la CMBB a, par déci-
sion du 30 avril 1997, admis la "prise en charge de la
compensation de la perte de salaire avec effet au 30 août
1996, dans la mesure où une intervention est faite immédia-
temment auprès de l'assurance-invalidité fédérale, avec à

l'appui une demande insistante de formation ou de reclasse-
ment professionnel". L'assuré a fait opposition à cette
décision.
     La CMBB a rejeté l'opposition par décision du 17 juil-
let 1997.

     c) Par ailleurs, S.________ a déposé une demande de
prestations AI le 6 février 1997. A la suite de l'opposi-
tion de l'assuré au projet de décision négative de l'OCAI,
une expertise médicale pluridisciplinaire a été effectuée
par le MEDAS. Du rapport de ces médecins rendu le 22 no-
vembre 2000, ressortent les diagnostics de cervico-
brachialgies à gauche avec protrusion discale C5-C6 et
hernie discale C6-C7 sans déficit radiculaire; syndrome
lombalgique avec hernie discale L5-S1 à gauche sans déficit
radiculaire; troubles somatoformes douloureux persistants;
légers épisodes dépressifs avec suspicion d'une structure
personnelle histrionique. En raison de ces affections, la
capacité de travail comme manoeuvre était inférieure à un
tiers. Dans une activité adaptée, elle est de 100 %, une
diminution de 20 % étant cependant justifiée par les pro-
blèmes psychiques.
     Par décision du 18 juin 2001, l'OCAI a rejeté la
demande de prestations, estimant à 32,1 % le degré d'inva-
lidité de l'assuré. Celui-ci a recouru contre cette déci-
sion.

     B.- S.________ a recouru auprès du Tribunal adminis-
tratif du canton de Genève contre la décision sur opposi-
tion de la CMBB du 17 juillet 1997.
     Par jugement du 15 janvier 2002, son recours a été
partiellement admis dans la mesure où la CMBB a été as-
treinte à verser ses prestations pour la période du 28 fé-
vrier au 12 décembre 1995.

     C.- L'intéressé interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il demande l'annulation,

sous suite de dépens, dans la mesure où la juridiction
cantonale n'a pas admis le droit aux prestations de l'assu-
rance-maladie au-delà du 30 août 1996.
     Par écriture séparée, il a sollicité l'assistance
judiciaire.
     La CMBB a conclu au rejet du recours alors que l'Of-
fice fédéral des assurances sociales n'a pas déposé de
déterminations.

                  Considérant en droit :

     1.- Le litige porte sur le droit de l'assuré aux in-
demnités journalières de la CMBB au-delà du 30 août 1996,
jusqu'à extinction du droit.
     Le recourant soutient que l'intimée avait admis le
principe de la prise en charge de la perte de gain au-delà
du 30 août 1996 et que c'est à tort que les juges cantonaux
auraient nié son droit à des prestations au-delà de cette
date. Il se plaint ensuite d'une mauvaise application des
règles de droit dans la mesure où l'octroi d'indemnités
journalières dès le 30 août 1996 a été refusé sans qu'un
délai lui ait été imparti pour trouver un emploi adapté.
Enfin il invoque également la constatation inexacte des
faits pertinents, reprochant aux premiers juges d'avoir
fondé leur appréciation de son état de santé sur l'exper-
tise du MEDAS.

     2.- a) Selon l'art. 72 al. 2 LAMal, le droit à l'in-
demnité journalière prend naissance lorsque l'assuré a une
capacité de travail réduite au moins de moitié. Le verse-
ment d'une indemnité journalière d'assurance-maladie
suppose une incapacité de travail. Est considéré comme
incapable de travailler l'assuré qui, à la suite d'une
atteinte à la santé, ne peut plus exercer son activité
habituelle ou ne peut l'exercer que d'une manière limitée
ou encore avec le risque d'aggraver son état. Pour déter-

miner le taux de l'incapacité de travail, il faut, selon la
jurisprudence, établir dans quelle mesure l'assuré ne peut
plus, en raison de l'atteinte à la santé, exercer son
activité antérieure, compte tenu de sa productivité effec-
tive et de l'effort que l'on peut raisonnablement exiger de
lui. En revanche, l'estimation médico-théorique de l'inca-
pacité de travail n'est pas déterminante. Ces principes,
développés sous l'empire de la LAMA, sont également appli-
cables sous le nouveau régime de la LAMal (VSI 2000 156
consid. 3; consid. 2 non publié de l'ATF 127 V 154 et les
références).

     b) L'obligation pour l'assuré de diminuer le dommage
est un principe général du droit des assurances sociales
(ATF 123 V 96 consid. 4c, 117 V 400 consid. 4b; cf. Meyer-
Blaser, Zum Verhältnismässigkeitsgrundsatz im staatlichen
Leistungsrecht, th. Berne 1985, p. 131; Eugster, Zum Leis-
tungsrecht der Taggeldversicherung nach KVG, recueil de
travaux de la SSDA, IRAL, Lausanne 1997 p. 518). Ainsi
lorsque l'assuré est empêché par la maladie de continuer la
profession qu'il exerçait précédemment et que l'on peut
exiger de lui qu'il emploie dans une autre branche profes-
sionnelle sa capacité de travail, un laps de temps suffi-
sant - en général de trois à cinq mois - doit lui être
accordé avant que l'indemnité journalière ne soit suspen-
due, pour lui permettre de trouver un travail adapté à son
état de santé (ATF 114 V 289 consid. 5b, 111 V 239 con-
sid. 2a et les références; RAMA 1989 no K 812 p. 256 con-
sid. 2b, 1987 no K 720 p. 108 consid. 3).

     c) Selon la jurisprudence, le droit à un reclassement
aux frais de l'assurance-invalidité n'exclut pas la possi-
bilité de bénéficier simultanément de l'indemnité journa-
lière d'une caisse-maladie. Sous réserve de l'interdiction
de la surassurance (art. 26 al. 1 LAMA, actuellement
art. 78 al. 2 LAMal), l'octroi d'une indemnité journalière
de l'assurance-invalidité durant la mise en oeuvre d'une

mesure de réadaptation ne supprime en effet pas le droit à
une indemnité journalière de l'assurance-maladie si
l'atteinte à la santé entraîne une incapacité de travail et
l'assuré est au bénéfice d'une assurance couvrant la perte
de gain qui en découle. Lorsque le droit de l'assuré à un
reclassement de l'assurance-invalidité est en concurrence
avec son obligation de diminuer le dommage à l'égard de
l'assurance-maladie, le droit au reclassement l'emporte, en
ce sens que le droit à l'indemnité journalière allouée par
la caisse-maladie ne doit, en principe, pas être soumis à
réduction (ATF 111 V 241 consid. 2c).

     d) Pour le surplus, les juges cantonaux ont rappelé
les règles applicables en matière d'appréciation des
preuves. On peut sur ce point renvoyer à leur jugement.

     3.- a) Selon l'expertise réalisée par le MEDAS (rap-
port du 22 novembre 2000), le recourant n'est pas à même,
en raison de ses atteintes à la santé, d'exercer comme
antérieurement, son activité de manoeuvre dans le bâtiment.
Sa capacité de travail dans cette profession est inférieure
à un tiers. Comme l'ont retenu à juste titre les premiers
juges, les conclusions de ces médecins, données aux termes
d'examens complets, sont pleinement convaincantes. Contrai-
rement à ce que soutient le recourant, le fait que l'exper-
tise a été réalisée en 2000 ne joue pas de rôle pour appré-
cier son état de santé en août 1996. En effet, aucune amé-
lioration, ni d'ailleurs aucune détérioration de celle-ci,
n'a jamais été constatée depuis cette date; la situation
est restée totalement stable notamment en raison de l'échec
de toutes les tentatives thérapeutiques. Au demeurant, les
médecins du MEDAS, qui ont pris en compte l'ensemble des
documents médicaux au dossier de cet assuré, ont posé leur
diagnostic et apprécié les conséquences sur la capacité de
travail, en réalité, à partir de l'arrêt de travail du
30 août 1996. Tout au plus pourrait-on envisager que le
diagnostic du médecin psychiatre n'eût pu être pris en ces

termes quatre ans plus tôt. Cette question peut cependant
demeurer ouverte car qu'elle est sans influence sur l'issue
du présent litige.
     Par ailleurs, les constatations des médecins du MEDAS
rejoignent celles du docteur W.________ ainsi que, dans une
certaine mesure et avec les réserves mentionnées par la
juridiction cantonale, celles de la Dresse Z.________. Dans
ces conditions, le fait d'écarter l'opinion isolée du doc-
teur Y.________, médecin-conseil de la caisse, qui estimait
entière la capacité de travail de l'assuré dans sa profes-
sion, n'est pas critiquable, d'autant moins que l'assu-
rance-maladie en avait déjà fait de même dans sa décision
du 30 avril 1997.
     La capacité de travail dans l'activité antérieure
étant inférieure à 50 % depuis l'interruption du travail le
30 août 1996, le recourant peut, en conséquence, prétendre
des indemnités journalières à partir de cette date, soit le
troisième jour qui suit le début de la maladie à défaut
d'accord contraire (art. 72 al. 2, 2e phrase LAMal).
     Le jugement cantonal qui lui en dénie le droit doit
ainsi être annulé sur ce point.

     b) Alors que la CMBB avait fait dépendre son interven-
tion à partir du 30 août 1996 des mesures ordonnées par
l'AI, la juridiction cantonale n'a pas tenu compte du fait
qu'une demande de prestations avait été déposée et que la
décision négative de l'OCAI faisait l'objet d'un recours.
Or, une telle procédure n'est pas manifestement dépourvue
de chance de succès puisque, à la différence du droit à une
rente AI, le droit à des mesures de réadaptation n'est pas
subordonné par la loi à l'existence d'un degré d'invalidité
minimal (VSI 2000 p. 72 consid. 1a); l'importance de l'in-
validité qui ouvre un tel droit dépend, en effet, du genre
de mesures de réadaptation professionnelle en cause parmi
celles que prévoient les art. 15 à 18 LAI. Plus les mesures
envisagées sont simples et moins les exigences quant à
l'importance de l'invalidité sont élevées.

     En l'espèce, le recourant qui est dans l'incapacité de
travailler dans sa profession antérieure de manoeuvre dans
le bâtiment, est en mesure d'exercer, au moins à 80 %, une
activité adaptée à son handicap. Sans qualification profes-
sionnelle particulière, il accomplissait, au service de son
employeur, des travaux de manoeuvre qui n'exigent pas de
connaissances spécifiques. Il n'est donc pas d'emblée
certain qu'il serait à même, sans un reclassement approprié
de l'assurance-invalidité et pour autant que les conditions
d'octroi d'une telle mesure soient données, de trouver un
emploi adapté à son état de santé ni, en cas de succès,
qu'il ne subisse pas une perte de gain d'une certaine
importance dans cette nouvelle activité.
     Dans ces circonstances et en attendant l'issue de la
procédure en matière d'assurance-invalidité, il y a lieu de
renvoyer la cause à l'intimée pour nouvelle décision. En
cas d'octroi d'une mesure de reclassement, la caisse sera
tenue d'allouer l'indemnité journalière jusqu'à épuisement
du droit, tandis qu'en cas de confirmation du refus de
l'OCAI, elle pourra limiter à trois mois le droit à l'in-
demnité journalière, conformément aux règles rappelées
ci-dessus.

     4.- Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à
une indemnité de dépens à charge de la caisse intimée
(art. 159 al. 1 OJ). Dans cette mesure, sa requête d'assis-
tance judiciaire est sans objet.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Le recours est admis et le jugement du 15 janvier 2002
     du Tribunal administratif du canton de Genève, ainsi
     que la décision sur opposition de la CMBB du 17 juil-
     let 1997, sont annulés dans le mesure où tout droit à

     des indemnités journalières à partir du 30 août 1996 y
     est refusé.

 II. Le dossier est renvoyé à l'intimée pour nouvelle déci-
     sion dans le sens des considérants.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

 IV. La CMBB versera au recourant une indemnité de 2500 fr.
     (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de
     dépens pour la procédure fédérale.

  V. Le Tribunal administratif du canton de Genève statuera
     sur les dépens de la procédure cantonale au regard de
     l'issue du procès en dernière instance.

 VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
     Tribunal administratif de la République et du canton
     de Genève et à l'Office fédéral des assurances
     sociales.

Lucerne, le 27 août 2002

                Au nom du
         Tribunal fédéral des assurances
                     La Présidente de la IVe Chambre :

                   Le Greffier :