Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 132/2002
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K 132/02

Arrêt du 17 février 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme Moser-Szeless

D.________, recourante, représentée par Me Yves Hofstetter, avocat,
Petit-Chêne 18 (Richemont), 1003 Lausanne,

contre

SUPRA, Caisse-maladie et accidents pour la Suisse, chemin de Primerose 35,
1007 Lausanne, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 9 octobre 2002)

Faits :

A.
D. ________, née en 1945, est affiliée à la Caisse-maladie SUPRA (la caisse),
notamment pour l'assurance-obligatoire des soins. Par lettre du 6 octobre
2000, le docteur A.________, spécialiste en chirurgie plastique,
reconstructive et esthétique, a adressé à la caisse une demande de prise en
charge d'une correction d'un défect QSE (quadrant supéro-externe) du sein
gauche présenté par l'assurée.

Par décision du 22 janvier 2001, confirmée sur opposition le 2 mars suivant,
la caisse a refusé la prise en charge sollicitée. Entre-temps, l'opération a
été pratiquée le 7 février 2001 à la clinique X.________ par le docteur
A.________.

B.
Saisi d'un recours formé par D.________ contre la décision sur opposition de
la caisse, le Tribunal des assurances du canton de Vaud l'a rejeté par
jugement du 9 octobre 2002.

C.
L'intéressée interjette recours de droit administratif contre ce jugement
dont elle demande la réforme. Sous suite de dépens, elle conclut en substance
à l'annulation de la décision litigieuse, obligation étant faite à la caisse
intimée de prendre en charge les coûts du traitement médical d'un montant de
16'379 fr. 30, sous déduction de la franchise contractuelle.

La caisse conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales n'a pas déposé d'observations.

Considérant en droit :

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a
entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-maladie. La législation en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002
demeure cependant déterminante en l'espèce. En effet, d'après la
jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de
droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de
fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
2.1 Aux termes de l'art. 33 al. 1 LAMal, le Conseil fédéral peut désigner les
prestations fournies par un médecin ou un chiropraticien dont les coûts ne
sont pas pris en charge par l'assurance obligatoire des soins ou le sont à
certaines conditions. Cette disposition se fonde sur la présomption que
médecins et chiropraticiens appliquent des traitements et mesures qui
répondent aux conditions posées par l'art. 32 al. 1 LAMal (ATF 125 V 28
consid. 5b). Il incombe ainsi au Conseil fédéral de dresser une liste
«négative» des prestations qui ne répondraient pas à ces critères ou qui n'y
répondraient que partiellement ou sous condition.

A l'art. 33 OAMal et comme l'y autorise l'art. 33 al. 5 LAMal, le Conseil
fédéral a délégué à son tour cette compétence au Département fédéral de
l'intérieur (DFI) qui en a fait usage en promulguant, le 29 septembre 1995,
l'ordonnance sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en
cas de maladie (OPAS; RS 832.112.31). Cette ordonnance détermine notamment
les prestations visées par l'art. 33 let. a et c OAMal - disposition qui
reprend textuellement les règles posées aux al. 1 et 3 de l'art. 33 LAMal -
dont l'assurance-maladie obligatoire des soins prend en charge les coûts,
avec ou sans condition, ou ne les prend pas en charge. La liste «négative»
des prestations, soit de celles qui ne sont pas prises en charge par
l'assurance-maladie ou ne le sont que sous condition, figure ainsi à l'annexe
1 OPAS (art. 1er OPAS) (ATF 125 V 29 consid. 5b).

Comme l'a jugé le Tribunal fédéral des assurances, la réglementation nouvelle
de la LAMal repose donc sur le principe de la liste. Ayant pour but de fixer
précisément le catalogue légal des prestations, ce principe de la liste
découle d'un système voulu par le législateur, selon l'art. 34 LAMal, comme
complet et contraignant dès lors qu'il s'est agi d'une assurance obligatoire
financée en principe par des primes égales (art. 76 LAMal). En dehors de ces
listes, il n'y a pas d'obligation de prise en charge par la caisse-maladie, à
tout le moins en ce qui concerne les prestations énumérées conformément à
l'art. 33 al. 1 LAMal (ATF 125 V 29 consid. 5b; arrêt B. du 10 janvier 2003,
K 98/01, prévu pour la publication dans le Recueil officiel).

2.2 Aux termes du ch. 1.1 «Chirurgie générale» de l'annexe 1 à l'OPAS, la
reconstruction mammaire opératoire est prise en charge sous condition, soit
pour rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente après une
amputation médicalement indiquée. Ces conditions ont été fixées dans une
décision de la Commission fédérale des prestations générales (cf. les art.
37a let. b et 37d OAMal en liaison avec l'art. 1er OPAS) en août 1984 (RAMA
1984 p. 212 ch. 3), puis reprises dans l'ancienne Ordonnance 9 du DFI
concernant certaines mesures diagnostiques ou thérapeutiques à la charge des
caisses-maladie, dans sa version modifiée du 31 janvier 1995 (RO 1995 891)
(RAMA 2000 n° KV 113 p. 130 consid. 4b).

2.3 Après avoir correctement rappelé les règles de droit applicables, la
juridiction cantonale a considéré que l'asymétrie mammaire que présentait
encore la recourante n'était pas assimilable à une amputation si bien que le
remodelage subséquent n'était pas à la charge de l'assurance obligatoire des
soins.

Pour sa part, la recourante rappelle qu'elle a fait l'objet d'une amputation
au sein gauche en 1992. A son avis, dès lors que la reconstruction opérée par
le docteur A.________ avait pour but de rétablir son intégrité physique, les
conditions de prise en charge posées par l'OPAS sont réunies.

3.
En fait, D.________ a subi une quadrantectomie du sein gauche pour carcinome
en 1992. Les suites ont été simples, sans traitement de chimio- ou de
radiothérapie et, selon son médecin, le docteur A.________, elle est
aujourd'hui en parfaite santé.

Dans la demande de prise en charge adressée au médecin-conseil de la
caisse-maladie, ce praticien a exposé que la patiente présentait cliniquement
un défect au niveau du QSE du sein gauche à la suite de l'excision intervenue
en 1992. Afin de corriger ce défaut, une plastie bilatérale était indiquée
avec réduction complémentaire du sein droit pour symétrisation. En cours
d'instruction, le docteur A.________ a précisé qu'au niveau du sein gauche,
la quadrantectomie avait laissé une dépression avec adhérences au niveau du
quadrant supéro-externe, ce qui entraînait une déformation bien visible. Ce
sein étant devenu plus petit que le droit, il y avait asymétrie nécessitant
une réduction du côté opposé pour symétrisation. Même si sur les clichés
photographiques de face, le creux n'était pas très visible en raison de
l'exposition, le défect au niveau du sein gauche se voyait, en raison de sa
localisation, dès le moment où la patiente portait une robe décolletée.
L'intervention du côté gauche a consisté en un très léger redrapage, en une
mobilisation des tissus et en une réinjection de graisse au niveau du creux
afin de combler le défect; à droite il y a eu résection du tissu glanduleux
(courrier du docteur A.________ au Tribunal des assurances vaudois du 6
février 2002).

Sur la base des renseignements du docteur A.________ et du dossier
photographique, le docteur B.________, médecin-conseil de la caisse intimée,
a donné un préavis négatif. Il considérait que l'intervention envisagée était
de nature purement esthétique, le dossier photographique ne permettant même
pas de localiser ce défect. A la demande de l'assurée, ce médecin a procédé
personnellement à un examen d'où il ressort que le status est, selon lui,
conforme à celui observable sur le document photographique: il n'y a pas
d'asymétrie mammaire, une légère dépression du QSE (½ cm de décollement de la
bretelle du soutien-gorge), une cicatrice calme et souple, pas de nodule et
pas d'induration. Pour le médecin-conseil, il s'agit d'une simple correction
d'asymétrie à visée esthétique (note du docteur B.________ du 16 janvier
2001).

4.
4.1 Les principes applicables en matière de reconstruction mammaire ont été
exposés à l'ATF 111 V 229 portant sur le cas d'une assurée qui avait subi une
mastectomie (ablation de la glande mammaire) radicale du côté gauche et
sollicitait la prise en charge de l'implantation d'une prothèse mammaire. Au
sujet des traitements chirurgicaux, le Tribunal fédéral des assurances a
rappelé qu'une opération servait non seulement à la guérison proprement dite
de la maladie ou des suites immédiates d'un accident, mais aussi à
l'élimination d'autres atteintes, secondaires, dues à la maladie ou à un
accident, notamment en permettant de corriger les altérations externes de
certaines parties du corps - en particulier le visage - visibles et
spécialement sensibles sur le plan esthétique; et qu'aussi longtemps que
subsistait une imperfection de ce genre, due à la maladie ou à un accident,
ayant une certaine ampleur et à laquelle une opération de chirurgie
esthétique pouvait remédier, l'assurance devait prendre en charge cette
intervention, à condition qu'elle eût à répondre également des suites
immédiates de l'accident ou de la maladie et pour autant que fussent
respectés les limites usuelles, ainsi que le caractère économique du
traitement. En revanche, un défaut uniquement esthétique, sans rapport avec
un processus morbide, n'était pas un risque assuré (ATF 111 V 232 consid. 1c
et la référence).
Dans les limites de l'assurance-maladie, le but du traitement médical est
d'éliminer de la manière la plus complète possible les atteintes physiques ou
psychiques à la santé. A cet égard, l'amputation d'un sein médicalement
indiquée est une atteinte, secondaire, due à la maladie ou à un accident,
dont l'élimination relève du traitement chirurgical. Or les opérations ayant
pour objet de corriger des altérations - d'une certaine ampleur - de parties
du corps visibles et spécialement sensibles sur le plan esthétique doivent,
si certaines conditions sont remplies, être prises en charge par les
caisses-maladie comme prestations légales obligatoires. En ce qui concerne
une mastectomie, n'entrent en considération que des mesures servant en
premier lieu à supprimer ce préjudice corporel. Certes, celles-ci
rétablissent en même temps une apparence extérieure et jouent, par
conséquent, un rôle essentiel sur le plan esthétique. Mais elles sont
thérapeutiques, du moins si l'assurée est atteinte dans son intégrité (cf. à
ce sujet la prise de position de la Commission fédérale des prestations
générales de l'assurance-maladie in RAMA 1984 p. 212). Ceci dépend toutefois
des particularités du cas concret, notamment du point de savoir si
l'amputation a eu des conséquences significatives sur l'état physique de
l'assurée. Aussi, selon la ratio legis, l'assurée a-t-elle droit en principe,
à la suite d'une amputation mammaire prise en charge par une caisse-maladie
au titre des prestations légales obligatoires, aux mesures nécessaires au
rétablissement de son état physique (ATF 111 V 234 consid. 3b).

4.2 Rendue sous l'empire de la LAMA, cette jurisprudence, du moins les
principes qui en découlent, peut être reprise dans les cas soumis à la LAMal
(RAMA 2000 n° KV 138 p. 360 consid. 3b; voir également Eugster,
Krankenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale
Sicherheit [SBVR], n° 87, notamment les exemples à la note 182).

A cet égard, il convient encore d'ajouter que, selon la jurisprudence récente
(arrêt U. du 28 décembre 2001, K 80/00), les coûts de reconstruction d'un
sein demeuré sain et devenu asymétrique à la suite d'une amputation et de la
reconstruction de l'autre sein, atteint d'une tumeur, ne sont pas à la charge
de l'assurance obligatoire des soins au regard du chiffre 1.1 de l'annexe 1 à
l'OPAS. Le fait de mettre éventuellement ces coûts à la charge de
l'assurance-maladie ne pourrait se justifier que dans l'hypothèse où le
défaut cause des troubles physiques ou psychiques ayant valeur de maladie, ce
critère étant également applicable dans les cas de correction d'un sein
asymétrique congénital ou d'une hypertrophie mammaire (cf. à ce sujet RAMA
2000 n° KV 138 p. 359 consid. 3a).

5.
Appliquées au cas d'espèce, ces règles ont pour conséquence qu'il n'incombe
pas à la caisse-maladie intimée de prendre en charge les frais de chirurgie
plastique et reconstructive pratiquée sur le sein droit de la recourante, en
l'absence de troubles physiques ou psychiques consécutifs ayant valeur de
maladie (cf. à cet égard, Eugster, op. cit. n° 87). Il n'est ainsi pas
nécessaire de se prononcer sur la question, examinée par les juges cantonaux,
de savoir si une asymétrie de volume des seins provoquée par une opération
chirurgicale a valeur de maladie.

Reste à déterminer si l'intervention pratiquée sur le sein gauche relève de
l'assurance obligatoire des soins au titre de rétablissement de l'intégrité
physique. Sur ce point, il convient tout d'abord de rappeler que,
contrairement à la situation découlant d'une mastectomie, soit d'une
amputation totale, la recourante a fait l'objet d'une quadrantectomie
(qualifiée d'excision par le docteur A.________) laquelle a laissé subsister
le sein gauche. Sous cet angle, la  question de la prise en charge des suites
d'une quadrantectomie en tant que telle peut toutefois rester ouverte, dès
lors que les conditions légales, exposées ci-dessus, n'en sont de toute façon
pas remplies. En effet, les avis des médecins qui ont examiné la recourante
divergent quant aux conséquences de l'intervention pratiquée en 1992. Alors
que le chirurgien évoque une déformation bien visible, le médecin-conseil n'a
constaté qu'une légère dépression du quadrant supéro-externe (supra consid.
3). Au vu de l'une et l'autre appréciation cependant, il y a lieu de
constater qu'il n'est pas établi que l'altération ait présenté une certaine
ampleur, condition nécessaire pour justifier la prise en charge comme
prestation légale obligatoire. En outre, et dès lors que le recours à un
médecin expert n'est pas envisageable en l'absence de photographies de
qualité suffisante (cf. courrier du docteur A.________ au Tribunal des
assurances vaudois du 6 février 2002 et note du docteur B.________ du 16
janvier 2001), il n'apparaît pas critiquable de suivre, à l'instar des
premiers juges, l'appréciation donnée, à la suite d'un examen personnel de
l'assurée, par le médecin-conseil de la caisse dont il y a lieu de rappeler
le rôle déterminant dans l'appréciation du caractère économique d'un
traitement (ATF 127 V 47 consid. 2d).

Au vu de ce qui précède, le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 février 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   La Greffière: