Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 87/2002
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H 87/02 Kt

                        IIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer et Frésard.
Greffier : M. Vallat

                   Arrêt du 5 juin 2002

                       dans la cause

T.________ SA, recourante, représentée par Me Jean-Franklin
Woodtli, avocat, rue Prévost-Martin 5, 1205 Genève,

                          contre

Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande
des syndicats patronaux (CIAM-AVS), rue de St-Jean 98,
1201 Genève, intimée,

                            et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

     A.- Par jugement du 20 août 1999, la Commission canto-
nale genevoise de recours AVS-AI a rejeté le recours formé
par T.________ SA contre une décision datée du 28 octobre
1996, émanant de la Caisse interprofessionnelle d'AVS de la
Fédération romande des syndicats patronaux (ci-après : la
caisse). Dite décision portait condamnation de la société

anonyme au paiement de cotisations paritaires arriérées
(12 710 fr. 55, intérêts compris), afférentes aux rémunéra-
tions versées au dénommé B.________ pour la période du
1er janvier 1991 au 31 décembre 1995.
     Ce jugement est entré en force faute de recours.
     Saisi par la société d'une demande tendant au rembour-
sement par B.________ des montants correspondant aux coti-
sations qui n'avaient pas été déduites des rémunérations
versées à l'intéressé, le Tribunal des Prud'hommes de la
République et canton de Genève a décliné sa compétence, par
jugement du 21 février 2000, au motif que les parties
n'étaient pas liées par un contrat de travail.

     B.- Invoquant ce jugement, T.________ SA a alors formé
une demande de révision du jugement du 20 août 1999. Par
jugement du 11 janvier 2002 la commission l'a déclarée
irrecevable. Elle a considéré, en substance, que la sen-
tence prud'hommale ne constituait pas un fait nouveau ou
une preuve nouvelle ouvrant la voie de la révision.

     C.- T.________ SA interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement. Elle conclut, avec suite de
dépens, à son annulation, à ce que sa demande de révision
soit déclarée recevable, à libération de l'obligation de
s'acquitter des cotisations en cause, ainsi qu'à la
condamnation de la caisse à lui restituer la somme de
14 139 fr. 85, soit le montant de 12 710 fr. 55, plus
1429 fr. 30 au titre de cotisations qu'elle a versées à la
caisse d'allocations familiales.
     La caisse et l'Office fédéral des assurances sociales
ont conclu au rejet du recours.

                  Considérant en droit :

     1.- a) La Cour de céans ne peut entrer en matière sur
le recours que dans la mesure où la décision des premiers
juges porte sur des cotisations de droit fédéral, à l'ex-
clusion des cotisations dues ressortissant au régime des
allocations familiales de droit cantonal (ATF 124 V 146
consid. 1).
     Dans ces limites, il s'agit d'examiner si la commis-
sion cantonale était fondée à déclarer irrecevable la de-
mande de révision dirigée contre son jugement du 20 août
1999.
     Il s'ensuit, d'une part, que les conclusions de la
recourante relatives au fond du litige, soit, singulière-
ment l'obligation de s'acquitter de cotisations d'assuran-
ces sociales sur les rémunérations versées à Roland Bernard
et la répétition de ces dernières, sont irrecevables. D'au-
tre part, la procédure n'ayant pas pour objet l'octroi ou
le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral
des assurances doit se borner à examiner si les premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou
par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement
inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris
de règles essentielles de procédure (art. 132 en corréla-
tion avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

      b) Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié
par les motifs que les parties invoquent (art. 114 al. 1 en
corrélation avec l'art. 132 OJ), il examine d'office si le
jugement attaqué viole des normes de droit public fédéral
ou si la juridiction de première instance a commis un excès
ou un abus de son pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a
OJ). Il peut ainsi admettre ou rejeter un recours sans
égard aux griefs soulevés par le recourant ou aux raisons

retenues par le premier juge (ATF 125 V 500 consid. 1,
124 V 340 consid. 1b et les références).

     2.- L'art. 85 al. 2 LAVS contient des prescriptions
minimales de procédure. Il impose aux cantons, en ce qui
concerne spécifiquement la révision (let. h), d'en prévoir
la possibilité en présence de deux motifs classiques, en
leur laissant pour le surplus la possibilité d'organiser
leur procédure et de prévoir d'autres motifs de révision
(ATF 111 V 53 consid. 4b).
     La recourante n'alléguant pas, dans le cas particu-
lier, que le droit de procédure cantonal ouvrirait plus
largement la voie de la révision que la garantie minimale
instituée par le droit fédéral et aurait, par ailleurs, été
arbitrairement appliqué, seule doit être examinée l'appli-
cation de la norme de droit fédéral.

     3.- a) Selon l'art. 85 al. 2 let. h LAVS, la révision
des jugements doit être garantie si des faits ou moyens de
preuve nouveaux sont découverts après coup. La notion de
faits ou moyens de preuve nouveaux s'apprécie de la même
manière en cas de révision (procédurale) d'une décision
administrative, de révision d'un jugement cantonal dans le
cadre de l'art. 85 al. 2 let. h LAVS ou d'une révision
fondée sur l'art. 137 let. b OJ (à propos de la révision
procédurale de décisions administratives: ATF 108 V 168; à
propos de l'art. 137 let. b OJ : ATF 108 V 170 et 110 V 141
consid. 2; à propos de l'art. 85 al. 2 let. h LAVS : ATF
111 V 53 consid. 4b).

     b) Sont «nouveaux» au sens de ces dispositions, les
faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la
procédure principale, des allégations de faits étaient
encore recevables, mais qui n'étaient pas connus du requé-
rant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nou-
veaux doivent être importants, c'est-à-dire qu'ils doivent

être de nature à modifier l'état de fait qui est à la base
de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent
en fonction d'une appréciation juridique correcte. Les
preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les
faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit
des faits qui étaient certes connus lors de la procédure
précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au
détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont desti-
nés à prouver des faits allégués antérieurement, le requé-
rant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer
dans la précédente procédure. Une preuve est considérée
comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait
conduit le juge à statuer autrement s'il en avait eu con-
naissance dans la procédure principale. Ce qui est décisif,
c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation
des faits seulement, mais à l'établissement de ces der-
niers. Ainsi, il ne suffit pas qu'une nouvelle expertise
donne une appréciation différente des faits; il faut bien
plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que
les bases de la décision entreprise comportaient des dé-
fauts objectifs. Pour justifier la révision d'une décision,
il ne suffit pas que l'expert tire ultérieurement, des
faits connus au moment du jugement principal, d'autres
conclusions que le tribunal. Il n'y a pas non plus motif à
révision du seul fait que le tribunal paraît avoir mal
interprété des faits connus déjà lors de la procédure prin-
cipale. L'appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la
conséquence de l'ignorance ou de l'absence de preuve de
faits essentiels pour le jugement (ATF 127 V 358 con-
sid. 5b, 110 V 141 consid. 2, 293 consid. 2a, 108 V 171
consid. 1; cf. aussi ATF 118 II 205 consid. 5).

     4.- a) En l'espèce, il convient tout d'abord de rele-
ver que, comme tel, postérieur au jugement de la commission
objet de la demande de révision, le jugement du Tribunal
des Prud'hommes ne constitue ni un fait «nouveau» ni un

nouveau moyen de preuve  au sens de la jurisprudence rappe-
lée ci-dessus (consid. 3b).

     b) Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour de
céans, le point de savoir si l'on a affaire, dans un cas
donné, à une activité indépendante ou salariée au sens des
art. 5 et 9 LAVS) ne doit pas être tranché d'après la natu-
re juridique du rapport contractuel entre les partenaires.
Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circons-
tances économiques. Les rapports de droit civil peuvent
certes fournir éventuellement des indices pour la qualifi-
cation en matière d'AVS, mais ne sont pas déterminants. Est
réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend
d'un employeur quant à l'organisation du travail et du
point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte
pas le risque économique couru par l'entrepreneur. Ces
principes ne conduisent cependant pas à eux seuls à des
solutions uniformes, applicables schématiquement. Les mani-
festations de la vie économique revêtent en effet des for-
mes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas particu-
lier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou
d'une activité indépendante en considérant toutes les cir-
constances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéris-
tiques appartenant aux deux genres d'activités; pour tran-
cher la question, on se demandera quels éléments sont pré-
dominants dans le cas considéré (ATF 123 V 162 consid. 1,
122 V 171 consid. 3a, 283 consid. 2a, 119 V 161 consid. 2
et les arrêts cités).
     Sous cet angle, la qualification juridique des rap-
ports entre la société et Roland Bernard par le juge civil
ne saurait lier l'autorité administrative ou le juge chargé
d'appliquer la LAVS, comme l'ont retenu à juste titre les
premiers juges. Au demeurant, dans la mesure où les criti-
ques de la recourante portent sur l'apparente contradiction
entre les qualifications de ses rapports juridiques avec
Roland Bernard retenues respectivement par la commission et

par le Tribunal des Prud'hommes, elle se borne tout au plus
à opposer deux appréciations juridiques différentes des
mêmes faits ce qui ne constitue pas, non plus, un motif de
révision.
     La recourante allègue certes que durant la procédure
prud'hommale, B.________ a produit, pour la première fois,
des décomptes de TVA relatifs à l'année 1995. Toutefois, le
fait que ce dernier majorait ses notes d'honoraires
adressées à la recourante du montant de la TVA - ce qui
sous-entend qu'il s'en acquittait - avait déjà été retenu
par la commission dans son jugement du 20 août 1999. On ne
perçoit dès lors pas quel élément de fait pertinent et
ignoré de la commission lesdits décomptes seraient suscep-
tibles de prouver.

     c) Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas matiè-
re à révision du jugement de la commission, du 20 août
1999.
     On peut certes se demander si la demande, déclarée
irrecevable par les premiers juges, n'aurait pas, plutôt,
dû être rejetée (cf., en relation avec les art. 136 ss OJ :
ATF 121 IV 321 consid. 1b; arrêt F. du 31 mai 2001
[U 216/00] consid. 1 non publié dans RAMA 2001 n° U 434
p. 329; arrêt non publié du Tribunal fédéral 1P.320/1996,
du 24 janvier 1997, consid. 1b et c). Toutefois, cette
question demeurant sans incidence sur l'issue du litige, on
peut se dispenser de procéder à son examen.

     5.- La présente procédure, qui n'a pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurances (cf. con-
sid. 1, supra), n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contra-
rio). La recourante, qui succombe, en supportera les frais.

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

                     p r o n o n c e :

  I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
     rejeté.

 II. Les frais de justice, d'un montant de 1300 fr., sont
     mis à la charge de la recourante et sont compensés
     avec l'avance de frais d'un même montant qu'elle a
     versée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
     Commission cantonale genevoise de recours en matière
     d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité,
     ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 5 juin 2002

                                     Au nom du
                           Tribunal fédéral des assurances
                          Le Président de la IIe Chambre :

                                    Le Greffier :