Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 41/2002
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H 41/02 /Sf

Arrêt du 19 août 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari. Greffier : M.
Métral

S.________, recourante, représentée par Me Jean-François Portier, avocat,
route de Florissant 1, 1206 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève,
intimée

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 11 décembre 2001)

Faits :

A.
Atteinte dans sa santé, S.________ a cessé de travailler dans le courant de
l'année 1994. Depuis lors, elle a été mise au bénéfice d'indemnités
journalières pour perte de gain, en vertu d'un contrat d'assurance collective
contre la maladie conclu par son ancien employeur. Par décision du 17
septembre 1996, l'assurance-invalidité lui a alloué une rente entière à
compter du 1er avril 1995. Un décompte de prestations a été effectué et
l'assurance-maladie partiellement remboursée de ses versements en septembre
1996.

La Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) a fixé,
par décision du 18 juillet 1997, les cotisations personnelles dues par
l'assurée, en qualité de personne sans activité lucrative, à 2076 fr. 40 pour
l'année 1995, à 415 fr. 35 pour la période de janvier à mars 1996 et à 267
fr. 20 pour la période d'avril à novembre 1996. L'assurée a recouru contre
cette décision.

En cours de procédure, la caisse a rendu une nouvelle décision, le 23
décembre 1997, par laquelle elle fixait les cotisations dues pour les mois
d'avril à novembre 1996 à 484 fr. 40. Ce décompte prenait en considération
une rente annuelle d'invalidité versée par l'institution de prévoyance de
l'assurée dès le 1er avril 1996, dont la caisse n'avait pas eu connaissance
antérieurement.

B.
Par jugement du 11 décembre 2001, la Commission cantonale de recours AVS-AI
du canton de Genève a rejeté le recours de l'assurée.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle demande l'annulation. En substance, elle conclut, sous suite de frais et
dépens, à ce que la cause soit retournée à la caisse pour qu'elle fixe une
nouvelle fois le montant des cotisations à l'assurance-vieillesse, survivants
et invalidité, en prenant dûment en considération le remboursement, en
septembre 1996, d'une partie des indemnités journalières versées par
l'assurance-maladie. La caisse s'en remet à justice alors que l'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à des observations.

Considérant en droit :

1.
Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié par les motifs que les
parties invoquent (art. 114 al. 1 en corrélation avec l'art. 132 OJ), il
examine d'office si le jugement attaqué viole des normes de droit public
fédéral ou si la juridiction de première instance a commis un excès ou un
abus de son pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Il peut ainsi
admettre ou rejeter un recours sans égard aux griefs soulevés par le
recourant ou aux raisons retenues par le premier juge (ATF 125 V 500 consid.
1, 124 V 340 consid. 1b et les références).

2.
2.1 Selon l'art. 85 al. 1 let. d LAVS, le juge n'est pas lié par les
conclusions des parties. Il peut réformer au détriment du recourant la
décision attaquée ou accorder plus que le recourant n'avait demandé; il doit
cependant donner aux parties l'occasion de se prononcer. Selon la
jurisprudence constante, lorsqu'une autorité envisage de procéder sur recours
à une reformatio in peius de la décision attaquée, elle est tenue d'avertir
le recourant de son intention et doit lui donner l'occasion de s'exprimer
(ATF 122 V 167 consid. 2a et les arrêts cités). Peu importe que cette
obligation soit ou non expressément prévue par la loi; elle résulte de toute
manière de la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu (ATF 122 V
167 consid. 2a, 120 V 94 consid. 5a et les références). Par ailleurs, dans
une telle situation, la partie invitée à s'exprimer sur l'éventualité d'une
réforme à son détriment de la décision entreprise doit être expressément
rendue attentive à la possibilité de retirer son recours (ATF 122 V 167
consid. 2b).

2.2  En cours de procédure cantonale, la caisse intimée a rendu une décision
portant sur les cotisations dues pour la période d'avril à novembre 1996.
Dans la mesure où cette décision, rendue pendente lite, porte sur les mêmes
points que ceux qui font l'objet de la procédure de recours, elle ne saurait
revêtir la force matérielle d'une décision administrative, mais doit tout au
plus être considérée comme une simple proposition au juge, faite par l'une
des parties au procès (voir ATF 109 V 236 consid. 2, 103 V 109 consid. 2, VSI
1994 p. 281 consid. 4a).

2.3  Dans son jugement du 11 décembre 2001, la Commission cantonale de
recours a considéré comme bien-fondée la décision de la Caisse du 23 décembre
1997. Or, même si, à tort, le dispositif de l'arrêt ne constate pas
l'obligation de payer les cotisations (la décision pendente lite étant en
réalité nulle), il y a lieu de comprendre le jugement cantonal comme imposant
à l'assurée le paiement de 484 fr. 40 au lieu de 267 fr. 20 à titre de
cotisations pour la période d'avril à novembre 1996. L'instance de recours
cantonale a ainsi réformé au détriment de la recourante la décision
litigieuse du 18 juillet 1997 portant sur les cotisations sociales dues pour
la période d'avril à novembre 1996.

Or, avant de rendre le jugement entrepris, la juridiction cantonale n'a pas
averti la recourante de son intention de modifier la décision administrative
litigieuse à son détriment, serait-ce au cours de l'échange d'écritures. Elle
ne lui a pas davantage donné la possibilité de retirer son recours. Ce
faisant, elle a violé aussi bien l'art. 85 al. 1 let. d LAVS que les
exigences découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. au sujet du droit d'être entendu
de la recourante. Par conséquent, dès lors que la violation de ce droit
constitutionnel entraîne l'annulation de la décision attaquée, le jugement
entrepris doit être annulé.
Il n'est toutefois pas nécessaire, par économie de procédure, de renvoyer la
cause à la juridiction cantonale pour lui permettre de respecter le droit
d'être entendu dès lors que, comme on le verra, les décisions litigieuses
doivent également être annulées.

3.
Le litige porte quant au fond sur le point de savoir si les indemnités
journalières de l'assurance-maladie, dans la mesure où elles ont été
compensées avec les arriérés de rente de l'assurance-invalidité, représentent
un revenu acquis sous forme de rente, soumis à cotisations.

3.1  La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

3.2  Selon la jurisprudence, la notion de revenu acquis sous forme de rente
doit être comprise dans un sens très large, faute de quoi des prestations
importantes échapperaient souvent à l'obligation de cotiser, motif pris qu'il
ne s'agit ni d'une rente à proprement parler, ni d'un salaire déterminant au
sens de l'art. 5 al. 2 LAVS. Aussi, le critère décisif n'est-il pas celui de
savoir si les prestations perçues présentent plus ou moins les
caractéristiques d'une rente, mais bien plutôt celui de savoir si elles
contribuent à l'entretien de l'assuré, c'est-à-dire s'il s'agit d'éléments de
revenu qui ont une influence sur les conditions de vie de la personne sans
activité lucrative. Si tel est le cas, ces prestations doivent être prises en
compte dans le calcul des cotisations conformément à l'art. 10 LAVS (ATF 120
V 167 consid. 4a; RCC 1991 p. 434 consid. 3a, et les références). Toutefois,
les rentes de l'assurance-vieillesse et survivants et de
l'assurance-invalidité, ainsi que les indemnités journalières de
l'assurance-invalidité ne sont pas prises en compte dans le calcul des
cotisations (ATF 107 V 70; RCC 1991 p. 434 consid. 3a). En revanche, sont
notamment considérées comme des revenus acquis sous forme de rente, soumis à
cotisations, les rentes d'invalidité de l'assurance militaire (ATFA 1949 p.
177), les indemnités journalières de l'assurance-maladie (RCC 1980 p. 211
consid. 2), les rentes d'invalidité et les indemnités journalières de
l'assurance-accidents obligatoire (ATF 107 V 71), les rentes pour perte de
gain versées par des assurances-vie privées et les rentes que versent des
institutions étrangères d'assurance à des victimes de guerre (RCC 1985 p.
158). Le Tribunal fédéral des assurances a également jugé qu'une "avance AVS"
allouée à un assuré par une institution de prévoyance avant l'âge ouvrant
droit à une rente de l'AVS est soumise à cotisations (RCC 1988 p. 185 consid.
3c).

3.3  Il n'est pas contestable que, conformément à la jurisprudence exposée
ci-dessus, les indemnités journalières allouées par l'assurance-maladie
doivent en principe être prises en compte dans le calcul de la cotisation.

Dans le cas particulier, c'est toutefois à tort que les premiers juges,
suivant en cela les décisions de la caisse, ont pris en compte la totalité de
ces indemnités journalières au titre de revenu acquis sous forme de rente. Au
moment déterminant où les décisions de cotisations ont été rendues (ATF 121 V
366 consid. 1b et les arrêts cités), l'assurée s'était vu accorder -
rétroactivement - une rente de l'assurance-invalidité depuis le 1er avril
1995 et celle-ci avait été invitée par l'assurance-maladie à verser la part
des rentes arriérées correspondant aux indemnités journalières allouées
durant la période du 1er avril 1995 au 3 avril 1996 (32 801 fr. 30).

Dans ces conditions, à la date des décisions litigieuses, les indemnités
journalières ayant fait l'objet d'un remboursement n'avaient plus le
caractère d'un revenu à concurrence d'un montant de 32 801 fr. 30
correspondant aux rentes d'invalidité pour cette période. La caisse n'était
ainsi pas en droit de les prendre en compte dans le calcul des cotisations
dues pour les années 1995 et 1996, réserve étant faite du solde des
indemnités journalières n'ayant pas fait l'objet de la compensation.

4.  Vu ce qui précède, le recours est bien-fondé. La procédure n'est pas
gratuite (art. 134 OJ a contrario) et la caisse intimée, qui succombe,
supportera les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ). Par ailleurs, la
recourante, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale de recours
AVS-AI du canton de Genève du 11 décembre 2001, ainsi que les décisions des
18 juillet 1997 et 23 décembre 1997 de la Caisse cantonale genevoise de
compensation, sont annulés.

2.
La cause est renvoyée à la Caisse de compensation pour nouvelle décision.

3.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'intimée.

4.
L'avance de frais versée par la recourante, d'un montant de 500 fr., lui est
restituée.

5.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale de
recours en matière d'AVS/AI et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 août 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   Le Greffier: