Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 333/2002
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H 333/02

Arrêt du 5 janvier 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Kernen. Greffier : M.
Wagner

W.________, recourant,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève,
intimée

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 19 septembre 2002)

Faits:

A.
Par décision du 6 août 1997, la Caisse cantonale genevoise de compensation a
fixé à 2'128 fr. 80 les cotisations AVS/AI/APG (y compris les frais
d'administration) dues par W.________ pour les mois de janvier à mars 1996.
Par une autre décision rendue le même jour, elle a fixé à 4'257 fr. 60 les
cotisations AVS/AI/APG (y compris les frais d'administration) dues par
celui-ci pour les mois de juillet à décembre 1996.

B.
Dans la cause X.________ opposant W.________ à la Caisse cantonale genevoise
de compensation, la Commission cantonale de recours en matière d'AVS-AI de la
République et canton de Genève (aujourd'hui : Tribunal cantonal des
assurances sociales), par jugement du 19 septembre 2002, a rejeté le recours
formé par celui-ci contre les décisions du 6 août 1997. Le rubrum de ce
jugement indique que la commission a statué dans la composition suivante :
« Pour la Commission :   A.________, Président
B.________, C.________, D.________ (excusé),
E.________, F.________, Membres
G.________, Greffière-juriste ».

C.
W.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en
concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de celui-ci, les
cotisations AVS/AI/APG pour l'année 1996 devant être fixées au montant
minimal. La Caisse cantonale genevoise de compensation n'a pas de remarques à
formuler. L'Office fédéral des assurances sociales renonce à se prononcer.

D.
Interpellée par le juge délégué sur la composition dans laquelle elle a
statué, la commission a déposé ses observations le 25 mars 2003. La caisse a
informé le Tribunal fédéral des assurances que celles-ci n'appelaient aucune
remarque de sa part. De son côté, W.________, dans une lettre du 12 avril
2003, a déclaré qu'il s'en remettait au tribunal pour apprécier la validité
de la procédure.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

1.2 De jurisprudence constante, cet examen porte d'office, en particulier,
sur les conditions formelles de validité et de régularité de la procédure
précédente (ATF 129 V 337 consid. 1.2), parmi lesquelles l'exigence d'un
tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial.

1.3 Conformément à l'art. 30 al. 1 Cst. - qui, de ce point de vue, a la même
portée que l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 127 I 198 consid. 2b, 125 V 501 consid.
2b) -, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure
judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la
loi, compétent, indépendant et impartial. Le droit des parties à une
composition régulière du tribunal impose des exigences minimales en procédure
cantonale (ATF 128 V 84 consid. 2a, 123 I 51 consid. 2b). Il interdit les
tribunaux d'exception et la mise en oeuvre de juges ad hoc ou ad personam et
exige dès lors, en vue d'empêcher toute manipulation et afin de garantir
l'indépendance nécessaire, une organisation judiciaire et une procédure
déterminées par un texte légal (ATF 123 I 51 consid. 2b; 114 Ia 53 consid.
3b).
C'est en premier lieu à la lumière des règles cantonales topiques
d'organisation et de procédure qu'il convient d'examiner si une autorité
judiciaire ou administrative a statué dans une composition conforme à la loi.
Sur ce point, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances est
limité à l'arbitraire (ATF 127 I 130 consid. 3c, 108 Ia 50 consid. 2 et les
références). Indépendamment de cela, il examine librement - et sans être lié
par les griefs soulevés (consid. 2b non publié de l'ATF 117 V 50; SVR 2001 IV
no 17 p. 49 consid. 1b) - si l'interprétation et l'application du droit
cantonal, reconnues non arbitraires, sont compatibles avec la garantie d'un
tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial (ATF 126 I 73
consid. 3b, 123 I 51 consid. 2b, 112 Ia 292 consid. 2a, 105 Ia 174 consid.
2b). En revanche, lorsque cette garantie constitutionnelle est invoquée
uniquement pour contester l'interprétation ou l'application de prescriptions
cantonales sur l'organisation et la composition des tribunaux, sans que
soient invoquées les exigences minimales de procédure instituées par cette
disposition, ce grief se confond avec celui déduit de l'interdiction de
l'arbitraire (ATF 110 Ia 107 consid. 1; 105 Ia 174 consid. 3a; 98 Ia 359
consid. 2; 91 I 400 consid. b; SJ 1981 574 consid. 2a).
Ces principes développés en application de l'art. 58 aCst. demeurent valables
en application de l'art. 30 Cst. (ATF 129 V 338 consid. 1.3.2).

2.
Il convient d'examiner si l'autorité cantonale a statué dans une composition
conforme à la loi.

2.1 Conformément à l'art. 17 de la loi genevoise d'application de la loi
fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (loi genevoise du 13
décembre 1947; RS GE J 7 05), il est institué, en application de l'art. 85
al. 1 LAVS, une commission cantonale de recours nommée pour 4 ans au début de
chaque législature (al. 1). La commission est constituée d'un président
titulaire et de présidents suppléants, tous de formation juridique et nommés
par le Conseil d'Etat, et d'assesseurs familiarisés avec les questions
juridiques, fiscales ou d'assurances sociales, tous nommés par le Grand
Conseil à raison de trois par parti représenté au Grand Conseil (al. 2). La
commission siège dans une composition de cinq membres, constituée d'un
président titulaire ou suppléant et de quatre assesseurs, qui siègent à tour
de rôle (al. 3).

2.2 Selon la jurisprudence rendue en application des art. 30 Cst. et 58
aCst., lorsqu'une autorité est constituée d'un nombre déterminé de membres,
ces derniers doivent - sous réserve d'une réglementation dérogatoire - tous
participer au jugement (ATF 129 V 340 consid. 3.1, 127 I 131 consid. 4b, 85 I
273 et les références; cf. aussi ATF 114 Ia 276 consid. 2a).
En l'occurrence, le rubrum du jugement du 19 septembre 2002 en la cause
X.________ indique que la commission était composée de six membres, dont l'un
« excusé » était absent. Dans la mesure où le nom de D.________ y figure, il
est réputé avoir fait partie de l'autorité qui a rendu ce jugement (ATF 128 V
87 s. consid. 3c et d).
Dans ses observations du 25 mars 2003, la commission expose que lors de sa
séance du 19 septembre 2002, elle a siégé dans une composition de cinq
membres. L'un des assesseurs initialement convoqué, D.________, n'avait pas
pu participer à la séance et s'était excusé. Il a été remplacé par
F.________.
Il n'apparaît pas que la commission ait tenu audience. Le recourant n'avait
donc pas la possibilité de se rendre compte que, contrairement à ce
qu'indique le rubrum du jugement attaqué, elle a siégé dans la composition de
cinq membres.
Dès lors le fait que le rubrum du jugement entrepris indique que la
commission était composée de six membres est propre à jeter le doute quant à
la composition régulière de celle-ci, ainsi qu'en convient la commission
elle-même dans ses observations du 25 mars 2003. Cela suffit pour admettre
que l'art. 17 al. 3 de la loi cantonale a été appliqué de manière arbitraire,
ce qui constitue une violation de l'art. 30 al. 1 Cst.
(Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II : Les
droits fondamentaux, Berne 2000, p. 589 ch. 1231). Ce vice entraîne
l'annulation du jugement entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité
judiciaire cantonale afin qu'elle statue à nouveau dans une composition
conforme à la loi.

3.
3.1 La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). Les motifs du
présent arrêt constituent des circonstances justifiant que les frais
judiciaires soient mis à la charge de la République et canton de Genève (ATF
129 V 342 consid. 4).

3.2 Le recourant ne remplit pas les conditions auxquelles une partie qui agit
dans sa propre cause peut exceptionnellement prétendre des dépens pour
l'activité personnelle qu'elle a déployée, ainsi que pour sa perte de temps
ou de gain (ATF 110 V 82 consid. 7).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement de la Commission cantonale de
recours en matière d'AVS/AI du canton de Genève, du 19 septembre 2002, est
annulé, la cause étant renvoyée à l'autorité judiciaire de première instance
pour qu'elle statue à nouveau en procédant conformément aux considérants.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 900 fr., sont mis à la charge de la
République et canton de Genève.

3.
L'avance de frais versée par le recourant, d'un montant de 900 fr., lui est
restituée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 5 janvier 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: