Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 301/2002
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2002
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2002


H 301/02

Arrêt du 8 mars 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

Caisse de compensation de la Société suisse des entrepreneurs, Riond Bosson,
1131 Tolochenaz, recourante, représentée par Me Benoît Bovay, avocat, place
Benjamin-Constant 2, 1003 Lausanne,

contre

X.________ SA, exécutrice testamentaire de G.________, intimée, elle-même
représentée par Me Alexandre Curchod, avocat, rue Saint-Pierre 2, 1003
Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 25 septembre 2002)

Faits:

A.
La société Y.________ SA était affiliée à la Caisse de compensation de la
Société suisse des entrepreneurs (ci-après : la caisse). Le 27 décembre 1999,
le Tribunal d'arrondissement de Lausanne lui a accordé un sursis
concordataire. Par la suite, le tribunal a homologué le concordat par abandon
partiel d'actifs présenté par la société (prononcé du 21 décembre 2000).

Par décisions du 18 janvier 2001, la caisse a réclamé à G.________ et à
A.________, en leur qualité de membres du conseil d'administration de la
société, le paiement d'un montant de 79'920 fr. 15 à titre de réparation du
dommage.

Le 6 mars 2001, la caisse a déclaré tardive l'opposition formée par
G.________, tandis qu'elle a ouvert action en réparation du dommage contre
A.________ devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, le 27 avril
suivant.

Par courrier du 16 mai 2001, G.________ a demandé à la caisse de reconsidérer
sa décision du 18 janvier précédent, ce que celle-ci a refusé par acte du 22
mai 2001.

B.
G.________ a déféré cette décision devant le Tribunal des assurances du
canton de Vaud. Qualifiant le recours du prénommé d'opposition dirigée contre
la décision du 22 mai 2001, le tribunal l'a admis par jugement du 25
septembre 2002 et renvoyé la cause à la caisse pour qu'elle y donne suite.

C.
La caisse interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation. Elle conclut au renvoi de la cause au tribunal
pour instruction complémentaire et nouveau jugement.

G. ________ étant décédé dans l'intervalle, son exécuteur testamentaire, la
fiduciaire X.________, conclut principalement à l'irrecevabilité du recours
et subsidiairement à son rejet. L'Office fédéral des assurances sociales ne
s'est pas déterminé à son sujet.

Considérant en droit:

1.
Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de renvoi par
laquelle le juge invite l'administration à statuer à nouveau selon des
instructions impératives, est une décision autonome, susceptible en tant que
telle d'être attaquée par la voie du recours de droit administratif, et non
une simple décision incidente (ATF 120 V 237 consid. 1a, 117 V 241 consid. 1
et les références; VSI 2001 p. 121 consid. 1a). Contrairement à ce que
prétendent les intimés, il y a donc lieu d'entrer en matière sur le recours.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 22 mai
2001 (ATF 129 V 4, consid. 1.2 et les arrêts cités).

3.
Le litige porte sur le point de savoir si l'instance cantonale de recours
était fondée à renvoyer la cause à la caisse recourante pour qu'elle «donne
suite» au recours de feu G.________, que le premier juge a considéré comme
une «opposition dirigée contre la nouvelle décision du 22 mai 2001, qui se
substitue à l'acte administratif du 18 janvier précédent».

4.
La décision du 18 janvier 2001, par laquelle la caisse recourante a réclamé à
l'intimé le paiement de 79'920 fr. 15 à titre de réparation du dommage, est
entrée en force, faute d'avoir été attaquée en temps utile (art. 97 al. 1
LAVS). Ce point n'est pas litigieux.

Une décision revêtue de l'autorité de chose jugée peut toutefois être
modifiée à certaines conditions, dont seules celles relatives à la
reconsidération sont pertinentes dans le cas particulier.

4.1 Selon un principe général du droit des assurances sociales,
l'administration peut reconsidérer une décision formellement passée en force
de chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée
quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa
rectification revête une importance notable (ATF 127 V 469 consid. 2c et les
arrêts cités).
Selon la jurisprudence, l'administration n'est pas tenue de reconsidérer les
décisions qui remplissent les conditions fixées; elle en a simplement la
faculté et ni l'assuré ni le juge ne peuvent l'y contraindre (arrêt A. du 1er
décembre 2003, I 465/03, destiné à la publication au Recueil officiel,
consid. 4.2, ATF 119 V 479 consid. 1b/cc, 117 V 12 consid. 2a et les
références; SVR 2004 ALV 1 p. 1 consid. 2.1; pour une appréciation critique
sur ce point, voir notamment Damien Vallat, La nouvelle demande de
prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en
force, RSAS 47/2003 p. 400). Cependant, lorsque l'administration entre en
matière sur une demande de reconsidération et examine si les conditions d'une
reconsidération sont remplies, avant de statuer au fond par une nouvelle
décision de refus, celle-ci est susceptible d'être attaquée par la voie d'un
recours. Le contrôle juridictionnel dans la procédure de recours subséquente
se limite alors au point de savoir si les conditions d'une reconsidération
(inexactitude manifeste et importance notable de la rectification) sont
réunies (ATF 119 V 479 consid. 1b/cc, 117 V 13 consid. 2a et la référence).

4.2 Au regard des critères posés par la jurisprudence (cf. ATF 117 V 15
consid. 2b/cc), on constate que par sa décision du 22 mai 2001, la caisse
recourante est entrée en matière sur la demande de reconsidération de
l'intimé en examinant les arguments soulevés par feu G.________ à l'appui de
sa requête, ce que les parties ne contestent du reste pas. En particulier,
elle a expliqué les raisons pour lesquelles sa décision du 18 janvier 2001 ne
pouvait pas être considérée comme prématurée et l'homologation du concordat
n'était pas dans son intérêt, et a rejeté la demande.

Par conséquent, conformément à la jurisprudence (supra 4.1), la juridiction
cantonale saisie d'un recours formé par la caisse contre cette décision était
tenue de vérifier si les conditions d'une reconsidération étaient ou non
réunies. En considérant que ce recours devait être qualifié d'opposition au
sens de l'art. 81 al. 2 et 3 RAVS, au lieu de procéder à ladite vérification,
elle a méconnu le fait que cette disposition ne prévoit la possibilité de
former opposition que dans la procédure de la réparation d'un dommage causé
par l'employeur à l'égard d'une caisse de compensation. Dans ce cas,
l'opposition vise l'annulation de la décision rendue par une caisse, sans que
cette dernière puisse statuer à nouveau, si elle entend maintenir sa demande
en réparation du dommage; elle se distingue donc de l'opposition, telle que
prévue - par exemple - dans le domaine de l'assurance-accidents jusqu'au 31
décembre 2002 (cf. art. 105 al. 1 LAA), dont le but est de permettre à
l'autorité qui a rendu la décision litigieuse de procéder à un nouvel examen
de la situation (ATF 117 V 134 consid. 5 et les références). En dehors de
cette hypothèse réglée de manière spécifique en matière de réparation du
dommage, l'assurance-vieillesse et survivants ne connaissait pas de procédure
d'opposition au sens propre du terme jusqu'au 1er janvier 2003 (dès cette
date, voir art. 2, 52 LPGA et 1er al. 1 LAVS dans sa teneur en vigueur dès le
1er janvier 2003; sur les modifications de la procédure en réparation d'un
dommage [art. 81 RAVS] entraînées par l'entrée en vigueur de la LPGA, voir
arrêt M. du 23 octobre 2003, H 69/03, destiné à la publication au Recueil
officiel, consid. 2; SVR 2004 AHV 3 p. 7).

4.3 Dès lors que l'art. 81 RAVS ne s'applique pas à un litige portant sur la
reconsidération de la décision d'une caisse de compensation entrée en force,
c'est à tort que le premier juge a renvoyé la cause à la recourante pour
qu'elle agisse conformément à la procédure d'opposition prévue par cette
disposition. Il convient donc de lui renvoyer, à son tour, la cause pour
qu'il procède à l'examen des conditions posées par la jurisprudence en cas de
recours contre une décision par laquelle l'administration entre en matière
sur une demande en reconsidération et la rejette (supra 4.1) - qu'il avait
pourtant rappelées dans le jugement entrepris.

5.
Un litige relatif à la révocation d'une décision entrée en force par voie de
reconsidération ne concerne pas l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, de sorte que la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a
contrario; ATF 119 V 484 consid. 5). Succombant, l'exécuteur testamentaire de
feu G.________, agissant en qualité de représentant de la succession du
défunt, supportera les frais de la cause (art. 156 al. 2 OJ; cf. ATF 129 V
116 consid. 4.2). La caisse, qui obtient gain de cause, n'a cependant pas
droit à des dépens bien qu'elle soit représentée par un avocat (art. 159 al.
2 OJ; ATF 126 II 62 consid. 8, 118 V 169 consid. 7).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 25 septembre 2002 est annulé, la cause lui étant renvoyée pour qu'il
procède conformément aux considérants et rende un nouveau jugement.

2.
Les frais de la cause, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de la
fiduciaire X.________, Lausanne.

3.
L'avance de frais versée par la recourante, d'un montant de 500 fr., lui est
restituée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 8 mars 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   La Greffière: