Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 266/2002
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2002
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2002


H 266/02

Arrêt du 4 avril 2003
Ire Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Borella, Meyer, Ferrari et Kernen. Greffier:
M. Vallat

M.________, recourant, représenté par Me François Ott, avocat, rue
Jean-Jacques Lallemand 5, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Caisse de compensation des arts et métiers suisses, Brunnmattstrasse 45, 3001
Berne, intimée,

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 29 août 2002)

Faits:

A.
La faillite de la société T.________ SA a été prononcée le 26 mai 1999
(jugement du Tribunal du district du V.________ du même jour) et sa
liquidation suspendue faute d'actifs le 8 septembre suivant.

Le 25 août 2000, la Caisse de compensation des arts et métiers suisses
(ci-après: la CCAMS), à laquelle la société anonyme était affiliée depuis le
1er janvier 1991, a adressé à R.________ et M.________, qui avait été membre
du conseil d'administration puis administrateur de la société depuis décembre
1989, deux décisions d'indemnisation. La première portait sur un montant de
36'016 fr. 75 correspondant à des cotisations dont un contrôle d'employeur
effectué en février et mars 2000 avait permis d'établir qu'elles n'avaient
pas été payées entre 1991 et 1994. La seconde avait trait à la somme de
80'447 fr. 40, soit 69'804 fr. 15 de cotisations et intérêts pour les années
1995, 1996 et 1997, 1'772 fr. 55 de cotisations 1998 et 8'870 fr. 75
correspondant à des créances ayant fait l'objet de poursuites infructueuses
et aux frais de ces procédures ainsi qu'à des frais de sommation.

B.
Par jugement du 29 août 2002, le Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel, statuant sur les actions ouvertes par la CCAMS contre M.________
et R.________, les a condamnés solidairement au paiement de la somme de 8'870
fr. 75, rejetant la demande pour le surplus.

C.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement en
concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation et à libération
des fins de l'action.

La CCAMS conclut au rejet du recours. Invités à se déterminer, R.________ n'y
a pas donné suite, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Il s'agit d'examiner l'obligation de M.________, en qualité d'ancien organe
de la société T.________ SA, de payer la somme de 8'870 fr. 75 à la CCAMS à
titre de réparation du dommage subi par cette dernière.

M.________ ne conteste ni sa qualité d'organe ni son obligation, à ce titre,
de répondre du dommage - dont il ne conteste pas non plus la quotité - subi
par la CCAMS. Il soutient, en revanche qu'au 25 août 2000 (date de la
décision), la créance en réparation du dommage, en ce qui concerne la somme
de 8'870 fr. 75, était atteinte par la prescription, plus d'une année s'étant
écoulée depuis l'ouverture de la faillite, le 26 mai 1999.

2.
2.1 Selon l'art 82 al. 1 RAVS, le droit de demander la réparation d'un dommage
se prescrit lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir par une
décision de réparation dans l'année après qu'elle a eu connaissance du
dommage et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du
fait dommageable.

Selon la jurisprudence, la caisse de compensation a connaissance du dommage
au moment où elle doit savoir, en usant de l'attention qu'on est en droit
d'attendre d'elle, que les circonstances ne lui permettent plus d'exiger le
paiement des cotisations, mais peuvent entraîner l'obligation de réparer le
dommage (ATF 128 V 17 consid. 2a, 126 V 444 consid. 3a, 452 consid. 2a, 121
III 388 consid. 3b et les références). C'est à ce moment que le délai de
péremption d'une année commence à courir.

2.2 Le délai de péremption de cinq ans débute en revanche au moment où
survient le dommage. Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les
cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées pour des motifs juridiques
ou des motifs de fait (ATF 126 V 444 consid. 3a, 121 III 384 consid. 3bb, 388
consid. 3a). Ainsi en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la
caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de
recouvrement, le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour
de la faillite; le jour de la survenance du dommage marque celui de la
naissance de la créance en réparation (ATF 123 V 16 consid. 5c) et la date à
partir de laquelle court le délai de 5 ans de l'art. 82 al. 1 in fine RAVS
(fait dommageable).

2.3 La précision apportée à l'ATF 123 V 16 consid. 5c, sur la date à laquelle
le dommage est réputé survenir en cas de faillite, n'a pas modifié les règles
dégagées par la jurisprudence sur les conditions de l'action en réparation du
dommage: le délai de péremption d'une année ne commence à courir qu'à partir
du moment où la caisse a ou doit avoir, en usant de l'attention qu'on est en
droit d'attendre d'elle, une connaissance suffisante de son dommage.

Selon la jurisprudence, en cas de faillite, le dommage est en règle générale
déjà suffisamment connu lorsque la collocation des créances est publiée,
respectivement lorsque l'état de collocation (et l'inventaire) est déposé
pour être consulté (ATF 126 V 444 consid. 3a, 121 V 236 consid. 4a, 119 V 92
consid. 3 et les références citées). Ces principes s'appliquent aussi en cas
de faillite liquidée par la procédure sommaire car le jugement ordonnant la
liquidation sommaire ne permet pas à lui seul de connaître le dommage (ATF
126 V 445 consid. 3b, 116 V 77  in fine; VSI 1995 p. 199 consid. 3c;
Nussbaumer, Die Ausgleichskasse als Partei im Schadenersatzprozess nach Art.
52 AHVG, RCC 1991 p. 399; idem, Das Schadenersatzverfahren nach Art. 52 AHVG,
in Aktuelle Fragen aus dem Beitragsrecht der AHV, Saint Gall 1998 p. 110). Si
la faillite n'est liquidée ni selon la procédure ordinaire ni selon la
procédure sommaire, il faut admettre que la connaissance du dommage - né au
moment de l'ouverture de la faillite (cf. supra consid. 2.2) - intervient en
règle générale au moment de la suspension de la faillite faute d'actifs, la
date de la publication de cette mesure dans la FOSC étant déterminante (ATF
123 V 16 consid. 5c). Aussi n'y a-t-il plus lieu de préciser dans ces cas-là,
comme cela était la règle selon la jurisprudence antérieure (v. RCC 1990 pp.
302 ss; cf. également, plus récemment, ATF 128 V 12 consid. 5a) que la
connaissance et la survenance du dommage interviennent en même temps.

3.
En l'espèce, le recourant, dont l'argumentation procède d'une confusion entre
naissance et connaissance du dommage, ne fait valoir aucun élément de fait
établissant que la caisse aurait eu une connaissance suffisante de son
dommage avant la date de suspension de la faillite faute d'actifs propre à
faire courir le délai d'une année avant cette date. Il convient en
particulier de relever que la délivrance d'un acte de défaut de biens
provisoire, le 7 août 1998, ne permettait pas encore, conformément à la
jurisprudence (ATF 116 V 76 consid. 3c), d'estimer suffisamment l'étendue du
dommage pour que sa connaissance puisse en être imputée à la caisse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 1'000 fr., sont mis à la charge du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais d'un même montant qu'il a
versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à R.________, au Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 4 avril 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: