Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 265/2002
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H 265/02

Arrêt du 3 juillet 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

V.________, recourant, représenté par Me Olivier Burnet, avocat, Petit-Chêne
18, 1003 Lausanne,

contre

HOTELA, Caisse de compensation de la SSH et de la FSAV, rue de la Gare 18,
1820 Montreux, intimée

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 28 juin 2002)

Faits :

A.
La société X.________SA, fondée en 1988, devenue par la suite Y.________ SA
en 1998, (ci-après: la société) avait pour but, entre autres activités,
l'exploitation, la direction et la gestion de sociétés dans les domaines de
l'hôtellerie et de la restauration. Le conseil d'administration était composé
de V.________, président, de A.________ et de B.________, administrateurs,
tous trois titulaires de la signature collective à deux.

Depuis le mois de décembre 1993, la société exploitait le restaurant
«Y.________» et était affiliée auprès de la Caisse de compensation de la
Société suisse des hôteliers (SSH) Hotela (ci-après: la caisse). Dès le mois
de juillet 1996, elle ne s'est plus acquittée du paiement des cotisations
d'assurances sociales. La faillite de Y.________ SA a été prononcée le 29
septembre 1998 par voie de liquidation sommaire.

Par décision du 3 décembre 1998, la caisse a réclamé à V.________ la somme de
152'443 fr. 30 à titre de réparation du dommage résultant du non-paiement par
la société de cotisations paritaires d'assurances sociales de juillet 1996 à
août 1998, (y compris les frais de gestion et de poursuite, ainsi que les
intérêts moratoires). Le prénommé a formé opposition en temps utile.

B.
Par écriture déposée le 29 janvier 1999 devant le Tribunal cantonal des
assurances du canton de Vaud, la caisse a assigné V.________ en paiement du
montant de 152'443 fr. 30. Le tribunal a décliné sa compétence et transmis le
dossier à la Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI/APG du
canton de Genève. Par jugement du 28 juin 2002, la commission cantonale a
admis l'action de la caisse.

C.
V.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, sous suite de frais et dépens. Il conclut à ce que
soit constaté qu'il n'est pas débiteur de la Caisse de compensation Hotela du
montant de 152'443 fr. 30.

La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

Lorsque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances est limité par
l'art. 105 al. 2 OJ, la possibilité d'alléguer des faits nouveaux ou de faire
valoir de nouveaux moyens de preuve est très restreinte.

Selon la jurisprudence, seules sont admissibles dans ce cas les preuves que
l'instance inférieure aurait dû réunir d'office, et dont le défaut
d'administration constitue une violation de règles essentielles de procédure
(ATF 121 II 99 consid. 1c, 120 V 485 consid. 1b et les références). A plus
forte raison les parties ne peuvent-elles invoquer devant le Tribunal fédéral
des assurances des faits nouveaux, qu'elles auraient été en mesure - ou qu'il
leur appartenait, en vertu de leur devoir de collaborer à l'instruction de la
cause - de faire valoir devant la juridiction inférieure déjà. De tels
allégués tardifs ne permettent pas de qualifier d'imparfaites, au sens de
l'art. 105 al. 2 OJ, les constatations des premiers juges (ATF 121 II 100
consid. 1c, 102 Ib 127).

1.2 En l'occurrence, toutes les preuves littérales produites par le recourant
à l'appui de ses conclusions, dans la mesure où elles n'ont pas été produites
en procédure cantonale, mais auraient pu l'être - en particulier
l'attestation de la société fiduciaire Z.________ SA du 27 septembre 2002,
portant sur des faits survenus au cours des années 1997 et 1998 - sont
irrecevables en procédure fédérale au regard du pouvoir d'examen restreint du
tribunal.

2.
2.1 Les premiers juges ont exposé correctement les dispositions légales ainsi
que les principes jurisprudentiels qui fondent la responsabilité de
l'administrateur de sorte qu'il peut être renvoyé au jugement attaqué sur ce
point.

On ajoutera que la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er
janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales
dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS.
Désormais, la responsabilité de l'employeur est réglée de manière plus
détaillée qu'auparavant à l'art. 52 LAVS et les art. 81 et 82 RAVS ont été
abrogés. Le cas d'espèce reste toutefois régi par les dispositions en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles
applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement
déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1).

2.2 Il convient également d'ajouter que selon la jurisprudence, se rend
coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un
homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes
circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir
de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de
gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En
présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des
exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au
respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également
lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de
l'employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985 p. 51 consid. 2a et p. 648
consid. 3b).

3.
3.1 Le recourant fait valoir qu'il ne s'est pas rendu coupable d'une
négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS, dès lors que selon la répartition
interne des tâches entre les administrateurs de X.________SA, il ne
s'occupait pas de la gestion de «Y.________», soit en particulier ni de la
comptabilité du restaurant, ni du paiement des salaires du personnel et des
assurances sociales. Son rôle se limitait aux conseils dans le domaine de
l'hôtellerie.

3.2 La Cour de céans ne saurait suivre le recourant dans son argumentation.
En effet, en sa qualité d'administrateur-président de la société faillie et
nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein du conseil
d'administration, il lui incombait de veiller personnellement à ce que les
cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement
payées à l'AVS. Un administrateur ne peut se libérer de cette responsabilité
en soutenant qu'il faisait confiance à ses collègues chargés de
l'administration du personnel de l'entreprise et du versement desdites
cotisations à la caisse de compensation. Il a au contraire le devoir
d'exercer la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour
s'assurer notamment qu'elles observent la loi, les statuts, les règlements et
les instructions données (art. 716a al. 1 ch. 5 CO). Si les membres du
conseil d'administration qui ne sont pas chargés de la gestion ne sont certes
pas tenus de surveiller chaque affaire des personnes chargées de la gestion
et de la représentation mais peuvent se limiter au contrôle de la direction
et de la marche des affaires, ils doivent cependant, entre autres
obligations, se mettre régulièrement au courant de la marche des affaires,
exiger des rapports et les étudier minutieusement et, au besoin, demander des
renseignements complémentaires et essayer de tirer au clair d'éventuelles
erreurs (ATF 114 V 223 consid. 4a). Le recourant ne pouvait donc s'en tenir,
en sa qualité d'administrateur-président, à la répartition des activités
alléguées. Il lui incombait précisément de s'occuper du domaine des
cotisations sociales en raison justement de l'importance que revêt celui-ci
(SVR 2003 AHV n° 5 p. 14 consid. 5.3.2 et 2001 AHV n° 15 p. 53 consid. 6b).

La négligence est d'autant plus grave que le recourant était, de son propre
aveu, au courant des pertes subies par l'exploitation de la brasserie en 1994
déjà (cf. «Historique du restaurant Y.________» du 30 juin 1998 produit par
le recourant en instance cantonale), de sorte que l'on pouvait attendre de
lui qu'il se renseigne régulièrement auprès des autres administrateurs sur la
gestion de celle-ci et les mesures envisagées pour redresser la situation
financière de la société.

4.
4.1 Dans un second moyen, V.________ reproche aux premiers juges de n'avoir
pas pris en considération le fait que le conseil d'administration avait de
sérieuses raisons de croire que la société pourrait s'acquitter des
cotisations dues dans un délai raisonnable, étant donné que des démarches
engagées en vue de vendre Y.________ étaient sur le point d'aboutir à la fin
de l'année 1997, un montant de plus d'un million de francs devant être versé
à la société par les potentiels repreneurs.

4.2 Selon la jurisprudence, il n'y a obligation de réparer le dommage, dans
un cas concret, que s'il n'existe aucune circonstance justifiant le
comportement fautif de l'employeur ou excluant l'intention et la négligence
grave au sens de l'art. 52 LAVS. A cet égard, on peut envisager qu'un
employeur cause un dommage à la caisse de compensation en violant
intentionnellement les prescriptions en matière d'AVS, sans que cela entraîne
pour autant une obligation de réparer le préjudice. Tel est le cas lorsque
l'inobservation des prescriptions apparaît, au vu des circonstances, comme
légitime et non fautive (ATF 108 V 186 consid. 1b, 193 consid. 2b; RCC 1985
p. 603 consid. 2, 647 consid. 3a). Ainsi, il peut arriver qu'en retardant le
paiement de cotisations, l'employeur parvienne à maintenir son entreprise en
vie, par exemple lors d'une passe délicate dans la trésorerie. Mais il faut
alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup
de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que l'employeur avait, au moment
où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il
pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATF 108
V 188; RCC 1992 p. 261 consid. 4b).

4.3 Selon les constatations des premiers juges, la société a subi une perte
importante en 1994, sans que la situation ne s'améliore par la suite. En ce
qui concerne les cotisations d'assurances sociales, la société accusait des
arriérés depuis juillet 1996, qui se montaient à plus de 25'000 fr. dès
décembre 1996 déjà, croissant encore en 1997. Il ressort en outre des
décomptes produits par l'intimée que la société n'a effectué aucun versement
en vue de payer les cotisations courantes ou de réduire son découvert depuis
septembre 1996.

Les premiers juges ont déduit de ce qui précède qu'au vu de la situation
financière très difficile de la société depuis 1994 déjà, le recourant ne
pouvait pas sérieusement croire qu'elle allait s'améliorer d'une manière
décisive. Par ailleurs, sachant que la société allait cesser toute activité -
les administrateurs cherchant un repreneur pour la brasserie depuis 1995 -,
le recourant ne s'est pas davantage soucié du paiement des cotisations
sociales et n'a pris aucune mesure particulière pour tenter de diminuer le
dommage causé à l'intimée. Dès lors, sa responsabilité est engagée au sens de
l'art. 52 LAVS.

On ne peut qu'adhérer à cette appréciation. On ne saurait en effet qualifier
de simple passe délicate dans la trésorerie au sens de la jurisprudence
citée, la situation de X.________SA, puis de Y.________ SA, dans la mesure où
le non-paiement des cotisations d'assurances sociales s'est prolongé sur plus
de deux ans de manière récurrente. A cela, la tentative de vente de la
société qui semblait se concrétiser en février 1998 par la signature d'un
«agrément de coopération» avec un potentiel repreneur ne change rien. Comme
le relève à juste titre l'autorité cantonale de recours, le règlement du
passif de la société, et en particulier des charges sociales, selon
l'agrément signé le 9 février 1998 est peu clair. Ainsi, s'il est fait
mention de «créanciers prioritaires», rien ne permet de croire que l'intimée
en faisait partie et que les administrateurs de la société envisageaient
effectivement de la désintéresser en priorité. Par ailleurs, on ne voit pas
en quoi le fait qu'un acompte de 500'000 fr., sous la forme d'un chèque,
aurait été remis par le potentiel repreneur à la société bailleresse de la
brasserie, selon les allégations du recourant, aurait permis d'améliorer la
situation de la société, dès lors que ces liquidités auraient bénéficié en
premier lieu, semble-t-il, à la bailleresse. Enfin, cette démarche ne saurait
en aucun cas justifier le non-paiement des cotisations d'assurances sociales
dès juillet 1996.

4.4 Pour le reste, il est incontestable que les omissions du recourant sont
en relation de causalité avec le dommage subi par l'administration. Quant à
l'étendue de celui-ci, elle n'est pas remise en cause par le recourant et les
premiers juges l'ont confirmée, implicitement, tout au moins. Ce calcul
apparaît au surplus conforme aux pièces du dossier, de sorte qu'il n'y a pas
de raison de le remettre en discussion.

Le recours se révèle ainsi mal fondé.

5.
Succombant, le recourant supportera les frais de la procédure, qui n'est pas
gratuite en l'occurrence (art. 134 OJ a contrario).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice d'un montant de 6'000 fr. sont mis à la charge du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais, d'un même montant, qu'il
a versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI/APG, ainsi qu'à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 3 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre:   La Greffière: