Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 188/2002
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2002
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2002


H 188/02

Arrêt du 14 novembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme Gehring

E.________ SA, recourante,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève,
intimée,

concernant M.________

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 13 mai 2002)

Faits :

A.
Par contrat du 20 janvier 1996, la société E.________ SA (ci-après : la
société) a confié à M.________, administrateur-secrétaire de celle-ci, la
tenue de la comptabilité de la société ainsi que la responsabilité de
l'ensemble des rapports de cette dernière avec les divers services
administratifs. En outre, il a été chargé de s'occuper des problèmes
juridiques susceptibles de survenir. En contre-partie de ces activités, la
société lui a successivement versé une rémunération de 30 000 fr. en 1996, 43
000 fr. en 1997 et 54 000 fr. en 1998 (soit 127 000 fr. au total). A
l'occasion d'un contrôle d'employeur effectué au mois de juin 1999, la Caisse
cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) a constaté que ces
versements ne lui avaient pas été déclarés. Par décision du 22 juillet 1999,
elle a réclamé à la société, le paiement de 18 274 fr. 45 correspondant aux
cotisations AVS/AI/APG/AC (17 766 fr. 20), y compris les intérêts moratoires
(508 fr. 25).

B.
La société a recouru contre cette décision devant la Commission cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-vieillesse et survivants
(ci-après : la commission), en faisant valoir que M.________ était affilié en
qualité d'indépendant auprès de la Caisse interprofessionnelle
d'assurance-vieillesse et survivants de la Fédération romande des Syndicats
patronaux. Lors d'une audience de comparution personnelle, la commission a
entendu M.________ le 5 avril 2002. Par jugement du 13 mai 2002, elle a
rejeté le recours.

C.
La société interjette un recours de droit administratif contre ce jugement en
concluant à son annulation. Subsidiairement, elle demande que les cotisations
payées par M.________ à la Caisse interprofessionnelle d'assurance-vieillesse
et survivants de la Fédération romande des Syndicats patronaux soient prises
en compte.

Invité à se déterminer en qualité de tiers intéressé, M.________ se rallie
aux conclusions de la recourante. De leur côté, la caisse et la commission
déclarent s'en tenir aux considérants du jugement attaqué, cependant que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se prononcer.

Considérant en droit :

1.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

2.
Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l'obligation de payer
des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans
un certain laps de temps; il faut se demander si cette rétribution est due
pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (art. 5 et 9
LAVS, art. 6 ss RAVS). Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire
déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un
temps déterminé ou indéterminé; quant au revenu provenant d'une activité
indépendante, il comprend «tout revenu du travail autre que la rémunération
pour un travail accompli dans une situation dépendante» (art. 9 al. 1 LAVS).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si l'on a affaire, dans un cas
donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché
d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce
qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques. Les
rapports de droit civil peuvent certes fournir éventuellement quelques
indices pour la qualification en matière d'AVS, mais ne sont pas
déterminants. Est réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend
d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de
l'économie de la société, et ne supporte pas le risque économique couru par
l'entrepreneur. Ces principes ne conduisent cependant pas à eux seuls à des
solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la
vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu'il faut décider
dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante
ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce
cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres
d'activité; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont
prédominants dans le cas considéré (ATF 123 V 162 consid. 1, 122 V 171
consid. 3a, 283 consid. 2a, 119 V 161 consid. 2 et les arrêts cités).

3.
En l'espèce, il s'agit d'examiner si la rémunération de 127 000 fr. versée
par la société à M.________, au cours des années 1996 à 1998, est due pour
une activité indépendante ou pour une activité salariée. Ces versements n'ont
pas servi à rémunérer l'activité exercée par le prénommé en qualité
d'administrateur de la recourante mais celle à laquelle il s'est engagé par
contrat du 20 janvier 1996. La juridiction cantonale a considéré que cette
rémunération était due pour une activité dépendante, ce que la recourante
conteste.

4.
Dans un premier moyen, cette dernière fait valoir que l'exercice de
l'activité en cause n'implique aucun lien de subordination entre M.________
et elle-même étant donné qu'en sa qualité d'administrateur, il organise
librement son travail et qu'il n'est tenu de rendre aucun compte. La
recourante reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas tenu compte de
ce critère dans le jugement attaqué.

4.1 Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de
dépendance quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie
de l'entreprise sont le droit de l'employeur de donner des instructions, le
rapport de subordination du travailleur à l'égard de celui-ci, l'obligation
de ce dernier d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (RCC
1989 p. 111 consid. 5a, 1986 p. 651 consid. 4c, 1982 p. 178 consid. 2b). Un
autre élément permettant de qualifier la rétribution compte tenu du lien de
dépendance de celui qui la perçoit est le fait qu'il s'agit d'une
collaboration régulière, autrement dit que l'employé est régulièrement tenu
de fournir ses prestations au même employeur (ATF 110 V 78 sv. consid. 4b).
En outre, la possibilité pour le travailleur d'organiser son horaire de
travail ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'une activité
indépendante (VSI 1996 p. 257 sv. consid. 3c).

4.2 Aux termes du contrat du 20 janvier 1996, M.________ s'est vu confier la
tenue de la comptabilité de la société ainsi que la responsabilité de
l'ensemble des relations de cette dernière avec les divers services
administratifs tels que le fisc, la caisse de compensation cantonale et le
contrôle de l'habitant pour les travailleurs frontaliers. En outre, il a été
chargé de s'occuper des problèmes juridiques susceptibles de survenir. Les
déclarations de l'intéressé à l'audience de comparution personnelle du 5
avril 2002 précisent le contenu de cette activité en ce sens qu'il lui
incombe de remplir des formulaires à destination des différentes
administrations, d'établir certains contrats spéciaux (soumissions, droit du
travail) et d'examiner les contrats qui sont proposés à la société, de
liquider les problèmes de contentieux et de procéder à certains contrôles de
gestion des comptes, du stock ou de la facturation. M.________ consacre trois
jours par semaine - soit environ 70 % de son temps - à l'exercice de cette
activité pour laquelle il dispose d'un équipement informatique et d'un bureau
dans les locaux de la société. Il ressort en outre de ces déclarations que
M.________ exploite, à titre principal et parallèlement à sa fonction
d'administrateur-secrétaire, un cabinet comptable, juridique et fiscal en
raison individuelle. Il exerce cette activité à son domicile privé étant
donné qu'il ne dispose pas de locaux commerciaux propres et n'emploie pas de
personnel.

Dans ces conditions, il apparaît que M.________ accomplit des tâches de
nature exécutive, le pouvoir de décision - respectivement celui de donner des
instructions - relatif à la conduite des affaires, à la politique du
personnel et à la gestion de l'entreprise étant détenu par les organes
dirigeants de la société. Même si la tenue des livres de comptabilité
commerciale ne nécessite pas de directives particulières du fait que des
dispositions légales impératives (art. 957 ss CO) et des principes de
technique comptable la régissent, il n'en demeure pas moins que le comptable
reste subordonné à la personne qui l'emploie et que cette dernière a le droit
de lui donner des instructions. En outre, ces activités impliquent une
collaboration régulière et personnelle entre la société et M.________. Enfin,
le fait que ce dernier peut organiser librement son horaire de travail
résulte de la nature autonome et non pas indépendante des activités en cause.

Cela étant, il y a lieu d'admettre que l'activité pour laquelle M.________ a
obtenu les rétributions litigieuses est caractérisée par un rapport de
subordination entre le prénommé et la recourante. Au demeurant, le fait qu'en
qualité d'administrateur-secrétaire, ce dernier n'est tenu de rendre aucun
compte n'est pas déterminant pour l'issue du litige.

5.
Dans un deuxième moyen, la recourante fait valoir que M.________ supporte le
risque économique couru par l'entrepreneur.

5.1 La juridiction cantonale a considéré que le prénommé n'avait opéré aucun
investissement important, qu'il avait agi au nom et pour le compte de cette
dernière, qu'il ne disposait ni de locaux commerciaux propres ni de
personnel, qu'il lui incombait de remplir personnellement les tâches qui lui
étaient confiées, qu'il ne supportait pas le risque d'encaissement et de
ducroire, qu'il consacrait la majeure partie de son temps à la société
recourante, de sorte qu'en cas de cessation du rapport de travail, son seul
risque économique consistait dans le fait de se retrouver dans une situation
semblable à celle d'un salarié qui perd son emploi.

5.2 Le risque économique de l'entrepreneur peut être défini comme étant celui
que court la personne qui doit compter, en raison d'évaluations ou de
comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance
économique de l'entreprise. Constituent notamment des indices révélant
l'existence d'un risque économique d'entrepreneur le fait que l'assuré opère
des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque
d'encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son
propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe
du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux
(Greber/Duc/Scartazzini, Commentaire des art. 1 à 16 de la loi fédérale sur
l'assurance-vieillesse et survivants, n° 111 ad art. 5 LAVS, p. 181).

En l'occurrence, la rémunération en cause a été versée par la recourante en
contre-partie du travail que M.________ a effectué en exécution du contrat du
20 janvier 1996. En tant que responsable de la comptabilité et de la gestion
administrative et juridique de la société, il a agi au nom et pour le compte
de cette dernière. Dans ce cadre, il n'a pas encouru de pertes et il n'a
supporté ni les frais généraux, ni le risque d'encaissement et de ducroire.
Pour remplir ces obligations, il a disposé d'un bureau dans les locaux de la
recourante, il lui a consacré 70 % de son temps de travail et n'a pas employé
de personnel. En outre, il n'a procédé à aucun investissement. Le seul risque
économique encouru par M.________ dans l'activité qui a donné lieu aux
rétributions litigieuses consiste dans le fait qu'en cas de cessation de ce
rapport contractuel, le prénommé se retrouverait dans une situation semblable
à celle d'un salarié perdant son emploi. Au demeurant, le risque économique
encouru par l'intéressé à raison de ses investissements dans le capital (20
000 fr.) et l'équipement informatique (6890 fr.) de son cabinet comptable,
juridique et fiscal ne concerne pas son activité au service de la recourante
mais celle qu'il exerce parallèlement, en qualité d'indépendant. Ce risque
n'est par conséquent pas décisif s'agissant de qualifier la rémunération en
cause.

Dans ces circonstances, il apparaît que M.________ n'encourait pas de risque
d'entrepreneur quant à l'activité pour laquelle il a obtenu les rémunérations
en cause.

6.
Enfin, la recourante fait valoir que M.________ s'est déjà acquitté de ses
cotisations d'assurances sociales auprès de la Caisse interprofessionnelle
d'assurance-vieillesse et survivants de la Fédération romande des Syndicats
patronaux dès le 1er janvier 1995.

6.1 La recourante produit une attestation de la Caisse interprofessionnelle
d'assurance-vieillesse et survivants de la Fédération romande des Syndicats
patronaux du 3 août 1999. Aux termes de ce document, M.________ est affilié
auprès de cette caisse en qualité d'assuré de condition indépendante, depuis
le 1er janvier 1996, pour son cabinet comptable et juridique. Toutefois,
selon les observations de la caisse du 22 octobre 1999, la demande
d'affiliation a été déposée au mois de juillet 1999 - soit postérieurement au
contrôle d'employeur - avec effet rétroactif au 1er janvier 1996. De son
côté, M.________ produit une attestation de la Direction de la taxation,
Service des indépendants de la République et canton de Genève, datée du 26
juillet 2002, selon laquelle il a été assujetti de manière illimitée aux
impôts cantonal, communal et fédéral direct dans le canton depuis le 1er
janvier 1995.

6.2 Ces moyens de preuve ne sont pas de nature à mettre en cause le jugement
entrepris. En effet, l'intéressé exerce, à côté de son travail au service de
la recourante, une activité indépendante pour laquelle il a demandé son
affiliation à la Caisse interprofessionnelle d'assurance-vieillesse et
survivants de la Fédération romande des Syndicats patronaux. D'autre part, il
n'apparaît pas que M.________ s'est acquitté personnellement auprès de cette
caisse de cotisations sur les rétributions litigieuses.

7.
Vu ce qui précède, les rémunérations litigieuses étaient dues pour une
activité salariée et la recourante était tenue de payer des cotisations
paritaires sur ces rétributions (art. 12 et 13 LAVS).

Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle
mal fondé.

8.
La procédure n'est pas gratuite étant donné que le litige ne porte pas sur
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ a contrario). La
recourante qui succombe supportera par conséquent les frais de la cause (art.
156 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant total de 1500 fr., sont mis à la charge de
la recourante et sont compensés avec l'avance de frais qu'elle a effectuée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité, à M.________ et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 novembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre:   La Greffière: