Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 151/2002
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H 151/02

Arrêt du 9 décembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari. Greffière : Mme
von Zwehl

A.________ et B.________, recourants, représenté par Me Jean-Marie Favre,
avocat, boulevard de Pérolles 10, 1701 Fribourg,

contre

Caisse de compensation du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762
Givisiez, intimée

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
Givisiez

(Jugement du 2 mai 2002)

Faits :

A.
Inscrite au Registre du commerce de C.________ dès le 22 décembre 1993, la
société X.________ SA était affiliée comme employeur à la Caisse de
compensation du canton de Fribourg (ci-après : la caisse). Les cotisations
d'assurances sociales à sa charge étaient réglées par des acomptes mensuels,
un décompte exact devant être établi au début de chaque année sur la base des
salaires déclarés pour l'année précédente.

Jusqu'au 25 novembre 1997, le conseil d'administration de la société était
composé de D.________, président, E.________, administratrice, et A.________,
secrétaire, tous trois au bénéfice de la signature collective à deux; par la
suite, A.________ a accédé à la présidence et les premiers nommés ont été
remplacés par B.________, administratrice, et F.________, secrétaire.

Dans un décompte final du 18 mars 1998, la caisse a fixé à 15'011 fr. 80 le
solde des cotisations AVS/AI/APG/AC et d'allocations familiales encore dues
pour l'année 1997 (soit 86'275 fr. moins 71'263 fr. 20 d'acomptes déjà
versés). A réception de ce décompte, la société a demandé de payer la dette
en dix mensualités, ce que la caisse a accepté. La société a payé deux
échéances en mai et en juin, puis est tombée en faillite, le 6 juillet 1998.

La caisse a produit dans la faillite une créance de 13'488 fr. 45, qu'elle a
réduit ensuite à 12'504 fr. 80. Il s'agissait, selon cette production, d'un
solde de cotisations impayées de janvier 1997 à juillet 1998. L'état de
collocation a été déposé le 24 mars 2000. Informée par le préposé aux
faillites que les créances de 3ème classe ne seraient pas couvertes, la
caisse a notifié, le 11 mai 2000, à A.________ et à B.________, une décision
de réparation du dommage par laquelle elle réclamait à chacun d'eux la somme
de 12'174 fr. 45. Les prénommés ont fait opposition, en contestant notamment
le montant du dommage.

B.
Par écritures du 7 juillet 2000, la caisse a saisi la Cour des assurances du
Tribunal administratif du canton de Fribourg, en concluant à la condamnation
solidaire des deux opposants au paiement d'un montant corrigé de 7'501 fr.
35. Après avoir procédé, à la demande du tribunal, à une nouvelle révision du
compte de la société, elle a encore réduit à 6'925 fr. 25 le dommage subi
dans la faillite de X.________ SA, somme représentant un solde de cotisations
dues pour l'année 1997.

Par jugement du 2 mai 2002, le tribunal a partiellement admis les conclusions
de la caisse, en ce sens qu'il a reconnu A.________ et B.________ débiteurs
solidaires de la somme de 6'925 fr. 25. Il a également alloué aux prénommés
une indemnité de dépens de 430 fr. 40.

C.
A.________ et B.________ interjettent conjointement recours de droit
administratif contre ce jugement, dont ils requièrent l'annulation. Sous
suite de frais et dépens, ils concluent au rejet des actions de la caisse,
ainsi qu'à une augmentation, «à dire de justice», de l'indemnité de dépens
obtenue en instance cantonale.

La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Le recours de droit administratif n'est pas recevable dans la mesure où le
litige a trait à la réparation du dommage consécutif au non-paiement de
cotisations au régime des allocations familiales de droit cantonal (ATF 124 V
146 consid. 1 et la jurisprudence citée).

2.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

3.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS,
notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de
l'employeur est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant à l'art. 52
LAVS et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés. Le cas d'espèce reste
toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu
égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467 consid. 1).

4.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et les
principes jurisprudentiels applicables en matière de responsabilité de
l'employeur et des organes de celui-ci (art. 52 LAVS; ATF 123 V 15 consid.
5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 consid. 2 et les références), de même que
celles relatives au paiement des cotisations selon la procédure forfaitaire
(art. 34 al. 3 RAVS; SVR 2003 AHV n° 1 p. 3 consid. 5; VSI 1994 p. 106
consid. 5b/aa, 1993 p. 174 consid. 4c et 176 consid. 5a; RCC 1992 p. 260
consid. 3b), de sorte qu'on peut y renvoyer.

On rappellera que la responsabilité instaurée par l'art. 52 LAVS ne constitue
pas un cas de responsabilité causale. Cette disposition légale, tant dans sa
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 que postérieurement à
l'introduction de la LPGA, requiert en effet expressément que la violation
des prescriptions soit le fruit d'une faute ou d'une négligence grave pour
que l'employeur, respectivement les organes de celui-ci, puissent être
appelés à réparer un dommage causé à la caisse de compensation. Tout
manquement de l'employeur aux obligations qui lui incombent en matière d'AVS
ne doit pas nécessairement être assimilé à une faute qualifiée au sens de
l'art. 52 LAVS. C'est ainsi que l'inobservation de prescriptions peut ne pas
constituer un cas de négligence grave, notamment, lorsque la durée pendant
laquelle les cotisations sont restées en souffrance est relativement courte
(cf. ATF 121 V 244 consid. 4b; arrêt T. du 20 août 2002, H 295/01, consid. 5;
arrêt H. du 29 avril 2002, H 209/01, consid. 4b). En outre, même si l'octroi
d'un sursis au paiement combiné avec un plan d'amortissement ne change rien
au caractère illicite du paiement non conforme des cotisations, il y a
néanmoins lieu de prendre en considération un tel accord passé avec la caisse
de compensation pour trancher le point de savoir si les organes d'une
personne morale ont observé leur devoir de diligence en relation avec
l'obligation de l'employeur de s'acquitter du paiement des cotisations (voir
ATF 124 V 254 consid. 3b).

5.
5.1 Les premiers juges ont constaté tout d'abord que A.________ et B.________,
inscrits au Registre du commerce respectivement comme président et
administratrice de X.________ SA dès le 26 novembre 1997, avaient la qualité
d'organe au moment où le solde des cotisations restant à la charge de la
société pour l'année 1997 était devenu exigible (soit lors de l'établissement
du décompte final de la caisse), si bien qu'ils étaient susceptibles
d'engager leur responsabilité pour le non-paiement de ce solde. Les premiers
juges ont retenu ensuite qu'ils avaient demandé un sursis au paiement alors
que la société était obérée; or, dans une telle situation, ont-ils estimé,
les défendeurs auraient dû se rendre compte qu'il n'y avait aucune chance
pour que la société s'acquitte de la dette dans un délai raisonnable. La
juridiction cantonale a également souligné que A.________ et B.________
s'étaient versés des salaires de janvier à juin 1998, privilégiant ainsi
leurs propres intérêts au détriment des obligations de la société envers la
caisse. De ces faits, elle a inféré que les prénommés avaient commis une
faute qualifiée au sens de l'art. 52 LAVS, en poursuivant l'exploitation
d'une entreprise qu'ils savaient vouée à l'échec.

5.2 Les recourants contestent qu'ils puissent être tenus de répondre d'un
découvert de cotisations portant sur une période où ils n'avaient pas de
fonction dirigeante au sein de la société. Dans le cas contraire, ils
considèrent qu'on ne peut leur imputer un manquement grave à leurs
obligations d'administrateurs. Ils font valoir qu'ils ont mis tout en oeuvre
pour régulariser la situation vis-à-vis de la caisse et que cette dernière
avait par ailleurs consenti à reporter le paiement du solde des cotisations
pour l'année 1997.

6.
Selon la jurisprudence, une personne entrée au conseil d'administration en
fin d'année peut être tenue pour responsable du dommage causé par le
non-paiement du solde des cotisations exigibles pour toute l'année (RCC 1992
p. 259 consid. 5). Les recourants ne sauraient donc se soustraire à leur
responsabilité en tant que membres du conseil d'administration pour le solde
de cotisations impayé de l'année 1997, sous prétexte qu'ils n'avaient aucune
influence sur la marche des affaires avant le 26 novembre 1997. Cela étant,
le point de vue des premiers juges selon lequel la violation des
prescriptions commise par A.________ et B.________ procède d'une faute grave
au sens de l'art. 52 LAVS ne peut être suivi.

6.1 En premier lieu, on relèvera qu'après avoir pris connaissance du décompte
du 18 mars 1998, les recourants se sont immédiatement tournés vers l'intimée
pour obtenir un sursis au paiement, faculté qui est expressément réservée à
l'art. 34b RAVS. Ils ont par ailleurs continué à verser ponctuellement les
acomptes prévus pour l'année 1998; aussi le reproche que les premiers juges
leur adressent d'avoir laissé en souffrance la créance de la caisse au profit
de leurs propres salaires est-il injustifié. La somme de ces acomptes s'est
même avérée supérieure au montant exact des cotisations dues de janvier à
juin 1998, ce qui a contribué à diminuer d'autant la dette découlant de
l'année précédente (voir extrait de compte du 4 septembre 2000). C'est ainsi
que le dommage subi par l'intimée s'est finalement réduit à 6'925 fr. 25
(allocations familiales de droit cantonal incluses), soit un montant
relativement faible si on le compare à la totalité des cotisations dues pour
la période de paiement en cause (86'275 fr.).
6.2 En second lieu, on ne voit pas sur quelles constatations de fait la
juridiction cantonale se fonde pour retenir qu'au moment où les recourants
ont sollicité le sursis, la société se trouvait dans une situation telle
qu'un règlement du solde des cotisations était pratiquement à exclure. Le
dossier ne contient en effet aucune pièce (bilan intermédiaire ou autre
document comptable) se rapportant à l'état financier de X.________ SA à cette
époque. Les recourants ont certes reconnu dans leurs écritures respectives
que la société était «obérée». Mais si l'on peut déduire de cette déclaration
que l'entreprise avait des dettes, cela n'autorise pas à tirer une conclusion
quant à l'importance de son endettement. Les considérations des premiers
juges à ce sujet ne sont au demeurant pas sans contradiction avec les autres
éléments ressortant du dossier, en particulier le fait que la société n'a pas
cessé de verser les acomptes pour l'année 1998 et qu'elle s'est également
acquittée des deux premières échéances prévues dans l'accord passé avec la
caisse. A suivre leur raisonnement jusqu'au bout, on devrait alors nier
l'existence d'un lien de causalité entre le dommage et le comportement
(fautif) des recourants; car en admettant que ces derniers auraient
immédiatement mis fin à l'exploitation de la société en mars 1998, la caisse
aurait subi - à en croire les premiers juges - un préjudice bien plus
important.

De l'ensemble de ces éléments, on ne peut pas conclure, comme l'a fait la
juridiction cantonale, que les recourants ont demandé un sursis alors qu'ils
devaient savoir que la société courrait à la faillite. A défaut d'indices
probants sur ce point et du moment que la société s'est effectivement vue
accorder un délai de paiement, le fait que l'ouverture de la faillite soit
intervenue avant la fin des échéances convenues ne saurait être imputé aux
recourants à titre de faute qualifiée (pour une affaire similaire voir
l'arrêt publié dans VSI 1999 p. 26). Le recours se révèle par conséquent bien
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis. Le jugement du
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
du 2 mai 2002 est annulé et les actions de la Caisse de compensation du
canton de Fribourg dirigées contre A.________ et B.________, en tant qu'elles
se rapportent à des cotisations de droit fédéral, sont rejetées.

2.
Les frais de justice, d'un montant total de 1'800 fr., sont mis à la charge
de l'intimée.

3.
Les avances de frais effectuées par les recourants, d'un montant de 900 fr.
chacun, leur sont restituées.

4.
L'intimée versera aux recourants la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

5.
Le Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales, statuera sur les dépens pour la procédure de première instance au
regard de l'issue définitive du procès de dernière instance.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 9 décembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   La Greffière: