Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 138/2002
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H 138/02

Arrêt du 14 janvier 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari. Greffier : M.
Beauverd

V.________, recourante, représentée par Me John H. Iglehart, avocat, rue
Bellot 16, 1211 Genève 12,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du Lac 37, 1815 Clarens,
intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 5 décembre 2001)

Faits:

A.
V. ________ et P.________, tous deux citoyens des Etats-Unis d'Amérique, se
sont mariés le 23 octobre 1964. Ils se sont établis à Genève en 1965.

Par décision du 22 juin 1972, la Caisse suisse de compensation a remboursé à
P.________, qui avait quitté la Suisse entre-temps, les cotisations payées
par le prénommé durant les années 1965 à 1969.

Le divorce des époux a été prononcé le 11 octobre 1974. V.________ a exercé
une activité lucrative en Suisse du mois d'avril 1973 au mois d'août 1978 et
du mois de décembre 1992 au mois de juin 1998.

Par décision du 18 décembre 2000, la Caisse cantonale vaudoise de
compensation (ci-après : la caisse) a alloué à la prénommée, à partir du 1er
juillet 1998, une rente de vieillesse calculée compte tenu de l'échelle de
rente 12 et d'un revenu annuel moyen déterminant de 103'716 fr.

B.
V.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurances
du canton de Vaud. Elle reprochait notamment à la caisse de n'avoir pas tenu
compte des cotisations payées par son ex-mari durant la période de mariage.

Par jugement du 5 décembre 2001, la juridiction cantonale a rejeté le
recours.

C.
V.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle requiert l'annulation, en concluant à l'octroi d'une rente de vieillesse
calculée compte tenu de l'échelle de rente 20, subsidiairement de l'échelle
de rente 18 et plus subsidiairement encore au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour instruction complémentaire et nouveau jugement.

La caisse intimée s'en remet à justice. De son côté, l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer sur le recours.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-vieillesse et survivants. Cependant, le cas d'espèce reste régi
par les dispositions de la LAVS en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu
égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467 consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
2.1 Selon l'art. 29 LAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier
1997, peuvent prétendre une rente ordinaire de vieillesse ou de survivants
tous les ayants droit auxquels il est possible de porter en compte au moins
une année entière de revenus, de bonifications pour tâches éducatives ou pour
tâches d'assistance, ou leurs survivants (al. 1). Aux termes de l'alinéa 2,
les rentes ordinaires sont servies sous forme de rentes complètes aux assurés
qui comptent une année complète de cotisation (let. a) et de rentes
partielles aux assurés qui comptent une durée incomplète de cotisation (let.
b). D'après l'art. 29ter al. 1 LAVS, dans sa version applicable depuis le 1er
janvier 1997, la durée de cotisation est réputée complète lorsqu'une personne
présente le même nombre d'années de cotisations que les assurés de sa classe
d'âge.

2.2 Aux termes de l'art. 29bis al. 2 aLAVS (dans sa version en vigueur
jusqu'au 31 décembre 1996), les années, pendant lesquelles la femme mariée ou
la femme divorcée était exemptée du paiement de cotisations en vertu de
l'art. 3 al. 2 let. b aLAVS (en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996), sont
comptées comme années de cotisations lors du calcul de la rente de vieillesse
simple. Cette disposition est applicable aux années de cotisations précédant
le 1er janvier 1997 même si la rente est déterminée après l'entrée en vigueur
(le 1er janvier 1997) de la 10ème révision de l'AVS (let. g al. 2 des
dispositions finales de la modification du 7 octobre 1994 [10ème révision de
l'AVS]). D'après l'art. 3 al. 2 let. b aLAVS, les épouses d'assurés n'étaient
pas tenues de payer des cotisations lorsqu'elles n'exerçaient pas d'activité
lucrative.

Selon la jurisprudence, ne peuvent être comptées comme années de cotisations
selon l'art. 29bis al. 2 aLAVS que des périodes durant lesquelles la femme
mariée était assurée au sens des art. 1 et 2 LAVS (ATF 104 V 123 consid. 2,
100 V 95 consid. 2c).

3.
En l'occurrence, il y a lieu d'examiner si la recourante avait, durant la
période de mariage, la qualité d'assurée, d'une part, et celle d'épouse
d'assuré, d'autre part.

3.1 L'intéressée étant domiciliée en Suisse avec son conjoint depuis le mois
de mai 1965, elle était, dès cette époque, assurée à l'AVS en vertu de l'art.
1 al. 1 let. a aLAVS. Toutefois, on doit se demander si  elle était bien
domiciliée en Suisse durant toute la période du mariage. En effet, comme
P.________ a cessé d'être assuré en 1969, son épouse aurait dû s'acquitter de
cotisations à l'AVS dès cette année-là (art. 3 al. 2 let. b aLAVS a
contrario). Or , c'est seulement à partir du mois d'avril 1973 - époque à
laquelle elle a pris une activité lucrative - que l'intéressée a commencé à
payer personnellement des cotisations.

3.2 Cela étant, on ignore non seulement si la recourante avait la qualité
d'assurée durant toute la période du mariage, mais également si elle avait
celle d'épouse d'assuré.

3.2.1 Certes, l'intéressée est d'avis qu'elle avait cette qualité dès lors
que les ex-époux, en se constituant un domicile en Suisse, étaient tous deux
personnellement assurés à l'AVS en vertu de l'art. 1 al. 1 let. a aLAVS, ce
qui suffit pour faire admettre la qualité d'assuré de l'ex-mari,
indépendamment du point de savoir si celui-ci a effectivement satisfait à son
obligation de payer des cotisations. A l'appui de son point de vue, elle
invoque un arrêt RCC 1976 p. 192.

Cet arrêt n'est toutefois d'aucun secours pour la thèse de la recourante.
Certes, selon cette jurisprudence, c'est le fait d'avoir constitué un
domicile en Suisse (ce qui, en particulier, permet de reconnaître au mari la
qualité d'assuré) et non pas l'accomplissement de l'obligation de cotiser par
l'époux, qui est déterminant pour la prise en compte des années durant
lesquelles la femme mariée était exemptée du paiement des cotisations (RCC
1976 p. 193 consid. 2). Cet arrêt concernait toutefois le cas d'un époux
assuré en raison de son domicile en Suisse, qui n'exerçait pas d'activité
lucrative et qui ne s'était pas acquitté de cotisations uniquement pour le
motif qu'il n'était plus soumis à cette obligation en raison de son âge (cf.
art. 3 al. 1, seconde phrase, LAVS). L'époux était donc bel et bien assuré au
sens de l'art. 3 al. 2 let. b aLAVS, de sorte que la période durant laquelle
il n'était plus soumis à l'obligation de payer des cotisations devait être
prise en compte au titre de l'art. 29bis al. 2 aLAVS.

3.2.2 Il en va toutefois différemment en cas de remboursement des
cotisations. Aux termes de l'art. 6 de l'ordonnance sur le remboursement aux
étrangers des cotisations versées à l'AVS du 29 novembre 1995 (OR-AVS), les
cotisations remboursées ainsi que les périodes de cotisations correspondantes
n'ouvrent plus aucun droit envers l'assurance-vieillesse et survivants. Elles
ne peuvent être versées à nouveau à cette assurance. Il résulte de cette
disposition, en liaison avec l'art. 18 al. 3 LAVS, qu'en obtenant le
remboursement des cotisations dont il s'est acquitté, le mari perd la qualité
d'assuré, de sorte que le conjoint n'a plus la qualité d'épouse d'assuré au
sens de l'art. 3 al. 2 let. b aLAVS
3.2.3Toutefois, aux termes de l'art. 2 de l'ordonnance sur le remboursement
aux étrangers et aux apatrides des cotisations versées à l'AVS du 14 mars
1952 (aOR-AVS), dans sa teneur - applicable en l'occurrence (ATF 121 V 366
consid. 1b) - en vigueur jusqu'au 31 décembre 1972, les cotisations ne
peuvent être remboursées tant que l'ancien assuré, son conjoint ou ses
enfants mineurs habitent en Suisse (al. 2).

Si donc la recourante était domiciliée en Suisse à l'époque de la demande de
remboursement des cotisations formée par son ex-époux, la Caisse suisse de
compensation n'était pas en droit de faire suite à cette requête. Mais il est
aussi possible que l'intéressée ait consenti à cette demande en indiquant à
la caisse qu'elle n'était plus domiciliée en Suisse à cette époque, ce qui
expliquerait pourquoi elle n'a pas payé de cotisations avant de prendre une
activité au mois d'avril 1973.

3.3 Vu ce qui précède, il y a lieu de renvoyer la cause à la caisse pour
qu'elle instruise le point de savoir si la recourante était domiciliée en
Suisse durant toute la période du mariage, en particulier au moment où son
ex-époux a obtenu le remboursement des cotisations dont il s'était acquitté
personnellement. Le cas échéant, la caisse devra examiner si l'intéressée a
eu la possibilité de participer à la procédure de remboursement des
cotisations à son ex-époux. Si tel n'est pas le cas, la décision de
remboursement des cotisations du 22 juin 1972 n'a acquis force de chose
décidée qu'à l'égard de P.________, de sorte qu'elle n'est pas opposable à la
recourante. En vertu de l'art. 38, en liaison avec les art. 6 et 34 al. 1 PA,
la légalité de cette décision peut être dès lors examinée dans le cadre de la
procédure d'octroi de la rente de vieillesse à l'intéressée.

La conclusion subsidiaire du recours se révèle dès lors bien fondée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal des assurances du
canton de Vaud du 5 décembre 2001 et la décision de la Caisse cantonale
vaudoise de compensation du 18 décembre 2000 sont annulés, la cause étant
renvoyée à ladite caisse pour instruction complémentaire au sens des
considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
La Caisse cantonale vaudoise de compensation versera à la recourante la somme
de 2'500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour
l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera à nouveau sur les
dépens de l'instance cantonale, au regard de l'issue du procès.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 janvier 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: