Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 93/2002
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2002
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2002


B 93/02

Arrêt du 3 mai 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffier
: M. Berthoud

N.________, recourant, représenté par Me Jean-Jacques Martin, avocat, Etude
Martin & Davidoff, place du Port 2, 1204 Genève,

contre

Caisse paritaire de prévoyance bâtiment et gypserie-peinture, rue de Malatrex
14, 1201 Genève, intimée

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 3 septembre 2002)

Faits:

A.
A.a N.________, né en 1946, a été employé en qualité de manoeuvre par
l'entreprise de constructions S.________ SA; à ce titre, il était affilié
pour la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité à la
Caisse paritaire de prévoyance bâtiment et gypserie-peinture (la caisse
paritaire).

Le 5 juin 1989, il a été victime d'un accident de chantier au cours duquel il
a subi une fracture du calcaneum gauche. Les suites de l'accident ont été
prises en charge par la CNA, qui a versé des indemnités journalières.

A.b Après avoir tenté de reprendre son ancienne activité à mi-temps, l'assuré
a suivi un stage d'observation professionnelle d'octobre à décembre 1991,
puis entrepris un reclassement professionnel comme horloger décolleteur à
partir de janvier 1992, avec le soutien de l'AI qui lui a versé des
indemnités journalières durant ces périodes. Par décision du 1er septembre
1992, l'Office AI du canton de Genève (ci-après : l'office AI) l'a mis au
bénéfice d'une rente entière d'invalidité, fondée sur un degré d'invalidité
de 100 %, du 1er juin 1990 au 31 janvier 1992.

Affecté de douleurs aux épaules, N.________ a été contraint de mettre un
terme à son stage de formation au mois de février 1996, après un premier
arrêt de travail du 4 novembre 1994 au 31 mai 1995. Par deux décisions du 17
juin 1997, l'office AI lui a alloué une rente ordinaire simple d'invalidité
fondée sur un degré d'invalidité de 100 %, du 1er novembre 1994 au 31 août
1995, et une rente ordinaire simple d'invalidité fondée sur un degré
d'invalidité de 80 %, depuis le 1er février 1996. Par ailleurs, des
indemnités journalières lui ont été versées du 4 décembre 1994 au 25 novembre
1998 par la caisse-maladie CMBB et, dès le 1er mai 1997, il a été mis au
bénéfice d'une rente de la CNA pour les suites de l'accident de 1989, fondée
sur une incapacité de gain de 20 %.

A.c Au mois de mars 1998, N.________ a requis le versement d'une pension
d'invalidité de la caisse paritaire. Celle-ci a rejeté la demande, par lettre
du 29 octobre 1999, au motif qu'il n'existait pas de connexité matérielle
entre les deux sinistres.

B.
B.aLe 30 novembre 1999, l'assuré a ouvert action contre la caisse paritaire
devant le Tribunal administratif de la République et canton de Genève
(aujourd'hui : Tribunal cantonal des assurances sociales), en concluant à
l'octroi d'une pension complète d'invalidité. Par jugement du 6 mars 2001, le
tribunal a admis la demande.

Par arrêt du 15 novembre 2001, le Tribunal fédéral des assurances a admis le
recours de droit administratif formé par la caisse paritaire, annulé le
jugement entrepris et renvoyé l'affaire aux premiers juges pour qu'ils
déterminent si l'invalidité présentée par N.________, ou quelle part de
celle-là, demeurait en relation de connexité matérielle et temporelle avec
l'incapacité de travail qui avait débuté en 1989.

B.b Par jugement du 3 septembre 2002, le tribunal a rejeté la demande,
considérant pour l'essentiel qu'il n'y avait plus de connexité matérielle
entre l'invalidité de l'assuré et l'incapacité de travail consécutive à
l'accident de 1989.

C.
N.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant à l'octroi d'une
rente entière d'invalidité. Il a sollicité également le bénéfice de
l'assistance judiciaire, puis a retiré cette demande.

La caisse paritaire conclut implicitement au rejet du recours, ce que
l'Office fédéral des assurances sociales propose également. L'intimée a été
invitée à compléter son dossier et le recourant s'est déterminé sur l'apport
des nouvelles pièces versées à la procédure.

Considérant en droit:

1.
1.1 Ont droit à des prestations d'invalidité les invalides qui étaient
assurés lors de la survenance de l'incapacité de travail dont la cause est à
l'origine de l'invalidité (art. 23, 2e partie de la phrase, LPP). La qualité
d'assuré doit exister au moment de la survenance de l'incapacité de travail,
mais pas nécessairement lors de l'apparition ou de l'aggravation de
l'invalidité. Lorsqu'il existe un droit à une prestation d'invalidité fondée
sur une incapacité de travail survenue durant la période d'assurance,
l'institution de prévoyance concernée est tenue de prendre en charge le cas,
même si le degré d'invalidité se modifie après la fin des rapports de
prévoyance. Dans ce sens, la perte de la qualité d'assuré ne constitue pas un
motif d'extinction du droit aux prestations au sens de l'art. 26 al. 3 LPP
(ATF 123 V 263 consid. 1a, 118 V 45 consid. 5).

1.2 L'art. 23 LPP a aussi pour but de délimiter les responsabilités entre
institutions de prévoyance, lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa
santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au
service d'un nouvel employeur (en changeant en même temps d'institution de
prévoyance) et est mis au bénéfice, ultérieurement, d'une rente de
l'assurance-invalidité : le droit aux prestations ne découle pas du nouveau
rapport de prévoyance; les prestations d'invalidité sont dues par l'ancienne
institution, auprès de laquelle l'intéressé était assuré lorsque est survenue
l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité.

Cependant, pour que l'ancienne institution de prévoyance reste tenue à
prestations, il faut non seulement que l'incapacité de travail ait débuté à
une époque où l'assuré lui était affilié, mais encore qu'il existe entre
cette incapacité de travail et l'invalidité une relation d'étroite connexité
matérielle et temporelle. Il y a connexité matérielle si l'affection à
l'origine de l'invalidité est la même que celle qui s'est déjà manifestée
durant l'affiliation à la précédente institution de prévoyance (et qui a
entraîné une incapacité de travail). La connexité temporelle implique qu'il
ne se soit pas écoulé une longue interruption de l'incapacité de travail;
elle est rompue si, pendant une certaine période, l'assuré est à nouveau apte
à travailler. L'ancienne institution de prévoyance ne saurait, en effet,
répondre de rechutes lointaines ou de nouvelles manifestations de la maladie
plusieurs années après que l'assuré a recouvré sa capacité de travail (ATF
123 V 264 consid. 1c, 120 V 117 consid. 2c/aa).

2.
2.1 Ainsi que l'a précisé le Tribunal fédéral des assurances dans son arrêt de
renvoi du 15 novembre 2001, les mêmes principes s'appliquent lorsque
plusieurs atteintes à la santé concourent à l'invalidité. Dans cette
hypothèse, il ne suffit pas de constater la persistance d'une incapacité de
gain et d'une incapacité de travail qui a débuté durant l'affiliation à
l'ancienne institution de prévoyance pour justifier le droit à une prestation
de prévoyance. Il convient au contraire, conformément à l'art. 23 LPP qui se
réfère à la cause de l'incapacité de travail, d'examiner séparément, en
relation avec chaque atteinte à la santé, si l'incapacité de travail qui en a
résulté est survenue durant l'affiliation à l'institution de prévoyance et
est à l'origine d'une invalidité.

2.2 Le fait que les décisions de l'assurance-invalidité fédérale lient en
principe les institutions de prévoyance (ATF 123 V 271 consid. 2a et les
références, 115 V 210 consid. 2b et les références; ATF 129 V 75 consid. 4.2)
n'y change rien. Ce principe trouve en effet sa limite lorsque la décision de
l'assurance-invalidité n'est pas soutenable (ATF 120 V 108 consid. 3c) et
lorsque la décision des organes de l'assurance-invalidité est fondée sur des
éléments sans pertinence pour la détermination du droit à une pension de
prévoyance. Tel est précisément le cas, a rappelé la Cour de céans, lorsque
le degré d'invalidité fixé par les organes de l'assurance-invalidité résulte
de plusieurs causes dont seules certaines sont à l'origine d'une incapacité
de travail survenue durant l'affiliation à une institution de prévoyance au
sens de l'art. 23 LPP.

3.
3.1 A la suite de l'échec des mesures de réadaptation, l'office AI a reconnu
au recourant le droit à une rente entière d'invalidité fondée sur un degré
d'incapacité de gain de 100 %, du 1er novembre 1994 au 31 mai 1995, et de 80
% dès le 1er février 1996. Des pièces du dossier de l'assurance-invalidité,
il ressort que ces taux d'invalidité résultent de la répercussion sur la
capacité de gain de deux atteintes à la santé. La première touche le membre
inférieur gauche et est consécutive à la fracture de la cheville gauche au
mois de juin 1989; la seconde intéresse les membres supérieurs et constitue
une suite de la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite en
novembre 1994 et de l'épaule gauche en février 1996.

Sous l'angle de la prévoyance professionnelle, l'intimée ne répond que des
suites de la première atteinte à la santé, dans la mesure où l'incapacité de
travail qui en a résulté est survenue à une époque où le recourant lui était
affilié. En revanche, l'intimée ne répond pas des suites des atteintes aux
membres supérieurs, car ces affections ne se sont pas manifestées pendant
l'affiliation du recourant à l'institution de prévoyance et elles ne
constituent ni une rechute, ni une aggravation de l'atteinte au membre
inférieur gauche. En d'autres termes, si les ruptures des coiffes des
rotateurs des épaules droite (en 1994) et gauche (en 1996) s'inscrivent dans
le temps dans le prolongement de l'événement assuré de 1989, l'invalidité qui
en résulte ne se trouve pas dans un rapport de connexité matérielle avec la
fracture de la cheville gauche (en 1989) et n'engage donc pas la
responsabilité de l'intimée. Au demeurant, aucune pièce au dossier n'établit
ou n'évoque, au plan médical, un lien quelconque entre l'atteinte au pied
gauche et les troubles aux épaules.

3.2 En raison des suites de l'accident de 1989, le recourant ne peut pas
surcharger le membre inférieur gauche, se déplacer en terrain instable ou en
pente, marcher plus d'une demi-heure, s'agenouiller ou s'accroupir
fréquemment. Il dispose néanmoins d'une pleine capacité de travail dans une
activité adaptée, essentiellement sédentaire et assise, et ce dès le début
des mesures de réadaptation. Dans le cadre de l'exigibilité, les séquelles de
l'accident de 1989 laissent apparaître un manque à gagner ou une incapacité
de gain de 20 % (cf. décision de la CNA du 16 mars 1999). A lui seul, ce taux
d'invalidité n'est pas suffisant pour ouvrir droit à une rente de la
prévoyance professionnelle (art. 24 LPP) ou de la caisse paritaire, dont le
règlement sur ce point se réfère aux dispositions de l'assurance-invalidité
(cf. art. 35 et suivants du règlement de l'intimée, en vigueur depuis le 1er
janvier 1990 et applicable en l'espèce : cf. ATF 121 V 99-101 consid. 1).

3.3 Le recourant invoque également la couverture, par la prévoyance
professionnelle, des personnes au bénéfice d'une mesure de réadaptation de
l'AI percevant des indemnités journalières de cette assurance, d'un montant
annuel supérieur au minimum LPP. Il s'agit-là toutefois d'une question qui
relève du législateur fédéral et non du pouvoir judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances
sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 3 mai 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: