Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 62/2002
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B 62/02

Arrêt du 14 janvier 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière : Mme
Gehring

P.________, recourant, représenté par Me Daniel Meyer, avocat, Rue
Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève,

contre

Winterthur-Columna fondation LPP, Paulstrasse 9, 8400 Winterthur, intimée

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 18 juin 2002)

Faits :

A.
P. ________, né en 1956, a travaillé en qualité de marbrier au service de la
société B.________ SA, depuis le 1er juin 1987 jusqu'au 31 décembre 1992. A
ce titre, il était affilié à la Winterthur-Columna fondation LPP (ci-après :
l'institution de prévoyance). A la suite d'un accident survenu au mois de mai
1992, il a subi une période d'incapacité de travail. A partir du 1er janvier
1993, il a travaillé au service de la société R.________ SA, jusqu'à la fin
du mois d'avril 1995. Il était alors affilié à la fondation Progressa,
fondation collective de la Genevoise, Compagnie d'Assurance sur la Vie. Par
décision du 5 mars 1998, l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité
lui a alloué une rente entière (fondée sur un degré d'invalidité de 100 %) à
partir du 1er novembre 1996.

Saisie d'une demande de prestations d'invalidité, l'institution de prévoyance
a refusé d'y donner suite, motif pris que l'incapacité de travail était
apparue après la fin des rapports de prévoyance.

B.
P.________ a alors assigné l'institution de prévoyance devant le Tribunal
administratif de la République et Canton de Genève en paiement d'une rente
d'invalidité.

Par jugement du 18 juin 2002, la juridiction cantonale a rejeté l'action dont
elle était saisie, en considérant que l'incapacité de travail de l'intéressé
avait débuté après la fin des rapports de prévoyance.

C.
P.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement
dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi
d'une rente d'invalidité et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour nouvelle décision.
L'intimée conclut au rejet du recours, ce que l'Office fédéral des assurances
sociales propose également.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte sur le point de savoir si le recourant a droit au versement
d'une rente par l'intimée. Selon la juridiction cantonale, l'institution de
prévoyance ne saurait être tenue d'allouer une telle prestation, motif pris
que l'incapacité de travail invalidante s'est produite après la fin des
rapports de prévoyance. De son côté, le recourant fait valoir que cette
incapacité est apparue en 1992, soit durant les rapports de prévoyance. Il
convient dès lors d'examiner à quel moment est apparue l'incapacité de
travail invalidante.

2.
Ont droit à des prestations d'invalidité les invalides qui étaient assurés
lors de la survenance de l'incapacité de travail dont la cause est à
l'origine de l'invalidité (art. 23, 2e partie de la phrase, LPP). Selon la
jurisprudence, l'événement assuré au sens de l'art. 23 LPP est uniquement la
survenance d'une incapacité de travail d'une certaine importance,
indépendamment du point de savoir à partir de quel moment et dans quelle
mesure un droit à une prestation d'invalidité est né. La qualité d'assuré
doit exister au moment de la survenance de l'incapacité de travail, mais pas
nécessairement lors de l'apparition ou de l'aggravation de l'invalidité.
Cette interprétation littérale est conforme au sens et au but de la
disposition légale en cause, laquelle vise à faire bénéficier de l'assurance
le salarié qui, après une maladie d'une certaine durée, devient invalide
alors qu'il n'est plus partie à un contrat de travail. Lorsqu'il existe un
droit à une prestation d'invalidité fondée sur une incapacité de travail
survenue durant la période d'assurance, l'institution de prévoyance concernée
est tenue de prendre en charge le cas, même si le degré d'invalidité se
modifie après la fin des rapports de prévoyance. Dans ce sens, la perte de la
qualité d'assuré ne constitue pas un motif d'extinction du droit aux
prestations au sens de l'art. 26 al. 3 LPP (ATF 123 V 263 consid. 1a, 118 V
45 consid. 5).
Conformément à l'art. 26 al. 1 LPP, les dispositions de la LAI (art. 29 LAI)
s'appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations
d'invalidité. Si une institution de prévoyance reprend - explicitement ou par
renvoi - la définition de l'invalidité dans l'AI, elle est en principe liée,
lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation de l'invalidité des
organes de l'assurance- invalidité, sauf lorsque cette estimation apparaît
d'emblée insoutenable (ATF 126 V 311 consid. 1 in fine). Cette force
contraignante vaut non seulement pour la fixation du degré d'invalidité (ATF
115 V 208), mais également pour la détermination du moment à partir duquel la
capacité de travail de l'assuré s'est détériorée de manière sensible et
durable (ATF 123 V 271 consid. 2a et les références citées). A cet égard, le
chiffre 20.3 du règlement de prévoyance de l'intimée reprend le contenu de
l'article 23 LPP. Par ailleurs, dans un récent arrêt K. du 29 novembre 2002
(B 26/01) destiné à la publication aux ATF 128 V, le Tribunal fédéral des
assurances a précisé que les caisses de compensation étaient tenues de
communiquer d'office les décisions de rente  aux institutions de prévoyance
intéressées et qu'à défaut, la fixation du degré d'invalidité (principe,
étendue matérielle et temporelle) par les organes de l'assurance-invalidité
ne liait pas les institutions de prévoyance.
L'art. 23 LPP a aussi pour but de délimiter les responsabilités entre
institutions de prévoyance, lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa
santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au
service d'un nouvel employeur (en changeant en même temps d'institution de
prévoyance) et est mis au bénéfice, ultérieurement, d'une rente de
l'assurance-invalidité : le droit aux prestations ne découle pas du nouveau
rapport de prévoyance; les prestations d'invalidité sont dues par l'ancienne
institution, auprès de laquelle l'intéressé était assuré lorsque est survenue
l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité.

Cependant, pour que l'ancienne institution de prévoyance reste tenue à
prestations, il faut non seulement que l'incapacité de travail ait débuté à
une époque où l'assuré lui était affilié, mais encore qu'il existe entre
cette incapacité de travail et l'invalidité une relation d'étroite connexité;
dans ce cas seulement, la nouvelle institution est libérée de toute
obligation de verser une rente. La connexité doit être à la fois matérielle
et temporelle. Il y a connexité matérielle si l'affection à l'origine de
l'invalidité est la même que celle qui s'est déjà manifestée durant
l'affiliation à la précédente institution de prévoyance (et qui a entraîné
une incapacité de travail). La connexité temporelle implique qu'il ne se soit
pas écoulé une longue interruption de l'incapacité de travail; elle est
rompue si, pendant une certaine période, l'assuré est à nouveau apte à
travailler. L'ancienne institution de prévoyance ne saurait, en effet,
répondre de rechutes lointaines ou de nouvelles manifestations de la maladie
plusieurs années après que l'assuré a recouvré sa capacité de travail. Mais
une brève période de rémission ne suffit pas pour interrompre le rapport de
connexité temporelle (ATF 123 V 264 consid. 1c, 120 V 117 consid. 2c/aa).

3.
3.1 En l'espèce, l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité a alloué
au recourant une rente entière fondée sur un degré d'invalidité de 100 % à
partir du 1er novembre 1996, en raison d'une incapacité de travail de 40 % au
moins apparue au mois de novembre 1995 (art. 29 al. 1 let. b LAI dans sa
version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002). En l'occurrence, il n'existe
aucun élément laissant apparaître que cette décision est insoutenable. Le
recourant ne le prétend d'ailleurs pas. Cela étant, force est de constater
que l'incapacité de travail déterminante pour établir le début du droit à la
rente de l'assurance-invalidité est apparue au mois de novembre 1995, soit
bien après la fin des rapports de prévoyance, le 31 décembre 1992.

3.2 Toutefois, selon le recourant, l'incapacité de travail dont la cause est
à l'origine de l'invalidité (art. 23 LPP) est apparue en 1992 déjà, soit
pendant les rapports de prévoyance.

Ce point de vue est mal fondé. Pour que l'institution de prévoyance soit
tenue à prestations, il faut non seulement que l'incapacité de travail dont
la cause est à l'origine de l'invalidité ait débuté à une époque où le
recourant lui était affilié, mais encore qu'il existe entre cette incapacité
et l'invalidité, une connexité à la fois matérielle et temporelle. En
l'occurrence, même s'il existait un lien de connexité matérielle entre
l'incapacité de travail subie immédiatement après l'accident survenu en 1992
et l'invalidité, il n'en reste pas moins que le recourant a exercé une
activité lucrative à partir du 1er janvier 1993 jusqu'au 1er avril 1995, soit
pendant plus de deux années après la fin des rapports de prévoyance. En
regard de l'activité professionnelle déployée par l'assuré durant cette
période, il apparaît que l'incapacité de travail subie en 1992 a par
conséquent fait l'objet d'une interruption d'une durée propre à rompre le
lien de connexité temporelle avec l'invalidité. Force est dès lors de
constater - sans qu'il soit nécessaire de requérir l'édition du dossier
constitué par l'assurance-invalidité - que l'incapacité de travail dont la
cause est à l'origine de l'invalidité (art. 23 LPP) est apparue bien après la
fin des rapports de prévoyance.

3.3 Vu ce qui précède, l'intimée ne saurait être tenue d'allouer une rente
d'invalidité au recourant. Le jugement entrepris n'est dès lors pas
critiquable et le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif de la
République et Canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 janvier 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   La Greffière: