Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 49/2002
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B 49/02
B 56/02

Arrêt du 10 septembre 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Leuzinger, Lustenberger et
Ferrari. Greffier: M. Métral

Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, rue Caroline 11, 1001 Lausanne,
recourante,

contre

1. A.________,

2. B.________, intimés,
tous les 2 représentés par Me Jean-Michel Henny, avocat, place Saint-François
11, 1002 Lausanne,

et

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003 Berne,
recourant,

contre

Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, rue Caroline 11, 1001 Lausanne, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 29 avril 2002)

Faits:

A.
Par jugement du 9 avril 2001, entré en force le 3 mai 2001, le Tribunal
d'arrondissement de Lausanne a prononcé le divorce des époux A.________ et
B.________ et ratifié la convention sur les effets accessoires qui lui était
soumise. Conformément au chiffre III du dispositif du jugement, la Caisse de
pensions de l'Etat de Vaud a été invitée à prélever sur le compte de
prévoyance de A.________, né le 3 février 1940, n° d'assuré X.________, un
montant de 196'668 fr. 10 et à le transférer sur le compte de prévoyance de
B.________, née le 2 mars 1952, auprès de la Caisse fédérale de compensation.

La Caisse de pensions de l'Etat de Vaud (CPEV) a, par lettre du 15 juin 2001
adressée au Tribunal d'arrondissement de Lausanne, refusé de procéder à ce
transfert, au motif que l'ex-époux étant âgé de plus de 60 ans, le partage
des prestations de sortie était exclu.

B.
Par écriture du 18 septembre 2001, A.________ et B.________ se sont adressé
au Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant, sous suite de
frais et dépens, à l'exécution du chiffre III du dispositif du jugement de
divorce. La CPEV a conclu au rejet de l'action.

Par jugement du 29 avril 2002, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
décliné sa compétence et transmis le dossier au Département des institutions
et des relations extérieures, autorité de surveillance de la CPEV.

C.
La CPEV interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation, sous suite de frais. Elle conclut à ce que le
Tribunal des assurances du canton de Vaud soit déclaré compétent pour
instruire et juger l'action entreprise et à ce qu'il soit donné suite à la
procédure.

L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette également recours
de droit administratif contre ce jugement. En substance, il en demande la
réforme, en ce sens que la cause soit transmise au juge civil comme objet de
sa compétence, plutôt qu'à l'autorité de surveillance de la CPEV.

Les ex-époux s'en remettent à justice.

D.
L'OFAS a été invité à se déterminer sur l'observation du délai de recours, ce
qu'il a fait par écriture du 8 août 2002.

E.
Par lettre du 29 janvier 2003, le juge délégué à l'instruction a invité
l'OFAS a lui faire savoir s'il entendait maintenir son recours. La réponse de
l'office recourant, négative, comportait également une motivation nouvelle et
détaillée destinée à compléter son écriture de recours. Par ailleurs, sans y
avoir été invitée, la CPEV a déposé une motivation complémentaire le 12
février 2003.

Considérant en droit:

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de les réunir et de les liquider dans un
seul arrêt (ATF 123 V 215 consid. 1, 120 V 466 consid. 1 et les références).

2.
2.1 Aux termes de l'art. 106 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 132 OJ, le
recours de droit administratif doit être déposé devant le Tribunal fédéral
des assurances dans les trente jours ou, s'il s'agit d'une décision
incidente, dans les dix jours dès la notification de la décision. Ce délai,
fixé par la loi, ne peut être prolongé (art. 33 al. 1 OJ).

Le jugement par lequel une autorité juridictionnelle statue sur sa
compétence, soit qu'elle constate qu'elle est compétente et qu'une partie le
conteste (art. 9 al. 1 PA), soit au contraire qu'elle prenne une décision
d'irrecevabilité si elle se tient pour incompétente et qu'une partie prétend
qu'elle est compétente (art. 9 al. 2 PA), est une décision incidente au sens
de l'art. 45 al. 2 let. a PA, en liaison avec les art. 5 al. 2 PA, 97 al. 1
et 128 OJ (ATF 110 V 355 consid. 1b).

2.2 Dans le cas d'espèce, le mémoire de recours de l'OFAS a été déposé le 27
juin 2002 alors que le jugement cantonal lui a été notifié le 31 mai 2002.
Comme le Tribunal des assurances du canton de Vaud a statué uniquement sur sa
compétence, il a rendu une décision incidente. Dès lors, conformément à ce
qui précède, le délai de recours contre le jugement cantonal était de dix
jours, ce que mentionnait l'indication relative aux voies de recours. Déposé
tardivement, le recours de droit administratif est irrecevable, l'OFAS ne
faisant au demeurant pas valoir de motifs qui justifieraient la restitution
du délai.

3.
Cela étant, il reste à examiner le recours interjeté par la CPEV. Dans ce
cadre, il ne sera pas tenu compte de l'écriture complémentaire déposée par la
caisse après l'échéance du délai de recours, sans qu'un second échange
d'écriture ait été ordonné par la Cour de céans (art. 110 al. 4 OJ).

4.
Le litige porte exclusivement sur la compétence ratione materiae du Tribunal
des assurances du canton de Vaud, dès lors que le président, statuant seul,
s'est déclaré incompétent pour trancher le litige opposant les parties.

Ainsi, la décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si le premier juge a violé le droit fédéral, y compris par l'excès
ou par l'abus de son pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont
été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils
ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

5.
5.1 Aux termes de l'art. 22 al. 1, première phrase LFLP, les prestations de
sortie acquises durant le mariage, sont partagées, en cas de divorce,
conformément aux art. 122, 123, 141 et 142 du code civil. Selon la première
de ces dispositions légales, lorsque l'un des époux au moins est affilié à
une institution de prévoyance et qu'aucun cas de prévoyance n'est survenu,
chaque époux a droit à la moitié de la prestation de sortie de son conjoint
calculée pour la durée du mariage (art. 122 al. 1 CC). A certaines
conditions, le juge peut refuser le partage ou l'un des époux y renoncer,
totalement ou partiellement (art. 123 CC).

En revanche, lorsque le cas de prévoyance est survenu, un partage n'est
techniquement plus possible, dès lors que cette circonstance a pour effet de
supprimer toute prétention à une prestation de sortie. Dans ce cas, comme
dans celui de l'impossibilité de procéder au partage, une indemnité équitable
sera due (art. 124 CC; sur ces questions, cf. Thomas Geiser, Berufliche
Vorsorge im neuen Scheidungsrecht, in: Vom alten zum neuen Scheidungsrecht,
Berne 1999, p. 69 ss; Schneider/Bruchez, La prévoyance professionnelle et le
divorce, in: Le nouveau droit du divorce, Lausanne 2000, p. 219 ss).

5.2 Les dispositions introduites par la modification du 26 juin 1998 du code
civil suisse, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, contiennent des règles
de procédure énoncées aux art. 135 ss CC comme aux art. 25 et 25a LFLP. Ces
dispositions ont pour effet d'intégrer les institutions de prévoyance dans la
procédure de divorce, ces institutions ne devenant toutefois pas parties à la
procédure. Mais ainsi, la procédure n'a plus pour objet de déterminer
uniquement les droits et obligations des époux entre eux, mais aussi leurs
prétentions à l'égard de leurs institutions de prévoyance.

Du point de vue procédural, la situation sera différente selon que les époux
et les institutions de prévoyance concernées s'accordent quant aux montants à
prendre en compte et à leur partage ou que la contestation porte également
sur les rapports de prévoyance comme sur la clé de répartition de ces avoirs.

Ainsi, lorsque les conjoints sont parvenus à un accord quant au partage des
prestations de sortie et aux modalités de son exécution, et qu'ils produisent
une attestation des institutions de prévoyance professionnelle concernées
confirmant le caractère réalisable de cet accord et le montant des avoirs
déterminants pour le calcul des prestations de sortie à partager, la
convention, une fois ratifiée, est également contraignante pour les
institutions de prévoyance professionnelle. Le juge leur communique les
dispositions du jugement entré en force qui les concernent, y compris les
indications nécessaires au transfert du montant prévu (art. 141 al. 1 et 2
CC).

En revanche, en l'absence de convention, le juge du divorce fixe les
proportions dans lesquelles les prestations de sortie doivent être partagées
(art. 142 al. 1 CC). Puis, dans ce cas de désaccord, le juge du lieu de
divorce compétent au sens de l'art. 73 al. 1 LPP (i.e. le juge des
assurances) doit, après que l'affaire lui a été transmise, exécuter d'office
le partage sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du
divorce (art. 25a al. 1 LFLP) et déterminer le montant précis des avoirs de
prévoyance qui reviennent à chacun des époux.

5.3 Pour pouvoir procéder au partage de la prévoyance acquise pendant le
mariage, il importe de connaître les montants dont disposent les époux auprès
de leurs institutions de prévoyance respectives. En cas de divorce, selon
l'art. 24 al. 3 LFLP, l'institution de prévoyance est tenue, sur demande, de
fournir les renseignements sur le montant des avoirs déterminants pour le
calcul de la prestation de sortie à partager aussi bien au juge du divorce
qu'à l'assuré.

Dans le cadre d'un règlement à l'amiable (art. 141 al. 1 CC), le juge a pour
tâche notamment de contrôler les indications fournies par l'institution de
prévoyance. Il ne peut ratifier la convention au sens de l'art. 140 CC que si
les époux produisent les attestations des institutions de prévoyance
professionnelle appelées à verser la prestation de libre passage,
attestations confirmant aussi bien le caractère réalisable de cet accord que
le montant des avoirs déterminants pour le calcul des prestations de sortie à
partager. Cette exigence permet de garantir l'exécution des dispositions
convenues vis-à-vis de l'institution de prévoyance dès lors que la
convention, une fois ratifiée, est contraignante pour cette dernière
(Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, p. 221 n° 65;
Schneider/Bruchez, op. cit., p. 248).

Bien que l'institution de prévoyance professionnelle ne soit pas partie à la
procédure de divorce, ni même partie intervenante, le caractère définitif et
exécutoire du jugement à son égard découle de la loi (art. 141 al. 1 CC). En
cas de refus de l'institution de prévoyance de donner suite aux dispositions
du jugement de divorce relatives au partage de la prestation de sortie,
l'époux bénéficiaire devra procéder par la voie de l'exécution forcée, le
jugement de divorce constituant à cet égard un titre de mainlevée définitive
au sens de l'art. 80 LP (Karl Spühler, Neues Scheidungsverfahren, Zurich
2000, p. 79). A la différence du système en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999
(cf. arrêt F. du 28 janvier 2003, B 96/00; Frank Heyden, Das Verhältnis
zwischen den Kognitionen des Scheidungsrichters und des Versicherungsrichtes
nach Art. 22 FZG, in: SJZ 1996, p. 22 ss), il n'y a plus lieu en revanche de
lui imposer d'ouvrir action devant un tribunal des assurances (compétent au
sens de l'art. 25a LFLP et 73 LPP) dès lors que, comme on l'a vu, le jugement
de divorce définitif et exécutoire l'est désormais également pour
l'institution de prévoyance.
Il ne pourrait en aller autrement que dans le cas où le juge du divorce
ratifie la convention sans disposer de l'attestation de l'institution de
prévoyance professionnelle confirmant le caractère réalisable de l'accord.
Dans ce cas en effet, le jugement n'est pas contraignant à l'égard de ladite
institution et la procédure devra se poursuivre devant le juge des assurances
comme dans le cas de l'art. 142 CC.

5.4 Dans le cas d'espèce, les constatations de faits du premier juge sont
manifestement incomplètes, dès lors que le jugement rendu passe totalement
sous silence la question de l'attestation fournie par la CPEV quant au
caractère réalisable de la convention passée entre époux, de sorte que le
caractère obligatoire du jugement de divorce à l'égard de l'institution de
prévoyance n'a pas été examiné.

En l'absence de constatation relative à ces faits pertinents, il n'est pas
possible de trancher la question de savoir si c'est à juste titre que le juge
des assurances s'est déclaré incompétent - les époux disposant alors de la
voie de l'exécution forcée à l'encontre de la CPEV (consid. 5.3 supra) - ou
s'il devait donner suite à la procédure. C'est dans cette mesure qu'il
convient d'annuler le jugement cantonal et de renvoyer la cause au premier
juge.

En procédant aux constatations sur le caractère réalisable du partage au
regard de l'attestation fournie, le premier juge aura soin de ne pas limiter
son examen uniquement au contenu écrit de ce document. En effet, ainsi que
l'expose pertinemment la doctrine, ce caractère peut également être retenu
lorsque les informations requises sont données par l'institution de
prévoyance au regard ou dans le cadre d'une procédure de divorce (Geiser, op.
cit., p. 96 n° 2.108; Myriam Grütter/Daniel Summermatter, Erstinstanzliche
Erfahrungen mit dem Vorsorgeausgleich bei Scheidung, insbesondere nach Art.
124 ZGB, in: FamPra. ch 4/2002 p. 644).

S'il devait cependant tenir pour constant que, faute d'attestation idoine, le
jugement n'est pas exécutoire vis-à-vis de l'institution de prévoyance, il
lui incomberait alors d'examiner s'il peut statuer dans le sens de l'accord
passé par les époux au titre de convention sur les effets accessoires du
divorce et rendre un jugement condamnatoire à l'encontre de la CPEV. Ce n'est
finalement que s'il devait arriver à la conclusion que l'accord n'est pas
réalisable (dans le sens des conclusions de la CPEV) que l'affaire serait à
nouveau de la compétence du juge du divorce pour statuer sur l'indemnité
équitable de l'art. 124 CC.

6. Vu le sort du recours, on peut renoncer à percevoir des frais.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Les causes B 49/02 et B 56/02 sont jointes.

2.
Le recours de droit administratif déposé par l'OFAS est irrecevable.

3.
Le recours de la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud est admis, en ce sens
que le jugement du 29 avril 2002 du Tribunal des assurances du canton de Vaud
est annulé, la cause étant renvoyé au premier juge pour qu'il statue à
nouveau en procédant conformément aux considérants.

4.
Il n'est pas perçu de frais de justice et l'avance de frais versée par la
recourante, d'un montant de 500 fr., lui est restituée.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties et au Tribunal des assurances du
canton de Vaud.

Lucerne, le 10 septembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: