Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Anklagekammer 8G.123/2002
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8G.123/2002 /rod

Arrêt du 5 février 2003
Chambre d'accusation

Les juges fédéraux Karlen, président,
Fonjallaz, vice-président et Marazzi,
greffier Fink.

X. ________,
plaignant, représenté par Me Oscar Zumsteg, avocat, rue de l'Hôpital 11, 2001
Neuchâtel 1,

contre

Administration fédérale des douanes, Direction générale des douanes, 3003
Berne.

refus de consultation du dossier (art. 36 DPA, 26 à 28 PA),

plainte contre la décision de l'Administration fédérale des douanes du 10
décembre 2002.

Faits:

A.
X. ________ est soupçonné par les autorités douanières d'être à l'origine de
deux importations illégales de viande découvertes en été 2000. Une enquête a
été ouverte par la Direction d'arrondissement des douanes de Genève, Service
des enquêtes de Lausanne (D III). X.________ a tenté d'avoir accès au dossier
complet, ce qui lui a été refusé une première fois au mois de novembre 2000,
alors qu'il n'était pas encore inculpé, puis une deuxième fois au mois de
septembre 2001, après son inculpation. Ces deux refus ont donné lieu à des
plaintes devant la Chambre de céans qui ont été rejetées (arrêts 8G.70/2000
du 9 janvier 2001 et 8G.78/2001 du 11 décembre 2001).

B.
L'enquête suit son cours et, selon l'administration, elle nécessite encore
l'audition de certaines personnes, dont l'inculpé qui est convoqué depuis le
mois de juin 2002, mais allègue sans cesse des empêchements.

C.
Le 12 novembre 2002, le Service des enquêtes a refusé au mandataire de
l'inculpé la consultation de l'intégralité des pièces du dossier, un accès
partiel étant autorisé, au motif que l'intérêt de l'enquête officielle, non
encore close, l'exigeait (art. 36 DPA, 27 al. 1 let. c PA).

Par une décision du 10 décembre 2002, la Direction générale des douanes
(ci-après: DGD) a rejeté la plainte de l'inculpé contre le refus d'accès à la
totalité des pièces du dossier.

D.
L'inculpé saisit la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral d'une plainte du
13 décembre 2002, tendant à l'annulation de la décision de la DGD du 10
décembre 2002, à un accès complet au dossier, à la suspension de la procédure
devant un tribunal tant que l'enquête ne sera pas terminée et à la
possibilité de compléter sa plainte, le tout sous suite de frais et dépens.

E.
Dans sa réponse du 24 décembre 2002, dont le plaignant a reçu un double (sans
les annexes), la DGD conclut au rejet de la plainte, dans la mesure de sa
recevabilité, sous suite de frais.

Cette autorité précise que l'inculpé fait l'objet de deux autres procédures
antérieures pour contrebande de viande, dont l'une en est au stade du
jugement par le Tribunal correctionnel.

La Chambre considère en droit:

1.
Le plaignant, sous ch. 3 p. 4 de son mémoire, affirme qu'il est convoqué à
une audience préliminaire devant le Tribunal correctionnel et qu'une audience
d'instruction ainsi que de jugement aura lieu durant le premier trimestre de
2003. Il estime arbitraire la transmission d'un dossier au tribunal sans que
l'enquête soit totalement close alors qu'elle concerne le recourant pour des
mêmes faits. Les droits de la défense seraient bafoués car celle-ci n'aurait
pas eu l'occasion de faire administrer de nouvelles preuves. Ainsi, toutes
procédures devant le tribunal devraient être suspendues.

Dans sa réponse, la DGD précise que l'affaire déférée au Tribunal
correctionnel  est totalement indépendante de celle pour laquelle la
consultation du dossier est en partie refusée au plaignant. Il s'agit
d'importations illégales de viande commises entre 1993 et 1995 qui ont donné
lieu à une enquête close depuis 1996. Cette affaire a d'ailleurs fait l'objet
de l'ATF 128 IV 219 (n° 8G.79/2002) relatif à la délégation de la compétence
de juger.

Dans ces conditions, on ne discerne pas en quoi il serait arbitraire et
contraire aux droits de la défense de faire juger par un tribunal un accusé
pour des infractions qui ont fait l'objet d'une enquête terminée. L'existence
d'autres enquêtes encore en cours sur d'autres infractions imputées à
l'accusé ne doit pas faire obstacle au jugement d'une infraction pour
laquelle l'enquête est close; dans le cas contraire, il suffirait à l'auteur
de commettre une nouvelle infraction, chaque fois qu'une enquête est déclarée
close, pour empêcher le jugement des actes délictueux précédents. Il n'y a
donc pas lieu d'ordonner ici la suspension demandée, qui concerne une autre
procédure.

Sur ce point, la plainte doit être rejetée dans la mesure où elle est
recevable.

2.
L'art. 27 al. 1 let. c PA, applicable par renvoi prévu à l'art. 36 DPA,
dispose que l'autorité ne peut refuser la consultation de pièces que si
l'intérêt d'une enquête officielle non encore close l'exige. La limitation du
droit d'être entendu, en tout cas avant la clôture de l'instruction, n'est en
principe contraire ni à l'art. 29 al. 2 Cst., précédemment art. 4 aCst., ni à
l'art. 6 CEDH (ATF 120 IV 242 consid. 2c/bb p. 245).

D'après le plaignant, sans accès à l'intégralité du dossier, il lui serait
impossible de préparer l'ultime audition ainsi que d'apporter tous les
éléments nécessaires à sa défense avant la clôture de l'enquête; un accès
illimité au dossier ne ferait courir aucun risque pour le bon déroulement de
l'enquête car elle toucherait à sa fin. Le refus systématique de
l'administration constituerait un abus de pouvoir manifeste et il serait
mensonger d'invoquer ici l'intérêt de l'instruction.

Au contraire, la DGD précise, dans sa réponse, que la clôture de l'enquête
n'apparaît plus comme imminente car de nouveaux éléments ont été versés au
dossier, ce qui renforcerait d'autant les limites à imposer à la
consultation. On se trouverait ainsi dans une situation de fait quasi
identique à celle qui existait lorsque la Chambre de céans a statué le 11
décembre 2001 (arrêt 8G.78/2001); les motifs de cet arrêt demeureraient
valables aujourd'hui.

Tout d'abord, le recourant, qui n'a pas procédé à la consultation partielle
du dossier proposée par l'administration, ne saurait se plaindre de n'avoir
pu prendre connaissance de cette part du dossier. Surtout, le recourant, sous
différents motifs, ne donne pas suite aux convocations de l'autorité
d'instruction depuis juin 2002, ce qui empêche de l'entendre sur les faits
nouveaux apparus en cours d'enquête. Or, l'intérêt public au bon déroulement
de l'enquête justifie qu'un certain effet de surprise puisse être préservé
et, par exemple, que le recourant puisse être confronté aux déclarations de
tiers.

Au surplus, lorsque l'inculpé aura pu être entendu de façon complète, on ne
discerne pas de motifs justifiant le refus de consulter le dossier. Du moins,
en l'état, il n'est pas allégué d'indices concrets permettant de penser que
l'inculpé, par son comportement, puisse empêcher le bon déroulement de
l'enquête au point qu'un tel refus se justifie au-delà de son audition.

Cela étant, on ne saurait admettre que la DGD aurait abusé de son pouvoir
d'appréciation dans l'application de l'art. 27 al. 1 let. c PA. La plainte
est à cet égard mal fondée.

3.
Le plaignant s'en prend à la brièveté du délai de 3 jours fixé à l'art. 28
al. 3 DPA qui serait contraire aux droits de la défense et à la CEDH. Il
demande un délai supplémentaire pour compléter son argumentation et se dit
prêt à recourir à Strasbourg en cas de maintien de cette règle par le
Tribunal fédéral.

On ne saurait donner raison au plaignant pour les motifs qui suivent.

En premier lieu, le délai de 3 jours critiqué est prévu dans une loi fédérale
que le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer, obligation qui découle de
l'art. 191 Cst.; or, selon l'art. 22 al. 1 PA auquel renvoie l'art. 31 al. 1
DPA, un délai légal ne peut pas être prolongé. Quant à une violation de la
CEDH, on ne discerne pas en quoi tout délai de 3 jours devrait être
considéré, en soi, comme contraire à l'art. 6 CEDH ou comme devant
nécessairement conduire à un déni de justice au sens de l'art. 29 al. 1 Cst.
D'ailleurs, on trouve des délais identiques dans d'autres dispositions
légales. Il en va ainsi par exemple de l'art. 26 al. 3 DPA où, dans le
domaine des mesures de contrainte, le chef de l'administration est tenu
d'agir au plus tard le troisième jour ouvrable; de même, un délai de recours
de 3 jours a été jugé admissible en matière de votation cantonale (ATF 121 I
1 consid. 3b).
Certes, il s'agit d'un délai très court qui peut se révéler trop bref dans
certaines circonstances, par exemple lorsque  des recherches approfondies
sont nécessaires. On peut également noter que, récemment, un délai de 3 jours
prévu à l'art. 217 PPF pour recourir contre les actes du juge d'instruction a
été porté à 5 jours (FF 1998 1283, art. 217). Il est possible qu'une telle
modification puisse se justifier en droit pénal administratif, mais il
appartient au législateur de se déterminer.

En second lieu, il ne faut pas perdre de vue qu'un délai bref favorise la
célérité de la procédure, ce qui, en général, est avantageux pour toutes les
parties. Cela ne conduit pas, dans la règle, à un déni de justice car le
litige porte le plus souvent sur une question précisément délimitée tel un
acte de procédure particulier; ainsi, un recours contre celui-ci peut être
formé sans longues recherches ou consultations.

En l'espèce, on ne saurait considérer que l'art. 6 CEDH ait été violé.
L'objet du litige était très restreint et l'intéressé connaissait
parfaitement l'affaire pour avoir déjà recouru deux fois sur les mêmes
points. Au demeurant, on constate que la brièveté du délai ne l'a pas empêché
de rédiger un mémoire et de faire valoir des arguments pertinents devant une
juridiction.

En conséquence, la prolongation du délai demandée ne saurait être accordée.

4.
Dans la mesure où elle est recevable, la plainte est mal fondée. Un émolument
judiciaire est mis à la charge du plaignant (art. 156 OJ en liaison avec
l'art. 25 al. 4 DPA).

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
La plainte est rejetée dans la mesure où elle est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1000 fr. est mis à la charge du plaignant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du plaignant et à
l'Administration fédérale des douanes.

Lausanne, le 5 février 2003

Au nom de la Chambre d'accusation
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: