Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.199/2002
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7B.199-202/2002 /frs

Arrêt du 23 janvier 2003
Chambre des poursuites et des faillites

Les juges fédéraux Escher, présidente,
Meyer, Hohl,
greffier Fellay.

X. ________
recourante, représentée par Mes Nicolas Jeandin et Shahram Dini, avocats,
Etude Spira, Luscher & Dini, 5, rue Saint-Ours, 1205 Genève,

contre

Autorité de surveillance des Offices de poursuites et de faillites du canton
de Genève, Palais de Justice, case postale 3108, 1211 Genève 3.

levée de séquestres

(recours LP contre les décisions de l'Autorité de surveillance des Offices de
poursuites et de faillites du canton de Genève du 30 août 2002)

Faits:

A.
Le 14 juin 2002, la société X.________, à Moscou (ci-après: la créancière) a
obtenu, à Genève, une ordonnance de séquestre contre Y.________, à Jeddah,
portant sur
"Toutes espèces, valeurs, titres, créances, droits, biens meubles et autres
valeurs de quelque nature que ce soit, propriété de Y.________, au nom de ce
dernier ou sous toute autre désignation.
Toutes espèces, valeurs, titres, créances, droits, biens meubles et autres
valeurs de quelque nature que ce soit, propriété d'Hôtel Z.________ SA
(appartenant à Y.________), au nom de cette dernière ou sous toute autre
désignation.
Notamment:
L'Hôtel Z.________, comprenant les murs, le fonds de commerce et tous les
meubles qu'il contient, parcelle no XX, Genève Plainpalais
Tous les comptes bancaires d'A.________ Ltd (appartenant à Y.________) et
d'Hôtel Z.________ SA (appartenant à Y.________) auprès de la banque
B.________,
Les actions d'Hôtel Z.________ SA détenues par Y.________, en ses mains, en
mains de la banque B.________ (créancière-gagiste) ou au siège de l'Hôtel
Z.________
Les actions d'A.________ Ltd détenues par Y.________, en ses mains, en mains
de la banque B.________ (créancière-gagiste) ou au siège de l'Hôtel
Z.________
La cédule hypothécaire X grevant la parcelle no XX sise à Genève Plainpalais
en mains de Y.________, en mains de la banque B.________ (créancière-gagiste)
ou au siège de l'Hôtel Z.________".

Le même jour, la créancière a obtenu, toujours à Genève, une seconde
ordonnance de séquestre contre A.________ Ltd, à l'ìle de Man, portant sur
"Toutes espèces, valeurs ... propriété d'A.________ Ltd, au nom de cette
dernière ou sous toute autre désignation.
Toutes espèces, valeurs ... propriété d'Hôtel Z.________ SA (appartenant à
A.________ Ltd), au nom de cette dernière ou sous toute autre désignation.
Notamment:
L'Hôtel Z.________ ...
Tous les comptes bancaires d'A.________ Ltd et d'Hôtel Z.________ SA
(appartenant à A.________ Ltd)  auprès de la banque B.________ ...
La cédule hypothécaire X ... en mains de Y.________, ... de la banque
B.________ ...ou au siège de l'Hôtel Z.________".

L'Office des poursuites Arve-Lac a immédiatement exécuté lesdites
ordon-nances par les séquestres nos AAAA et BBBB, en expédiant des avis à
Hôtel Z.________ SA, au Registre foncier et à la banque B.________ (pour les
agences de la banque situées dans son arrondissement). La première ordonnance
a également été exécutée par l'Office des poursuites Rive-Droite (séquestre
no CCCC) et par l'Office des poursuites Rhône-Arve (séquestre DDDDD), qui ont
expédié des avis correspondants à la banque B.________ pour les agences de
celle-ci situées dans leurs arrondissements respectifs.

B.
Hôtel Z.________ SA a déposé quatre plaintes contre l'exécution desdits
séquestres, en faisant valoir que les biens visés par ceux-ci (notamment
l'hôtel, les comptes bancaires et la cédule hypothécaire) étaient sa
propriété et non pas celle du débiteur séquestré, même aux dires de la
créancière.

Estimant pour sa part avoir satisfait aux exigences d'un séquestre valable,
la créancière s'est prévalue du principe de la transparence ("Durchgriff"),
voire de l'interdiction de l'abus de droit, en cas d'identité économique.
Selon elle, l'hôtel et son fonds de commerce appartenaient en réalité au
débiteur séquestré, au travers de sa société A.________.

Par décisions du 30 août 2002, communiquées le 25 du mois suivant, l'Autorité
de surveillance des offices de poursuites et de faillites du canton de Genève
a admis les plaintes, constaté la nullité des séquestres et ordonné leur
levée en tant qu'ils portaient sur les biens propriété de la plaignante
(l'hôtel, les comptes bancaires de la plaignante et la cédule hypothécaire).
Elle a précisé que ses décisions ne deviendraient exécutoires qu'à
l'expiration du délai de recours de l'art. 19 LP et, en cas de recours
assorti d'une demande d'effet suspensif, jusqu'à droit connu sur celle-ci.

C.
La créancière a recouru le (lundi) 7 octobre 2002 à la Chambre des poursuites
et des faillites du Tribunal fédéral, par quatre actes séparés. Elle lui
demande de confirmer la validité des séquestres en question et de leur
exécution par les offices de poursuite concernés.

La plaignante (ci-après: l'intimée) conclut au rejet des recours dans la
mesure de leur recevabilité.

L'effet suspensif a été attribué aux recours par ordonnances du 15 octobre
2002.

La Chambre considère en droit:

1.
1.1 Les recours sont dirigés contre quatre décisions distinctes. Celles-ci
sont toutefois rendues entre les mêmes parties, reposent sur le même complexe
de faits et se fondent sur la même argumentation juridique. Il y a lieu dès
lors, par application des art. 40 OJ et 24 PCF, de statuer à leur égard par
un seul et même arrêt (cf. ATF 113 Ia 390 consid. 1 p. 394; 111 II 270
consid. 1 pa. 271/272).

1.2 Le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été
constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions
fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu de
rectifier d'office une inadvertance manifeste ou de compléter les
constatations de l'autorité cantonale sur des points purement accessoires
(art. 63 al. 2 et 64 al. 2 OJ applicables par analogie en vertu du renvoi de
l'art. 81 de la même loi).

La Chambre de céans ne saurait donc prendre en considération les éléments
divergents - par rapport aux constatations de fait de la décision attaquée -
que les parties avancent (recours, p. 5 à 14; réponse, p. 2 s. ch. 1 à 6)
sans se prévaloir de l'une des exceptions mentionnées ci-dessus.

1.3 Les parties produisent des pièces nouvelles: la recourante, un jugement
du Tribunal de première instance de Genève du 19 juillet 2002, reçu par elle
le 31 du même mois, rejetant les oppositions aux séquestres formées par Hôtel
Z.________ SA; l'intimée, le recours qu'elle a formé contre ledit jugement
auprès de la Cour de justice cantonale.

Quoi qu'il en soit de leur recevabilité au regard de l'art. 79 al. 1 OJ, ces
deux pièces n'ont pas un caractère déterminant tant que la Cour de justice
n'a pas statué à leur sujet.

1.4 Contrairement à ce que soutient l'intimée, l'allégation de la recourante
selon laquelle l'autorité cantonale de surveillance aurait dû refuser
d'entrer en matière sur l'ensemble des griefs de la plainte ne constitue pas
une conclusion nouvelle irrecevable au sens de l'art. 79 al. 1 OJ. En effet,
outre que la recourante ne demande formellement rien de tel dans la rubrique
"conclusions", les questions de recevabilité sont examinées d'office par
l'autorité saisie, indépendamment des conclusions prises ou non à ce sujet
par les parties (cf. notamment Messmer/Imboden, Die eidgenössischen
Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, p. 14 ch. 11 et les références ad
n. 1; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes
et la faillite, n. 26 et 58 ad art. 18 LP; SchKG-Cometta, n. 37 ad art. 17 LP
et n. 14 ad art. 18 LP).

2.
2.1 L'autorité cantonale de surveillance a constaté la nullité des séquestres
litigieux en se fondant sur la jurisprudence antérieure à l'entrée en
vigueur, le 1er janvier 1997, de la LP révisée (RO 1995 II 1227, 1309). Selon
cette jurisprudence, les autorités de poursuite étaient habilitées à refuser
l'exécution d'une ordonnance de séquestre, notamment, lorsque les biens à
séquestrer n'appartenaient à l'évidence pas au débiteur (ATF 114 III 88
consid. 2a, 107 III 33 consid. 4; 105 III 140) ou lorsqu'il y avait abus de
droit manifeste (ATF 120 III 42 consid. 5a, p. 47; 112 III 47 consid. 1; 110
III 35; 107 III 33 consid. 4, p. 38; 105 III 18).

Selon la décision attaquée, la désignation des biens dans les ordonnances de
séquestre était équivoque et résultait de déclarations contradictoires et
inconciliables de la créancière; celle-ci désignait des biens qui, selon ses
propres dires, n'appartenaient pas, selon les règles du droit civil, à son
débiteur, mais à une société tierce, et souhaitait faire appréhender les
biens de cette société en raison de son identité économique avec le débiteur,
voire avec une autre débitrice, nullement visée par les séquestres; elle
n'alléguait toutefois aucun élément de fait démontrant à l'évidence
l'existence d'un abus de droit de la part du débiteur.

L'autorité cantonale de surveillance a ainsi statué sur une question
d'appartenance et de désignation des biens à séquestrer au sens de l'art. 272
al. 1 ch. 3 LP; elle a tranché également celle d'un éventuel abus de droit.

2.2 La jurisprudence sur laquelle l'autorité cantonale de surveillance s'est
appuyée se justifiait sous l'ancien droit en raison de l'exclusion de tout
recours contre l'ordonnance de séquestre, à l'exception du recours de droit
public ainsi que, dans certains cas, d'une voie de recours extraordinaire de
droit cantonal (ATF 107 III 29 consid. 1). Elle ne se justifie plus sous le
nouveau droit, dès lors que celui-ci, en introduisant la procédure
d'opposition à l'ordonnance de séquestre (art. 278 LP), permet désormais le
contrôle de cette dernière par le juge quant aux conditions de fond du
séquestre, y compris la désignation "des biens appartenant au débiteur" (art.
272 al. 1 ch. 3 LP) qui fait partie de l'ordonnance en vertu de l'art. 274
al. 2 ch. 4 LP (Gilliéron, Le séquestre dans la LP révisée, in BlSchK 1995,
p. 140; W. Stoffel, Le séquestre, in La LP révisée, publication Cedidac,
Lausanne 1997, p. 301; Bertrand Reeb, Les mesures provisoires dans la
procédure de poursuite, in RDS 1997/116 II, p. 487 ss; SchKG-Stoffel, n. 28
ad art. 274 LP; Yvonne Artho von Gunten, Die Arresteinsprache, Zurich 2001,
p. 156 s.). Les griefs qui concernent la propriété ou la titularité des biens
à séquestrer doivent donc être invoqués dans la procédure d'opposition; celui
d'abus de droit également (Stoffel, Le séquestre, p. 302/303; Reeb, loc.
cit., p. 488; Artho von Gunten, op. cit., p. 158).

2.3 Dès lors que, sous l'empire du nouveau droit, l'autorisation de séquestre
selon l'art. 272 LP peut faire l'objet d'un réexamen, voire encore d'un
recours, dans de brefs délais (art. 278 LP), un contrôle intermédiaire par
l'office ne se justifie plus de la même manière qu'auparavant. Les
compétences des autorités de poursuite doivent ainsi être circonscrites aux
mesures proprement dites d'exécution du séquestre, soit notamment, en vertu
du renvoi de l'art. 275 LP, à celles concernant la saisissabilité des biens
(art. 92 ss LP), l'ordre de la saisie (art. 95 ss LP), la sauvegarde des
biens saisis (art. 98 ss LP) et la procédure de revendication (art. 106 ss
LP) (cf. Gilliéron, loc. cit.). L'office conserve bien entendu, et
principalement, le droit de contrôler la régularité formelle de l'ordonnance
de séquestre (Stoffel, Le séquestre, p. 301), ce pouvoir d'examen entrant par
définition dans les attributions d'un organe d'exécution qui ne peut donner
suite à un ordre lacunaire ou imprécis, ni exécuter un séquestre entaché de
nullité (Reeb, loc. cit., p. 489; Artho von Gunten,  op. cit. p. 157).

Selon le droit actuellement en vigueur, la plainte à l'autorité de
surveillance est ainsi recevable notamment pour les griefs suivants:
l'exécution d'un séquestre par une autorité incompétente ou l'exécution d'un
séquestre ordonné par une autorité incompétente; l'exécution tardive ou
incorrecte d'une ordonnance de séquestre; l'exécution d'une ordonnance de
séquestre insuffisante au plan formel, par exemple parce qu'elle ne contient
pas toutes les indications exigées par l'art. 274 al. 2 LP ou parce qu'elle
ne désigne pas les biens à séquestrer avec suffisamment de précision; la mise
sous séquestre d'objets insaisissables; les défauts manifestes de
l'ordonnance de séquestre, tels que l'indication d'objets à séquestrer
inexistants ou la procédure de séquestre engagée contre une personne déjà
décédée (Stoffel, Le séquestre, p. 302; SchKG-Stoffel, n. 22 ss ad art. 274
et les références de jurisprudence).

2.4 Comme on l'a relevé plus haut (Faits, let. B; consid. 2.1), l'autorité
cantonale de surveillance a été saisie de griefs concernant la propriété ou
la titularité des biens à séquestrer et l'abus de droit, griefs qui relèvent
de la compétence du juge de l'opposition selon le nouveau droit. La plainte
étant exclue chaque fois qu'une action judiciaire est donnée (Pfleghard, in:
Geiser/Münch, Prozessieren vor Bundesgericht, n. 5.30; Reeb, loc. cit., p.
489; Artho von Gunten,  op. cit. p. 157), c'est à bon droit que la recourante
fait valoir que l'autorité cantonale de surveillance a violé l'art. 17 al. 1
LP en ne déclarant pas la plainte irrecevable. Elle relève au demeurant avec
raison le risque de décisions inconciliables qui, en l'état et sous réserve
du sort du recours cantonal pendant, s'est réalisé dans le cas particulier:
sur la base du même complexe de faits, en effet, l'autorité de surveillance a
levé les séquestres, alors que le juge les a confirmés en rejetant les
requêtes en opposition (pièce 35 nouvelle).

Le fait, invoqué par l'intimée, que le Tribunal fédéral a déjà statué, sous
le nouveau droit, dans une affaire semblable sans remettre en cause la
recevabilité de la plainte (arrêt 7B.130/2001 du 4 juillet 2001,
partiellement publié in SJ 2001 I 616) ne saurait avoir d'incidence sur la
présente décision.  D'ailleurs, à la différence de la présente espèce, il n'a
alors pas du tout été reproché à l'autorité cantonale de surveillance d'être
entrée en matière sur la plainte. Le Tribunal fédéral ne pouvait remédier à
l'absence de toute conclusion ou moyen sur ce point (cf. Gilliéron,
Commentaire, n.101 ad art. 19 LP).

3.
Il résulte de ce qui précède que les recours doivent être admis et les
décisions attaquées annulées, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres
griefs articulés, qui relèvent du reste, pour l'essentiel, de la compétence
du juge de l'opposition.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Les causes 7B.199/2000, 7B.200/2002, 7B.201/2002 et 7B.202/2002 sont jointes.

2.
Les recours sont admis et les décisions attaquées annulées.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à Me
Carl Heggli, avocat à Genève, pour Hôtel Z.________ SA, aux Offices des
poursuites Arve-Lac, Rive-Droite, Rhône-Arve et à l'Autorité de surveillance
des Offices de poursuites et de faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 23 janvier 2003

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Le greffier: