Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.16/2002
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7B.16/2002

           CHAMBRE DES POURSUITES ET DES FAILLITES
           ***************************************

                        26 mars 2002

Composition de la Chambre: Mme Nordmann, présidente,
Mme Escher et M. Meyer, juges. Greffier: M. Fellay.

                Statuant sur le recours formé

                             par

Y.________, représenté par Me V.________,

                           contre

la décision rendue le 19 décembre 2001 par l'Autorité de sur-
veillance des offices de poursuites et de faillites du canton
de X.________;

     (procédure disciplinaire à l'encontre d'un employé
          d'un office des poursuites et faillites)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.-  Le 31 août 2001, le Conseil d'Etat du canton de
X.________ a été saisi d'un rapport de l'Inspection cantonale
des finances concernant les offices de poursuites et failli-
tes de X.________ et relatant divers dysfonctionnements et
manquements à la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et
la faillite (LP), à ses ordonnances d'exécution et à des nor-
mes de droit cantonal. Des mesures de suspension provisoire
de fonction  ont été prises et des enquêtes administratives
ouvertes à l'encontre d'un certain nombre de fonctionnaires.
Aux nombre de ceux-ci figurait Y.________, huissier de la
division faillites de l'Office Z.________.

   Sur la base du rapport en question et de ses propres
mesures d'instruction, l'Autorité cantonale de surveillance
des offices de poursuites et de faillites a, par décision du
19 décembre 2001, prononcé la destitution du fonctionnaire
précité (art. 14 al. 2 ch. 4 LP).

         B.-  Celui-ci a recouru le 14 janvier 2002 à la
Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral
en invoquant l'abus du pouvoir d'appréciation dans l'applica-
tion de l'art. 14 al. 2 LP.

         Le fonctionnaire destitué a également formé, le 4
février 2002, un recours de droit public dans lequel il fait
notamment valoir le grief d'arbitraire (art. 9 Cst.).

         L'effet suspensif a été attribué au recours.

         Des réponses n'ont pas été requises.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

         1.-  a) Selon une jurisprudence constante, la Cham-
bre des poursuites et des faillites examine la décision dis-
ciplinaire rendue par une autorité de surveillance seulement
lorsque cette dernière n'était pas compétente pour prendre
des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire ou que la
sanction n'était pas prévue par l'art. 14 al. 2 LP; elle ne
peut en revanche examiner si la mesure disciplinaire était
inopportune, excessive ou infondée (ATF 112 III 67 consid. 2a
p. 70 s. et les références). Le recours selon l'art. 19 al. 1
LP n'étant pas ouvert à cet effet, celui de droit public est
par contre recevable sous l'angle de l'art. 84 al. 2 OJ.

         Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'inter-
vient que si l'autorité cantonale de surveillance a commis un
excès ou un abus dans l'exercice de son pouvoir d'apprécia-
tion, qui est large dans le cadre de l'application de l'art.
14 al. 2 LP (ATF 112 III 67 consid. 7a p. 73). Il y a excès
ou abus du pouvoir d'appréciation lorsque la décision atta-
quée repose sur une appréciation insoutenable des circonstan-
ces de fait, qu'elle est inconciliable avec les règles du
droit et de l'équité, qu'elle omet de tenir compte de tous
les éléments de fait propres à fonder la décision ou encore
lorsqu'elle prend au contraire en considération des circons-
tances qui ne sont pas pertinentes (ibidem; ATF 109 Ia 107
consid. 2c p. 109 et les références).

         b) La loi fédérale sur la poursuite pour dettes et
la faillite a, dès le 1er janvier 1997, assimilé formellement
le grief d'excès ou d'abus du pouvoir d'appréciation à celui
de violation de la loi en l'inscrivant à son art. 19 al. 1.
Elle n'a fait que reprendre la jurisprudence qui consacrait
déjà cette assimilation (cf. Message concernant la révision
de la LP du 8 mai 1991, p. 43). La définition de l'excès ou
de l'abus de droit retenue dans le cadre de l'art. 19 al. 1

LP rejoint cependant celle donnée à la même notion dans le
cadre du recours de droit public (consid. 1a supra) et plus
généralement celle de l'arbitraire (cf. Sandoz-Monod, Commen-
taire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II,
Berne 1990, p. 721 s. et la jurisprudence citée). On soutient
pourtant en doctrine que le recours à la Chambre des poursui-
tes et des faillites du Tribunal fédéral pour excès ou abus
du pouvoir d'appréciation devrait également être ouvert en
matière disciplinaire (cf. Gilliéron, Commentaire de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 40
ad art. 14; Frank Emmel, in Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und Konkurs, Staehelin/Bauer/Staehelin, n.
13 ad art. 14).

         Il y a donc lieu de revoir la situation.

         c) La décision susceptible d'être déférée au Tribu-
nal fédéral au sens de l'art. 19 al. 1 LP est celle par la-
quelle l'autorité cantonale (supérieure) de surveillance sta-
tue sur les conclusions formulées contre une mesure (ou une
omission) des autorités de poursuite ou de faillite, ou or-
donne elle-même une telle mesure (Sandoz-Monod, loc. cit., p.
709 s. et les références). Par mesure, il faut entendre tout
acte d'autorité accompli par l'office ou par un organe de la
poursuite en exécution d'une mission officielle dans une af-
faire concrète (ATF 116 III 91 consid. 1 et les références).

         En droit de la poursuite, le Tribunal fédéral n'a
pas de pouvoir disciplinaire et ne saurait en exercer un (C.
Jaeger, Commentaire de la LP, n. 6 s. ad art. 14; Gilliéron,
op. cit., n. 39 ad art. 14 et la jurisprudence citée; Franco
Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde und Nichtigkeit, n.
66 ad art. 14 et les références). Cette compétence est réser-
vée aux seules autorités cantonales de surveillance (ATF 47
III 119). Celles-ci ont un pouvoir d'appréciation qui s'exer-
ce dans le cadre des peines prévues par le droit fédéral,

mais leurs décisions en la matière n'ont pas pour objet une
contestation relative à un acte de poursuite (Gilliéron, op.
cit. n. 48 ad art. 19).

         Il faut noter par ailleurs que lorsque l'autorité
qui prend la décision disciplinaire n'est pas l'autorité can-
tonale de surveillance ou que la peine infligée n'est pas
prévue par le droit fédéral, il y a méconnaissance grave
d'une norme - l'art. 14 LP - qui attribue clairement le pou-
voir disciplinaire aux autorités cantonales de surveillance
et dresse une liste précise et exhaustive des sanctions (cf.
Gilliéron, op. cit., n. 20, 32 et 40 ad art. 14; Emmel, loc.
cit., n. 5 s. ad art. 14). Or, la méconnaissance grave d'une
norme équivaut à l'arbitraire, qui peut être invoqué dans un
recours de droit public (cf. notamment ATF 120 Ia 369 consid.
3a p. 373; 118 Ia 129 consid. 2).

         Il suit de là que le recours de l'art. 19 al. 1 LP
pour violation du droit fédéral et pour abus ou excès du pou-
voir d'appréciation n'est pas recevable contre les décisions
de mesures disciplinaires. Le seul moyen de droit à disposi-
tion contre de telles décisions est donc le recours de droit
public pour violation de droits constitutionnels des citoyens
au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ.

         Il y a lieu toutefois d'excepter les cas où, comme
dans l'espèce jugée à l'ATF 119 III 118 (consid. 4), l'auto-
rité cantonale de surveillance, se prononçant non pas comme
autorité disciplinaire, mais comme autorité de surveillance,
examine la désignation ou la composition d'une administration
spéciale (ATF 112 III 67 consid. 2b p. 72).

         2.-  Dans le cas particulier, la décision prise par
l'autorité cantonale de surveillance l'a clairement été en
vertu du pouvoir disciplinaire de celle-ci (p. 15 s. consid.

1 et 2). Elle ne peut donc être attaquée par la voie du re-
cours de l'art. 19 al. 1 LP.

         Le changement de jurisprudence susmentionné n'est
pas de nature à causer de préjudice au recourant, dès lors
que celui-ci a également déposé un recours de droit public
dans lequel il reprend l'essentiel des griefs invoqués dans
le présent recours.

                       Par ces motifs,

         la Chambre des poursuites et des faillites:

         1. Déclare le recours irrecevable.

   2. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Conseil d'Etat du canton de X.________ et
à l'Autorité de surveillance des offices de poursuites et de
faillites du canton de X.________.

Lausanne, le 26 mars 2002
FYC/frs
                        Au nom de la
           Chambre des poursuites et des faillites
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       La Présidente,

                        Le Greffier,