Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.164/2002
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7B.164/2002 /RrF

Arrêt du 22 octobre 2002
Chambre des poursuites et des faillites

Les juges fédéraux Nordmann, présidente,
Escher, Meyer,
greffier Fellay.

A. ________ et B.________,
recourants, représentés par Me Claude Aberlé, avocat, route de Malagnou 32,
1208 Genève,

contre

Autorité de surveillance des Offices de poursuites et de faillites du canton
de Genève, Palais de Justice, case postale 3108, 1211 Genève 3.

notification des actes de poursuites

(recours LP contre la décision de l'Autorité de surveillance des Offices de
poursuites et de faillites du canton de Genève du 7 août 2002)

Faits:

A.
Le 16 avril 2002, X.________ SA a adressé à l'Office des poursuites Arve-Lac
une réquisition de poursuite en réalisation de gage immobilier dirigée contre
B.________, à D.________, l'objet du gage étant un immeuble sis à cette
adresse et propriété de A.________, épouse du poursuivi.

Ayant constaté, lors du contrôle de leur adresse à l'Office cantonal de la
population, que le poursuivi et son épouse avaient quitté Genève le 31 mars
2002 pour C.________ (France), l'office des poursuites leur a notifié le
commandement de payer (poursuite no XXXXXX), en leurs qualités respectives de
débiteur et tiers propriétaire du gage, par publication dans la Feuille
d'Avis Officielle. Le poursuivi en a pris connaissance en lisant ce journal
dans un café et en a informé son épouse le même jour.

Le poursuivi a fait opposition au commandement de payer dans le délai fixé à
cet effet par l'office.

B.
Le 1er juillet 2002, le poursuivi et son épouse ont formé chacun une plainte
auprès de l'autorité cantonale de surveillance contre ladite notification, en
concluant à ce que celle-ci soit annulée, à ce qu'une nouvelle notification
soit ordonnée et à ce que l'office soit invité à publier notamment dans la
Feuille d'Avis Officielle que la notification du commandement de payer était
intervenue à tort. Ils affirmaient n'avoir annoncé leur départ de Genève que
pour pouvoir bénéficier d'une assurance-maladie moins onéreuse en France,
tout en gardant, en réalité, leur domicile à D.________.

Par décision du 7 août 2002, communiquée le lendemain aux parties, l'autorité
cantonale de surveillance a joint les plaintes et les a rejetées. Elle a
considéré en bref que le poursuivi et son épouse, du fait qu'ils avaient pris
connaissance du commandement de payer et qu'ils avaient pu former une plainte
et faire opposition en temps utile, ne justifiaient d'aucun intérêt digne de
protection à ce qu'une nouvelle notification du commandement de payer soit
ordonnée.

C.
Le poursuivi et son épouse ont recouru le 19 août 2002 à la Chambre des
poursuites et des faillites du Tribunal fédéral en reprenant en substance les
conclusions de leurs plaintes.

La créancière conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
L'office a renoncé à se déterminer.

A la requête des recourants, l'effet suspensif a été ordonné le 26 août 2002.

La Chambre considère en droit:

1.
Les recourants reprochent à l'autorité cantonale de surveillance de leur
avoir dénié tout intérêt digne de protection à une nouvelle notification du
commandement de payer, sans vraiment avoir examiné la question.

Certes, comme le relève avec raison la décision attaquée, il n'y a pas lieu
de procéder à une nouvelle notification d'un commandement de payer mal
notifié lorsque, comme en l'espèce, son ou ses destinataires en ont néanmoins
pris connaissance et qu'ils ont pu porter plainte ou faire opposition dans le
délai qui a couru dès cette prise de connaissance (ATF 120 III 114 consid. 3b
et les références; 112 III 81 consid. 2b p. 84/85). L'autorité cantonale de
surveillance omet toutefois de tenir compte d'une règle jurisprudentielle
propre à la notification par voie édictale et qui est la suivante: lors même
qu'il a pu former opposition en temps utile, le poursuivi à qui un
commandement de payer a été notifié sans droit par voie édictale peut en
requérir l'annulation en invoquant que ce mode de communication est illégal,
eu égard aux frais et notamment au tort moral qui peuvent résulter pour lui
de la publication (ATF 36 I 782 consid. 1 p. 784; 34 I 590 consid. 4 p. 593;
Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la
faillite, n. 147 ad art. 17 LP et n. 58 ad art. 66 LP). Or, dans leurs
plaintes, les recourants avaient fait état d'un tel moyen, en alléguant
notamment avoir "déjà essuyé diverses remarques sarcastiques concernant
(leur) apparente absence de domicile", ce qui était "extrêmement désagréable,
et ce d'autant plus, lorsque l'on connaît l'attachement viscéral de la
plaignante à sa maison de D.________ où elle reçoit sa grande famille".

En déniant aux recourants tout intérêt digne de protection sur la base de la
seule constatation qu'ils avaient pris connaissance du commandement de payer
et pu faire valoir leurs droits en temps utile par les voies de la plainte et
de l'opposition, sans pousser plus avant son examen dans le sens indiqué
ci-dessus, l'autorité cantonale n'a pas statué correctement. C'est là un
premier motif d'annulation.

Il incombe d'ailleurs aux autorités de surveillance de faire abstraction de
l'intérêt pratique et actuel lorsque la mesure attaquée soulève une question
de principe qui peut se poser en tout temps dans des circonstances identiques
ou semblables et qui, en raison de la trop courte durée de la procédure, ne
pourrait jamais être tranchée si la plainte était déclarée irrecevable (ATF
105 III 101 consid. 2 p. 104; 99 III 58 consid. 3).

2.
La Chambre de céans voit un second motif d'annulation dans le fait que la
décision attaquée confirme une façon de procéder de l'office qui, comme
exposé ci-après, n'est pas conforme au droit et dont se plaignent à juste
titre les recourants.

2.1  Aux termes de l'art. 66 al. 4 LP, la notification se fait par
publication lorsque le débiteur n'a pas de domicile connu (ch. 1), qu'il se
soustrait obstinément à la notification (ch. 2) ou que, le débiteur étant
domicilié à l'étranger, la notification par l'intermédiaire des autorités de
sa résidence ou par la poste selon l'art. 66 al. 3 LP ne peut être obtenue
dans un délai raisonnable (ch. 3).

La notification d'un commandement de payer par publication officielle
constitue un ultime moyen; il ne faut pas y recourir avant que toutes les
recherches basées sur la situation de fait aient été entreprises par le
créancier et l'office des poursuites pour découvrir une éventuelle adresse de
notification du débiteur. Le poursuivant doit, par exemple, prouver
("nachweisen") non seulement que le débiteur a abandonné son précédent
domicile, mais encore qu'il n'en a pas fondé un nouveau ou qu'il est
actuellement sans domicile connu. De son côté, l'office a l'obligation de
vérifier les données du poursuivant concernant le domicile ou une éventuelle
adresse de notification du débiteur (ATF 119 III 60; 112 III 6; Gilliéron,
op. cit., n. 54 ad art. 66 LP; SchKG-Angst, n. 20 s. ad art. 66 LP).

2.2  En l'espèce, il est douteux que la créancière et l'office aient
satisfait à leurs obligations respectives. Alors qu'elle avait clairement
indiqué l'adresse de D.________ dans sa réquisition de poursuite, la
créancière s'est contentée de déclarer ne pas connaître l'adresse exacte du
débiteur en France, après que l'office eut appris de l'Office cantonal de la
population que le débiteur et son épouse avaient quitté D.________ pour
C.________ en France. La décision attaquée semble retenir que les intéressés
se sont créé un nouveau domicile à ce dernier endroit (p. 2 let. A ch. 2). La
question de savoir si les circonstances de fait autorisaient une telle
conclusion au regard des critères déterminants en la matière (cf. ATF 120 III
7) peut demeurer indécise, car ce qui importe dans le cas particulier c'est
de déterminer si le débiteur n'avait effectivement pas de domicile connu au
sens de l'art. 66 al. 4 ch. 1 LP.

Il est constant que, selon les renseignements obtenus de l'office de la
population, le débiteur et son épouse avaient quitté D.________ pour
C.________. Or, lorsque le débiteur réside dans une petite ville ou un
village à l'étranger, comme dans le cas particulier, mais à une adresse que
l'on ignore, son domicile peut être considéré comme connu (ATF 31 I 342
consid. 2; cf. Gilliéron, op. cit., n. 53 ad art. 66 LP, qui cite l'arrêt en
lui donnant toutefois un sens contraire). Après avoir constaté le départ du
débiteur et de son épouse pour C.________, l'office ne pouvait, en tout état
de cause, plus considérer qu'ils étaient "actuellement sans domicile ni
résidence connus", comme il l'a mentionné dans sa publication du commandement
de payer. En cautionnant implicitement ce point de vue, l'autorité cantonale
de surveillance a violé le droit fédéral.

2.3  Dans la mesure où le débiteur et son épouse pouvaient être considérés
comme demeurant à l'étranger, le for restant en Suisse s'agissant d'une
poursuite en réalisation de gage immobilier (art. 51 al. 2 LP), il devait
être procédé à la notification du commandement de payer par l'intermédiaire
des autorités de leur résidence en vertu de l'art. 66 al. 3 LP, selon les
modalités de la Déclaration du 1er février 1913 entre la Suisse et la France
relative à la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires et des
commissions rogatoires en matière civile et commerciale (RS 0.274.183.491;
cf. Gilliéron, op. cit., n. 38 ad art. 66 LP; SchKG-Angst, n. 16 ad art. 66
LP). Or, à ce propos, rien ne permet d'affirmer qu'une notification par
l'intermédiaire des autorités de résidence n'aurait pas pu être obtenue dans
un délai convenable (cf. art. 66 al. 4 ch. 3 LP).

2.4  Il n'est pas établi non plus que le débiteur se soit soustrait
obstinément à la notification (art. 66 al. 4 ch. 2 LP). Sur ce dernier point,
l'autorité cantonale de surveillance n'est du reste pas entrée en matière, de
sorte que si la Chambre de céans devait statuer sur la question, elle le
ferait en première et unique instance, ce qui est inadmissible.

3.
En conséquence, force est d'admettre que les conditions d'une notification
par publication n'étaient pas remplies en l'espèce. Cela étant, il y a lieu
d'admettre le recours, d'annuler la notification litigieuse et d'inviter
l'office à procéder à une nouvelle notification du commandement de payer en
conformité avec les principes rappelés ci-dessus.

En revanche, la Chambre de céans ne saurait ordonner la correction des
publications intervenues comme le demandent les recourants, qui ont exigé de
l'autorité cantonale de surveillance une nouvelle publication destinée à
informer le public que la notification litigieuse était intervenue à tort.
Les autorités de surveillance ne sont en effet pas compétentes pour ordonner
une telle publication destinée à réparer le dommage, la réparation du dommage
ressortissant exclusivement aux autorités judiciaires (Gilliéron, op. cit.,
n. 58 ad art. 66 LP et la jurisprudence citée).

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision
attaquée réformée en ce sens que la notification du commandement de payer
dans la poursuite no XXXXXX est annulée et l'Office des poursuites Arve-Lac
invité à procéder à une nouvelle notification dudit commandement de payer
dans le sens des considérants.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, à Me
Michel Bergmann, avocat à Genève, pour X.________ SA, à l'Office des
poursuites et des faillites Arve-Lac de Genève et à l'Autorité de
surveillance des Offices de poursuites et de faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 22 octobre 2002

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Le greffier: