Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.6/2002
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6S.6/2002/ROD

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                     6 février 2002

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Karlen, Juges. Greffière: Mme Angéloz.
                       ___________

           Statuant sur le pourvoi en nullité
                        formé par

X.________, représenté par Me Laurent Moreillon, avocat à
Lausanne,

                         contre

l'arrêt rendu le 5 juillet 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui
oppose le recourant à Y.________, représenté par Me
Olivier Burnet, avocat à Lausanne;

                       (calomnie)

        Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

      A.-  Par jugement du 13 mars 2001, le Tribunal
correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord
vaudois a condamné X.________, pour calomnie (art. 174
CP), à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis
pendant deux ans.

      B.-  Ce jugement retient, en substance, ce qui
suit.

      a) Le 13 janvier 1998, X.________ a adressé à la
Chambre des notaires du Département de la justice, de la
police et des affaires militaires du canton de Vaud une
demande d'enquête administrative et disciplinaire à
l'encontre du notaire Y.________. Il y alléguait, en
résumé, que le notaire visé, qui était le dépositaire
d'une cédule hypothécaire libre de gage et disponible en
sa faveur et auquel il l'avait réclamée en vain, avait
"fait clandestinement passation de cet acte pécuniaire à
une personne sans droit de rétention de tel acte", soit
au préposé de l'Office des poursuites de Z.________,
qu'il y avait dès lors "soupçon de falsification et de
combinaison entre le notaire et le préposé" et qu'il y
avait donc lieu de déterminer "jusqu'à quel degré un
notaire ambitieux et convoiteur d'un objet immobilier a
le droit de dénigrer, calomnier et diffamer dit objet et
son propriétaire, dans le but de plonger ce dernier dans
la faillite ...".

      Durant la première quinzaine de mars 1998,
X.________ a confectionné un tract, dans lequel il
reprochait au notaire Y.________ de lui avoir "volé" tout

le matériel d'exploitation d'un restaurant dont il avait
antérieurement été propriétaire et que le notaire avait
racheté lors de la vente aux enchères forcées de l'éta-
blissement. Il a adressé ce document au notaire
Y.________, en précisant qu'il allait l'imprimer en deux
mille exemplaires et le distribuer lors du carnaval
de Z.________ les 14 et 15 mars 1998. D'autres personnes,
notamment le substitut de l'Office des poursuites et le
juge d'instruction, ont reçu ce tract, dont mille
exemplaires ont en outre été distribués par X.________
dans les boîtes aux lettres de Z.________.

      Le 25 mars 1998, le notaire Y.________ a déposé
plainte pénale contre X.________ pour atteinte à l'hon-
neur.

      b) Il a été retenu que les allégations contenues
dans les écrits de l'accusé du 13 janvier 1998 et de mars
1998 étaient attentatoires à l'honneur du plaignant, qui
seul notaire à pratiquer dans le district de Z.________,
était reconnaissable, qu'elles étaient objectivement
fausses, que l'accusé le savait, qu'il avait agi dans
l'intention de porter atteinte à la réputation du plai-
gnant et qu'il s'était ainsi rendu coupable de calomnie.

      C.-  Saisie d'un recours en nullité et en réforme
de X.________, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois, par arrêt du 5 juillet 2001, l'a écar-
té, confirmant le jugement qui lui était déféré.

      D.-  X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Contestant sa condamnation pour calomnie, il
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitant
l'assistance judiciaire.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

      1.-  Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut
être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269
PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de ce
droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté
par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1
let. b PPF). Elle doit donc examiner les questions de
droit qui lui sont soumises en se fondant sur les faits
retenus dans la décision attaquée, dont elle ne peut
s'écarter et que le recourant n'est pas recevable à
contester (cf. ATF 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81 consid.
2a p. 83 et les arrêts cités).

      2.-  Le recourant soutient que, tant en ce qui
concerne la plainte qu'il a adressée à la Chambre des
notaires que le tract qu'il a distribué, il ignorait que
ses allégations étaient fausses, que, s'agissant du pre-
mier de ces écrits, il a agi de bonne foi et que, pour ce
qui est du second, l'intimé n'était pas reconnaissable.

      a) La calomnie (art. 174 CP) est une forme quali-
fiée de diffamation (art. 173 CP), dont elle se distingue
en cela que les allégations attentatoires à l'honneur
sont fausses, que l'auteur doit avoir eu connaissance de
la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a dès lors
pas place pour les preuves libératoires prévues dans le
cas de la diffamation. Sur le plan objectif, la calomnie
implique donc la formulation ou la propagation d'alléga-
tions de fait fausses, qui soient attentatoires à l'hon-
neur de la personne visée, dont il suffit qu'elle soit
reconnaissable; sur le plan subjectif, il faut que
l'auteur ait agi avec l'intention de tenir des propos
attentatoires à l'honneur d'autrui et de les communiquer

à des tiers, le dol éventuel étant à cet égard suffisant,
et qu'il ait en outre su que ses allégations étaient
fausses, ce qui implique une connaissance stricte, de
sorte que, sur ce point, le dol éventuel ne suffit pas.
Comme la calomnie suppose que l'auteur sache que le fait
attentatoire à l'honneur qu'il communique à un tiers est
faux, les preuves libératoires prévues dans le cas de la
diffamation sont exclues (Stratenwerth, Schweizerisches
Strafrecht, BT I, 5ème éd. Berne 1995, § 11 n° 54 ss;
Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd. Zurich 1997, art. 174
n° 1-3; Schubarth, Kommentar, vol. III, Berne 1984, art.
174 n° 1 ss; Corboz, Les principales infractions, vol. I,
Berne 1997, p. 204 ss).

      b) L'arrêt attaqué retient que le recourant savait
que ses allégations étaient fausses. Cette constatation
relève du fait et lie donc la Cour de céans (ATF 123 IV
155 consid. 1a p. 156; 122 IV 156 consid. 2b p. 160 et
les arrêts cités), de sorte que le recourant, qui a
d'ailleurs soulevé ce grief dans le recours de droit
public qu'il a déposé parallèlement, est irrecevable à le
contester dans son pourvoi (cf. supra, consid. 1).

      S'agissant de la plainte que le recourant a adres-
sée le 13 janvier 1998 à la Chambre des notaires, il
n'est à juste titre pas contesté que les autres condi-
tions de la calomnie sont réalisées. Comme le recourant
savait que les allégations contenues dans cette plainte
étaient fausses, il ne saurait se prévaloir de sa bonne
foi.

      Il résulte de l'arrêt attaqué que le tract distri-
bué par le recourant à Z.________ faisait allusion à un
notaire, que l'intimé est le seul notaire à pratiquer
dans le district de Z.________ et que le tract évoquait
une association de malfaiteurs "Swissbossofagaete", en

précisant que "leurs noms sont transcrits dans leur
dénomination", ainsi qu'à un tirage au sort "devant un
notaire non tricheur". Du rapprochement de ces divers
éléments, les destinataires du tract pouvaient aisément
déduire que l'auteur du vol dénoncé dans le tract et dont
ils étaient invités à deviner l'identité, était un notai-
re, dont le nom était inclus dans le terme "Swissbossofa-
gaete", qui comprenait, sous une forme à peine déguisée,
celui de l'intimé, et, partant, qu'il s'agissait du
notaire Y.________, seul à pratiquer comme tel dans le
district. Il pouvait dès lors être admis sans violation
du droit fédéral que l'intimé était reconnaissable pour
les destinataires du tract. Pour le surplus, la réali-
sation des autres conditions de la calomnie n'est pas
contestée en ce qui concerne le tract, au demeurant avec
raison au vu des faits retenus.

      La condamnation du recourant pour calomnie, tant en
ce qui concerne la plainte adressée à la Chambre des no-
taires que le tract distribué, ne viole donc pas le droit
fédéral.

      3.-  Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la
mesure où il est recevable.

      Comme il était d'emblée dépourvu de chances de
succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée
(art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, qui succombe,
supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF).

      Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'inti-
mé, qui n'a pas été amené à intervenir dans la procédure
devant le Tribunal fédéral (art. 278 al. 3 PPF).

                     Par ces motifs,

         l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

      1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

      2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

      3. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 800 francs.

      4. Dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité.

      5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taire des parties et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois.
                      _____________

Lausanne, le 6 février 2002

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      La Greffière,