Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.52/2002
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6S.52/2002/svc

     C O U R   D E   C A S S A T I O N   P E N A L E
    *************************************************

                      1er mars 2002

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges. Greffier: M. Denys.

                     ______________

           Statuant sur le pourvoi en nullité
                        formé par

S.________, représentée par Me Nicolas Iynedjian, avocat
à Genève,

                         contre

l'arrêt rendu le 8 juin 2001 par la Cour de cassation pé-
nale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui op-
pose la recourante au Ministère public du canton de
V a u d;

        (internement des délinquants d'habitude)

        Vu les pièces du dossier d'où ressortent
               les   f a i t s   suivants:

      A.-  Par jugement du 22 janvier 2001, le Tribunal
correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné
S.________, pour escroquerie par métier, à deux ans et
demi de réclusion, sous déduction de cinq cent dix-neuf
jours de détention préventive, et a remplacé l'exécution
de cette peine par un internement au sens de l'art. 42
CP.

      B.-  Par arrêt du 8 juin 2001, dont les considé-
rants écrits ont été envoyés aux parties le 15 janvier
2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté le recours de S.________.

      En résumé, il en ressort ce qui suit:

      a) Depuis 1974, S.________, née en 1955, a subi de
nombreuses périodes de détention. Elle a notamment été
détenue entre 1985 et le début 1989. Après une courte pé-
riode passée à l'étranger, elle s'est constituée prison-
nière en février 1991 et a vécu depuis lors en détention
ou en semi-liberté. Après avoir partiellement purgé une
peine infligée en 1992, elle a bénéficié d'une période de
semi-liberté entre juillet et novembre 1994. Détenue pré-
ventivement de novembre 1994 à février 1995, elle a été
transférée dans différents établissements pénitentiaires
pour exécuter le solde de ses peines. En mars 1998, elle
a pu bénéficier de la semi-liberté et a été placée à
Riant-Parc (GE). Les faits à l'origine de la présente
procédure ont débuté à cette époque. Jusqu'au 4 novembre
1998, elle a vécu dans la région lausannoise tout en
passant la nuit à Riant-Parc.

      Elle s'est ensuite évadée et est entrée dans la
clandestinité. Elle s'est constituée prisonnière en août
1999. Depuis lors, elle a été détenue préventivement.

      S.________ a subi les condamnations suivantes: en
août 1975, pour escroquerie par métier, en raison de
faits commis entre juin 1973 et janvier 1975, à quinze
mois d'emprisonnement avec sursis, révoqué en 1976; en
mai 1976, pour escroquerie par métier, en raison de faits
commis entre novembre 1975 et février 1976, à douze mois
d'emprisonnement; en novembre 1986, pour escroquerie par
métier et faux dans les titres, en raison de faits commis
depuis 1978, à quatre ans de réclusion, la libération
conditionnelle accordée en janvier 1989 a été révoquée en
septembre 1992; en avril 1992, pour escroquerie par mé-
tier, faux dans les titres et instigation à faux dans les
titres, en raison de faits commis entre septembre 1988 et
février 1991, à cinq ans de réclusion; en septembre 1997,
pour escroquerie et incendie intentionnel, en raison de
faits commis entre juillet et novembre 1994, à deux ans
d'emprisonnement.

      L'addition de ces différentes peines donne treize
ans et trois mois. En y ajoutant la condamnation relative
à la présente procédure (deux ans et demi), on parvient à
un total de quinze ans et neuf mois de peines privatives
de liberté.

      b) S.________ a été soumise à une expertise psy-
chiatrique en 1985. L'expert a posé le diagnostic de per-
sonnalité immature présentant une importante probléma-
tique narcissique qui pouvait être assimilée à un déve-
loppement mental incomplet. Il a considéré qu'il existait
un risque de récidive important qu'un traitement n'était
pas en mesure d'éliminer et qu'il serait même dangereux

d'imposer un traitement par décision judiciaire. Cette
expertise a été confirmée en 1986 par le Centre psychoso-
cial de Lausanne.

      Dans le cadre d'une procédure pénale ultérieure,
une nouvelle expertise a été menée. Les experts ont
rendu leur rapport le 29 janvier 1996. Ils ont posé le
diagnostic d'épisodes dépressifs sévères sans symptôme
psychotique chez une personnalité dissociale. A leur
avis, le trouble de la personnalité dissociale dont souf-
fre S.________ explique sa difficulté à contrôler ses
réactions impulsives, à tolérer la frustration et à
renoncer aux infractions quand bien même elle a une
vision réaliste du caractère délictueux de ses actes;
elle éprouve de la difficulté à tenir compte de l'exis-
tence de l'autre, ce qui l'empêche d'établir des rela-
tions interpersonnelles authentiques et véritables; cela
réactive ses sentiments de frustration, la rendant extrê-
mement vulnérable et en perpétuel manque de quelque chose
qu'elle ne peut entrevoir; toutes ces caractéristiques
diminuent sa capacité de contrôler ses impulsions et de
se remettre en question; son état dépressif majeur cons-
titue une conséquence de ce type de personnalité qui,
lorsqu'il est confronté à la réalité des infractions et à
sa manière de fonctionner, déprime et peut même considé-
rer que le suicide est la seule solution; un risque de
récidive persiste chez S.________ et rien ne permet de
penser que quelque chose se soit modifié dans son fonc-
tionnement psychologique ou qu'elle ait pris conscience
de sa situation au point de changer de comportement; en
ce qui concerne son état dépressif, un traitement de sou-
tien et une médication paraissent indiqués; s'agissant de
ses troubles de la personnalité, une psychothérapie est
formellement contre-indiquée et ne peut amener le moindre
changement. Les experts ont conclu à une légère diminu-
tion de la faculté de se déterminer d'après une apprécia-

tion suffisante du caractère illicite des actes incrimi-
nés et un risque de récidive persistant. Ils ont encore
noté que S.________ avait bénéficié d'une tentative de
traitement par le Dr G.________ et qu'elle s'était mon-
trée incapable d'utiliser cette ressource, de sorte que
d'un point de vue thérapeutique, on ne pouvait qu'émettre
un pronostic sombre.

      Lors de sa dernière période de détention,
S.________ a bénéficié du soutien de la Dresse C.________
puis du Dr B.________. Elle été soumise à un traitement
médicamenteux à base d'antidépresseurs qu'elle a inter-
rompu environ deux mois avant l'audience de première ins-
tance mais qu'elle a repris à l'approche de celle-ci.
Elle passe par des périodes d'apathie et vit en situation
d'attente et de peur de l'avenir. Elle a vécu plusieurs
périodes d'incapacité de travail pendant sa semi-liberté.
Elle a été hospitalisée quelques jours en novembre 1998,
pour des problèmes d'oedèmes pulmonaires. Elle prétend
avoir fait à cette époque une tentative de suicide. Aux
débats de première instance, elle a expliqué se sentir
dépressive et avoir souffert de boulimie. Elle a exprimé
à de nombreuses reprises des regrets vis-à-vis de certai-
nes victimes. Elle a déclaré avoir compris qu'elle avait
un problème psychologique et souhaiter se faire soigner.
Elle était "désolée" de ce qui s'était passé, ajoutant
que la détention était très difficile à supporter et que,
bien qu'elle ne pût rien promettre, elle espérait sincè-
rement ne plus commettre d'infractions et pouvoir se re-
socialiser dans un travail régulier, éventuellement après
avoir suivi des cours d'informatique.

      c) Les faits pour lesquels la qualification d'es-
croquerie par métier a été retenue sont en substance les
suivants:

      Au début janvier 1998, alors qu'elle bénéficiait
d'un week-end de congé pénitentiaire, P.________ a ren-
contré F.________. Celui-ci s'occupait d'une société de
taxis (T.________) et l'a engagée comme secrétaire. Il a
été immédiatement subjugué par sa personnalité et a en-
tamé avec elle une liaison qui a duré jusqu'en été 1998.
Elle ne lui a pas caché qu'elle était détenue pour des
motifs financiers, sans donner plus de détails. Grâce à
son charme, à son bagout et notamment en procédant à des
mises en scène pour faire croire à l'existence d'un gé-
rant de fortune fictif, elle a obtenu divers prêts de
F.________. Elle a signé des postchèques non couverts
comme garantie ainsi qu'une reconnaissance de dette.
F.________ l'a pressée de le rembourser car sa société
était mise en péril. S.________ savait que sa propre si-
tuation financière était obérée et qu'elle ne pourrait
rien rembourser. Au total, F.________ lui a au moins re-
mis 55'000 francs.

      Au début avril 1998, S.________ a fait la connais-
sance de D.________, avec lequel elle s'est liée d'ami-
tié, passant notamment un week-end avec lui. Il a rapide-
ment su qu'elle avait été condamnée à plusieurs années de
détention pour des questions d'argent. Il l'a crue lors-
qu'elle lui a dit posséder des fonds importants bloqués
en France. Par son intermédiaire, elle a fait la connais-
sance d'A.________. Prétextant l'achat d'un appartement
et la réception imminente de 200'000 francs à la suite de
son divorce, elle s'est fait remettre 10'000 francs par
ce dernier, lui promettant un remboursement sous sep-
tante-deux heures. Elle n'a jamais remboursé ce prêt.

      Au printemps 1998, S.________ a fait la connais-
sance de J.________, chauffeur de taxi pour l'entreprise
T.________. A plusieurs reprises, elle s'est faite véhi-
culer par lui et lui a donné l'impression d'être une

femme aisée, offrant de généreux pourboires. En juillet
1998, elle lui a téléphoné pour lui demander de lui prê-
ter d'urgence 25'000 francs, qui devaient lui servir à
bloquer un appartement qu'elle voulait acheter. Elle lui
a indiqué posséder des fonds en France, lui a transmis
les coordonnées téléphoniques d'un employé de banque
pouvant lui confirmer l'existence desdits fonds et lui a
encore montré une pièce bancaire falsifiée. Il était
question qu'elle lui rembourse 30'000 francs compte tenu
du gain qu'elle réaliserait avec cet appartement. Elle
lui a remis plusieurs postchèques sans provision en ga-
rantie du prêt. Elle n'a jamais remboursé les 25'000
francs.

      En été 1998, S.________ a rencontré M.________, ne
lui cachant pas qu'elle était en semi-liberté. Une liai-
son intime s'est rapidement nouée. En septembre 1998,
elle lui a demandé 13'000 francs, qu'elle a prétendu de-
voir déposer comme caution pour obtenir sa libération an-
ticipée. M.________, qui croyait que des fonds importants
devaient rapidement parvenir à S.________, lui a prêté
cette somme en vidant son compte. Elle ne lui a rien rem-
boursé.

      En été 1998, S.________ a fait la connaissance de
E.________, propriétaire d'une boutique de cadeaux à
Genève. Les deux femmes se sont liées d'amitié et
S.________ a eu l'occasion de raconter à E.________
qu'elle attendait un forte rentrée d'argent. En octobre
1998, S.________ s'est rendue à la boutique en expliquant
à cette dernière qu'elle avait un urgent besoin de 4'500
francs en liquide, qu'elle devait déposer comme garantie
pour un appartement qu'elle allait louer. Elle a ajouté
qu'elle attendait une rentrée d'argent et lui a remis en

garantie un postchèque non couvert d'un montant de 10'000
francs. E.________ n'a pu prêter que 3'000 francs, qui ne
lui ont jamais été remboursés.

      Au printemps 1999, S.________, alors hébergée chez
une tierce personne, a pris contact avec P.________, qui
cherchait à sous-louer son appartement pendant quelques
mois. Elle s'est rendue à son domicile avec cette tierce
personne, qu'elle a présentée comme sa tante et personne
de référence, et s'est annoncée sous un faux nom, indi-
quant qu'elle venait de la région parisienne pour tra-
vailler dans la publicité. P.________ et S.________ se
sont entendus au sujet de la sous-location de l'apparte-
ment et de l'utilisation du raccordement téléphonique.
Elle n'a cependant jamais payé les trois mois de loyer,
par 2'010 francs, ni les factures téléphoniques, par
2'475 fr. 40. En juin ou juillet 1999, S.________ a ap-
pelé P.________, qui séjournait en Autriche, et a faus-
sement prétendu qu'elle avait versé 20'000 francs par
erreur sur son compte et qu'elle manquait de liquidités.
Elle souhaitait qu'il lui rembourse tout de suite 5'000
francs. P.________ a préféré attendre que le montant de
20'000 francs soit crédité avant de rétrocéder quoi que
ce soit, de sorte qu'il ne lui a pas versé les 5'000
francs demandés.

      En juin ou juillet 1999, S.________ a connu
K.________, avec laquelle elle a sympathisé. Elle lui a
offert un poste d'assistante médicale dans le cabinet de
physiothérapie qu'elle prétendait ouvrir prochainement et
lui a montré l'immeuble censé l'accueillir.

      S.________ a établi l'ébauche d'un contrat de tra-
vail. K.________ a donné son congé à son employeur et
s'est inscrite à des cours de secrétariat. En juillet
1999, S.________ lui a demandé un prêt, exposant qu'elle

manquait de liquidités. K.________ a ainsi prêté 1'000
francs et S.________ lui a signé une reconnaissance de
dette sous un faux nom. K.________ a reçu deux acomptes
de 100 francs en remboursement.

      En juin 1999, S.________ s'est présentée sous un
faux nom dans un magasin et a acheté sur facture des
appareils électroménagers pour 218 fr. 80. Elle ne s'est
pas acquittée de la facture.

      A une date indéterminée, toujours sous un faux nom,
S.________ a obtenu des médicaments pour 346 fr. 90 sur
la base d'une ordonnance établie par un médecin. Elle a
indiqué au pharmacien son assurance-maladie, sans préci-
ser que la police n'était pas établie au nom sous lequel
elle s'était présentée.

      Il a été retenu que S.________ avait dépensé la
quasi-totalité des montants mentionnés ci-dessus pour pa-
raître, s'acheter du superflu et se faire apprécier par
des cadeaux.

      C.-  S.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral contre cet arrêt. Elle conclut à son annulation.
Elle sollicite par ailleurs l'effet suspensif et l'assis-
tance judiciaire.

        C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

      1.-  Le pourvoi en nullité ne peut être formé que
pour violation du droit fédéral, à l'exclusion de la vio-
lation de droits constitutionnels (art. 269 PPF).

      Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Sous
réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste,
le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait
de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF). Il ne
peut être présenté de griefs contre celles-ci, ni de
faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit être mené sur
la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont
la recourante est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66/67 et les arrêts cités).

      Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs
invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions
de la recourante (art. 277bis PPF). Les conclusions de-
vant être interprétées à la lumière de leur motivation
(ATF 127 IV 101 consid. 1 p. 103), la recourante a cir-
conscrit les points litigieux.

      2.-  Se plaignant d'une violation de l'art. 42 CP,
la recourante conteste son internement.

      a) L'internement selon l'art. 42 CP suppose notam-
ment que le délinquant ait déjà commis de nombreux crimes
ou délits intentionnels et qu'il ait ainsi été privé de
liberté, soit par des peines de réclusion ou d'emprison-
nement, soit par une mesure d'éducation au travail ou en-
core par un internement comme délinquant d'habitude, pour
une durée globale d'au moins deux ans; il faut en outre
que, dans les cinq ans qui suivent sa libération défini-
tive, il ait commis un nouveau crime ou délit intention-
nel qui dénote son penchant à la délinquance (cf. art. 42
ch. 1 al. 1 CP).

      Le but premier de l'internement est d'assurer la
sécurité publique contre les délinquants d'habitude, in-
sensibles aux autres sanctions pénales; cette mesure vise
donc d'abord à protéger le public contre des délinquants
incorrigibles et socialement dangereux en empêchant la
commission de nouvelles infractions, et non à la resocia-
lisation du délinquant, même si celle-ci ne doit pas être
négligée (ATF 118 IV 10 consid. 3a p. 12).

      L'internement, notamment en raison de sa durée in-
déterminée, constitue une grave atteinte à la liberté; il
s'agit du moyen ultime du système de répression pénale;
il y a donc lieu de faire preuve de retenue dans l'appli-
cation de l'art. 42 CP et de renoncer à l'internement, au
profit de l'exécution de la peine, lorsque cette dernière
paraît présenter des chances égales sur le plan de la
prévention. Il convient en outre de respecter le principe
de la proportionnalité, en relation avec l'infraction en
cause et celles dont on peut redouter la commission:
l'internement s'impose d'autant moins que les infractions
commises ne sont pas d'une gravité particulière et que
les infractions à craindre paraissent de peu d'impor-
tance; même lorsque l'infraction à sanctionner est de
gravité moyenne, on peut renoncer à l'internement s'il
apparaît disproportionné (ATF 125 IV 118 consid. 5b/aa
p. 120; 118 IV 213 consid. 2c p. 215 ss, 10 consid. 3a
p. 12).

      b) La recourante ne conteste pas qu'à la suite des
diverses condamnations qui lui ont été infligées, elle a
subi plus de deux ans de réclusion ou d'emprisonnement
pour des crimes et délits intentionnels. Etant donné
cependant que les faits pour lesquels l'arrêt attaqué a
confirmé sa condamnation ont été commis pendant l'exécu-
tion de sa dernière peine, alors qu'elle bénéficiait du
régime de la semi-liberté, respectivement qu'elle était

en fuite, elle prétend qu'ils ne sont pas intervenus dans
les cinq ans suivant "sa libération définitive", confor-
mément au libellé de l'art. 42 ch. 1 al. 1 CP. Elle in-
voque une interprétation littérale de cette disposition
et un changement de la jurisprudence à ce propos.

      Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se pro-
noncer sur cette question: dans un premier arrêt, il a
posé que celui qui commet une nouvelle infraction avant
d'être définitivement libéré de l'établissement où il su-
bit une peine ou une mesure ne peut pas être interné en
raison de cette nouvelle infraction (ATF 98 IV 1). Dans
plusieurs arrêts ultérieurs, il est cependant revenu sur
cette jurisprudence après une étude approfondie. Il a
considéré, sur la base des travaux préparatoires, que
l'introduction du délai de cinq ans avait eu pour seul
but de déplacer la date limite, après laquelle un inter-
nement ne peut plus être prononcé, et non pas de détermi-
ner le début de la période dans laquelle une infraction
doit avoir été commise pour conduire à un internement. Il
a relevé que si l'on excluait la possibilité d'interner
celui qui récidive pendant l'exécution d'une peine, on
devrait renoncer à interner un multirécidiviste aussi
longtemps qu'il n'a pas été définitivement libéré, alors
même qu'il apparaît, en raison de la nature et du nombre
de ses infractions, indiscutablement comme un délinquant
d'habitude contre lequel les peines habituelles sont sans
effet et contre lequel la société doit être protégée. Il
a ainsi conclu que l'interprétation littérale de l'art.
42 CP ne pouvait raisonnablement pas correspondre au sens
véritable de la loi et que tant que le délai de cinq ans,
courant dès la libération définitive du délinquant, n'est
pas atteint, celui qui récidive même avant sa libération
définitive peut être interné, qu'il ait agi durant la li-
bération conditionnelle ou pendant l'exécution d'une

peine ou d'une mesure, alors qu'il était détenu, en fuite
ou en régime de semi-liberté (ATF 104 IV 60 consid. 4b
p. 61/62 et les arrêts cités).

      L'argumentation de la recourante n'apporte aucun
élément qui n'aurait pas déjà été pris en compte dans la
jurisprudence précitée. Il n'y a donc pas lieu d'y reve-
nir. Comme la recourante a agi alors qu'elle bénéficiait
du régime de la semi-liberté, respectivement alors
qu'elle était en fuite, elle s'expose à la mesure prévue
à l'art. 42 ch. 1 al. 1 CP.

      c) Relevant qu'au moment du jugement de première
instance, l'expertise psychiatrique du 29 janvier 1996
sur laquelle s'est fondée le Tribunal correctionnel re-
montait à cinq ans, la recourante soutient qu'une nou-
velle expertise aurait dû être ordonnée.

      Le juge qui envisage de prononcer un internement
n'est tenu de faire examiner l'état mental du délinquant
que si cela est nécessaire (cf. art. 42 ch. 1 al. 2 CP).
En l'absence d'expertise antérieure utilisable, il ne
pourra renoncer qu'exceptionnellement à une expertise,
qui doit en principe être ordonnée; en revanche, lorsque
le délinquant a été expertisé au cours d'une précédente
procédure et que l'expertise établie à cette occasion
reste pertinente, une nouvelle expertise est superflue
(ATF 118 IV 105 consid. 1e p. 107). Selon l'art. 42 ch. 1
al. 2 CP, l'expertise doit porter sur l'état mental du
délinquant. Elle doit notamment permettre d'éviter que
l'art. 42 CP ne soit appliqué à des délinquants mentale-
ment anormaux pour lesquels une des mesures de l'art. 43
CP serait appropriée (cf. ATF 118 IV 105 consid. 1e
p. 107/108), étant d'ailleurs précisé que lorsque les
conditions de l'internement sont réunies à la fois selon
les art. 42 et 43 CP, cette dernière disposition, qui

prévoit une mesure moins incisive, prime (ATF 125 IV 118
consid. 5e p. 122 ss). Il n'en reste pas moins qu'il
appartient au juge - et non à l'expert - de tirer les
conséquences de récidives constantes en dépit des peines
ou des traitements déjà exécutés et de trancher la ques-
tion de savoir si la sécurité du public justifie le pro-
noncé d'un internement.

      En référence à un arrêt saint-gallois du 25 octobre
1988 (SG GVP 1988 n° 55 p. 114), la recourante prétend
qu'une expertise datant de plus de deux ans ne convient
plus. Elle déduit par ailleurs d'un arrêt du Tribunal fé-
déral 6S.443/1998 du 28 août 1998 qu'une expertise éta-
blie dans une précédente procédure pénale peut encore
être pertinente à la double condition qu'elle confirme
une ou des expertises antérieures et que l'état mental du
délinquant n'ait pas évolué. Or, l'arrêt saint-gallois
indique uniquement qu'un internement selon l'art. 42 CP
doit être fondé sur un rapport d'expertise actuel. L'ar-
rêt du Tribunal fédéral 6S.443/1998 du 28 août 1998 ne
fixe quant à lui nullement comme critère pour pouvoir
prendre en compte une précédente expertise qu'elle ait
elle-même confirmé une ou des expertises antérieures. Il
en ressort seulement que l'expertise établie dans une
procédure précédente doit rester pertinente et rendre
ainsi un nouvelle expertise superflue. Cet arrêt ne fait
que confirmer la jurisprudence précitée (ATF 118 IV 105
consid. 1e p. 107).

      Selon la recourante, sa personnalité a sensiblement
évolué depuis l'expertise du 29 janvier 1996. En particu-
lier, renvoyant aux pages 8 et 9 de l'arrêt attaqué, elle
observe qu'elle passe par des périodes d'apathie et vit
en situation d'attente et de peur de l'avenir; elle a
connu des problèmes physiques (oedèmes pulmonaires); elle

a fait une tentative de suicide, a souffert de boulimie
et a compris qu'elle avait un problème psychologique et
souhaitait se faire soigner.

      Tant le Tribunal correctionnel que la Cour de cas-
sation cantonale ont soigneusement examiné la question de
savoir si l'état mental de la recourante avait évolué.
Ils ont considéré que cela n'était pas le cas, en se fon-
dant en particulier sur l'appréciation émise en cours
d'enquête par les psychiatres de l'établissement péniten-
tiaire où était détenue la recourante. La connaissant de-
puis plusieurs années, ces derniers ont déclaré qu'aucun
élément nouveau ne plaidait en faveur de la mise en oeu-
vre d'une autre expertise (cf. arrêt attaqué, p. 28-34 et
44-46). Or, savoir si l'état mental de l'auteur corres-
pond à celui constaté dans une précédente expertise ou
s'il s'est modifié depuis sont des questions de fait, qui
ne peuvent faire l'objet d'un pourvoi en nullité (ATF 106
IV 236 consid. 2b p. 238/239). En se prévalant d'une mo-
dification de son état mental non constatée en instance
cantonale, la recourante formule donc une argumentation
irrecevable dans un pourvoi. Quoi qu'il en soit, lors de
l'enquête, les psychiatres de l'établissement péniten-
tiaire où était détenue la recourante ont affirmé, en
parfaite connaissance du cas de cette dernière, qu'aucune
évolution psychique ne pouvait justifier une nouvelle ex-
pertise. En raison de cette confirmation de l'état de la
recourante postérieure à l'expertise du 29 janvier 1996,
la Cour de cassation cantonale n'avait aucune raison sé-
rieuse d'ordonner une nouvelle expertise. Elle pouvait
sans violer le droit fédéral considérer que l'expertise
du 29 janvier 1996 était toujours d'actualité. Au sur-
plus, sur la base des éléments contenus dans cette exper-
tise, la Cour de cassation cantonale a exclu que la re-
courante présentât une anomalie mentale au sens où l'en-
tend l'art. 43 CP et a donc rejeté le grief soulevé sur

ce point devant elle (cf. arrêt attaqué, p. 46/47). La
recourante ne critique pas cette conclusion, sur laquelle
il n'y a donc pas lieu de revenir.

      d) La recourante met encore en cause la proportion-
nalité de la mesure prononcée à son encontre. Elle si-
gnale la révision de la partie générale du Code pénal en
cours et l'avis critique de certains auteurs à propos de
l'internement selon l'art. 42 CP (cf. Hans Wiprächtiger,
Die Revision des Strafgesetzbuches: Freiheitsentziehende
Massnahmen - eine Bestandesaufnahme nach den Beratungen
des Ständerates, in PJA 2001, p. 139 ss, 143; Günter
Stratenwerth, Neuere Tendenzen im Massnahmerecht: Verein-
barkeit mit rechtsethischen Grundsätzen, in PJA 2000,
p. 1345 ss).

      En l'état du droit, l'internement vise au premier
chef à assurer la sécurité du public et, comme il consti-
tue une grave atteinte à la liberté, il doit être appli-
qué avec retenue en respectant le principe de la propor-
tionnalité. En ce sens, cela rejoint les préoccupations
de la révision en cours. Cela dit, le projet présenté par
le Conseil fédéral n'exclut pas l'internement des escrocs
invétérés et rusés (cf. FF 1999 II 1901). Selon la ver-
sion adoptée par les Chambres fédérales (art. 64), res-
pectivement le 14 décembre 1999 par le Conseil des Etats
et le 7 juin 2001 par le Conseil national, un internement
peut notamment être ordonné en cas d'"[...] infraction
passible d'une peine privative de liberté maximale de dix
ans ou plus, par laquelle [l'auteur] a causé ou voulu
causer à autrui un grave dommage" (cf. BO 1999 CE
p. 1123/1124; BO 2001 CN p. 573 ss). L'escroquerie par
métier mise à la charge de la recourante est susceptible
d'une peine maximale de dix ans (cf. art. 146 al. 2 CP).

      La recourante a été condamnée pour la première fois
en 1975. Depuis, elle a vécu de manière constante dans la
délinquance, en commettant des escroqueries de même na-
ture. Elle a subi de nombreuses périodes de détention,
qui n'ont eu aucun effet sur elle. Ses différentes con-
damnations, y compris celle d'espèce, représentent quinze
ans et neuf mois de peines privatives de liberté. Les
derniers cas d'escroquerie reprochés datent de 1998 jus-
qu'à l'été 1999 alors qu'elle était en semi-détention
puis en fuite. Comme l'a observé la Cour de cassation
cantonale, une telle persévérance dans la délinquance ne
peut qu'être qualifiée de rare. Dans le cadre des procé-
dures pénales ayant abouti aux condamnations prononcées
en 1992 et en 1997, la recourante avait été avertie
qu'elle s'exposait à un internement selon l'art. 42 CP en
cas de récidive. Les psychiatres s'accordent pour dire
que rien ne permet d'espérer un changement d'attitude de
sa part. En semi-détention puis en fuite, la recourante a
multiplié les actes répréhensibles, se procurant en rela-
tivement peu de temps quelque 100'000 francs. Comme par
le passé, la recourante a commis la plupart de ces actes
au préjudice de gens dont elle avait su gagner la con-
fiance, qui étaient devenus ses amis proches ou intimes
et dont certains se sont retrouvés dans une situation
difficile. Les faits reprochés atteignent donc une gra-
vité certaine et, compte tenu de l'incapacité de la re-
courante à surmonter sa tendance à la délinquance, ceux
qui sont à craindre constituent une menace pour la sécu-
rité du public. Dans ces conditions, la Cour de cassation
cantonale pouvait admettre sans violer le droit fédéral
qu'une mesure d'internement en vertu de l'art. 42 CP ne
heurtait pas le principe de la proportionnalité.

      3.-  Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la me-
sure où il est recevable.

      Vu les questions qu'il soulève, on ne saurait dire
qu'il était d'emblée voué à l'échec, l'indigence de la
recourante étant par ailleurs suffisamment établie. Il y
a ainsi lieu d'admettre la requête d'assistance judi-
ciaire (art. 152 al. 1 OJ). En conséquence, il ne sera
pas perçu de frais et une indemnité sera allouée au man-
dataire de la recourante.

      La cause étant tranchée, la requête d'effet suspen-
sif n'a plus d'objet.

                     Par ces motifs,

          l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

      1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est re-
cevable.

      2. Admet la requête d'assistance judiciaire.

      3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

      4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera
une indemnité de 2'500 francs à Me Nicolas Iynedjian,
mandataire de la recourante.

      5. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante, au Ministère public du canton de
Vaud et à la Cour de cassation pénale du Tribunal canto-
nal vaudois.

                       __________

Lausanne, le 1er mars 2002

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      Le Greffier,