Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.464/2002
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6S.464/2002 /dxc

Arrêt du 27 janvier 2003
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schneider, président,
Schubarth, Kolly,
greffière Bendani.

A. ________,
recourant, représenté par Me Charles Munoz, avocat,
rue du Casino 1, case postale 553, 1401 Yverdon,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

soustraction à la prise de sang

(pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal
vaudois, Cour de cassation pénale, du 19 août 2002)

Faits:

A.
Par jugement du 13 mai 2002, le Tribunal de police de l'arrondissement de la
Broye et du Nord vaudois a condamné A.________, pour violation simple des
règles de la circulation routière, soustraction à une prise de sang et
violation des devoirs en cas d'accident, à 15 jours d'emprisonnement. Il a
renoncé à révoquer le sursis qui lui avait été accordé le 12 février 2001 par
le Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois.

B.
Par arrêt du 15 août 2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté le recours en réforme déposé par A.________ et a confirmé le
jugement attaqué.

C.
Ce jugement retient en bref ce qui suit.

Le samedi 29 septembre 2001, vers 19 h 55, après avoir consommé à midi du vin
rouge avec son collègue, A.________ circulait, sous une forte pluie, au
volant de sa voiture en direction d'Echallens. Peu après l'entrée de cette
localité, son véhicule a dévié à gauche, a escaladé un îlot directionnel et a
heurté de plein fouet une borne lumineuse qui a été arrachée et projetée sur
le centre de la voie réservée aux usagers circulant en sens inverse. Malgré
les dommages causés et le danger que représentait la borne pour les autres
conducteurs, l'automobiliste a quitté les lieux sans aviser la police.

Vers 21 h 25, A.________ a téléphoné à la gendarmerie, depuis Aigle, afin
d'annoncer l'accident. Le sergent X.________, qui a reçu son appel, lui a
demandé de se présenter sans délai avec son véhicule au centre de la
Blécherette. Dans un premier temps, l'automobiliste a refusé catégoriquement
de s'y rendre, puis a répondu qu'il allait venir, ce qu'il n'a pas fait. Il a
faussement précisé qu'il était entre Yverdon et Echallens. Le sergent
X.________ a relevé qu'au cours de cet entretien téléphonique, A.________
avait de la peine à s'exprimer et prenait un temps de réflexion avant de
répondre aux questions qu'il lui posait, ce qui laissait planer un doute sur
son état physique. Pendant que les patrouilles recherchaient le conducteur,
le caporal Y.________ et le gendarme Z.________ se sont rendus à son
domicile, où son épouse leur a déclaré ignorer où se trouvait son mari. A 22
h, à l'occasion d'un appel téléphonique d'A.________ à son épouse, le caporal
Y.________ a pu s'entretenir avec lui et l'a invité à se rendre sur-le-champ
au centre autoroutier d'Yverdon, ce qu'il a refusé catégoriquement,
persistant à affirmer qu'il avait 24 heures pour se présenter avec son
véhicule au poste de police puisqu'il avait annoncé l'accident. Selon le
caporal Y.________, il est évident que si l'accusé avait daigné se présenter
à la gendarmerie après le premier ou le deuxième contact téléphonique, son
état physique aurait fait l'objet d'un contrôle, tout le moins à
l'éthylomètre.
Ce n'est que le dimanche 30 septembre 2001, vers 11 h, après avoir bu un café
et un digestif, qu'A.________ s'est présenté au centre de la Blécherette.

D.
Invoquant une violation de l'art. 91 al. 3 LCR, A.________ se pourvoit en
nullité au Tribunal fédéral et conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.

Il sollicite l'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation du
droit fédéral (art. 269 PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de
ce droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité
cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement
juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66 et les arrêts cités).

2.
Le recourant invoque une violation de l'art. 91 al. 3 LCR. Il ne conteste pas
qu'il avait l'obligation, conformément à l'art. 51 LCR, d'avertir la police
sans retard, ni que cette annonce était possible. Il soutient que les
circonstances concrètes ne permettaient pas de conclure que la police aurait
très vraisemblablement ordonné une prise de sang.

2.1 Selon l'art. 91 al. 3 CP, est punissable de l'emprisonnement ou de
l'amende celui qui aura conduit un véhicule automobile et qui
intentionnellement se sera opposé ou dérobé à une prise de sang qui avait été
ordonnée ou qu'il devait escompter qu'elle le serait, ou à un examen médical
complémentaire, ou qui aura fait en sorte que des mesures de ce genre ne
puissent atteindre leur but.

Selon la jurisprudence, le fait de ne pas annoncer immédiatement un accident
à la police remplit les conditions objectives de la soustraction à la prise
de sang lorsque le conducteur avait l'obligation, selon l'art. 51 LCR,
d'avertir la police sans retard, que cette annonce était possible, et qu'au
regard des circonstances du cas, la police aurait avec une haute
vraisemblance ordonné une prise de sang à l'annonce de l'accident. Savoir si
une prise de sang aurait été ordonnée avec une haute vraisemblance est
fonction des circonstances concrètes. Celles-ci ont trait d'une part à
l'accident, sa gravité ainsi que la manière dont il s'est déroulé, et d'autre
part à l'état et au comportement du conducteur tant avant l'accident qu'après
celui-ci, jusqu'au dernier moment où l'annonce aurait pu être faite (ATF 126
IV 53 consid. 2a p. 55 s.). Déterminer si, compte tenu des circonstances du
cas, il existe une haute vraisemblance de prise de sang est une question de
droit que le Tribunal fédéral examine librement.

2.2 En ce qui concerne les circonstances de l'accident, il ressort de l'arrêt
attaqué que le recourant, sous une forte pluie, a perdu la maîtrise de son
véhicule, a dévié sur la gauche et a renversé un îlot se trouvant au milieu
de la route après l'entrée à Echallens, sans que cet accident ne s'expliquât
par l'état de la chaussée, le trafic ou une défectuosité du véhicule. Ainsi,
la faute du recourant apparaît tellement inexplicable qu'elle éveille l'idée
que le conducteur n'était pas en possession de tous ses moyens. A propos de
l'état du recourant, il ressort des constatations cantonales que, selon le
sergent X.________ qui s'est entretenu avec l'automobiliste, ce dernier avait
de la peine à s'exprimer et prenait un temps de réflexion avant de répondre
aux questions, ce qui laissait planer un doute sur son état physique. Ainsi,
dans la mesure où la police avait pu interroger le conducteur sur les lieux
de l'accident, elle aurait constaté son élocution hésitante qui constitue un
signe extérieur d'ivresse. Dans ces circonstances, la cour cantonale était en
droit d'admettre, sans porter atteinte au droit fédéral, que la police aurait
très certainement ordonné une prise de sang.

Les comparaisons opérées par le recourant avec l'arrêt non publié du Tribunal
fédéral du 8 août 2001 (arrêt 6S.435/2001) et l'ATF 109 IV 137 sont vaines.
En effet, dans le premier arrêt, la Cour de cassation avait retourné la cause
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision (cf. art. 277 PPF), les
circonstances de l'accident, soit les conditions climatiques et la
configuration des lieux, n'ayant pas été suffisamment précisées, ce qui n'est
pas le cas en l'espèce puisque la cour cantonale a constaté que l'accident ne
s'expliquait ni par l'état de la chaussée, ni par le trafic, ni par une
défectuosité du véhicule. Dans la seconde affaire, le Tribunal fédéral avait
jugé que l'ordre d'une prise de sang n'était pas hautement vraisemblable
puisque la collision du véhicule du conducteur avec un signal routier et
trois piliers reliés par des chaînes avait été causée uniquement par les
mauvaises conditions de la route, soit une chaussée en pente verglacée et
enneigée, et que l'automobiliste n'avait manifesté aucun indice d'ébriété par
sa manière de s'exprimer, de marcher ou par son haleine. En revanche, en
l'espèce, le conducteur a manifesté des indices d'ébriété par son élocution
et les conditions de la route étaient tout à fait différentes, la chaussée
n'étant ni verglacée, ni enneigée.

2.3 Au surplus, selon les constatations cantonales, lors de ses entretiens
téléphoniques avec le sergent X.________ et le capitaine Y.________, plus
d'une heure après l'accident, le recourant a refusé catégoriquement de se
présenter à un poste de police, prétendant qu'il bénéficiait d'un délai de 24
heures, et ce malgré les demandes répétées des agents. Au regard de ces
éléments, la police aurait a fortiori ordonné une prise de sang si le
recourant avait finalement répondu aux convocations faites par les agents
suite à l'accident.

3.
Le recourant conteste la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction.

3.1 L'art. 91 al. 3 LCR précise que l'auteur doit agir intentionnellement.
L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction.
Le dol éventuel suffit (ATF 109 IV 137 consid. 2b p. 140; Corboz, Les
infractions en droit suisse, Volume II, p. 823, n° 81 ss). Cela est le cas
lorsque le conducteur connaissait les faits fondant l'obligation d'aviser la
police et la haute vraisemblance de l'ordre de prise de sang et que
l'omission de l'annonce prescrite par l'art. 51 LCR ne peut raisonnablement
s'expliquer que par l'acceptation d'une soustraction à une prise de sang (ATF
126 IV 53 consid. 2a p. 55 s.).

Le contenu de la conscience et de la volonté relève du fait. Les
constatations de l'autorité cantonale à cet égard lient donc la Cour de
cassation saisie d'un pourvoi en nullité (ATF 121 IV 185 consid. 2a p. 188
s.; 120 IV 117 consid. 2a p. 118 s.).
3.2 La cour cantonale a relevé que le recourant venait d'être condamné pour
ivresse au volant et qu'il connaissait donc la procédure comme les risques
encourus tant sur le plan pénal qu'administratif. Elle a retenu que le
conducteur avait bu de l'alcool quelques heures avant de reprendre le volant,
avait causé un accident que rien n'expliquait sinon sa propre faute, avait
des difficultés d'élocution, et qu'après l'accident, il avait pris la fuite,
menti à la police et refusé à plusieurs reprises de se rendre au poste de
gendarmerie. Se fondant sur ces éléments, la cour cantonale a conclu que
l'automobiliste savait qu'il serait soumis à une prise de sang. Il s'agit là
d'une constatation de fait et autant que le recourant la conteste dans son
pourvoi, sa critique est irrecevable (cf. supra, consid. 1).

4.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le
recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF).

La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 27 janvier 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: