Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.282/2002
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6S.282/2002 /rod

Séance du 26 novembre 2002
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schubarth, président de la Cour,
Schneider, Wiprächtiger, Kolly, Karlen,
greffière Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Denis Merz, avocat, rue de
Bourg 33, case postale 3290, 1002 Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24,
case postale, 1014 Lausanne,

AW.________, BW.________, FW.________ et GW.________,
intimés, tous les 4 représentés par Me Eric Stoudmann, avocat, avenue de la
Gare 5, case postale 251, 1001 Lausanne

prise d'otage qualifiée (art. 185 ch. 2 CP), extorsion qualifiée
(art. 156 ch. 3 CP), utilisation frauduleuse d'un ordinateur
(art. 147 CP), fixation de la peine (art. 63 CP), indemnité pour
tort moral (art. 49 CO),

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale, 20 décembre 2001.

Faits:

A.
Par jugement du 27 mars 2001, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de Lausanne a notamment condamné X.________, pour prise d'otage qualifiée
(art. 185 ch. 2 CP), extorsion qualifiée (art. 156 ch. 3 CP), utilisation
frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 CP), abus de confiance (art. 138 ch.1
CP) et vol (art. 139 ch. 1 CP), à la peine de 9 ans de réclusion, sous
déduction de 800 jours de détention préventive, ordonnant en sa faveur un
traitement ambulatoire en détention. Le tribunal a par ailleurs condamné
plusieurs coaccusés. Il a en outre statué sur des conclusions civiles,
allouant notamment à la victime ainsi qu'à la mère et au père de celle-ci une
indemnité pour tort moral de 60.000 francs chacun et à la soeur de la victime
une indemnité pour tort moral de 30.000 francs, X.________ et neuf coaccusés
étant reconnus solidairement débiteurs de ces sommes.

Saisie d'un recours en nullité et en réforme de X.________, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a écarté par arrêt du 20
décembre 2001, confirmant, tant sur la plan pénal que sur le plan civil, le
jugement qui lui était déféré en ce qui le concerne. Ensuite de l'admission
du recours d'un coaccusé, qui, de ce fait, a notamment été libéré du paiement
d'indemnités pour tort moral, le jugement de première instance a toutefois
été réformé en ce sens que X.________ a été reconnu solidairement débiteur
avec huit coaccusés des sommes allouées à ce titre.

B.
S'agissant des faits pertinents pour le jugement de la présente cause, cet
arrêt retient, en résumé, ce qui suit.

B.a Né en 1973 en Colombie, X.________ a été adopté à l'âge de 4 ans et demi,
en même temps que son frère cadet, et a été élevé par ses parents adoptifs à
Lausanne. Après avoir effectué sa scolarité dans des collèges privés, il a
été placé, à l'âge de 15 ans, dans un institut à New York durant une année,
puis est revenu en Suisse. Il est alors resté sans activité et est tombé dans
la délinquance. Il a ainsi été condamné une première fois, le 2 juin 1993,
pour vol, vol en bande et par métier, brigandage qualifié, crime manqué de
brigandage, recel qualifié et escroquerie qualifiée, à 18 mois
d'emprisonnement et 1000 francs d'amende, avec sursis et délai d'épreuve de 3
ans, par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, qui l'a à
nouveau condamné, le 19 décembre 1994, pour infraction grave à la loi
fédérale sur les stupéfiants (LStup), à 1 an d'emprisonnement, révoquant le
sursis antérieur et suspendant les peines en faveur d'un traitement
ambulatoire avec patronage. Par la suite, X.________ a notamment suivi une
formation puis travaillé dans l'hôtellerie. Du 5 novembre 1997 au 11 décembre
1998, il a été en traitement auprès du psychiatre auquel avait été confié le
traitement ambulatoire ordonné.

B.b Dans le courant de l'année 1998, X.________ a eu l'idée d'enlever le fils
d'amis de ses parents en vue d'obtenir de la famille de celui-ci une rançon
de 5 millions de francs. A cette fin, il a imaginé un plan d'exécution et
décidé de recourir à des hommes de main. A la mi-décembre 1998, une première
équipe d'hommes de main, recrutée quelques semaines auparavant, a tenté à
cinq reprises mais sans succès d'enlever la victime. Une seconde équipe a
alors été recrutée, qui, après plusieurs tentatives infructueuses entre le
soir du 19 décembre et l'après-midi du 21 décembre 1998, est parvenue à ses
fins. C'est ainsi que, le 21 décembre 1998, vers 19 heures, la victime a été
assaillie près de son véhicule, à la rue de Genève, à Lausanne, par trois
hommes cagoulés, dont deux brandissaient une arme à feu chargée; elle a
ensuite été jetée sur la banquette arrière d'un véhicule, conduit par un
quatrième homme, puis cagoulée et menottée, avant d'être emmenée dans une
grange abandonnée au lieu-dit La Rasse, dans la région d'Evionnaz, en Valais.
Sur place, elle a été dépouillée de son portefeuille et de sa montre, puis a
été contrainte, sous menaces de mort, de fournir les numéros de code de ses
cartes bancaires, postale et de crédit, au moyen desquelles des prélèvements
de plusieurs milliers de francs ont été effectués par la suite, notamment par
X.________.

La victime a été séquestrée durant 45 heures, sous la surveillance de deux
des quatre hommes, avant d'être libérée par la police vaudoise le 23 décembre
1998, vers 16 heures 20, à Aclens. Durant ces deux jours, la mère de la
victime a été contactée à plusieurs reprises afin qu'une rançon de 5 millions
de francs soit versée en échange de la libération de l'otage; ces
revendications ont été assorties de menaces de tuer ou de mutiler la victime.
La famille de cette dernière s'est exécutée en versant une somme de 500.000
francs, exigée à titre de premier acompte.

B.c Dans le cadre des précédentes affaires pénales, X.________ avait été
soumis à deux expertises psychiatriques, qui faisaient état d'un trouble de
la santé mentale (trouble de la personnalité) et d'un développement mental
incomplet (immaturité affective) et concluaient que ces troubles n'étaient
pas de nature à atténuer la faculté de l'expertisé d'apprécier le caractère
illicite de ses actes, mais diminuaient en revanche sa capacité de se
déterminer d'après cette appréciation dans une mesure moyenne à importante
(expertise du 23 juillet 1992), respectivement dans une mesure moyenne
(expertise du 25 février 1994).

Une nouvelle expertise a été effectuée dans le cadre de la présente
procédure. Selon l'expert, qui a déposé son rapport le 21 juillet 2000,
l'expertisé souffre d'un grave trouble narcissique de la personnalité, avec
tendance antisociale et fonctionnement prépsychotique; à raison de ce
trouble, l'expertisé, au moment d'agir, n'était pas privé, fût-ce
partiellement, de sa capacité d'apprécier le caractère illicite de ses actes,
mais sa capacité de se déterminer d'après cette appréciation était diminuée
dans une mesure moyenne.

B.d A raison des faits décrits sous lettre B.b ci-dessus, X.________ a été
reconnu coupable de prise d'otage qualifiée au sens de l'art. 185 ch. 2 CP,
d'extorsion qualifiée au sens de l'art. 156 ch. 3 CP et d'utilisation
frauduleuse d'un ordinateur au sens de l'art. 147 al. 1 CP. Les infractions
d'abus de confiance et de vol également retenues à son encontre l'ont été à
raison de faits sans rapport direct avec le rapt.

L'infraction de prise d'otage qualifiée a été retenue du fait que le rapt
visait à obtenir une rançon de la famille en menaçant cette dernière, par
l'intermédiaire de deux comparses de l'accusé, soit Z.________ et Y.________,
de tuer ou de mutiler la victime au cas où la rançon ne serait pas versée. Il
a été admis que l'infraction ainsi retenue absorbait celles de tentatives de
prise d'otage qualifiée au sens des art. 21 al. 1 et 185 ch. 1 et 2 CP que
constituaient les cinq tentatives de rapt de la première équipe d'hommes de
main et les tentatives infructueuses de la seconde équipe.

S'agissant de l'infraction d'extorsion qualifiée, elle a été retenue du fait
que l'accusé s'était pleinement associé au comportement des hommes de main
consistant à extorquer à la victime ses cartes bancaires et de crédit et les
numéros de code correspondants; à cet égard, il a été constaté que c'est
l'accusé qui avait donné l'instruction aux hommes de main d'obtenir de la
victime les cartes et les numéros de code et qu'il ne pouvait ignorer que
l'opération requerrait l'usage de la violence, qu'impliquait le rapt selon le
plan qu'il avait conçu et sous le coup de laquelle se trouvait encore la
victime lorsque les cartes et leurs numéros de code lui avaient été
extorqués; il s'était au demeurant accommodé du fait que les codes seraient
exigés sous la pression de menaces graves, même s'il ignorait peut-être que
certains des hommes de main étaient munis d'armes à feu.

Quant à l'infraction d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, elle a été
retenue du fait que l'accusé avait retiré à plusieurs reprises de l'argent
aux guichets automatiques de banques ou de la poste en utilisant indûment les
cartes et numéros de code qui avaient été extorqués à la victime.

Il a été considéré que ces différentes infractions entraient en concours.

Au stade de la fixation de la peine, il a notamment été tenu compte de
l'importance de la faute de l'accusé, de son rôle de commanditaire et
d'organisateur du rapt, de ses mobiles et de ses antécédents ainsi que de sa
situation personnelle. Comme éléments à charge, ont en particulier été
retenus le concours d'infractions ainsi que l'absence de scrupules et
l'intensité de la volonté délictueuse de l'accusé. A décharge, les juges
cantonaux ont notamment pris en considération le fait que l'accusé avait
finalement présenté des excuses à la mère de la victime, sa petite enfance
difficile et la diminution moyenne de sa responsabilité, faisant à cet égard
application des art. 11 et 66 CP; s'agissant de ce dernier élément, la cour
de cassation cantonale a estimé que la diminution de responsabilité retenue
justifiait une réduction de la peine d'environ 40 %. Fondés sur ses
considérations, les juges cantonaux ont estimé qu'une peine de 9 ans de
réclusion correspondait à la culpabilité de l'accusé.

B.e En ce qui concerne les indemnités pour tort moral allouées à la victime
et à sa famille, il a été jugé, en substance, que, compte tenu des
souffrances,  essentiellement psychiques, qu'elles avaient endurées ainsi que
de leurs séquelles, il y avait lieu d'admettre qu'elles avaient subi une
grave atteinte à la personnalité, justifiant les sommes octroyées à titre de
réparation morale.

C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Sur le pIan pénal, il
conteste sa condamnation pour prise d'otage qualifiée au sens de l'art. 185
ch. 2 CP, pour extorsion qualifiée au sens de l'art. 156 ch. 3 CP et pour
utilisation frauduleuse d'un ordinateur au sens de l'art. 147 CP, se
plaignant en outre de la peine qui lui a été infligée. Sur le plan civil, il
conteste le montant des indemnités pour tort moral qu'il a été astreint à
verser, demandant qu'il soit réduit à 30.000 francs pour la victime, 20.000
francs chacun pour le père et la mère de la victime et 15.000 francs pour la
soeur de la victime.

La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.

Le Ministère public conclut au rejet dans la mesure où il est recevable du
pourvoi sur l'action pénale.

Les intimés ont renoncé à se déterminer sur le pourvoi.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation du
droit fédéral, à l'exclusion de la violation directe de droits
constitutionnels (art. 269 PPF), et qui n'est notamment pas ouvert pour se
plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en
découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83; 123 IV 184 consid. 1a p. 186; 118
IV 309 consid. 2b p. 317), la Cour de cassation contrôle l'application de ce
droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité
cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement
juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 124 IV 53
consid. 1 p. 55, 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts cités).

2.
Le recourant invoque une violation de l'art. 185 ch. 2 CP. Il soutient que
cette disposition n'est pas applicable lorsque les menaces de tuer la victime
ou de lui causer des lésions corporelles graves ont été adressées
exclusivement à des tiers, en l'occurrence à la famille de la victime, et non
pas à cette dernière.

Il n'est pas contesté que le recourant s'est rendu coupable de prise d'otage
au sens de l'art. 185 ch. 1 CP. Il est par ailleurs établi en fait que les
menaces de mort et de mutilation de la victime n'ont pas été proférées à
l'encontre de cette dernière, mais de sa famille, pour l'inciter à verser la
rançon exigée. Seule est donc litigieuse la question de l'application de
l'art. 185 ch. 2 CP en pareil cas.

2.1 L'art. 185 ch. 1 CP punit de la réclusion celui qui aura séquestré,
enlevé une personne ou de toute autre manière s'en sera rendu maître, pour
contraindre un tiers à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte ou
celui qui, aux mêmes fins, aura profité d'une prise d'otage commise par
autrui. Le chiffre 2 de cette disposition sanctionne un cas aggravé de prise
d'otage, en prévoyant que la peine sera la réclusion pour trois ans au moins,
si l'auteur a menacé de tuer la victime, de lui causer des lésions
corporelles graves ou de la traiter avec cruauté.

Ainsi le texte légal n'exige pas que les menaces aient été adressées
directement à l'otage, tout comme il n'exige pas qu'elles aient été adressées
exclusivement au tiers que l'auteur veut contraindre. Quant au Message du
Conseil fédéral concernant la modification des dispositions du code pénal et
du code pénal militaire relatives aux actes de violence criminels (FF 1980 I
1216 ss), il relève uniquement que l'art. 185 ch. 2 CP vise les cas où
l'auteur assortit ses revendications des menaces énumérées par cette
disposition (FF 1980 I 1237). Le législateur n'a donc exclu aucune de ces
hypothèses, qui sont dès lors toutes deux concevables.

2.2 Le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'examiner les conditions
d'application de l'art. 185 ch. 2 CP dans deux arrêts, publiés aux ATF 121 IV
178 et 121 IV 269.

Dans le premier de ces arrêts, il a été amené à se prononcer sur la question
dans le cas d'un auteur qui, lors d'une attaque contre une banque, avait
menacé, durant un peu plus d'une trentaine de secondes, une cliente de la
banque avec un pistolet factice pour obtenir que l'employé du guichet lui
remette de l'argent. Il a estimé que, dans un tel cas, où la menace est
dirigée directement contre l'otage, qui est mis directement en danger de
mort, c'est l'atteinte portée aux intérêts de l'otage qui est déterminante
pour l'application de l'art. 185 ch. 2 CP et que, compte tenu de l'importante
aggravation de la peine qu'elle entraîne, cette circonstance aggravante ne
peut être retenue que si cette atteinte excéde nettement celle qui résulte de
l'infraction simple et que si l'auteur a voulu causer une telle atteinte (ATF
121 IV 178 consid. 2a-d p. 181 s.). Appliquant ces principes au cas sur
lequel il était appelé à statuer, il a jugé que l'autorité cantonale n'avait
pas violé le droit fédéral en écartant l'application de l'art. 185 ch. 2 CP;
la menace n'avait duré qu'un peu plus d'une trentaine de secondes et
l'auteur, qui ne le pouvait d'ailleurs pas, n'avait pas l'intention de tirer
sur l'otage, qui n'avait pas couru le danger d'être blessé et avait cessé
rapidement de craindre pour sa vie, de sorte qu'il fallait admettre que le
préjudice causé à la victime n'avait pas dépassé celui qu'implique
l'infraction simple (ATF 121 IV 178 consid. 2e p. 183 s.).

Dans le second arrêt cité, soit l'ATF 121 IV 269, il a été appelé à trancher
la question dans le cas d'un auteur qui, voulant obtenir le départ de l'ami
de son épouse, de laquelle il était séparé depuis quelques mois, avait pris
celle-ci en otage en la menaçant avec un pistolet non chargé en présence de
son ami et de la police, qui était intervenue dans l'intervalle. Dans ce cas,
comme dans le précédent, la menace avait donc été dirigée directement contre
l'otage. En concrétisation de la jurisprudence développée dans l'ATF 121 IV
178, il a considéré que, dans le nouveau cas qui lui était soumis, il y avait
en revanche lieu d'admettre que la circonstance aggravante de l'art. 185 ch.
2 CP était objectivement réalisée; les menaces dont l'otage avait été l'objet
étaient en effet nettement plus graves que dans le cas de l'ATF 121 IV 178,
dès lors qu'un coup de feu était parti en présence de la victime, qui avait
eu le pistolet à plusieurs reprises contre la tempe et avait été frappée avec
l'arme, à quoi s'ajoutaient, dans le cas particulier, les risques liés à une
intervention de la police (ATF 121 IV 269 consid. 1c p. 271 s.).

Dans ces deux arrêts, le Tribunal fédéral a donc eu à examiner à quelles
conditions l'art. 185 ch. 2 CP est applicable lorsque, comme dans les cas qui
lui étaient soumis, l'otage est directement menacé par l'auteur, qui, pour
obtenir que le tiers satisfasse à ses revendications, expose l'otage à l'un
des préjudices énumérés à l'art. 185 ch. 2 CP, dans les cas considérés à un
danger de mort. Il n'a en revanche pas été amené à examiner la question, sur
laquelle il ne s'est pas prononcé à ce jour, de savoir si et, le cas échéant,
à quelles conditions, l'art. 185 ch. 2 CP est applicable lorsque, comme dans
le présent cas, la menace de causer un préjudice grave à l'otage est adressée
exclusivement au tiers que l'auteur veut contraindre.

2.3 La loi, ainsi qu'on l'a vu (cf. supra, consid. 2.1), n'exclut pas que
l'art. 185 ch. 2 CP puisse aussi trouver application dans cette dernière
hypothèse, à savoir lorsque, comme dans le cas d'espèce, la menace est
adressée directement au tiers que l'auteur veut contraindre, sans que l'otage
lui-même en ait connaissance.

En doctrine, Corboz, auquel se réfère le recourant, n'affirme pas que la
menace doive, en toute hypothèse, être adressée à l'otage pour que l'art. 185
ch. 2 CP trouve application; s'il relève qu'"en l'état de la jurisprudence,
il semble que la menace doive être adressée à l'otage", dans la mesure où
dans l'ATF 121 IV 178 l'aggravation de la peine a été justifiée par la
perturbation psychologique subie par l'otage, il ajoute qu'on peut se
demander si une menace adressée à la personne contrainte ne pourrait pas
suffire, observant que, le cas échéant, l'auteur ne devrait pas
nécessairement avoir la maîtrise de l'otage et pourrait aussi être la
personne qui profite de la prise d'otage sans avoir aucun rapport avec les
ravisseurs (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002,
p. 695 n° 28). Pour le surplus, aucun autre des principaux auteurs de
doctrine n'exclut expressément que l'art. 185 ch. 2 CP puisse aussi
s'appliquer lorsque la menace est adressée exclusivement au tiers que
l'auteur veut contraindre (cf. Schubarth, Kommentar zum schweizerischen
Strafrecht, vol. 3, Berne 1984, art. 185 CP n° 19 ss; Stratenwerth,
Schweizerisches Strafrecht, Partie spéciale I, 5ème éd., Berne 1995, § 5 n°
59; Rehberg/Schmid, Strafrecht III, 7ème éd., Zurich 1997, p. 367 s.;
Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd., Zurich 1997, art. 185 CP n° 6).

Que l'art. 185 ch. 2 CP puisse aussi s'appliquer lorsque l'auteur menace
directement, voire exclusivement, le tiers qu'il veut contraindre à
satisfaire ses revendications doit clairement être admis. En pareil cas, la
pression est exercée au premier chef sur le tiers et même exclusivement sur
ce dernier si, comme dans le cas d'espèce, l'otage n'a pas connaissance de la
menace, de sorte que cette pression est déterminante.

L'arrêt attaqué ne viole donc pas le droit fédéral dans la mesure où il admet
que la circonstance que les menaces aient été adressées exclusivement au
tiers n'exclut pas l'application de l'art. 185 ch. 2 CP.

2.4 Compte tenu de l'importante aggravation de la peine - dont le minimum
passe d'un à trois ans de réclusion - qu'entraîne l'application de l'art. 185
ch. 2 CP, il faut, dans l'hypothèse où l'auteur menace directement, voire
exclusivement, le tiers qu'il veut contraindre à satisfaire ses
revendications, comme dans l'hypothèse où il menace directement l'otage en
présence du tiers qu'il veut contraindre, que la pression exercée par
l'auteur ait été nettement supérieure à celle qui résulte de l'infraction
simple. Par ailleurs, l'intention de l'auteur devant, selon la jurisprudence
constante, porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction, y
compris, le cas échéant, sur les éléments qui caractérisent une circonstance
aggravante, il faut en outre que l'auteur ait agi avec la conscience et la
volonté de soumettre le tiers à une pression nettement supérieure, le dol
éventuel étant à cet égard suffisant.

En l'espèce, il reste donc à examiner si la pression supplémentaire à
laquelle ont été soumis les tiers contraints en raison des menaces qui leur
ont été adressées revêt une intensité suffisante pour justifier l'application
de l'art. 185 ch. 2 CP et si le recourant l'a su et voulu ou, à tout le
moins, envisagé et accepté.

2.4.1 Il est établi en fait que le recourant n'a pas proféré lui-même de
menaces, manifestement parce que, connaissant la famille de la victime, il ne
pouvait le faire personnellement, sous peine d'être reconnu, mais qu'il l'a
fait par l'entremise de deux de ses comparses, Z.________ et Y.________.
C'est ainsi que, le 22 décembre 1998, vers 14 heures 30, Z.________ a
téléphoné à la mère de la victime, lui disant que, si la rançon n'était pas
payée, son fils serait exécuté et qu'il en irait de même si elle prévenait la
police; il a répété ces propos avant de raccrocher. Le même jour, vers 17
heures 40, Z.________, qui lui avait préalablement fixé un rendez-vous, a
téléphoné à nouveau à la mère de la victime pour lui demander si elle se
trouvait à l'endroit fixé et, face à sa réponse négative, lui a laissé
entendre qu'il arriverait un grand malheur à son fils si elle ne respectait
pas à la lettre les instructions qui lui avaient été données. Vers 18 heures
45, lors d'un nouveau téléphone, Z.________ a rappelé à la mère de la victime
l'endroit où elle devait déposer la rançon; celle-ci lui ayant dit qu'elle
n'avait pas l'argent exigé, il a proféré de nouvelles menaces, déclarant
notamment "alors vous aurez un élément de votre fils dans un moment", avant
de raccrocher. Après le paiement d'une première partie de la rançon, soit
500.000 francs, durant la matinée du 23 décembre 1998, c'est Y.________ qui a
téléphoné à deux reprises, vers 16 heures 40, à la mère de la victime;
exigeant le versement du solde de la rançon, soit 4.500.000 francs, et
sommant son interlocutrice de se rendre à cette fin à l'endroit qu'elle lui a
indiqué, elle a assorti ses propos de menaces, lui disant notamment, d'une
voix ferme, "on a fini de rigoler", puis, "si vous ne venez pas, on va
l'exécuter".

Il ressort par ailleurs clairement des faits retenus que le recourant, qui
était le commanditaire et l'organisateur du rapt visant à obtenir une rançon,
était parfaitement au courant des menaces de tuer et de mutiler la victime
adressées à la famille de cette dernière par Y.________ et Z.________, qui
agissaient sous son égide, le tenaient constamment informé de leurs démarches
et n'ont certes pas formulé ces menaces de leur propre initiative et à son
insu. Il a d'ailleurs été constaté que c'est le recourant qui, avec
Z.________, a mis au point le texte de la demande de rançon, assortie de la
menace d'exécuter la victime, qu'il accompagnait Z.________ lors du premier
téléphone que celui-ci a fait à la mère de la victime en lui réclamant la
rançon sous la menace de tuer la victime et qu'il avait dès le départ
l'intention de demander une rançon à la famille de la victime sous menaces de
mort pour cette dernière.

Ces constatations, qui relèvent du fait, lient la Cour de céans saisie d'un
pourvoi en nullité et ne peuvent donc être remises en cause dans le cadre de
cette voie de droit (cf. supra, consid. 1).

2.4.2 Des faits retenus, il résulte que la famille de la victime a été
soumise, du 22 décembre 1998 à 14 heures 30 jusqu'à ce qu'elle ait été
informée de la libération de la victime, environ 24 heures plus tard, à une
pression supplémentaire intense. Alors qu'elle ignorait tout de la situation
de la victime, de l'endroit et des conditions dans lesquelles elle était
séquestrée ainsi que des ravisseurs, elle a reçu, à plusieurs reprises
pendant ce laps de temps, des messages téléphoniques, formulés d'une voix
ferme, lui indiquant que la victime serait exécutée si les exigences des
ravisseurs n'étaient pas satisfaites; à un moment donné, elle a même été
informée qu'à ce défaut, un "élément" de la victime lui parviendrait, ce qui
était de nature à lui faire craindre le pire. La famille de la victime a
ainsi été maintenue durant de longues heures, dont toute une nuit, dans
l'angoisse que celle-ci soit exécutée, voire mutilée. Une telle pression,
pour des personnes qui n'étaient pas des tiers quelconques mais,
respectivement, la mère, le père et la soeur de la victime et qui induisait
une forte augmentation du stress et de l'angoisse déjà intenses qu'elles
éprouvaient à raison du rapt de la victime et de la contrainte de satisfaire
aux revendications des ravisseurs, dépasse nettement celle qui résulte de
l'infraction de base. Que le recourant ait su qu'une telle pression était
exercée sur la famille de la victime et l'ait voulue ou à tout le moins
acceptée comme un moyen nécessaire pour parvenir à son but n'est au reste pas
douteux au vu des faits retenus.

2.4.3 Dans ces conditions, la condamnation du recourant pour prise d'otage
qualifiée au sens de l'art. 185 ch. 2 CP ne viole pas le droit fédéral.

3.
Le recourant conteste s'être rendu coupable d'extorsion qualifiée au sens de
l'art. 156 ch. 3 CP. Il fait valoir qu'il n'a donné aucune instruction aux
hommes de main quant au modus operandi du rapt, qu'il ignorait que des
violences seraient exercées sur la victime lors de l'enlèvement, ayant au
contraire recommandé aux hommes de main de ne pas lui faire de mal, et qu'il
n'est pas établi qu'il ait envisagé et accepté que les codes des cartes de
crédit seraient exigés sous la pression de menaces graves.

3.1 L'art. 156 ch. 1 CP sanctionne de la réclusion pour cinq ans au plus ou
de l'emprisonnement, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer
à un tiers un enrichissement illégitime, aura déterminé une personne à des
actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, en
usant de violence ou en la menaçant d'un dommage sérieux. Selon l'art. 156
ch. 3 CP, la peine est celle prévue à l'art. 140 CP - soit la réclusion pour
dix ans au plus ou l'emprisonnement pour six mois au moins -, si l'auteur a
exercé des violences sur une personne ou s'il l'a menacée d'un danger
imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle. Pour que cette disposition
soit applicable, il faut donc que l'auteur ait usé de violence envers une
personne, l'infraction de base supposant exclusivement une violence contre
les choses, ou qu'il ait menacé une personne d'un danger imminent pour la vie
ou l'intégrité corporelle, la menace visant un autre bien juridiquement
protégé étant insuffisante (FF 1991 II 1014; Corboz, Les infractions en droit
suisse, vol. I, Berne 2002, p. 371 n° 8 et 12 et p. 376 n° 30); il faut en
outre, sur le plan subjectif, que l'intention de l'auteur ait porté sur ces
éléments aggravants, le dol éventuel étant suffisant (cf. Corboz, op. cit.,
p. 374 n° 22).

Il convient par ailleurs de rappeler que, de jurisprudence constante,
déterminer ce qu'une personne a fait, ce qu'elle a su et voulu ou envisagé et
accepté relève des constatations de fait, qui échappent au contrôle de la
Cour de cassation saisie d'un pourvoi en nullité et ne peuvent donc être
remises en cause dans le cadre de cette voie de droit (ATF 123 IV 155 consid.
1a p. 156; 122 IV 156 consid. 2b p. 160; 121 IV 185 consid. 2a p. 188/189;
119 IV 1 consid. 5a p. 3, 49 consid. 3a p. 50, 222 consid. 2 p. 223 et les
arrêts cités).

3.2 Il est établi en fait que les cartes bancaires et de crédit de la victime
ainsi que leurs numéros de code lui ont été extorqués sitôt après le rapt
proprement dit, en arrivant au lieu où elle devait être retenue prisonnière,
alors que, menottée et cagoulée, elle se trouvait encore sous le coup de la
violence du rapt; s'agissant des numéros de code, il est en outre établi que
la victime a été contrainte de les révéler sous des menaces de mort. En ce
qui concerne le recourant, il a été constaté que c'est lui qui avait donné
l'instruction aux hommes de main d'obtenir de la victime les cartes et les
numéros de code, qu'il ne pouvait ignorer que ces cartes et codes seraient
obtenus sous le coup de la violence qu'impliquait le rapt selon le plan qu'il
avait conçu et qu'il s'en était accommodé, comme il s'était accommodé du fait
que les numéros de code seraient exigés sous la pression de menaces graves.

3.3 Le recourant n'indique pas, et on ne le voit du reste pas, en quoi, sur
la base des faits ainsi retenus, l'autorité cantonale aurait violé le droit
fédéral en admettant qu'il s'était rendu coupable, par dol éventuel,
d'extorsion qualifiée au sens de l'art. 156 ch. 3 CP, mais s'en prend
uniquement aux faits qu'elle a retenus et à l'appréciation des preuves dont
ils découlent.

C'est en effet une question de fait que de savoir si le recourant a donné des
instructions aux hommes de main quant au modus operandi du rapt et s'il leur
a donné l'ordre d'obtenir de la victime qu'elle remette ses cartes de crédit
et révèle les numéros de code correspondants. C'est également une question de
fait que de savoir si le recourant a envisagé et accepté que les cartes et
codes soient obtenus sous l'empire de la violence du rapt et sous la pression
de menaces graves. Quant à la question de savoir si, comme l'a par ailleurs
admis la cour cantonale, la recommandation donnée par le recourant aux hommes
de main de ne pas faire de mal à la victime n'excluait pas qu'il était
conscient du fait que les cartes et codes seraient obtenus sous le coup de la
violence et sous la pression de menaces graves et s'en était accommodé, elle
relève de l'appréciation des preuves; c'est d'ailleurs dans le cadre d'un
moyen de nullité, et non pas de réforme, soulevé par le recourant que cette
question a été tranchée par la cour cantonale.

Ainsi, toute l'argumentation du recourant se réduit à contester les faits
retenus et l'appréciation des preuves dont ils découlent. Le grief est par
conséquent irrecevable (cf. supra, consid. 1).

4.
Le recourant conteste sa condamnation pour utilisation frauduleuse d'un
ordinateur au sens de l'art. 147 CP, faisant valoir que cette infraction,
dont il ne nie pas la réalisation, est en l'espèce absorbée par l'extorsion
retenue à son encontre.

4.1 L'extorsion est une infraction dirigée à la fois contre le patrimoine et
la liberté. Ses éléments constitutifs sont, sur le plan objectif, l'usage
d'un moyen de contrainte (violence exercée sur des choses ou menace d'un
dommage sérieux dans le cas de l'infraction de base; violence envers une
personne ou menace d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle
dans le cas aggravé de l'art. 156 ch. 3), le fait que cette contrainte
détermine la personne visée à un acte de disposition de son patrimoine ou de
celui d'un tiers, une atteinte dommageable à ce patrimoine et un lien de
causalité entre ces divers éléments; sur le plan subjectif, il faut que
l'auteur ait agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement
illégitime.

L'infraction d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 CP), qui est
une infraction dirigée contre le patrimoine, suppose, sur le plan objectif,
une utilisation incorrecte, incomplète ou indue des données, une influence de
cette utilisation sur le processus électronique ou similaire de traitement ou
de transmission de données, l'obtention d'un résultat inexact, le fait que la
manipulation aboutisse à un transfert d'actifs ou à sa dissimulation, un
dommage patrimonial et un rapport de causalité entre tous ces éléments; sur
le plan subjectif, elle implique que l'auteur ait agi intentionnellement et
dans un dessein d'enrichissement illégitime.

A ce jour, le Tribunal n'a pas été amené à examiner la question d'un éventuel
concours entre ces deux infractions, laquelle n'a pas non plus été abordée
dans la doctrine (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne
2002, p. 317 s. n° 19 ss; Rehberg/Schmid, Strafrecht III, 7ème éd. Zurich
1997, p. 191 s.; Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Partie spéciale I,
5ème éd., Berne 1995, § 16 n° 19 ss; Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd. Zurich
1997, art. 147 CP n° 15; Niklaus Schmid, Computer- sowie Check- und
Kreditkarten-Kriminalität, Zürich 1994, § 7 n° 150 ss; Pierre Schneider, La
fraude informatique au sens de l'art. 147 CPS, Thèse Lausanne 1995, p. 97
ss).

4.2 L'infraction réprimée par l'art. 147 CP s'apparente à l'escroquerie (art.
146 CP), dont elle se distingue toutefois en cela que l'auteur ne trompe pas
un être humain pour le déterminer ainsi à des actes préjudiciables à ses
intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, mais manipule une machine de
manière à obtenir un résultat inexact aboutissant à un transfert d'actifs ou
à sa dissimulation; autrement dit, au lieu de tromper une personne, l'auteur
fausse les conditions qui déterminent la réaction de la machine (cf. Corboz,
op. cit., p. 315 n° 2 et 3; Rehberg/Schmid, op. cit., p. 188; Stratenwerth,
op. cit., § 16 n° 2; Trechsel, op. cit., art. 147 CP n° 1; Niklaus Schmid,
op. cit., § 7 n° 15; Pierre Schneider, op. cit., p. 47 ss). En principe,
l'infraction d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, qui a été introduite
dans le code pénal pour combler une lacune dans les cas où l'auteur, au lieu
de tromper une personne, manipule une machine de manière à obtenir un
résultat inexact aboutissant à un transfert d'actifs ou à sa dissimulation et
qui est parfois aussi qualifiée d'"escroquerie informatique", revêt ainsi un
caractère subsidiaire par rapport à l'escroquerie; si la manipulation d'une
machine ne suffit pas pour obtenir le résultat, mais qu'il faut encore qu'une
personne soit trompée, l'escroquerie prime l'utilisation frauduleuse d'un
ordinateur (cf. Corboz, op. cit., p. 315 n° 2 et p. 317 n° 19;
Rehberg/Schmid, op. cit., p. 189; Stratenwerth, op. cit., § 16 n° 11;
Trechsel, op. cit., art. 147 CP n° 15; Niklaus Schmid, op. cit., § 7 n° 1, 15
et 160; Pierre Schneider, op. cit., p. 97 s.).

Cet élément de tromperie, commun aux art. 146 et 147 CP, ne se retrouve pas
dans l'extorsion; alors que l'escroc use de tromperie pour déterminer une
personne à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un
tiers et que l'auteur de l'infraction réprimée par l'art. 147 CP manipule une
machine pour en obtenir un résultat inexact aboutissant à un transfert
d'actifs ou à sa dissimulation, l'auteur d'une extorsion use d'un moyen de
contrainte, soit de violence ou de menace, pour déterminer la personne visée
à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
Cela ne conduit cependant pas nécessairement à admettre l'existence d'un
concours entre l'extorsion et l'infraction réprimée par l'art. 147 CP.

En effet, alors que l'escroquerie, comme l'infraction réprimée par l'art. 147
CP, suppose elle aussi une tromperie, il semble généralement admis en
doctrine que si l'auteur recourt également à un moyen de contrainte, tel que
la menace, il n'y a pas nécessairement concours entre l'escroquerie et
l'extorsion; en pareil cas, il y a d'abord lieu de rechercher si l'un des
deux moyens d'action n'a été utilisé qu'à l'appui de l'autre, et, le cas
échéant, c'est ce dernier moyen qui est déterminant; ainsi, lorsque l'auteur
trompe la victime en lui faisant croire que le danger dont il la menace
pourrait se réaliser, il n'use de tromperie qu'à l'appui de la menace, de
sorte que l'art. 156 CP prime l'art. 146 CP (cf. Corboz, op. cit. p. 378 n°
36; Rehberg/Schmid, op. cit., p. 226; Stratenwerth, op. cit., § 17 n° 16;
Trechsel, op. cit., art. 156 CP n° 14; Schubarth, Kommentar zum
schweizerischen Strafrecht, vol. II, Berne 1990, art. 156 CP n° 31). Si tel
n'est pas le cas, c'est-à-dire si les deux moyens d'action utilisés ont joué
un rôle significatif, la doctrine est en revanche partagée quant à la
solution à adopter; en pareil cas, Corboz est enclin à admettre le concours
entre l'extorsion et l'escroquerie (cf. Corboz, op. cit., p. 378 n° 36);
Schubarth est d'avis que l'auteur doit alors être condamné à la fois pour
extorsion et tromperie, mais sans faire application de l'art. 68 CP, car,
dans le résultat, il n'y a qu'un seul dommage et qu'un seul enrichissement,
le fait que l'auteur a usé de deux moyens d'action devant être pris en compte
dans le cadre ordinaire de la fixation de la peine (cf. Schubarth, op. cit.,
art. 156 CP n° 31); la doctrine dominante estime toutefois qu'il faut alors
retenir l'infraction qui caractérise le mieux les faits et qui sera
généralement l'extorsion (cf. Stratenwerth, op. cit., § 17 n° 16;
Rehberg/Schmid, op. cit., p. 226; Trechsel, op. cit., art. 156 CP n° 14). Que
l'extorsion ne comprenne pas l'élément de tromperie que comporte l'infraction
réprimée par l'art. 147 CP n'implique donc pas nécessairement qu'elles
doivent être retenues en concours.

L'argument selon lequel l'art. 147 CP ne viserait pas seulement à protéger le
patrimoine du titulaire du compte sur lequel sont effectués les prélèvements
indus, mais aussi l'intérêt de l'exploitant du système informatique à ce que
ce dernier ne soit pas utilisé abusivement, lequel n'est pas protégé par
l'art. 156 CP, n'est pas non plus déterminant en l'espèce. Certes, pour
Schmid, l'art. 147 CP vise aussi, indirectement, à protéger un tel intérêt
(cf. Niklaus Schmid, op. cit., § 7 n° 14; cf. cependant Trechsel, op. cit.,
art. 147 CP n° 10, pour qui le préjudice que suppose l'art. 147 CP n'est pas
celui que peut subir l'exploitant du système informatique), mais encore
faudrait-il, le cas échéant, que, de ce fait, l'exploitant ait subi un
dommage, qui n'est toutefois pas établi en l'espèce.

De même, le fait qu'en cas d'extorsion le lésé doive accomplir lui-même un
acte de disposition n'est pas décisif; la victime d'une escroquerie est, elle
aussi, déterminée à accomplir elle-même un acte de disposition de son
patrimoine; or, ainsi qu'on l'a vu, les art. 148 et 156 CP ne sont pas
nécessairement applicables en concours.

En définitive, la question de savoir si les art. 156 et 147 CP peuvent
s'appliquer en concours, doit être examinée en fonction des circonstances du
cas concret. S'il résulte de ces circonstances que les deux infractions sont
étroitement liées et que le comportement réprimé par l'une d'elles n'a été
adopté qu'à l'appui de la réalisation de l'autre infraction, voire est
nécessaire à sa réalisation, il y aura lieu d'admettre que l'infraction
réprimant le comportement qui a été déterminant absorbe l'autre. Ce n'est que
si ces conditions ne sont pas réunies qu'un éventuel concours entre les deux
infractions pourra entrer en considération, la question n'ayant toutefois pas
ici à être examinée plus avant.

4.3 En l'espèce, l'extorsion visait en effet à obtenir de la victime qu'elle
remette ses cartes bancaires et de crédit et révèle les numéros de code
correspondants aux fins de les utiliser auprès de bancomats pour retirer de
l'argent au préjudice de celle-ci. Les infractions d'extorsion et
d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur étaient ainsi étroitement liées, au
point que la manipulation d'un bancomat pour prélever de l'argent était
nécessaire à la réalisation de l'extorsion, qui n'est consommée qu'avec la
survenance du préjudice patrimonial qu'elle implique, et que, dans le
résultat, il n'y avait qu'un seul dommage et qu'un seul enrichissement
correspondant; le comportement réprimé par l'art. 147 CP n'était adopté qu'à
l'appui de l'extorsion et servait directement le but de cette dernière
infraction, qui ne pouvait être réalisée sans ce comportement. En pareil cas,
on ne saurait considérer que la manipulation ultérieure de bancomats pour se
procurer de l'argent vient s'ajouter à l'extorsion comme un acte délictueux
distinct, devant être sanctionné séparément. Il y a au contraire lieu
d'admettre que l'infraction réprimée par l'art. 147 CP est alors commise en
exécution de l'extorsion, dont elle sert directement le but et qui est
déterminante, de sorte qu'elle est absorbée par cette dernière infraction.

4.4 Au vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué viole le droit fédéral en tant
qu'il retient en l'espèce l'existence d'un concours entre l'extorsion et
l'utilisation frauduleuse d'un ordinateur; sur ce point, le pourvoi doit donc
être admis et l'arrêt attaqué annulé.

5.
L'admission du pourvoi en ce qui concerne le concours entre l'extorsion et
l'infraction réprimée par l'art. 147 CP a pour effet que cette dernière
infraction devra être supprimée, de sorte que l'autorité cantonale sera
amenée à statuer à nouveau sur la peine en fonction du verdict modifié. Il
faut cependant observer que l'utilisation, pour se procurer de l'argent à un
bancomat, de cartes de crédit préalablement extorquées à cette fin est de
toute manière punissable sous l'angle de l'art. 156 CP, dès lors qu'elle est
nécessaire à la réalisation de l'extorsion, qui n'est consommée qu'avec la
suvenance du préjudice ainsi causé (cf. supra, consid. 4.3). La modification
du verdict par la suppression de l'application concurrente de l'art. 147 CP
ne peut donc logiquement avoir au plus qu'une incidence minime sur la quotité
de la peine. Il se justifie par conséquent, notamment pour des motifs
d'économie de procédure, d'examiner brièvement le grief par lequel le
recourant se plaint de la peine qui lui a été infligée, sans toutefois
trancher définitivement la question, puisque la peine devra faire l'objet
d'une nouvelle décision de l'autorité cantonale.

6.
Le recourant soutient que la motivation cantonale quant à la peine est
insuffisante pour discerner dans quelle mesure il a été tenu compte des
éléments pris en considération. Il reproche en outre à la cour cantonale
d'avoir retenu sans justification que la diminution moyenne de sa
responsabilité ne méritait qu'une réduction de 40 % environ de la peine à
infliger. Il lui fait encore grief d'avoir prononcé une peine excessive au vu
des éléments à prendre en considération ainsi que des sanctions qui sont
infligées dans d'autres cas similaires.

6.1 La motivation de la peine doit permettre de déterminer quels éléments ont
été retenus et dans quelle mesure il en a été tenu compte. Le juge n'est
cependant tenu d'énoncer que les éléments importants qui ont dicté sa
décision, sans avoir à aller jusque dans les moindres détails; il n'a pas
l'obligation d'exposer et de discuter tous les éléments qui ont été plaidés;
il peut passer sous silence ceux qui lui paraissent non établis, sans
pertinence ou d'une importance négligeable (ATF 120 IV 136 consid. 3a p. 143;
117 IV 112 consid. 1 p. 115, 401 consid. 4b p. 403 et les arrêts cités). En
outre, le juge n'est pas tenu par le droit fédéral d'indiquer en pourcentages
ou en chiffres l'importance qu'il donne à chacun des facteurs pris en compte
(ATF 120 IV 136 consid. 3a p. 143; 118 IV 119 consid. 2b p. 121). La
motivation doit toutefois justifier la peine prononcée, en permettant de
suivre le raisonnement adopté (ATF 120 IV 136 consid. 3a p. 143; cf.
également ATF 120 IV 67 consid. 2a p. 70 et la jurisprudence citée).

En l'espèce, la motivation de la cour cantonale quant à la peine, telle
qu'exposée aux pages 158 ss de l'arrêt attaqué, est manifestement suffisante.
Elle permet de discerner sans difficulté quels sont les éléments essentiels
qui ont été pris en compte pour fixer la peine et s'ils l'ont été dans un
sens atténuant ou aggravant, de sorte qu'il est possible de suivre le
raisonnement aboutissant à la peine infligée. Contrairement à ce qu'estime le
recourant, les juges cantonaux n'avaient pas à reprendre dans le détail, au
stade de la fixation de la peine, des éléments dont ils avaient déjà
largement fait état plus avant dans leur jugement et qu'ils avaient
manifestement à l'esprit lorsqu'ils ont arrêté la sanction; il suffisait que,
comme ils l'ont fait, ils indiquent, en les rappelant brièvement, dans quelle
mesure ils en tenaient compte dans un sens atténuant ou aggravant, étant au
reste rappelé qu'ils n'étaient pas tenus par le droit fédéral d'évaluer en
pourcentages ou en chiffres l'importance qu'ils accordaient à chacun des
facteurs pris en compte. Le grief de motivation insuffisante de la peine est
donc infondé.

6.2 Le juge qui retient une responsabilité restreinte doit réduire la peine
en conséquence, mais n'est pas tenu d'opérer une réduction linéaire (ATF 123
IV 49 consid. 2c p. 51); en effet, il ne s'agit pas d'appliquer un tarif ou
une relation mathématique, mais de tirer des conséquences raisonnables de la
situation. Une diminution légère, respectivement moyenne ou forte, de la
responsabilité n'entraîne donc pas nécessairement une réduction de 25 %,
respectivement de 50 % ou de 75 %, de la peine. Comme le Tribunal fédéral l'a
précisé dans un arrêt non publié 6S.336/2000 du 23 août 2000 concernant une
affaire vaudoise, il doit toutefois exister une certaine corrélation entre la
diminution de responsabilité constatée et ses conséquences sur la peine;
ainsi a-t-il jugé que l'autorité cantonale qui, sans motivation particulière
venant le justifier, réduit la peine de moitié tout en admettant que la
responsabilité de l'accusé est diminuée dans une mesure très importante viole
le droit fédéral (cf. arrêt 6S.336/2000 consid. 2).

En l'espèce, la cour cantonale n'a aucunement justifié la réduction de peine
de 40 % qu'elle a opérée à raison de la diminution moyenne de la
responsabilité du recourant qu'elle a retenue conformément à l'expertise, se
bornant à observer qu'"on peut raisonnablement considérer" que la peine doit
être réduite dans une telle proportion. Sans doute, comme relevé ci-dessus,
ne s'agit-il pas d'opérer une réduction linéaire, d'appliquer un tarif ou une
relation mathématique. Toutefois, lorsque, comme dans le cas particulier, une
responsabilité moyennement diminuée est retenue, conformément à une expertise
qui fait état de troubles graves de la personnalité de l'accusé en relevant
que cet état ne s'est pas amélioré, voire s'est à certains égards aggravé,
depuis des expertises antérieures, qui concluaient déjà à une diminution
moyenne, voire moyenne à forte, de la responsabilité de l'accusé, il n'est
pas admissible de n'opérer qu'une réduction de 40 % environ de la peine sans
aucunement le justifier.

Dans ces conditions, l'arrêt attaqué viole le droit fédéral dans la mesure
où, sans aucune justification à l'appui, il ne réduit la peine que de 40 %
environ à raison de la diminution de responsabilité du recourant qu'il
retient. Le pourvoi sur ce point doit par conséquent être admis, ce qui rend
superflu l'examen des autres griefs du recourant relatifs à la peine.

7.
Sur le plan civil, le recourant conteste le montant des indemnités pour tort
moral qu'il a été condamné, solidairement avec huit coaccusés, à verser aux
intimés, soit 60.000 francs à la victime, 60.000 francs chacun au père et à
la mère de la victime et 30.000 francs à la soeur de la victime. Faisant
valoir que les montants contestés sont trop élevés et, partant, inéquitables,
il demande qu'ils soient réduits à 30.000 francs pour la victime, 20.000
francs chacun pour le père et la mère de la victime et 15.000 francs pour la
soeur de la victime.

7.1 Le pourvoi sur l'action pénale étant partiellement fondé (cf. supra,
consid. 4 et 6.2) et la valeur litigieuse requise pour un recours en réforme,
soit 8000 francs (art. 46 OJ), étant au demeurant de toute manière atteinte,
le pourvoi sur l'action civile, dans le cadre duquel le recourant prend,
implicitement mais clairement, des conclusions concrètes et chiffrées, est
recevable (cf. art. 277quater al. 2 PPF; ATF 127 IV 141 consid. 1c et d p.
143).

7.2 L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des
souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la
victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une
somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du
pouvoir d'appréciation du juge; en raison de sa nature, l'indemnité pour tort
moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement
être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des
critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait
excéder certaines limites; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable.
Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et
il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime; s'il
s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances
actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (cf. ATF 125 III
269 consid. 2a p. 273; 118 II 410 consid. 2a p. 413 et les arrêts cités).

La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'application du
droit fédéral, que le Tribunal fédéral examine donc librement. Dans la mesure
où cette question relève pour une part importante de l'appréciation des
circonstances, le Tribunal fédéral intervient certes avec retenue, notamment
si l'autorité cantonale a mésusé de son pouvoir d'appréciation en se fondant
sur des considérations étrangères à la disposition applicable, en omettant de
tenir compte d'éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité
inéquitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée; toutefois,
comme il s'agit d'une question d'équité - et non pas d'une question
d'appréciation au sens strict, qui limiterait son pouvoir d'examen à l'abus
ou à l'excès du pouvoir d'appréciation -, il examine librement si la somme
allouée tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est
disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à
la victime (cf. ATF 125 III 269 consid. 2a p. 273; 123 III 10 consid. 4c/aa
p. 12 s; 118 II 410 consid.  2a p. 413 et les arrêts cités).

7.3 En l'espèce, la victime, après avoir subi la violence du rapt, est restée
cagoulée et menottée durant toute sa séquestration, soit quelque 45 heures,
pendant laquelle elle a en outre été menacée de mort à plusieurs reprises;
ignorant les motifs de son enlèvement et craignant d'être supprimée, elle a
vécu dans l'angoisse pendant toute sa détention, souffrant du froid et du
port des menottes. Après sa libération, elle a notamment souffert d'une
grande fatigue, de maux de tête et d'une diminution subjective de la
sensibilité sur le dos des deux mains. Ultérieurement, elle a ressenti des
douleurs abdominales chroniques dans le cadre d'un syndrome de stress
post-traumatique, a souffert d'un état d'anxiété et de panique grave,
accompagné d'insomnies, et a dû se soumettre à un traitement médicamenteux.
Au moment du jugement, elle n'était pas remise des conséquences de son
enlèvement, devait encore prendre des médicaments (anxyolitiques et
antidépresseurs) et une psychothérapie était envisagée.

S'agissant des père et mère de la victime, qui ont toujours entretenu des
liens étroits avec cette dernière, ils ont été soumis pendant toute la
séquestration à un stress et une angoisse intenses, fortement accentués par
les menaces de tuer la victime. Quant à la sœur de la victime, elle a
également vécu la séquestration dans le stress et l'angoisse, bien que moins
directement que ses parents. Après les faits, les trois membres de la famille
ont souffert d'un état d'anxiété, de panique, d'insomnies, de sentiments
d'insécurité, d'inappétence et de mélancolie. Au moment du jugement, tous
trois étaient encore suivis médicalement et souffraient toujours d'un grand
sentiment d'insécurité.

7.4 Au vu des atteintes ainsi subies et de leurs conséquences, les indemnités
pour tort moral allouées à la victime ainsi qu'à ses père et mère et à sa
sœur sont clairement trop élevées.

Dans l'ATF 125 III 269, soit l'arrêt du 30 avril 1999 auquel se réfère la
cour cantonale à la page 165 de son arrêt, le Tribunal fédéral a alloué une
indemnité pour tort moral de 100.000 francs à une jeune fille, qui, de l'âge
de 8 ans à l'âge de 18 ans, soit pendant dix ans, avait subi, à
d'innombrables reprises, des atteintes particulièrement graves à son
intégrité sexuelle, commises sur elle par son père, lesquelles lui avaient
causé un préjudice très important et très probablement irréversible. Outre
que le Tribunal fédéral avait alors souligné que l'indemnité ainsi accordée
était exceptionnellement élevée et représentait sans doute le maximum qui
puisse être alloué pour ce genre de cas, la lecture de cet arrêt suffit à
démontrer que, compte tenu de ce qu'avait enduré la victime et des très
graves conséquences qui en résultaient, il ne saurait servir ici de
comparaison.

Dans l'ATF 125 IV 199, concernant un cas d'enlèvement et de séquestration,
suivis de viols à la chaîne particulièrement graves commis durant des heures,
le Tribunal fédéral a certes jugé que l'indemnité pour tort moral de 75.000
francs allouée à la victime n'était pas contraire au droit fédéral. Ainsi
qu'il ressort de cet arrêt, ce sont toutefois les très graves atteintes à
l'intégrité sexuelle de la victime et leurs lourdes conséquences, notamment
sur le plan psychique, qui, venant s'ajouter à l'atteinte résultant de
l'enlèvement et de la séquestration, ont justifié  l'allocation d'une tel
montant (ATF 125 IV 199 consid. 6 p. 204 s.).

Les souffrances, essentiellement psychiques, subies par la victime et sa
famille sont certes importantes et ont laissé des séquelles, qui subsistent
actuellement  et subsisteront sans doute encore pendant des mois, voire
plusieurs années, bien qu'en s'atténuant progressivement. L'importance de ces
souffrances, si elle ne saurait certes être minimisée, n'atteint toutefois
pas l'intensité de celle qui est induite par les atteintes graves ayant donné
lieu, durant les dernières années, à l'allocation de montants similaires à
ceux qui ont été octroyés en l'espèce. Elle se rapproche plutôt de la
souffrance résultant d'atteintes pour lesquelles des indemnités de l'ordre de
30.000 à 40.000 francs, voire, dans le cas de la soeur de la victime, de
15.000 francs, ont été allouées (cf. Hütte/Ducksch/Gross, Le tort moral, 3ème
éd. 1996, pour la période 1990-1994: VIII/7 n° 20 et 21, VIII/10 n° 28 et 29,
VIII/11 n° 30 et 31, VIII/12 et VIII/13 n° 32 à 35; depuis 1995: VIII/6 n° 17
et 18, VIII/7 n° 20 et 21).

S'agissant plus précisément de la victime elle-même, il se justifie de lui
accorder une indemnité plus élevée qu'à ses père et mère, compte tenu du fait
qu'elle a dû subir la violence du rapt et a souffert du froid et du port des
menottes durant les 45 heures de sa séquestration, ces atteintes venant
s'ajouter à l'angoisse endurée pendant sa détention et aux souffrances, qui
perdurent partiellement, consécutives au rapt, lesquelles se rapprochent de
l'angoisse et des souffrances subies par ses père et mère. L'allocation d'une
indemnité pour tort moral de 40.000 francs à la victime et de 30.000 francs
chacun au père et à la mère de celle-ci apparaît dès lors équitable, ces
montants correspondant à ceux qui sont alloués en cas d'atteintes induisant
des souffrances d'ampleur similaire.

Pour ce qui est de la sœur de la victime, dont il n'a jamais été contesté
qu'elle a subi des atteintes moindres, l'allocation d'une indemnité pour tort
moral de 15.000 francs, offerte par le recourant, apparaît largement
équitable, si l'on songe notamment que des indemnités de 15.000 à 20.000
francs sont allouées aux victimes de viol.

8.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi sur l'action pénale doit être
partiellement admis, l'arrêt attaqué étant annulé et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision, laquelle devra se prononcer à
nouveau sur la question du concours entre l'extorsion et l'utilisation
frauduleuse d'un ordinateur ainsi que sur la peine. Pour le surplus, le
pourvoi sur l'action pénale doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

Le pourvoi sur l'action civile doit être partiellement admis et l'arrêt
attaqué réformé en ce sens que le montant de l'indemnité pour tort moral à
concurrence duquel le recourant est solidairement responsable est limité à
40.000 francs pour la victime, à 30.000 francs chacun pour le père et la mère
de la victime et à 15.000 francs pour la soeur de la victime.

9.
Le recourant voit trois de ses griefs admis (cf. supra, consid. 4, 6.2 et 7),
alors que les autres sont écartés, dont l'un méritait toutefois d'être
soulevé (cf. supra, consid. 2). En conséquence, il ne sera pas perçu de frais
et une indemnité de dépens sera allouée au recourant, les intimés n'étant pas
tenus de verser une compensation (art. 278 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi sur l'action pénale est partiellement admis, l'arrêt attaqué
annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision;
pour le surplus, il est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le pourvoi sur l'action civile est partiellement admis et l'arrêt attaqué
réformé en ce sens que le montant de l'indemnité pour tort moral à
concurrence duquel le recourant est solidairement responsable est limité à
40.000 francs pour la victime, à 30.000 francs chacun pour le père et la mère
de la victime et à 15.000 francs pour la soeur de la victime.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 3000 francs au
recourant, les intimés n'étant pas tenus de verser une compensation.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 26 novembre 2002

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: