Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.172/2002
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6S.172/2002 /dxc

Arrêt du 4 juin 2002
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schubarth, président de la Cour,
Schneider, Kolly,
greffier Fink.

Yeslam Binladin, 2, rue Le Fort, 1206 Genève,
recourant, représenté par Me Pierre de Preux, avocat,
rue François-Bellot 6, 1206 Genève,

contre

Roland Rossier,
Agathe Duparc,
intimés,
tous deux représentés par Me Christian Lüscher, avocat,
rue Saint-Ours 5, 1205 Genève,
Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation,
1, place du Bourg-de-Four, case postale 3108, 1211 Genève 3.

ordonnance de classement (diffamation)

(pourvoi en nullité contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre d'accusation, du 20 mars 2002)
Faits:

A.
Dans son numéro du 27 septembre 2001, le magazine "L'Hebdo" a publié des
articles sous le titre général "réseaux financiers islamistes : les trois
pistes suisses". Deux articles étaient consacrés à Yeslam Binladin et aux
sociétés qu'il dirige. Le premier, intitulé "Un demi-frère sous haute
surveillance" faisait état de l'attention portée par les autorités fédérales
aux sources de financement dont pourrait avoir bénéficié Oussama Ben Laden,
soupçonné d'être à l'origine des attentats terroristes survenus le 11
septembre 2001 à New York et à Washington. Le second article, sous le titre
"Une naturalisation soudain embarrassante", revenait sur les circonstances
connues de la naturalisation controversée à Genève de Yeslam Binladin.

B.
Le 2 octobre 2001, Yeslam Binladin a déposé une plainte pour diffamation
contre les journalistes Agathe Duparc et Roland Rossier, auteurs des articles
précités.

Dans  son numéro du 4 octobre 2001, "L'Hebdo" a fait paraître, au titre de
droit de réponse, un texte du plaignant qui nie toute relation avec Oussama
Ben Laden et précise qu'il a immédiatement condamné les actes effroyables du
11 septembre 2001.

C.
Le 6 décembre 2001, la plainte a été classée par le Procureur général du
canton de Genève, vu l'absence d'infraction.

D.
Le plaignant a recouru contre l'ordonnance de classement. Après avoir entendu
les parties, la Chambre d'accusation genevoise a rejeté le recours et a
confirmé la décision du Procureur général, cela par une ordonnance du 20 mars
2002.

E.
Le plaignant a saisi le Tribunal fédéral d'un pourvoi en nullité tendant à
l'annulation de l'ordonnance du 20 mars 2002.

F.
Une avance de frais a été demandée au recourant, avec la mention que, faute
de qualité pour recourir, le pourvoi paraissait voué à l'échec.

G.
En temps utile, le recourant a versé l'avance de frais; il s'est étonné de la
remarque sur la qualité pour recourir (lettre du 22 mai 2002).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La qualité pour former un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral est définie
à l'art. 270 PPF dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2001.
L'ancien art. 270 PPF a été modifié afin de limiter la qualité pour se
pourvoir en nullité en matière pénale à la victime au sens de la LAVI;
l'ancienne réglementation qui donnait à des tiers ayant subi un préjudice des
suites d'une infraction, sans toutefois être des victimes au sens de la LAVI,
la possibilité de se pourvoir en nullité allait au-delà de ce but
(Initiatives parlementaires, Révision partielle de l'organisation judiciaire
en vue de décharger le Tribunal fédéral, Rapport des Commissions de gestion
du Conseil des Etats et du Conseil national, FF 1999 p.  8857 en particulier
p. 8863 et 8864 ch. 142). L'art. 270 let. e PPF ne s'applique en conséquence
qu'à la victime au sens de la LAVI, soit à une personne ayant subi, du fait
de l'infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou
psychique (art. 2 al. 1 LAVI).
Celui qui, sans être une victime au sens de la LAVI, est lésé par une
infraction peut se pourvoir en nullité uniquement dans la mesure où il s'agit
de son droit de porter plainte (art. 270 let. f PPF); quant à l'accusateur
privé, institution inconnue du droit de procédure pénale genevois, sa qualité
pour former un pourvoi en nullité est régie par l'art.  270 let. g PPF (voir
ATF 128 IV 37 consid. 3 avec la jurisprudence et la doctrine citées).

Par ailleurs, les atteintes à l'honneur ne touchent d'ordinaire pas
directement l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique des personnes, de
sorte que celles-ci ne sauraient se prévaloir de la qualité de victime au
sens de la LAVI (ATF 122 IV 71 consid. 3a p. 76/77).

2.
En l'espèce, le recourant se plaint d'une atteinte à l'honneur. Faute d'une
atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, qu'il
n'allègue d'ailleurs pas, il ne saurait se prévaloir de l'art. 270 let. e PPF
pour former un pourvoi en nullité, car il n'est pas une victime au sens de la
LAVI.

L'art. 270 let. f PPF n'entre pas non plus en considération puisqu'aucun
grief relatif au droit de porter plainte n'est soulevé.

Quant à l'art. 270 let. g PPF, il n'est pas applicable étant donné que le
droit cantonal genevois ne permet pas à une personne de soutenir l'accusation
à elle seule, sans l'intervention de l'accusateur public.

Dès lors, le pourvoi est irrecevable. Un émolument judiciaire est mis à la
charge du recourant qui n'obtient pas gain de cause.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre d'accusation.

Lausanne, le 4 juin 2002

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: