Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.5/2002
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6A.5/2002/viz

      C O U R  D E  C A S S A T I O N  P E N A L E
      ********************************************

                      21 mars 2002

Composition de la Cour : M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges. Greffier : M. Denys.

                     ______________

    Statuant sur le recours de droit administratif
                        formé par

X.________, représenté par Me Véronique Fontana, avocate
à Lausanne,

                         contre

l'arrêt rendu le 17 décembre 2001 par le Tribunal admi-
nistratif du canton de Vaud;

     (retrait d'admonestation du permis de conduire)

  Vu les pièces du dossier d'où ressortent
               les  f a i t s  suivants :

  A.-  X.________, né en 1974, est titulaire d'un
permis de conduire pour les catégories CM (depuis 1988),
A2, B, D2, E, F et G (depuis 1992), A1 (depuis 1996) et A
(depuis 1999). Le registre automatisé des mesures admi-
nistratives (ADMAS) contient les inscriptions suivantes à
son sujet: retrait du permis durant quatre mois prononcé
le 1er février 1993 pour excès de vitesse et inobserva-
tion de conditions; retrait du permis durant deux mois
prononcé le 18 juillet 1994 pour refus de priorité avec
accident; retrait du permis durant un mois prononcé le
25 janvier 1999 pour excès de vitesse et autres fautes de
circulation avec accident, exécuté du 4 mars 1999 au
3 avril 1999.

  Le 17 août 1999 vers 21 h 40, X.________ circu-
lait en voiture sur un tronçon de route cantonale à
Aclens. Le rapport de gendarmerie établi le 24 août 1999
mentionne ce qui suit: X.________ venait de Bussigny-
près-Lausanne et circulait en direction d'Aclens à une
vitesse de 70 à 80 km/h; il a aperçu deux yeux qui bril-
laient sur le bord gauche de la route; inattentif alors
qu'il s'apprêtait à négocier un virage à gauche, il a
laissé dévier son véhicule vers la droite; la voiture a
quitté la chaussée, renversé une balise en bois et roulé
une cinquantaine de mètres sur un talus en contre-haut;
X.________ a donné un coup de volant à gauche et la voi-
ture a opéré un demi-tour; elle est revenue sur la route
en marche arrière et s'est immobilisée en travers de la
voie réservée aux usagers circulant en sens inverse;
Y.________, sous l'influence de l'alcool, circulait en
sens inverse à une vitesse de 60 à 70 km/h; à la sortie
de la courbe, il s'est trouvé en présence de la voiture
de X.________ qui s'immobilisait; il n'a pas eu le temps
de freiner ou d'entreprendre une manoeuvre d'évitement;
l'avant de sa voiture a heurté le côté gauche de celle de
X.________; huit personnes ont dû intervenir pour désin-
carcérer ce dernier.

  B.-  Le 8 septembre 1999, le Service des automo-
biles et de la navigation du Département vaudois de la
sécurité et de l'environnement (ci-après: SAN) a signalé
à X.________ qu'il envisageait de prononcer un retrait de
son permis de conduire pour une durée de cinq mois, as-
sorti de l'obligation de participer à un cours d'éduca-
tion routière, et l'a invité à se déterminer. Entendu le
16 septembre 1999, X.________ a déclaré qu'il était em-
ployé par une entreprise en qualité de technicien en
électronique et qu'il devait se déplacer quotidiennement
chez les clients, mais qu'il était pour l'instant en in-
capacité de travail, qu'il jugeait la mesure envisagée
trop sévère, qu'il était disposé à suivre un cours d'édu-
cation routière, qu'il était conscient d'avoir un antécé-
dent récent, qu'il avait subi de graves traumatismes phy-
siques et qu'il estimait suffisant un retrait de son per-
mis pour une durée d'un mois et demi. Il a déposé son
permis de conduire auprès du SAN le 16 septembre 1999.

  Par décision du 4 octobre 1999, le SAN a prononcé
le retrait du permis de conduire de X.________ pour une
durée de trois mois, dès et y compris le 16 septembre
1999, et a ordonné le suivi, dans un délai de six mois,
d'un cours d'éducation routière.

  C.-  X.________ a recouru contre cette décision
devant le Tribunal administratif du canton de Vaud, con-
cluant à ce que son permis soit retiré pour une durée
d'un mois et à ce que la décision attaquée soit maintenue
pour le surplus. Outre son besoin professionnel, il a
souligné qu'il avait été gravement blessé lors de l'acci-
dent (traumatisme crânien, fractures des côtes, atteintes
diverses aux cervicales) et qu'il subissait ainsi une in-
capacité complète de travail. Il invoquait en conséquence
l'application de l'art. 66bis CP.

  Le Tribunal administratif a suspendu la procédure
jusqu'à droit connu au plan pénal. Par ordonnance du 4
février 2000, le Juge d'instruction de l'arrondissement
de La Côte a condamné X.________, pour violation simple
des règles de la circulation (art. 90 ch. 1 LCR), à 300
francs d'amende.

  A l'appui d'un mémoire complémentaire du 21 août
2000, X.________ a produit devant le Tribunal administra-
tif deux certificats médicaux attestant qu'outre les lé-
sions physiques subies, il présentait une année après
l'accident un état dépressif chronique et un état de
stress post-traumatique, avec pour conséquence une inca-
pacité de travail. X.________ a précisé qu'en raison de
son état, il n'avait pas été en mesure de reprendre le
volant depuis l'accident. Dans ces conditions, il se pré-
valait de l'art. 66bis CP.

  Par arrêt du 17 décembre 2001, le Tribunal admi-
nistratif a rejeté le recours de X.________ et confirmé
la décision du SAN du 4 octobre 1999.

  D.-  Au cours de la procédure cantonale,
X.________ a été privé de son permis du 16 septembre au
4 novembre 1999, date à laquelle le Tribunal administra-
tif a octroyé l'effet suspensif au recours et a ordonné
la restitution du permis.

  E.-  X.________ forme un recours de droit admi-
nistratif au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 17 décem-
bre 2001. Il conclut à son annulation et au renvoi de la
cause en instance cantonale pour nouvelle décision. Il
sollicite par ailleurs l'effet suspensif. Le 5 février
2002, le Tribunal fédéral a signalé qu'aucune mesure
d'exécution ne pourra être entreprise jusqu'à décision
sur la requête d'effet suspensif.

  Le Tribunal administratif renonce à répondre au
recours.

  L'Office fédéral des routes conclut à l'admission
du recours et au renvoi de la cause au Tribunal adminis-
tratif.

         C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

  1.- a)  Le recours de droit administratif au Tri-
bunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale de
dernière instance en matière de retrait du permis de con-
duire (art. 24 al. 2 LCR). Il peut être formé pour viola-
tion du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du
pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal
fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114
al. 1 OJ). En revanche, lorsque, comme en l'espèce, le
recours est dirigé contre la décision d'une autorité
judiciaire, il est lié par les faits constatés dans
l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts
ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de rè-
gles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).
Cela exclut largement la prise en compte d'un fait nou-
veau (ATF 125 II 217 consid. 3a p. 221).

  b)  D'après l'art. 108 al. 2 OJ, le mémoire de
recours doit contenir des conclusions et une motivation.
Selon la jurisprudence, il ne faut pas poser des exi-
gences trop strictes quant à la formulation des conclu-
sions et des motifs présentés dans un recours de droit
administratif. Il suffit qu'on puisse déduire de l'acte
de recours sur quel point et pour quelles raisons la dé-
cision attaquée est contestée. Il n'est pas nécessaire
que les conclusions soient formulées explicitement pour
qu'elles soient recevables; il suffit qu'elles résultent
clairement des motifs allégués (ATF 103 Ib 91 consid. 2c
p. 95). En l'espèce, les conclusions du recourant ne ten-
dent qu'à l'annulation de la décision attaquée. Cepen-
dant, à la lumière de l'argumentation développée, on com-
prend qu'il souhaite la réforme de la décision attaquée
en ce sens qu'il n'y a pas lieu de lui infliger un re-
trait de son permis de conduire d'une durée supérieure à
celle déjà exécutée.

  2.- a)  L'art. 16 al. 2 LCR prévoit que "le per-
mis d'élève conducteur ou le permis de conduire peut être
retiré au conducteur qui, par des infractions aux règles
de la circulation, a compromis la sécurité de la route ou
incommodé le public. Un simple avertissement pourra être
ordonné dans les cas de peu de gravité". Par ailleurs,
l'art. 16 al. 3 let. a LCR dispose que le permis de con-
duire doit être retiré "si le conducteur a compromis gra-
vement la sécurité de la route".

  A partir du texte légal, quatre situations doi-
vent être distinguées. D'abord, le cas où le conducteur
n'a pas "compromis la sécurité de la route ou incommodé
le public", pour lequel l'autorité n'ordonnera aucune

mesure administrative. Deuxièmement, le cas de peu de
gravité (art. 16 al. 2 2ème phrase LCR), pour lequel
l'autorité donnera un avertissement. En troisième lieu,
le cas de gravité moyenne (art. 16 al. 2 1ère phrase
LCR), pour lequel l'autorité doit retirer le permis de
conduire; elle ne peut s'en abstenir qu'en présence de
circonstances spéciales, telles que celles qui justifient
d'abandonner toute peine en application de l'art. 66bis
CP (ATF 126 II 202 consid. 1a p. 203/204, 196 consid. 2c
p. 200/ 201). Enfin, le cas grave, qui implique le re-
trait du permis de conduire en application de l'art. 16
al. 3 let. a LCR.

  Le Tribunal administratif a considéré que l'inat-
tention du recourant ayant occasionné l'accident consti-
tuait un cas de moyenne gravité (art. 16 al. 2 1ère phra-
se LCR). Il n'y a pas lieu de revenir sur cette qualifi-
cation, que le recourant ne remet pas en cause. Conformé-
ment à la jurisprudence précitée, le Tribunal administra-
tif devait donc retirer le permis du recourant, sous ré-
serve de circonstances pouvant justifier l'application de
l'art. 66bis CP par analogie. L'argumentation du recou-
rant porte précisément sur cette question.

  b)  Selon l'art. 66 bis al. 1 CP, si l'auteur a
été atteint directement par les conséquences de son acte
au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité
compétente renoncera à le poursuivre, à le renvoyer de-
vant un tribunal ou à lui infliger une peine.

  Cette disposition permet de compenser la faute de
l'auteur par les graves conséquences qui le touchent et
qui le punissent au point que d'autres sanctions n'ap-
paraissent plus se justifier. Lorsqu'une exemption totale

ne saurait entrer en considération, il est possible de
simplement atténuer la peine (ATF 119 IV 280 consid. 1a
p. 282). L'atteinte subie par l'auteur doit être en rela-
tion directe avec son acte délictueux. Il peut notamment
s'agir d'atteintes psychologiques (ATF 117 IV 245 consid.
2a p. 247), comme celles qui affectent une mère de famil-
le devenue veuve lors d'un accident de la circulation
dont elle est responsable (ATF 119 IV 280 consid. 2b
p. 283).

  c)  Au plan pénal, le recourant a été condamné à
300 francs d'amende le 4 février 2000. Il a déposé un mé-
moire complémentaire devant le Tribunal administratif le
21 août 2000 et, à cette occasion, a produit deux certi-
ficats médicaux datés respectivement des 24 et 26 juillet
2000. C'est plus d'un an après que le Tribunal adminis-
tratif a rendu son arrêt, le 17 décembre 2001. Sur le
point central soulevé par le recourant, soit l'applica-
tion de l'art. 66bis CP à son cas, le Tribunal adminis-
tratif s'est borné à dire que le juge pénal n'avait pas
appliqué cette disposition. Or, le jugement pénal ne con-
sacre aucun développement à cette question, qu'il n'a pas
même abordée. De plus, les certificats médicaux produits
par le recourant qui attestent de son état psychique sont
postérieurs à la décision pénale. La motivation fournie
par le Tribunal administratif à propos de l'art. 66bis CP
est donc totalement inadéquate.

  Le Tribunal administratif a admis que le recou-
rant souffrait d'une affection psychique. Pour cela, il
s'est simplement référé aux certificats médicaux, sans en
détailler le contenu. En application de l'art. 105 al. 2
OJ, il convient de compléter l'état de fait à cet égard.
Selon le certificat médical établi par le Dr Z.________

le 24 juillet 2000, soit près d'un an après l'accident,
le recourant a subi diverses lésions physiques sans sé-
quelles; en revanche, il souffre d'un "état anxio-dépres-
sif post-traumatique sévère" qui nécessite une prise en
charge intensive spécialisée et est incapable de travail-
ler depuis l'accident. L'autre certificat médical a été
établi le 26 juillet 2000 par le Département universi-
taire de psychiatrie adulte du canton de Vaud. Il ressort
en particulier ce qui suit de la rubrique intitulée "les
lésions": "Psychologiquement, M. X.________ présente tou-
jours un état dépressif en rémission mais très lente
(actuellement il présente toujours une diminution de la
concentration et de l'attention, une diminution de
l'estime de soi et de la confiance en soi, une attitude
morose et pessimiste face à l'avenir) et le PTSD (revi-
viscence répétée de l'événement traumatique, dans des
souvenirs envahissants «flash back», des rêves ou des
cauchemars qui met le patient dans une «anesthésie psy-
chique», un émoussement émotionnel, détachement par rap-
port aux autres, d'anhédonie et d'évitement des activités
ou des situations pouvant réveiller les souvenirs de
l'accident «entendre les grincements de pneus de voitures
et la conduite de celle-ci [sic]»". En outre, d'après ce
certificat, le recourant se trouve en incapacité de tra-
vail pour une durée indéterminée et la durée du traite-
ment est estimée entre un et deux ans. Par ailleurs, le
Tribunal administratif n'a pas mis en cause la déclara-
tion faite par le recourant dans son mémoire complémen-
taire selon laquelle il n'avait plus conduit depuis
l'accident, soit depuis près d'un an. Dans le présent
recours, le recourant relève qu'il a repris depuis quel-
ques mois son activité professionnelle, dans le cadre de
laquelle il a besoin de son permis de conduire. Il intro-
duit ainsi des faits nouveaux, qui n'ont en principe pas

à être pris en compte (cf. supra, consid. 1a) et qui, de
toute façon, sont sans incidence pour l'examen du mérite
de son recours.

   Selon les faits ressortant de la procédure canto-
nale, le recourant a souffert d'une forte dépression;
cette atteinte psychique est directement liée à l'acci-
dent; à cause d'elle, il s'est trouvé en incapacité
totale de travail durant au moins un an; il a également
cessé de conduire durant cette période. En mettant en ba-
lance d'une part la gravité et les implications de l'at-
teinte psychique provoquée par l'accident et, d'autre
part, la faute du recourant (son inattention à l'entrée
d'un virage), il paraît inapproprié de lui infliger une
sanction qui irait au-delà de la période de plus d'un
mois et demi (du 16 septembre au 4 novembre 1999) durant
laquelle il a déposé son permis de conduire, avant que le
Tribunal administratif n'accorde l'effet suspensif à son
recours cantonal. Le grief tiré d'une violation de l'art.
66bis CP est ainsi bien fondé.

  3.-  Le recours doit être admis. Lorsque le Tri-
bunal fédéral annule la décision attaquée, il peut soit
statuer lui-même sur le fond soit renvoyer l'affaire pour
nouvelle décision à l'autorité inférieure voire à l'au-
torité qui a statué en première instance (cf. art. 114
al. 2 OJ). En l'espèce, il convient de renoncer à infli-
ger au recourant un retrait de son permis de conduire
pour une durée supérieure à celle qu'il a déjà exécutée
(du 16 septembre au 4 novembre 1999). La cause est ren-
voyée à l'autorité cantonale pour ce qui concerne l'exé-
cution du cours d'éducation routière (art. 25 al. 3 let.
e LCR) imposé par le SAN et que le recourant n'a jamais

remis en question. Elle l'est également pour ce qui con-
cerne la répartition et le règlement des frais et dépens
de la procédure cantonale (cf. art. 157 et 159 al. 6 OJ).

  Il n'est pas perçu de frais pour la procédure de-
vant le Tribunal fédéral (art. 156 al. 1 et 2 OJ). Le
recourant obtenant gain de cause, le canton de Vaud lui
versera une indemnité pour ses dépens (art. 159 al. 1
OJ).

  La requête d'effet suspensif n'a plus d'objet.

                     Par ces motifs,

          l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

  1.  Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.

  2.  Renonce à infliger au recourant un retrait de
son permis de conduire pour une durée supérieure à celle
déjà exécutée.

  3.  Renvoie la cause au Tribunal administratif du
canton de Vaud pour ce qui concerne l'exécution du cours
d'éducation routière imposé au recourant ainsi que pour
les frais et dépens de la procédure cantonale.

  4.  Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

  5.  Dit que le canton de Vaud versera au recou-
rant une indemnité de 1'200 francs à titre de dépens.

  6.  Communique le présent arrêt en copie à la
mandataire du recourant, au Tribunal administratif et au
Service des automobiles et de la navigation du canton de
Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral des routes, Division
circulation routière.

                      _____________

Lausanne, le 21 mars 2002
DCH

          Au nom de la Cour de cassation pénale
               du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                      Le Président,

                      Le Greffier,