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Kassationshof in Strafsachen 6A.107/2002
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6A.107/2002 /rod

Arrêt du 23 janvier 2003
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schneider, président,
Kolly, Karlen,
greffier Denys.

X. ________,
recourante, représentée par Me Stefan Disch, avocat, ch. des Trois-Rois 5bis,
case postale 2608, 1002 Lausanne,

contre

Commission de libération du canton de Vaud, p.a. Service pénitentiaire, rue
Cité-Devant 14, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale,
1014 Lausanne.

refus de la libération conditionnelle,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois,
Cour de cassation pénale, du 27 novembre 2002.

Faits:

A.
Par arrêt du 7 mai 2001, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois, à la suite d'un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 2 février
2001 (6S.859/2000), a condamné X.________, pour complicité d'actes d'ordre
sexuel avec des enfants et complicité de viol, à cinq ans de réclusion, sous
déduction de la détention préventive subie.

Il ressort en substance de la procédure pénale qu'en avril 1992, les enfants
A.________, née en 1976, B.________, née en 1979, C.________, née en 1983, et
D.________, née en 1986, ont rejoint leur mère X.________ en Suisse.
Pratiquement à la même période, Y.________ a partagé la vie de cette
dernière, jouant le rôle de chef de famille. Il a été retenu qu'il avait
commis depuis 1992 des actes d'ordre sexuels et des viols sur les enfants et
que X.________, qui connaissait les principaux traits de l'activité
délictueuse de ce dernier, lui avait fourni la possibilité matérielle d'agir
en lui laissant le champ libre durant des séjours plus ou moins fréquents et
prolongés au Kosovo, en lui permettant de rester seul dans l'appartement avec
l'une ou l'autre des filles et en refusant d'écouter les plaintes de
celles-ci.

B.
Le terme de la peine infligée à X.________ est fixé au 7 juin 2004 et les
deux tiers de celle-ci ont été exécutés le 7 octobre 2002.

Dans le cadre de la procédure pénale, X.________ a fait l'objet d'une
expertise psychiatrique, datée du 30 avril 1999. Selon les experts, au moment
d'agir, X.________ n'était pas atteinte d'une maladie mentale, de faiblesse
d'esprit ou d'une grave altération de la conscience; en revanche, un état
mental incomplet ou un trouble de la santé mentale sous la forme d'un trouble
de l'adaptation ne pouvait être écarté; un risque de récidive n'était pas
exclu, mais X.________ ne compromettait pas gravement la sécurité publique et
ne risquait pas de mettre en danger autrui en raison de son état mental; il
ne se justifiait pas de l'interner ni de la soumettre à un traitement, le cas
échéant, ambulatoire; elle était accessible à la sanction pénale.

Dans un avis du 14 mai 2001, la Commission interdisciplinaire consultative
concernant les délinquants nécessitant une prise en charge psychiatrique
(ci-après: CIC) relève que la situation socio-familiale de X.________ est
suffisamment grave pour mériter une investigation approfondie à l'extérieur.

Dans un rapport du 26 novembre 2001, la Fondation vaudoise de probation
(ci-après: FVP) constate que X.________ ne formule guère de demandes à
caractère social et ne s'est pas inscrite dans une démarche visant à
bénéficier d'un soutien psychothérapeutique; la situation familiale de
X.________ est complexe et l'autorité devra être très attentive à toute
décision afin de protéger ses filles. Le rapport mentionne encore les
craintes de la tutrice de l'enfant D.________, qui préconise un
accompagnement pour toute rencontre entre l'enfant et X.________.

Dans un avis du 21 décembre 2001, la CIC souligne la grave carence de
capacité parentale de X.________, constate son absence d'évolution quant à sa
dénégation des dommages causés par les infractions commises sur ses filles et
recommande la plus grande vigilance si de nouvelles visites des enfants
mineurs auprès de leur mère devaient être autorisées. La CIC souhaite
certaines investigations sociales, qu'elle juge opportun, d'après un avis
complémentaire du 27 février 2002, de confier à la FVP.

Le 16 mai 2002, le Service pénitentiaire du Département de la sécurité et de
l'environnement du canton de Vaud a informé X.________ que la question d'un
premier congé ne pourrait être résolue qu'à la suite d'un réexamen de son cas
par la CIC à une date prévue en automne 2002.

Dans un rapport complémentaire du 6 juin 2002, la FVP répond aux
investigations requises par la CIC. Elle indique par ailleurs que X.________
envisage pour sa future sortie de travailler comme cuisinière dans le
restaurant d'un ami, sans autre précision.

Selon le rapport du 12 juin 2002 de la Direction de la prison de La Tuilière,
le comportement de X.________ en détention est tout à fait adéquat.
Travaillant à la cuisine, elle est décrite comme une personne ayant un fort
caractère à tendance dominante; elle n'a bénéficié d'aucun élargissement de
régime; elle affiche sa haine à l'égard de l'auteur principal des
infractions; elle ne se rend chez le psychiatre ou le psychologue que sur
convocation et a dit envisager, lors de son audition relative à sa libération
conditionnelle, la possibilité d'un suivi psychothérapeutique; ses projets
consistent à trouver un travail et un appartement (dans un premier temps elle
pourrait loger chez sa fille B.________, à Lausanne). La direction ne peut
garantir qu'il n'y aura pas de récidive, mais considère que X.________ est
sincère par rapport à ses projets. Elle précise qu'il lui est difficile de
préaviser positivement, en l'absence de congés accordés à X.________ et dans
l'attente de la prise de position de la CIC en novembre 2002. Elle propose
d'accorder la libération conditionnelle avec un délai d'épreuve de deux ans,
un patronage et un suivi sous forme de thérapie de famille.

Dans sa proposition du 26 juin 2002, le Service pénitentiaire rappelle les
éléments essentiels du dossier et souligne le fait que X.________ doit  de
nouveau être soumise à l'examen de la CIC en novembre 2002. Dans ces
conditions, il s'oppose à la libération conditionnelle.

Le membre visiteur de la Commission de libération du Département de la
sécurité et de l'environnement du canton de Vaud a entendu X.________ le 28
juin 2002. Dans son rapport, il relève notamment qu'une réelle introspection
ne fait pas partie des priorités de X.________; à aucun moment, elle n'est
parvenue à s'exprimer sur les horreurs que ses filles ont subies; son
attitude est dictée par une quasi-impossibilité de se mettre à la place de
l'autre; elle préfère imaginer qu'elle sera à l'avenir entourée de ses filles
et qu'avec leur consentement, un trait sera tiré sur ces événements
douloureux; elle n'a rien entrepris sur le plan personnel (un soutien
thérapeutique), ni pour son avenir économique. Le membre visiteur conclut
qu'une libération conditionnelle est prématurée.

C.
Par décision du 21 août 2002, la Commission de libération du Département de
la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud (ci-après: Commission de
libération) a refusé d'accorder la libération conditionnelle à X.________.
Elle a jugé que la première condition prévue à l'art. 38 ch. 1 al. 1 CP était
réalisée, à savoir que le comportement en détention de X.________ ne
s'opposait pas à son élargissement. En revanche, elle a nié la réalisation de
la seconde condition prévue par cette disposition. Elle a expliqué que
X.________ n'avait pas encore suffisamment évolué en matière d'introspection
et d'amendement, se contentant soit de nier la réalité, soit de fustiger
l'auteur principal en se considérant comme sa victime. Elle a préconisé de
commencer par procéder à des allégements du régime progressif, dans le cadre
desquels son évolution devra être examinée. Elle a rappelé qu'il fallait
attendre les conclusions de la CIC pour décider s'il était possible de
débuter le processus d'élargissement.

Par arrêt du 27 novembre 2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________ et a confirmé la décision
de la Commission de libération.

D.
X.________ forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre
cet arrêt. Invoquant une violation de l'art. 38 ch. 1 al. 1 CP, elle conclut
principalement à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que sa libération
conditionnelle est immédiatement ordonnée, le cas échéant en étant assortie
d'un patronage et de règles de conduite; subsidiairement, elle conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de l'affaire en instance
cantonale pour nouvelle décision.

La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois n'a pas
d'observations à formuler et se réfère aux considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert contre les
décisions en matière d'exécution des peines et mesures que le Code pénal ne
réserve pas au juge (art. 38 ch. 1 CP; art. 97 al. 1, 98 let. g OJ et 5 PA;
ATF 124 I 231 consid. 1a/aa p. 233).

Il peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès ou
l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal fédéral
n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des
conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). En outre, lorsque le recours
est, comme en l'espèce, dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire,
le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans l'arrêt attaqué,
sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis
au mépris des règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

2.
L'octroi de la libération conditionnelle suppose que le condamné ait subi les
deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois en cas de condamnation à
l'emprisonnement, que son comportement pendant l'exécution de la peine ne
s'oppose pas à son élargissement et que l'on puisse prévoir qu'il se conduira
bien en liberté (art. 38 ch. 1 al. 1 CP).

La jurisprudence a relevé que la libération conditionnelle constitue la
dernière étape du régime progressif de l'exécution de la peine, de sorte
qu'elle doit être considérée comme la règle, de laquelle il convient de ne
s'écarter que s'il y a de bonnes raisons de penser qu'elle sera inefficace.
Comme celle portant sur l'octroi ou le refus du sursis, la décision relative
à la libération conditionnelle repose sur une appréciation globale prenant en
considération les antécédents de l'auteur, sa personnalité ainsi que son
comportement tant en général que dans le cadre de la commission des délits
qui sont à l'origine de sa condamnation (ATF 125 IV 113 consid. 2a p. 115).

L'exigence d'un pronostic favorable constitue le critère déterminant,
conformément à la volonté du législateur, qui, lorsqu'il a révisé le Code
pénal en 1971, a voulu mettre l'accent sur la fonction de réinsertion sociale
de la libération conditionnelle, de sorte qu'un comportement critiquable du
prévenu en détention ne dispense l'autorité d'examiner les conditions
relatives au pronostic que si ce comportement atteint une certaine gravité
(ATF 119 IV 5 consid. 1a p. 6/7). C'est dans ce sens que la jurisprudence a
relevé que l'on peut se demander si le comportement en détention représente
encore un critère indépendant ou s'il n'est pas, selon les circonstances, un
simple élément supplémentaire d'appréciation pour établir le pronostic (ATF
119 IV 5 consid. 1a/aa p. 7; cf. également ATF 125 IV 113 consid. 2a p. 115;
124 IV 193 consid. 3 p. 195).
La nature des délits commis par l'intéressé n'est, en tant que telle, pas à
prendre en compte, en ce sens que la libération conditionnelle ne doit pas
être exclue ou rendue plus difficile pour certains types d'infractions.
Toutefois, les circonstances dans lesquelles l'auteur a encouru la sanction
pénale sont pertinentes dans la mesure où elles sont révélatrices de sa
personnalité et donnent ainsi certaines indications sur son comportement
probable en liberté. Au demeurant, pour déterminer si l'on peut courir le
risque de récidive, inhérent à toute libération qu'elle soit conditionnelle
ou définitive, il faut non seulement prendre en considération le degré de
probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise mais également
l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive
que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à
l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis par exemple des
infractions contre le patrimoine (ATF 125 IV 113 consid. 2a p. 115/116).

3.
La Cour de cassation vaudoise n'a pas remis en cause le bon comportement en
détention de la recourante. S'agissant du pronostic, elle a relevé que, selon
l'expertise psychiatrique de 1999, un risque de récidive n'était pas exclu et
qu'en matière d'abus sexuels commis sur des enfants, un tel risque devait
"être particulièrement pris en considération". Elle a au surplus évoqué
l'absence de prise de conscience de la recourante.

Que le bien juridique menacé soit précieux, comme l'intégrité sexuelle
d'enfants, ne dispense cependant pas l'autorité d'une analyse sérieuse pour
évaluer le risque de récidive. La réserve exprimée en l'espèce par les
experts en 1999 n'est suivie d'aucun développement et paraît donc avoir pour
seule portée le rappel qu'une récidive est théoriquement toujours possible.
Les experts ont d'ailleurs également indiqué que la recourante ne
compromettait pas la sécurité publique et ne risquait pas de mettre en danger
autrui en raison de son état mental. En outre, dans l'appréciation du
comportement probable en liberté, il ne faut pas négliger que la recourante
avait agi comme complice et non comme auteur principal. Or, par rapport au
moment des infractions, divers éléments ont changé. Ses filles sont désormais
majeures, hormis D.________, qui est sous tutelle et placée dans une famille
d'accueil. L'auteur principal est lui-même en détention pour une longue
période. Les éléments précités auraient dû être pris en compte. La Cour de
cassation vaudoise ne discute pas non plus des effets que pourrait avoir sur
un éventuel risque de récidive une libération conditionnelle assortie d'un
patronage et de règles de conduites, autrement dit la mise en place d'un
encadrement durable.

Il est vrai que la recourante n'a pas reconnu sa faute. Une telle
reconnaissance n'est cependant pas une condition indispensable pour une
existence future sans infraction. Le fait de contester les actes commis peut
avoir de nombreux motifs qui ne jouent aucun rôle dans le processus
d'émission du pronostic (ATF 124 IV 193 consid. 5b/ee p. 204). La recourante
n'a pas non plus de projet professionnel bien arrêté. Elle évoque néanmoins
la possibilité de travailler comme cuisinière dans le restaurant d'un ami.
Cela constitue déjà un projet pour une personne qui semble avoir toujours
dépendu de l'assistance sociale. La Cour de cassation vaudoise n'en traite
pourtant pas.

La plupart des intervenants, la Commission de libération et la Cour de
cassation vaudoise ont signalé l'importance qu'aurait l'avis de la CIC,
attendu pour novembre 2002, laquelle devait semble-t-il évaluer notamment la
situation de la recourante avec ses filles. Aussi discutable que soit le
poids accordé par anticipation à un tel avis, on ne comprend pas pourquoi
tant la Commission de libération que la Cour de cassation vaudoise ne se sont
pas souciées de l'obtenir dans les meilleurs délais et ont statué sans en
être pourvues.

Il résulte de ce qui précède que l'analyse menée est insuffisante et que
l'instruction est incomplète. Le recours doit par conséquent être admis, la
décision entreprise annulée et le dossier renvoyé, à la Commission de
libération en l'occurrence (art. 114 al. 2 2ème phrase OJ), pour nouvelle
décision. Celle-ci sera rendue à bref délai.

4.
Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ, le canton de Vaud est dispensé des frais
judiciaires. Il paiera en revanche au mandataire de la recourante une
indemnité de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159
al. 2 OJ). La requête d'assistance judiciaire de la recourante devient ainsi
sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
la Commission de libération du canton de Vaud pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le canton de Vaud versera à Me Stefan Disch, mandataire de la recourante, une
indemnité de 3'000 francs.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à la
Commission de libération du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois,
Cour de cassation pénale, ainsi qu'au Département fédéral de justice et
police.

Lausanne, le 23 janvier 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: