Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.94/2002
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5P.94/2002

                  IIe  C O U R  C I V I L E
                 ***************************

                         13 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mmes Nordmann
et Hohl, juges. Greffier: M. Ponti.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

L.________, et V.________, toutes deux représentées par Me
Daniel Richard, avocat à Genève;

                           contre

l'arrêt rendu le 18 janvier 2002 par la Cour de justice du
canton de Genève dans la cause qui oppose les recourantes à
E.________, intimée, représentée par Me Edouard Balser,
avocat à Genève,

             (arbitraire, droit d'être entendu)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- a) G.________ est décédé le 12 janvier 1992 lors
d'un accident de voiture en Italie, laissant pour seules hé-
ritières sa deuxième femme E.________ et ses filles
L.________ et V.________, issues de son premier mariage.

   Précédemment, en exécution des engagements pris dans
le cadre du divorce ayant mis fin au mariage avec sa première
femme B.________, G.________ avait transféré à chacune de ses
filles, par convention des 30 juillet et 13 août 1987, res-
pectivement par acte authentique du 1er septembre suivant:

   - 25 actions de la SI X.________, ainsi que la moi-
           tié d'une créance contre cette société, d'un mon-
           tant de 665'623 fr. au 31 décembre 1986;

   - 12 actions, ainsi que la copropriété par moitié
           d'une 25e action, de la SI Y.________, de même que
           la moitié d'une créance chirographaire contre
           cette dernière, d'une valeur de 94'631 fr. 88 au
           31 décembre 1986;

   - la moitié de sa part sur l'immeuble Z.________,
           dont il était copropriétaire pour une demie, ses
           filles reprenant, avec l'autre copropriétaire, la
           dette hypothécaire de 2'000'000 fr. y relative.

   Peu après, B.________ a acquis l'autre part de co-
propriété de l'immeuble de Z.________Belle-Fontaine. Par acte
du 17 novembre 1987, elle et ses filles ont vendu celui-ci
dans son intégralité à un tiers, pour le prix de 3'700'000
fr. Le transfert de propriété a eu lieu par inscription au
registre foncier du 21 décembre 1987.

   b) Par convention du 15/18 juin 1990, L.________ et
V.________ ont cédé à W.________, leur grand-père, les ac-
tions de la SI X.________ qu'elles avaient reçues, de même
que la créance chirographaire dont elles étaient cotitulaires
envers la SI. Le prix des actions cédées a été payé par la
remise de 50% du capital-actions de la SI Y.________ pour une
valeur de 1'778'544 fr. et par le versement d'une soulte de
203'355 fr., pour un total de 1'981'899 fr.; la créance chi-
rographaire que les soeurs V.________ et L.________ déte-
naient envers la SI X.________ leur a été rachetée pour le
montant de 517'308 fr. Après cette opération, V.________ et
L.________ détenaient la totalité du capital-actions de la SI
Y.________.

    L'expertise ordonnée par la suite par le Tribunal
de première instance a estimé la valeur nette du capital-
actions de la SI Y.________ au moment du décès de G.________
(janvier 1992) à 2'690'000 fr., après déduction de la valeur
vénale brute de l'hypothèque inscrite au passif du bilan;
l'expert, dans son rapport du 31 mars 2000, a par ailleurs
précisé ne pas avoir tenu compte de l'impact fiscal de la
liquidation d'une société immobilière, parce qu'en 1992 cet
aspect n'influençait pas encore la valeur des actions.

   c) Le 16 avril 1991, G.________ avait rédigé, avant
d'épouser en secondes noces E.________, un testament ologra-
phe par lequel il attribuait 25% de ses biens à sa nouvelle
épouse, "équivalent à sa part légitime (réserve)", et le 75%
à ses filles, à répartir de façon égale entre elles. Par con-
trat de mariage du 21 mai 1991, les futurs époux avaient par
ailleurs choisi le régime de la séparation de biens, selon le
droit suisse.

   Le 5 avril 1994, E.________ a informé l'exécuteur
testamentaire qu'elle entendait demander le rapport des trois
donations faites par le défunt à ses enfants, en application
de l'art. 626 al. 2 CC.

   Le 8 novembre 1994, les héritières ont conclu une
convention de partage, avec clause arbitrale, réservant
expressément le sort des trois donations litigieuses.

   B.- Le 19 avril 1995, E.________ a ouvert action en
rapport et en réduction à l'encontre de L.________ et
V.________ (aujourd'hui mariée P.________). Les défenderesses
s'y sont opposées, invoquant notamment la prescription de
l'action, mais nullement une éventuelle renonciation de la
demanderesse à la réduction.

   Par jugement du 20 juin 1996, le Tribunal de pre-
mière instance de Genève a ordonné le rapport à la succession
de feu G.________ des donations en faveur de ses filles selon
convention des 30 juillet/13 août 1987, à l'exclusion des
fruits, dit que les modalités et l'étendue de ce rapport fe-
raient l'objet d'une décision ultérieure, constaté le carac-
tère réductible de la donation faite à L.________ et
V.________, selon acte notarié du 1er septembre 1987, de la
part de copropriété pour moitié de l'immeuble Z.________,
ordonné la réunion à la succession des sommes représentant le
produit de la vente de ladite part de copropriété (1'850'000
fr.) et les intérêts courus sur ce capital (370'000 fr.),
condamné les défenderesses aux dépens et, enfin, rejeté tou-
tes autres conclusions.

   Par arrêt du 25 avril 1997, la Cour de justice du
canton de Genève a annulé ce jugement. L'autorité cantonale a
considéré que les donations faites par le défunt à ses filles
n'étaient pas rapportables, en raison du testament par lequel
il les avait instituées héritières dans une proportion excé-

dant leurs parts légales. En modifiant ainsi la répartition
successorale prévue par la loi, et en réduisant du même coup
sa seconde femme à sa réserve, le défunt avait en effet clai-
rement manifesté sa volonté de favoriser ses enfants au
détriment de sa nouvelle épouse, de sorte qu'il n'y avait
aucune raison de compléter cette volonté en cherchant à réta-
blir une égalité à laquelle le défunt s'était manifestement
opposé.

   Saisi d'un recours en réforme exercé par E.________,
le Tribunal fédéral, par arrêt du 2 mars 1998, a partielle-
ment admis le recours et annulé l'arrêt de la Cour de justi-
ce. Il a considéré que les donations n'étaient certes pas
rapportables, mais qu'elles étaient sujettes à réduction en
application de l'art. 527 ch. 3 CC; à la différence de la
Cour de justice, qui avait jugé prescrite l'action introduite
par la seconde épouse du défunt, il a constaté que celle-ci
pouvait faire valoir son droit à la réduction dans le cadre
de la procédure pendante par voie de l'exception imprescrip-
tible prévue par l'art. 533 al. 3 CC. De ce fait, la cause a
été renvoyée aux autorités cantonales genevoises pour
qu'elles examinent - au besoin après complément d'instruction
- le mérite des prétentions de la demanderesse quant à la
reconstitution de sa réserve (cf. arrêt 5C.155/1997).

   C.- Statuant ensuite de l'arrêt de renvoi du Tribu-
nal fédéral, la Cour de justice, par arrêt du 4 septembre
1998, a ordonné la réunion à la succession du bénéfice net
que chacune des filles du défunt a retiré de la vente de
l'immeuble Z.________ (378'500 fr. chacune) et renvoyé la
cause au Tribunal de première instance pour instruire et
statuer sur la réduction des donations des actions des deux
SI, un complément d'instruction étant nécessaire pour déter-
miner leur valeur au moment de l'ouverture de la succession.

   Ce dernier, par jugement du 18 janvier 2001, a or-
donné la réunion à la masse successorale d'un montant total
de 4'243'158 fr., comprenant, en plus du bénéfice net retiré
par les soeurs V.________ et L.________ de la vente de l'im-
meuble Z.________, déjà fixé par l'arrêt de la Cour de justi-
ce du 4 septembre 1998 (757'000 fr.), les montants perçus en
espèces lors de la cession des actions de la SI X.________ et
de la créance chirographaire dont elles étaient cotitulaires
envers la SI (720'658 fr.), la valeur en janvier 1992 du 100%
du capital-actions de la SI Y.________ (estimé par l'expert à
2'690'500 fr.) et la moitié du bénéfice net de l'exercice
1988 de la SI Y.________ (75'000 fr.). Constatant que la ré-
serve de E.________ était lésée, selon le testament du 16
avril 1991, du quart de ce montant, le Tribunal a condamné
V.________ et L.________ à payer chacune la moitié de la
somme de 1'060'789 fr. 50 à l'intimée; il a enfin condamné
les premières nommées solidairement aux dépens de la procé-
dure, comprenant une indemnité de procédure de 50'000 fr. à
titre de participation aux honoraires d'avocat de E.________,
et débouté les parties de toutes autres conclusions.

   Par arrêt du 18 janvier 2002, la Cour de justice du
canton de Genève a confirmé le jugement précité, condamné les
recourantes aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'un émo-
lument complémentaire à l'Etat de 5'000 fr., et débouté les
parties de toutes autres conclusions.

   D.- Le 22 février 2002, L.________ et V.________ ont
formé, parallèlement, un recours de droit public et un re-
cours en réforme au Tribunal fédéral. Dans le recours de
droit public, invoquant une violation du droit d'être entendu
et de l'interdiction de l'arbitraire, ainsi qu'une violation
arbitraire des art. 533 al. 3, 617 et 618 CC comme des art.
255 et 312 de la loi de procédure civile genevoise, elles
concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué, à ce que
E.________ soit déboutée de toutes autres ou contraires

conclusions et soit condamnée à tous les frais et dépens des
procédures fédérale et cantonale.

   L'intimée n'a pas été invitée à déposer une réponse.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en
règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à
droit connu sur le recours de droit public. Cette disposition
est justifiée par le fait que, si le Tribunal fédéral devait
d'abord examiner le recours en réforme, son arrêt se substi-
tuerait à la décision cantonale, rendant ainsi sans objet le
recours de droit public, faute de décision susceptible d'être
attaquée par cette voie (ATF 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377
consid. 1 et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu d'y déroger
en l'espèce.

   2.- a) Le recours de droit public au Tribunal fé-
déral est ouvert contre une décision cantonale pour violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ). Le jugement attaqué ne peut être attaqué par aucun
autre moyen de droit sur le plan cantonal ou fédéral dans la
mesure où les recourantes invoquent la violation directe de
droits de rang constitutionnel, de sorte que les règles de la
subsidiarité absolue et relative du recours de droit public
(art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ) sont respectées. Les recouran-
tes sont personnellement touchées par la décision attaquée;
elles ont donc qualité pour recourir (art. 88 OJ). Interjeté
en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par
la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe receva-
ble.

   b) Saisi d'un recours de droit public pour arbitrai-
re, le Tribunal fédéral ne procède pas à un libre examen de
toutes les circonstances de la cause et ne rend pas un arrêt
au fond, qui se substituerait à la décision attaquée. Il se
borne à contrôler si l'autorité cantonale a observé les prin-
cipes que la jurisprudence a déduits de l'art. 9 Cst (art. 4
aCst.). Son examen ne porte d'ailleurs que sur les moyens
invoqués par le recourant et motivés conformément aux exigen-
ces de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279 consid. 1c;
126 III 534 consid. 1b; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492
consid. 1b p. 495; 122 I 70 consid. 1c p. 73).

   c) Le Tribunal fédéral ne qualifie d'arbitraire (sur
la notion d'arbitraire, cf. ATF 126 I 168 consid. 3a; ATF 125
I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b) l'ap-
préciation des preuves que si l'autorité cantonale a admis ou
nié un fait en se mettant en contradiction évidente avec les
pièces et éléments de son dossier. Une jurisprudence constan-
te reconnaît au juge du fait un large pouvoir d'appréciation
dans ce domaine (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40 et les réfé-
rences citées). Le Tribunal fédéral n'intervient, pour viola-
tion de l'art. 9 Cst., que si le juge cantonal a abusé de ce
pouvoir, en particulier lorsqu'il méconnaît des preuves per-
tinentes ou qu'il n'en tient arbitrairement pas compte (ATF
118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 112 Ia 369 consid. 3 p. 371; 100
Ia 119 consid. 4 p. 127), lorsque des constatations de fait
sont manifestement fausses (ATF 121 I 113 consid. 3a), ou
enfin lorsque l'appréciation des preuves est tout à fait in-
soutenable (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 116 Ia 85 consid.
2b p. 88). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une
autre solution pourrait entrer en considération ou même se
révéler préférable (ATF 125 II 10 consid. 3a); pour qu'une
décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit
pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut

encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résul-
tat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166
consid. 2a).

   3.- Dans un premier moyen, les recourantes se plai-
gnent d'une violation de l'art. 9 Cst. - et spécifiquement de
l'interdiction de l'arbitraire - dans la mesure où la Cour de
justice aurait refusé d'examiner et d'apprécier la convention
de partage du 8 novembre 1994; selon elles, une juste inter-
prétation de cette convention aurait dû conduire les juges
cantonaux à constater que l'intention des parties était d'ex-
clure toute prétention éventuelle tendant à réunir à la suc-
cession les donations litigieuses.

    a) En vertu de l'art. 66 al. 1 in fine OJ, l'autori-
té cantonale à laquelle une affaire est renvoyée est tenue de
fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de
l'arrêt du Tribunal fédéral. Le juge auquel la cause est ren-
voyée voit donc sa cognition limitée par les motifs de l'ar-
rêt de renvoi, en ce sens qu'il est lié par ce qui a déjà
été tranché définitivement par le Tribunal fédéral (ATF 104
IV 276 consid. 3b p. 277; 103 IV 73 consid. 1 p. 74) et par
les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant
lui (ATF 104 IV 276 consid. 3d p. 278). Le Tribunal fédéral
est aussi lié par son arrêt de renvoi; il ne peut dès lors se
fonder, à l'occasion d'un nouveau recours, sur des considéra-
tions qu'il avait écartées ou dont il avait fait abstraction
dans sa précédente décision (ATF 111 II 94 consid. 2 p. 95).
Lorsqu'une cause est renvoyée notamment pour que l'autorité
cantonale répare une omission et statue à nouveau sur l'état
de fait complété, sa nouvelle décision peut faire l'objet
d'un recours; le recourant ne sera toutefois admis à se pré-
valoir que d'un seul moyen, à savoir que le juge cantonal au-
rait méconnu les directives du Tribunal fédéral en établis-
sant ou en appréciant les faits à élucider (ATF 111 II 94
consid. 2 et arrêts cités).

    b) L'arrêt du Tribunal fédéral du 2 mars 1998 a
confirmé le premier arrêt de la Cour de justice dans la mesu-
re où il déclarait les donations litigieuses non soumises à
rapport. S'agissant en revanche de la réduction, il a retenu
que l'art. 527 ch. 3 CC était en principe applicable et que
l'intimée "pouvait, en sa qualité d'héritière réservataire,
faire valoir son droit à réduction dans le présent procès par
voie de l'exception imprescriptible prévue par l'art. 533 al.
3 CC". Le Tribunal fédéral a dès lors constaté que le recours
de l'intimée devait être partiellement admis, l'arrêt entre-
pris annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale "pour
qu'elle examine le mérite des prétentions de la recourante
quant à la reconstitution de sa réserve, au besoin après un
complément d'instruction (art. 64 al. 1 OJ)".

   Les recourantes ne prétendent pas que la Cour de
justice a violé les principes que la jurisprudence a dégagés
de l'art. 66 al. 1 OJ. En soutenant que la réduction des
donations litigieuses peut être remise en cause en raison de
la prétendue renonciation de l'intimée dans la convention de
partage, les recourantes s'en prennent à une question
qu'elles n'avaient pas invoquée dans la procédure de recours
précédente, et que le Tribunal fédéral n'a donc pas examinée
dans son arrêt de renvoi. Or, le Tribunal fédéral est aussi
lié par son arrêt de renvoi, et ne peut pas se fonder, à
l'occasion d'un nouveau recours, sur des considérations dont
il avait fait abstraction dans sa précédente décision (ATF
111 II 94 consid. 2). Ce premier grief est donc irrecevable.

   4.- a) Les recourantes invoquent ensuite une viola-
tion du droit d'être entendu; elles reprochent aux autorités
cantonales d'avoir refusé d'ordonner les enquêtes qui au-
raient permis d'interpréter correctement la convention de
partage signée le 8 novembre 1994, et surtout de prouver que

la réelle intention de E.________ était de renoncer à faire
valoir ses prétentions tendant à réunir à la succession les
donations litigieuses.

   Ce moyen est tout aussi irrecevable que le précè-
dent, parce qu'il concerne une question - à savoir l'inter-
prétation de la convention de partage - que le Tribunal
fédéral ne peut revoir, étant lié par son arrêt de renvoi du
2 mars 1998 (cf. consid 3b ci-dessus).

   b) Les recourantes se plaignent également d'une
application arbitraire de l'art. 533 al. 3 CC. Ce grief est
toutefois irrecevable, le recours de droit public n'étant
ouvert au regard de l'art. 84 al. 2 OJ que si la prétendue
violation de droits ou de normes énumérés à l'alinéa premier
de cette disposition ne peut pas être soumise par un autre
moyen de droit au Tribunal fédéral ou à une autre autorité
fédérale (ATF 124 III 134 consid. 2b). Or les griefs relatifs
à l'application du droit civil fédéral doivent être soulevés
par la voie du recours en réforme (cf. art. 43 al. 1 OJ)
lorsque celui-ci est ouvert, ce qui est le cas en l'espèce.

   c) Les recourantes soutiennent aussi (cf. p. 4, ch.
11, du recours) que la Cour de justice aurait admis de façon
arbitraire les conclusions en partage prises par l'intimée
pour la première fois dans ses dernières écritures après
enquêtes et ignoré les règles applicables au partage d'une
succession. Ce grief, annoncé au début du recours, n'a pas
été repris ni motivé par la suite, de sorte qu'il doit être
déclaré irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).

   5.- Selon les recourantes, les juges cantonaux au-
raient rendu une décision fondée sur une application arbi-
traire du droit cantonal et fédéral, en refusant de tenir
compte de l'impact fiscal d'une éventuelle liquidation d'une
SI et d'ordonner une expertise de l'immeuble qui tienne comp-

te de cet aspect. De plus, en rejetant la demande des recou-
rantes de mettre en oeuvre une expertise complémentaire, ils
auraient violé leurs droits d'être entendues.

   a) Lorsque l'autorité cantonale juge une expertise
concluante et en fait sien le résultat, le Tribunal fédéral
n'admet le grief d'appréciation arbitraire des preuves que si
l'expert n'a pas répondu aux questions posées, si ses conclu-
sions sont contradictoires ou si, de quelqu'autre façon,
l'expertise est entachée de défauts à ce point évidents et
reconnaissables que, même sans connaissances spécifiques, le
juge ne pouvait tout simplement pas les ignorer. Les normes
de procédure cantonales se réfèrent, essentiellement, à ces
principes. Selon l'art. 267 LPC/GE, le juge qui n'est pas
suffisamment éclairé par un rapport d'expertise judiciaire
peut en ordonner un nouveau par le même ou par un autre ex-
pert; la jurisprudence cantonale a toutefois précisé qu'un
rapport complémentaire se justifie seulement si le premier
rapport est incomplet, obscur ou équivoque, et lorsque la
comparution personnelle de l'expert n'a pas suffi à réparer
ses vices et insuffisances; une contre-expertise, en revan-
che, ne saurait être ordonnée au seul motif qu'une partie
critique l'opinion du premier expert (Bertossa/Gaillard/
Guyet/Schmidt, op. cit., n. 1 et 2 ad art. 267 LPC).

   En tout cas, il n'appartient pas au Tribunal fédéral
de vérifier si toutes les affirmations de l'expert sont
exemptes d'arbitraire; sa tâche se limite plutôt à examiner
si l'autorité cantonale pouvait se rallier sans arbitraire au
résultat de l'expertise (cf. arrêt du Tribunal fédéral
5P.457/2000 du 20 avril 2001, consid. 4a).

   b) Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.)
comprend notamment celui de faire administrer les moyens de
preuves, pour autant que ceux-ci soient requis dans les
formes prévues par le droit cantonal et qu'ils apparaissent

utiles à l'établissement des faits pertinents (ATF 120 Ib 379
consid. 3b p. 383; 119 Ib 12 consid. 4 p. 17, 492 consid. 5b/
bb p. 505; 119 Ia 136 consid. 2d p. 139 et les arrêts cités).
L'autorité de décision peut donc se livrer à une appréciation
anticipée de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité
du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de
l'administrer. La jurisprudence a également déduit du droit
d'être entendu l'obligation pour le juge de motiver ses
décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et
exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 126 I 97
consid. 2b; 124 V 180 consid. 1a; 121 I 54 consid. 2c). Pour
satisfaire cette exigence, il suffit que le juge mentionne au
moins brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels
il a fondé sa décision; il n'a pas l'obligation d'exposer et
de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invo-
qués par les parties, mais peut au contraire se limiter à
ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents
(ATF 126 I 97 consid. 2b; 121 I 54 consid. 2c et les arrêts
cités).

   c) Dans le cas d'espèce, l'expertise requise visait
à déterminer, selon la méthode d'évaluation usuelle, la va-
leur vénale du capital-actions de la SI Y.________ au 12
janvier 1992, date de l'ouverture de la succession de
G.________. Dans son rapport du 31 mars 2000, l'expert a
rappelé que son évaluation tenait expressément compte des
paramètres et des usages en matière d'estimation de la valeur
de sociétés immobilières en 1992, et que celle-ci était dé-
terminée en premier lieu par la valeur des actions sur le
marché dans une libre transaction d'achat et vente; par con-
tre, il ne fallait pas encore tenir compte de l'impact fiscal
lié à une liquidation de la SI, puisque les dispositions lé-
gales destinées à encourager leurs liquidation avaient été
introduites seulement à partir de 1995. L'expert en a conclu
que l'estimation de l'impact fiscal était sans influence sur
la valeur vénale du capital-actions d'une SI à la date déter-

minante, ce qu'il a d'ailleurs confirmé lors de sa comparu-
tion personnelle devant le Tribunal de première instance. À
cette occasion, il a en outre précisé que la question d'une
éventuelle liquidation de la SI en 1992 ne se posait même
pas, car les mesures d'allégement fiscal dans ce domaine
n'avaient été prises qu'à partir de 1995. Or, vu ce qui pré-
cède, l'autorité intimée pouvait, sans tomber dans l'arbi-
traire, considérer que l'expert avait répondu de manière
satisfaisante aux questions qu'il était appelé à résoudre, et
que des mesures d'instruction complémentaires étaient inuti-
les.

   d) On pourrait certes se demander si la méthode
utilisée par l'expert pour calculer la valeur du capital-ac-
tions de la SI Y.________ (moyenne pondérée de la valeur de
rendement et de la valeur intrinsèque de l'immeuble, moins
l'hypothèque grevant l'immeuble) est correcte. La valeur des
actifs d'une succession se détermine en principe par le prix
offert dans une libre transaction, sur un marché en condi-
tions normales, par un tiers désireux mais non obligé d'ache-
ter (cf. Daniel Staehelin, Commentaire bâlois, n. 2 ad art.
474 CC, p. 82). Or, suivant ces principes, la valeur des
actions d'une société immobilière ne correspond pas forcément
à la seule valeur vénale de l'immeuble (à l'actif) sous dé-
duction de l'hypothèque au passif; d'autres facteurs - qui
n'ont pas été pris en compte par l'expert - tels, par exem-
ple, la rentabilité de la société (profits) ou l'existence au
bilan d'un capital propre dissimulé (cf. l'arrêt du Tribunal
fédéral 2P.25/1990 du 29 avril 1991; art. 24 al. 1 let. c et
29 de la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs
des cantons et des communes, RS 642.14) peuvent influencer la
valeur des actions d'une SI.

   On remarque toutefois que les recourantes ne criti-
quent pas la méthode d'estimation de la valeur de la SI uti-
lisée par l'expert, et, en tout cas, pas pour les motifs

qu'on vient de mentionner; elles se bornent en effet à répé-
ter que l'expert ne pouvait pas ignorer la charge fiscale en
cas de liquidation de la SI en janvier 1992 et se plaignent
que les juges cantonaux n'ont pas donné suite au complément
d'expertise apte à la déterminer. Or la charge fiscale due à
la liquidation pouvait être laissée de côté par l'expert, qui
devait évaluer la société immobilière et la valeur des ac-
tions lors de la mort du de cujus et non les frais d'une
éventuelle liquidation de cette société.

    En définitive, il n'y a pas lieu de revenir sur la
valeur des actions au vu de l'existence au bilan d'éventuels
postes qui pourraient influencer leur évaluation, les recou-
rantes n'ayant pas soulevé cet argument conformément aux exi-
gences posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. consid. 2b
supra). Les griefs tirés d'une violation arbitraire du droit
cantonal de procédure et d'une violation du droit constitu-
tionnel d'être entendu se révèlent ainsi irrecevables.

   6.- Enfin, les recourantes prétendent que l'arrêt
attaqué violerait arbitrairement les art. 617 et 618 CC. À
leurs yeux, les juges cantonaux auraient procédé au partage
des biens successoraux sans connaître ni la valeur de l'im-
meuble au moment du partage, ni le montant fiscal à déduire
de la valeur du capital-actions, comme l'exigent les articles
susmentionnés.

   Ce moyen revient toutefois exclusivement à critiquer
l'application des art. 617 et 618 CC. Ressortissant ainsi au
droit fédéral, il est, une fois de plus, irrecevable dans un
recours de droit public (cf. consid. 4b supra).

   7.- Il résulte de ce qui précède que le recours de
droit public formé contre le jugement cantonal du 18 janvier
2002 doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.

   Les recourantes, qui succombent, supporteront les
frais judiciaires, solidairement entre elles (art. 156 al. 1
et 7 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer des dépens
à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer sur le
recours.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

   2. Met à la charge des recourantes, solidairement
entre elles, un émolument judiciaire de 20'000 fr.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour de justice du canton de
Genève.

Lausanne, le 13 mai 2002
PIT/frs
                Au nom de la IIe Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE
                        Le Président,

                  Le Greffier,