Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.93/2002
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5P.93/2002

                  IIe  C O U R  C I V I L E
                  *************************

                         23 mai 2002

Composition de la Cour : M. Bianchi, Président, Mmes Nordmann
et Hohl, Juges. Greffière: Mme Jordan.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

C.________, représenté par Me Robert Simon, avocat à Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 18 janvier 2002 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à dame C.________, représentée par Me Pierre-
Alain Schmidt, avocat à Genève;

       (art. 9 et 29 al. 2 Cst.; mesures provisoires
                 selon l'art. 137 al. 2 CC)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- C.________, né en 1951, et dame C.________, née
en 1952, se sont mariés le 5 octobre 1973 à Vernier (GE). Ils
ont eu trois enfants: N.________ et M.________, aujourd'hui
majeurs, et A.________, né le 19 février 1985.

   B.- Dans le cadre de l'action en divorce qu'il a in-
troduite le 29 décembre 2000, C.________ a requis des mesures
provisoires.

   Statuant sur cette requête le 15 juin 2001, le Tri-
bunal de première instance du canton de Genève a notamment
confié à la mère la garde du cadet, réservé au père un large
droit de visite et condamné le mari à verser 22'500 fr. par
mois pour l'entretien de sa famille, allocations familiales
non comprises.

   Par arrêt du 18 janvier 2002 rendu sur appel de
l'époux, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé
le jugement sur ces questions et l'a modifié en ce sens
qu'elle a fixé le point de départ de la contribution d'entre-
tien au 1er janvier 2001 et a autorisé le mari à compenser
les primes d'assurances et les contributions publiques dues
par sa femme et déjà payées par ses soins depuis le 1er jan-
vier 2001.

   C.- C.________ forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt canto-
nal et à la compensation des frais et dépens.

   L'intimée propose le rejet du recours, sous suite de
frais et dépens. L'autorité cantonale se réfère à ses consi-
dérants.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Le recours de droit public est ouvert contre une
décision prise sur mesures provisoires (cf. ATF 126 III 261
consid. 1 p. 262 et les arrêts cités). Formé en temps utile
contre un arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève, statuant en dernière instance cantonale, le
recours est par ailleurs recevable au regard des art. 84, 86
al. 1 et 89 al. 1 OJ.

   2.- Le recourant se plaint d'abord d'une violation
de son droit à une décision motivée découlant du droit d'être
entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Exposant avoir contesté en ins-
tance cantonale l'inclusion d'un "revenu" fiscal théorique de
606'083 fr. dans ses revenus annuels de 1998 (taxation 1999)
ainsi que du loyer théorique de la villa occupée par son
épouse (9'871 fr.) dans ceux de 1997, 1998, 1999 (taxations
1998, 1999, 2000), il reproche à la Cour de justice de ne pas
avoir statué sur ces griefs, au demeurant mentionnés dans
l'arrêt cantonal.

   a) Comme le droit d'être entendu a un caractère for-
mel et que sa violation entraîne l'admission du recours,
ainsi que l'annulation de la décision attaquée indépendamment
des chances de succès du recours sur le fond (ATF 126 V 130
consid. 2b p. 132 et les références), il convient d'examiner
ce grief en premier.

   Le recourant ne se référant à aucune disposition de
procédure cantonale, son moyen doit être examiné à la lumière
de la seule garantie constitutionnelle et avec un plein pou-
voir d'examen (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts
cités).

   La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4
aCst. et qui s'applique également à l'art. 29 al. 2 Cst., a
déduit du droit d'être entendu le devoir pour l'autorité de
motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la com-
prendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité
de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces
exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins briève-
ment, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé
sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre
compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance
de cause (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 124 V 180 consid.
1a p. 181; 123 I 31 consid. 2c p. 34).

   b) En l'espèce, si la Chambre civile a certes rele-
vé, à la page trois de son arrêt, que le recourant a reproché
au Tribunal de première instance d'avoir "inclus dans son re-
venu annuel la somme de 606'803 fr. [recte: 606'083 fr.],
correspondant à un revenu fiscal non réel, [...] et le loyer
théorique fiscal pour la villa de l'intimée", elle n'a effec-
tivement pas statué sur ces griefs. Après avoir dénié toute
valeur probante aux comptes de l'année 2000 produits pour la
première fois en instance d'appel, elle s'est en effet con-
tentée de relever qu'"à défaut de documents plus précis"
fournis par l'intéressé, il convenait "de se baser sur les
chiffres retenus par le premier juge, à savoir les revenus de
[l'époux] figurant dans les déclarations fiscales des trois
dernières années" (1997, 1998 et 1999). Certes, l'autorité
n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les moyens
soulevés par les parties, mais elle se doit en revanche de
traiter les questions décisives (ATF 126 I 97 consid. 2b p.
102/103; 124 V 180 consid. 1a in fine p. 181 et la jurispru-
dence citée; 122 IV 8 consid. 2c p. 14/15 et l'arrêt mention-
né). Or, dans le cas particulier, les griefs litigieux
avaient trait à la détermination des ressources du recourant
pour les années 1997, 1998 et 1999. Dès lors que la quotité
des contributions d'entretien dépend de la capacité contribu-

tive du débirentier (cf. ATF 123 III 1 consid. 3b/bb p. 4),
il s'agissait là d'éléments qui étaient - au vu des montants
en jeu - manifestement pertinents. En omettant de statuer sur
ces points ou, à tout le moins, d'exposer brièvement les mo-
tifs qui l'auraient incitée à ne pas entrer en matière sur
ceux-ci, la Cour de justice a violé le droit du recourant à
une décision motivée.

   c) Comme l'autorité intimée n'a pas complété son
prononcé dans ses observations sur recours, la violation du
droit d'être entendu du recourant n'a pas pu être réparée
(ATF 107 Ia 1 ss, 240 consid. 4 p. 244). La décision attaquée
doit dès lors être annulée, sans qu'il soit nécessaire d'exa-
miner les autres griefs soulevés dans l'acte de recours (ATF
118 Ia 104 consid. 3c p. 109).

   3.- L'intimée, qui succombe, supportera les frais de
la procédure (art. 156 al. 1 OJ) et versera des dépens au re-
courant (art. 159 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1. Admet le recours de droit public et annule
l'arrêt attaqué.

   2. Met à la charge de l'intimée:
   a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
   b) une indemnité de 2'500 fr. à verser au recourant
à titre de dépens.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève.

Lausanne, le 23 mai 2002
JOR/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE,
                        Le Président,

                        La Greffière,