Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.83/2002
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5P.83/2002

                 IIe  C O U R   C I V I L E
                 **************************

                        11 avril 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et Mme Hohl, juges. Greffier: M. Abrecht.

                          _________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

M.________, représenté par Me Basile Schwab, avocat à La
Chaux-de-Fonds,

                           contre

l'arrêt rendu le 17 janvier 2002 par la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel dans la
cause qui oppose le recourant à dame M.________, intimée,
représentée par Me Françoise Desaules, avocate à Neuchâtel;

            (art. 9 Cst.; mainlevée d'opposition)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                   les f a i t s suivants:

   A.- Les époux M.________ sont en instance de divorce
depuis le 18 décembre 1998, date à laquelle l'épouse a déposé
une demande de divorce ainsi qu'une requête de mesures provi-
soires.

   Par ordonnance de mesures provisoires du 27 juillet
1999, le président du Tribunal civil du district de Boudry a
notamment attribué à l'épouse l'usage du domicile conjugal de
Corcelles, à charge pour elle d'en assumer la totalité des
frais, et fixé à 3'071 fr. par mois la contribution du mari à
l'entretien de son épouse, dès le 1er janvier 1999.

   Par arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, saisie
d'un recours de l'épouse, a partiellement cassé cette ordon-
nance en ce sens qu'elle a fixé à 5'000 fr. par mois la con-
tribution du mari à l'entretien de son épouse, dès le 1er
janvier 1999.

   Le 12 avril 2000, le mari a déposé une requête en
modification de mesures provisoires, tendant à réduire le
montant de la contribution d'entretien de 5'000 fr. à 1'500
fr. par mois, dès le 1er janvier 2000.

   B.- Le 29 mai 2000, l'Office des poursuites de Neu-
châtel, Beaux-arts - depuis le 1er février 2001, Office des
poursuites du Littoral et du Val-de-Travers - a notifié à
M.________, sur réquisition de dame M.________, un commande-
ment de payer la somme de 67'780 fr. 40 avec intérêt à 5%
l'an dès le 26 mai 2000 (poursuite n° XXXXXXXX). Cet acte,
auquel le poursuivi a fait opposition totale, indiquait comme
titre de la créance "Montant dû selon arrêt de la Cour de
cassation civile et selon lettre adressée à Me Basile Schwab

du 14.4.2000 Fr. 64'130.40 + Fr. 1'650.-- frais + Fr. 2'000.--
de dépens".

   La poursuivante ayant requis la mainlevée définitive
de l'opposition, la Présidente du Tribunal civil du district
de Neuchâtel a fait droit à cette requête le 9 novembre 2000.

   Saisie d'un recours du poursuivi, qui faisait valoir
en substance que les moyens de preuve de ses paiements se
trouvaient dans les classeurs annexes au dossier matrimonial
et que le premier juge aurait dû rejeter la requête s'il
avait tenu compte de ces éléments, la Cour de cassation civi-
le du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a annulé cette
décision, estimant que le premier juge avait commis un déni
de justice en statuant sur la base d'un dossier incomplet.

   Lors d'une audience du 14 mai 2001, le poursuivi a
déposé une liasse de documents à titre de preuves de ses
paiements. Les documents étant nombreux et non classés, la
Présidente du tribunal a prié le poursuivi d'y remédier et de
fournir un index afin qu'ils puissent être utilisés. Les
parties ont convenu que la poursuivante disposerait du dos-
sier pour faire part de ses observations et que la Présidente
du tribunal rendrait ensuite une décision sans qu'il soit
appointé de nouvelle audience.

   Par courrier du 29 mai 2001, le poursuivi a transmis
les documents établissant les paiements qu'il avait effectués
et confirmé ses conclusions tendant au rejet de la requête de
mainlevée. Il sollicitait en outre un nouveau tour de parole
après le dépôt des observations de son épouse, requête que la
Présidente du tribunal a rejetée en indiquant que les parties
s'étaient mises d'accord sur la suite de la procédure.

   Dans ses observations du 7 juin 2001, la poursuivan-
te a conclu au prononcé de la mainlevée à hauteur de 39'053
fr. 75, sur la base des documents déposés par son époux.

   Par décision du 4 septembre 2001, la Présidente du
Tribunal civil du district de Neuchâtel a prononcé la mainle-
vée définitive de l'opposition à hauteur de 34'416 fr., par-
tagé les frais de justice par moitié et compensé les dépens.

   C.- Statuant par arrêt du 17 janvier 2002, la Cour
de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâ-
tel a rejeté le recours interjeté par le poursuivi contre
cette décision.

   D.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, M.________ conclut avec suite de frais
et dépens à l'annulation de cet arrêt. Il a en outre requis
l'octroi de l'effet suspensif, requête que le Président de la
Cour de céans a admise par ordonnance du 13 mars 2002 après
avoir recueilli les déterminations de l'intimée. Il n'a pas
été ordonné d'échange d'écritures sur le fond.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- La décision prononçant ou refusant en dernière
instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ) la mainlevée - provi-
soire ou définitive - de l'opposition est une décision finale
qui peut faire l'objet d'un recours de droit public (ATF 120
Ia 256 consid. 1a; 111 III 8 consid. 1; 98 Ia 348 consid. 1,
527 consid. 1 et les arrêts cités; 94 I 365 consid. 3). Le
recours est par conséquent recevable de ce chef. Interjeté en
temps utile, il est également recevable au regard de l'art.
89 al. 1 OJ.

   2.- a) Devant l'autorité cantonale, le poursuivi a
fait valoir que le calcul du premier juge était erroné, dans
la mesure où l'ordonnance de mesures provisoires sur laquelle
s'appuyait l'intimée avait été modifiée par une ordonnance du
14 août 2001; en effet, cette nouvelle décision - dont il a
joint une copie à son recours - avait fixé la contribution
d'entretien à 3'380 fr. par mois, avec effet rétroactif au
1er janvier 2000. Après avoir exposé que le dépôt d'une telle
pièce nouvelle était irrecevable en procédure de cassation,
la Cour de cassation civile statuant sur la base du dossier
tel qu'il était soumis au premier juge, les juges cantonaux
ont considéré que l'ordonnance de mesures provisoires du 27
juillet 1999, modifiée par l'arrêt du 15 février 2000, était
définitive et exécutoire et représentait ainsi un titre de
mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP au moment où la
décision de mainlevée avait été rendue. La procédure de main-
levée se limitant à l'examen des pièces produites par les
parties, il n'était pas possible au premier juge de prendre
en compte une ordonnance qui n'avait pas été produite au dos-
sier, quand bien même ce moyen de preuve était intervenu
ultérieurement et tardivement. Le premier juge le pouvait
d'ailleurs d'autant moins, selon l'autorité cantonale, que
l'ordonnance du 14 août 2001 n'était pas encore définitive et
exécutoire au jour de la décision de mainlevée, en raison du
délai de recours de vingt jours prévu à l'art. 416 CPC/NE.

   b) Le recourant, qui invoque la prohibition de
l'arbitraire (art. 9 Cst.), fait valoir que selon le Code de
procédure civile neuchâtelois, le jugement sur mesures provi-
soires, soumis aux règles de la procédure sommaire, doit être
rendu dans les trente jours (art. 125 et 382 CPC/NE). Ainsi,
l'arrêt attaqué reviendrait à faire supporter au recourant le
retard mis par le Président du Tribunal du district de Boudry
pour statuer, par ordonnance du 14 août 2001, sur une requête
en modification de mesures provisoires déposée le 12 avril
2000. En effet, si cette ordonnance avait été rendue dans un

délai raisonnable, la mainlevée sollicitée par l'intimée
n'aurait pas été prononcée. Au surplus, l'ordonnance du 14
août 2001 existait déjà lorsqu'a été rendue la décision de
mainlevée du 4 septembre 2001, et à plus forte raison lors-
qu'a été rendu l'arrêt entrepris du 17 janvier 2002. Or cette
ordonnance modifiait complètement le calcul à effectuer et
rendait caduque la somme mentionnée dans sa réquisition de
poursuite par la créancière elle-même. La décision de mainle-
vée contraindrait ainsi le recourant à s'acquitter d'une
somme clairement supérieure à celle due en réalité, avec
toutes les conséquences négatives que cela entraînerait pour
lui-même et pour ses créanciers. Le raisonnement de l'autori-
té cantonale (cf. consid. 2a supra), fondé exclusivement sur
des critères formels, serait dénué non seulement de bon sens,
mais aussi et surtout d'équité. L'audience qui a précédé la
décision de mainlevée étant intervenue le 14 mai 2001, le
recourant ne pouvait pas y produire une ordonnance qui ne
serait rendue que trois mois plus tard. Au demeurant, le
premier juge avait pleinement connaissance de l'ordonnance en
cause, laquelle avait été déposée dans le cadre d'une autre
procédure en mainlevée opposant les mêmes parties et qui
avait fait l'objet d'une décision rendue elle aussi le 4
septembre 2001.

   c) Tous ces arguments du recourant ne changent rien
au fait que la procédure sommaire de mainlevée est une procé-
dure sur titre (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur
la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, 1999, n. 9
ad art. 81 LP), de sorte que le premier juge ne pouvait pas
prendre en considération l'ordonnance de modification de
mesures provisoires du 14 août 2001, puisque du propre aveu
du recourant, celle-ci n'avait pas été produite dans la pro-
cédure de mainlevée définitive ici en cause. Une telle
manière de voir n'a rien d'arbitraire. Au demeurant, même si
l'ordonnance en question avait été régulièrement produite
devant le premier juge, ou même si elle avait pu l'être

devant la cour de cassation, l'arrêt attaqué n'apparaîtrait
pas arbitraire. En effet, tant selon la doctrine que selon la
jurisprudence cantonale, un jugement portant condamnation à
verser une contribution d'entretien constitue un titre de
mainlevée définitive tant qu'il n'a pas été modifié par un
nouveau jugement entré en force de chose jugée (Staehelin,
Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs,
1998, n. 47 ad art. 80 LP et les arrêts cantonaux cités;
Bühler/Spühler, Berner Kommentar, Band II/1/1/2, 1980, n. 190
ad art. 157 CC; SJZ 1966 p. 192 n° 114). Or en l'espèce, il
n'est pas contesté que l'ordonnance de modification du 14
août 2001 - qui a fait l'objet d'un recours de l'intimée,
selon les déterminations de cette dernière sur la requête
d'effet suspensif - n'était pas entrée en force de chose
jugée lorsque le premier juge a prononcé la mainlevée en se
fondant sur l'ordonnance du 27 juillet 1999 telle que
modifiée par l'arrêt de cassation du 15 février 2000.

   3.- a) Devant l'autorité cantonale, le poursuivi a
également reproché au premier juge d'avoir refait le calcul
des charges - payées par lui-même alors qu'elles incombaient
à son épouse - liées à la villa de Corcelles sur la base des
documents déposés, alors qu'il ressortait tant de l'ordon-
nance de mesures provisoires du 27 juillet 1999 que de
l'arrêt de cassation du 15 février 2000 que ces charges se
montaient à 4'433 fr. Les juges cantonaux ont considéré que
cette estimation des charges liées à la villa de Corcelles ne
liait pas le juge de la mainlevée définitive, qui ne pouvait
pas prendre en considération un montant "forfaitaire", mais
seulement les titres au sens de l'art. 81 LP produits par
l'intimé, titres qui établissaient sa libération pour un
montant au demeurant incontesté de 49'234 fr.

   b) Selon le recourant, cette opinion serait arbi-
traire, car "chacun sait que l'entretien d'un immeuble occa-
sionne également des frais qui ne peuvent pas être ponctuel-

lement établis, l'un après l'autre, par des factures indivi-
dualisées", raison pour laquelle il fallait en l'espèce re-
prendre le montant de 4'433 fr. par mois retenu dans le cadre
de la première procédure de mesures provisoires.

   c) Par cette argumentation sommaire, le recourant ne
démontre nullement en quoi l'opinion de l'autorité cantonale
serait arbitraire, à savoir qu'elle méconnaîtrait gravement
une règle de droit ou un principe juridique clair et indiscu-
té, ou qu'elle contredirait de manière choquante le sentiment
de l'équité (ATF 126 III 438 consid. 3 in fine; 125 I 166
consid. 2a; 124 I 312 consid. 5a; 123 I 1 consid. 4a et les
arrêts cités). Il apparaît au contraire plus que soutenable,
s'agissant d'une procédure sur titre (cf. consid. 2c supra),
de considérer qu'il était parfaitement correct, de la part du
juge de la mainlevée, de rechercher sur la base des titres
déposés quels montants avaient été payés par le recourant.

   4.- Le recourant se plaint enfin de n'avoir pas eu
l'occasion de se déterminer à son tour sur les observations
écrites déposées par l'intimée après qu'il eut produit à nou-
veau, accompagnées d'un index, les pièces qu'il avait dépo-
sées une première fois lors de l'audience du 14 mai 2001.
Cette critique n'est toutefois suivie d'aucune explication
démontrant en quoi les droits constitutionnels du recourant
auraient été violés, de sorte qu'elle se révèle irrecevable
au regard des exigences posées à la motivation du recours de
droit public par l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

   5.- En définitive, le recours, mal fondé en tant
qu'il est recevable, doit être rejeté dans cette même mesure.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires
(art. 156 al. 1 OJ) et indemnisera l'intimée pour ses obser-
vations sur la requête d'effet suspensif (art. 159 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

   2. Met à la charge du recourant:
   a) un émolument judiciaire de 2'500 fr.;
   b) une indemnité de 500 fr. à verser à l'intimée à
titre de dépens.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour de cassation civile du Tribu-
nal cantonal du canton de Neuchâtel.

                         __________

Lausanne, le 11 avril 2002
ABR/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        Le Greffier,