Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.462/2002
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5P.462/2002 /frs

Arrêt du 30 janvier 2003
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Raselli, président,
Meyer, Hohl,
greffier Braconi.

A. ________,
recourant, représenté par Me Bernard Geller, avocat,
place St-François 5, case postale 3860, 1002 Lausanne,

contre

Président du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
route du Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 et 29 Cst. (indemnité à un avocat d'office),

recours de droit public contre l'arrêt du Président du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 28 octobre 2002.

Faits:

A.
Par décision du 4 décembre 2000, le Bureau de l'assistance judiciaire du
canton de Vaud a octroyé, avec effet au 7 novembre 2000, l'assistance
judiciaire à B.________ et à sa fille C.________ dans le procès en
constatation de filiation les opposant à D.________, et leur a désigné Me
A.________ comme avocat d'office.

B.
Le 5 juin 2002, Me A.________ a présenté, aux fins de taxation, une liste des
opérations effectuées, indiquant avoir consacré 44h30 au dossier et déboursé
la somme de 505 fr.95, plus 120 fr. pour l'extrait conforme d'un jugement.

Par décision du 10 juillet 2002, le Président du Tribunal d'arrondissement de
Lausanne a fixé l'indemnité à 3'000 fr., plus 228 fr. de TVA, pour les
honoraires, et 625 fr.95, plus 47 fr.60 de TVA, pour les débours.

Statuant le 28 octobre 2002 sur recours de l'avocat d'office, le Président du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé la décision attaquée.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, Me
A.________ conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de cet
arrêt; il se plaint d'arbitraire quant à son indemnisation (art. 9 Cst.) et
d'une violation du droit à l'assistance judiciaire (art. 29 al. 3 Cst.).

Des observations n'ont pas été requises.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du recours
dont il est saisi (ATF 128 II 311 consid. 1 p. 315 et les arrêts cités).

1.1 Déposé à temps contre une décision fixant en dernière instance cantonale
l'indemnité de l'avocat d'office en matière civile (notamment: arrêt
5P.274/2001 du 4 mars 2002, consid. 1), le présent recours est ouvert sous
l'angle des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

1.2 D'après la jurisprudence constante, seul le titulaire du droit
constitutionnel invoqué est admis, au regard de l'art. 88 OJ, à former un
recours de droit public au Tribunal fédéral (ATF 125 I 161 consid. 2a p. 162
et les arrêts cités). Le droit de bénéficier de l'assistance judiciaire
n'appartient qu'à l'assisté, et non à son défenseur d'office; aussi, le
recours est-il irrecevable d'emblée dans la mesure où le recourant dénonce
une violation de l'art. 29 al. 3 Cst. (arrêts 5P.396/1995 du 14 février 1996,
consid. 2b, non publié aux ATF 122 I 5, et 5P.107/1992 du 27 mai 1992,
consid. 2b; cf. aussi: ATF 125 I 161 consid. 2a p. 162).

2.
A l'appui de son moyen déduit de l'arbitraire, le recourant fait valoir que,
vu le temps consacré à l'affaire (à savoir 44h30), l'indemnité qui lui a été
allouée à titre d'honoraires ne permet pas de couvrir ses frais généraux,
encore moins de garantir une rémunération convenable. Elle correspond à 18
heures de travail, c'est-à-dire moins de la moitié du temps qu'il a
effectivement dédié à la défense des intérêts de ses clientes; or, une telle
réduction est injustifiable au regard des nombreuses opérations effectuées,
dont il n'est pas établi qu'elles auraient été inutiles ou superflues. Enfin,
l'autorité cantonale n'a pas tenu compte du rôle de l'avocat - qu'il soit
choisi ou d'office - dans ses rapports avec le client, ainsi que du résultat
obtenu, en l'occurrence la conclusion d'une convention.

2.1
2.1.1L'avocat d'office a droit, en plus du remboursement de ses débours, à
une indemnité qui s'apparente aux honoraires perçus par le mandataire
plaidant aux frais de son client; pour en arrêter le montant, l'autorité doit
tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés
particulières qu'elle peut présenter en fait et en droit, du temps que
l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre des
conférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultat
obtenu et de la responsabilité qu'il a assumée (ATF 122 I 1 consid. 3a p. 2/3
et les arrêts cités); la rémunération, qui peut être inférieure à celle du
défenseur choisi, devrait, en principe, couvrir les frais généraux de
l'avocat, lesquels représentent d'ordinaire à 40-50 % du revenu professionnel
brut (ibidem, p. 3 et les références citées).

2.1.2 Aux termes de l'art. 1er al. 1 let. b du règlement d'exécution de la
loi vaudoise sur l'assistance judiciaire en matière civile du 3 juin 1988, le
défenseur d'office a droit à une indemnité correspondant aux 80 % des
montants calculés conformément aux art. 2 et 3 du tarif des honoraires
d'avocat dus à titre de dépens du 17 juin 1986.

Dans le cadre de cette disposition, l'autorité chargée de fixer l'indemnité
due à l'avocat d'office dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Saisi d'un
recours de droit public, le Tribunal fédéral n'intervient alors que si cette
autorité l'a excédé; tel est le cas lorsque sa décision repose sur une
appréciation insoutenable des circonstances, qu'elle est inconciliable avec
les règles du droit et de l'équité, qu'elle omet de tenir compte de tous les
éléments propres à fonder la décision ou, au contraire, prend en
considération des critères qui sont dépourvus de pertinence (ATF 118 Ia 133
consid. 2b p. 134; 109 Ia 107 consid. 2c p. 109 et la jurisprudence citée).
En particulier, le Tribunal fédéral fait preuve d'une grande réserve lorsque
l'autorité estime exagérés le temps ou les opérations déclarés par le
défenseur d'office, car il appartient aux juridictions cantonales de juger de
l'adéquation entre les activités déployées par celui-ci et celles qui sont
justifiées par l'accomplissement de sa tâche; la décision attaquée ne doit,
dès lors, être annulée que si l'autorité a refusé d'indemniser des opérations
qui relèvent incontestablement de la mission de l'avocat d'office (ATF 118 Ia
133 consid. 2d p. 136 et les références citées). Enfin, il ne suffit pas que
l'autorité ait apprécié de manière erronée un poste de l'état de frais ou se
soit fondée sur un argument déraisonnable; encore faut-il que le montant
global alloué à titre d'indemnité se révèle arbitraire (ATF 109 Ia 107
consid. 3d p. 112).

2.2 En l'espèce, l'autorité cantonale a considéré que l'avocat d'office
n'avait pas expliqué pourquoi l'affaire en cause avait nécessité un nombre
aussi important d'opérations (en particulier onze conférences à l'étude,
d'une durée de 30 à 60 minutes chacune, et douze entretiens téléphoniques,
auxquels s'ajoutent un grand nombre de lettres et de photocopies), alors que
le litige était simple: la demande comportait seulement dix allégués, et
tendait essentiellement à des prestations pécuniaires, tout comme les mesures
provisionnelles requises pour la durée de la procédure; le défendeur avait
reconnu sa paternité à l'issue de l'audience de conciliation devant le juge
de paix; enfin, la convention mettant un terme au procès portait sur la
fixation de la contribution d'entretien, ainsi que sur la renonciation des
parties à toutes autres prétentions et aux dépens. Dans ces conditions, le
premier juge ne s'est rendu coupable d'aucun abus de son pouvoir
d'appréciation.

2.3 Se référant à un arrêt du Tribunal fédéral (4P.236/1999 du 12 novembre
1999, consid. 2c/dd) et à la pratique suivie par les autres sections du
Tribunal cantonal, l'autorité précédente a adopté un tarif horaire de 160 fr.
(cf. arrêts 5P.274/2001, précité, consid. 3b et c; 5P.174/1999 du 4 août
1999, consid. 3b, qui nie l'arbitraire pour une rétribution de 150 fr./h),
montant que le recourant ne critique pas, du moins de manière suffisamment
motivée (art. 90 al. 1 let. b OJ); dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral
avait d'ailleurs estimé qu'un tel montant n'était «à l'évidence nullement
dérisoire» ni, partant, «arbitraire». Vu la somme allouée à titre
d'honoraires (3'000 fr., TVA non comprise), le magistrat cantonal, faisant
sien l'avis du premier juge, a en conséquence crédité l'avocat d'office d'une
indemnité correspondant à un peu moins de 20 heures de travail.

Cette évaluation n'apparaît pas insoutenable. Aux motifs de l'autorité
cantonale, le recourant oppose, pour l'essentiel, sa propre appréciation de
l'ampleur de son travail; une telle argumentation ne satisfait en rien aux
exigences de motivation posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ (à ce sujet: ATF
125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). A cela s'ajoute que, si la
liste produite par l'intéressé à l'appui de sa demande d'indemnisation
énumère bien toutes les opérations accomplies, elle ne comporte, en revanche,
aucune indication quant au temps consacré à chacune d'elles; l'on ne saurait
donc reprocher à l'autorité de taxation d'avoir procédé à une estimation
globale, laquelle est d'autant plus difficile s'agissant des interventions -
particulièrement nombreuses en l'occurrence - qui ne sont pas matériellement
perceptibles sur le vu du dossier. Au reste, lorsqu'elle est quantifiée, la
durée de certaines interventions prête à discussion; c'est ainsi que le
recourant affirme avoir pris part à trois audiences «qui ont duré chacune
plus d'une heure», tandis que, d'après les constatations non critiquées de
l'autorité cantonale (art. 90 al. 1 let. b OJ), elles auraient duré
respectivement «cinquante, trente et dix minutes».

L'autorité cantonale a estimé que l'affaire ne nécessitait pas un nombre
aussi élevé de conférences et d'entretiens téléphoniques. Le recourant
objecte que ces opérations ne représentent que «quelques dix heures au total»
(8h15 pour les conférences et 2h24 pour les entretiens téléphoniques), ce qui
n'explique pas la réduction plus massive opérée par l'autorité de taxation.
Une telle durée ne ressort toutefois ni de l'arrêt attaqué ni des pièces du
dossier, en particulier de la liste des opérations; nouvelle, l'allégation
est donc irrecevable (ATF 118 III 37 consid. 2a p. 39 et la jurisprudence
citée). Dans ce contexte, c'est en vain que le recourant fait valoir que,
spécialement en matière de litiges du droit de la famille, l'avocat doit, en
plus de son activité judiciaire, «expliquer à son client les tenants et
aboutissants de l'affaire, l'orienter sur les démarches à entreprendre, le
tenir informé de l'avancement de la procédure et le rassurer s'il en exprime
le besoin». Comme l'a rappelé l'autorité cantonale, l'avocat d'office ne
saurait être rétribué pour des activités qui ne sont pas nécessaires à la
défense des intérêts de l'assisté ou consistent en un soutien moral (ATF 109
Ia 107 consid. 3b p 111; arrêt 4C.236/1999, précité, consid. 2d/cc). Or, non
seulement le recourant ne critique pas cette opinion (art. 90 al. 1 let. b
OJ), mais en outre il ne démontre pas que la présente cause rendait
effectivement nécessaires ces démarches, ni n'indique - on l'a vu - le temps
qui leur aurait été consacré. Enfin, l'assistance judiciaire n'ayant été
octroyée que pour agir dans un «procès en constatation de filiation», il
n'est pas arbitraire d'écarter de la liste des opérations la «rédaction d'une
plainte pénale», celle-ci fût-elle même «étroitement liée à la procédure
civile en cours» (arrêt 5P.330/1995 du 18 décembre 1995, consid. 2b).

2.4 Le recourant ne prétend pas que ses débours ne lui auraient pas été
intégralement remboursés (cf. sur ce point: ATF 117 Ia 22 consid. 4 p. 23
ss), en sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner cette question (art. 90 al. 1
let. b OJ).

3.
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité,
aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Président du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 30 janvier 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: