Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.45/2002
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5P.45/2002
5P.46/2002

                 IIe   C O U R   C I V I L E
                *****************************

                         31 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et Mme Hohl, juges. Greffier: M. Braconi.

                         __________

          Statuant sur les recours de droit public
                         formés par

K.________ & Cie Snc, représentée par Me Douglas Hornung,
avocat à Genève,

                           contre

les arrêts rendus le 13 décembre 2001 par la Cour de justice
du canton de Genève dans les causes opposant la recourante à
1. E.D.________, 2. S.D.________, et 3. E & S D.________ Snc,
tous les trois représentés par Me Roger Mock, avocat à
Genève;

          (art. 9 Cst.; révocation d'un séquestre)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- a) Par jugement du 3 octobre 2000, le Tribunal
de première instance de Genève a condamné, conjointement et
solidairement, E. et S.D.________ à payer à K.________ & Cie
Snc les sommes de 125'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 15
août 1997 et de 180'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 1er no-
vembre 1998. La Cour de justice du canton de Genève a confir-
mé ce jugement le 16 mars 2001.

   b) Se fondant sur lesdites décisions, la créancière
a sollicité le 10 avril 2001, sur la base de l'art. 271 al. 1
ch. 2 LP, le séquestre des avoirs des débiteurs à concurrence
de 360'291 fr. avec intérêts à 5% dès le dépôt de la requête;
par deux ordonnances rendues le lendemain, la Présidente du
Tribunal de première instance de Genève a donné suite à cette
réquisition.

   A teneur du procès-verbal établi le 19 avril 2001 en
présence de S.D.________ dans les locaux du café-restaurant
le «X.________», le séquestre a porté sur divers objets mobi-
liers estimés à 11'810 fr.; cet acte contient deux avis de
revendication émanant des sociétés E & S D.________ Snc et
X.________ Sàrl, et renferme la mention suivante: «Madame
D.E.________ est domiciliée à Y.________, elle est divorcée
de Monsieur D.________, depuis le 6 mars 2001».

   B.- Le 18 septembre 2001, la Présidente du Tribunal
de première instance a accueilli l'opposition formée par les
débiteurs et E & S D.________ Snc, et révoqué les ordonnances
de séquestre.

   Par deux arrêts du 13 décembre 2001, la 1ère Section
de la Cour de justice a confirmé les jugements attaqués. Elle
a considéré, avec le premier juge, que la requérante n'avait

pas rendu vraisemblable que les débiteurs, dans le dessein de
se soustraire à leurs obligations, avaient fait disparaître
leurs biens, s'étaient enfuis ou avaient préparé leur fuite;
concernant la femme, il n'a pas été établi qu'elle n'habitait
plus en Suisse à la date de l'ordonnance, de sorte que le cas
de séquestre prévu par l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP - invoqué en
appel - n'était pas davantage réalisé.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation de l'art. 9 Cst., K.________ & Cie Snc demande
au Tribunal fédéral d'annuler ces arrêts, et de dire et cons-
tater que les oppositions sont rejetées et que, par consé-
quent, les séquestres déploient tous leurs effets.

   Des réponses sur le fond n'ont pas été requises.

   D.- Par ordonnances du 20 février 2002, le Président
de la cour de céans a accordé l'effet suspensif.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Les recours émanent de la même partie, sont
fondés sur le même état de fait et soulèvent des questions
juridiques pratiquement identiques. Dans ces conditions, il
se justifie de joindre les causes et de statuer par un seul
arrêt, conformément à l'art. 24 PCF, applicable en vertu de
l'art. 40 OJ (ATF 124 III 382 consid. 1a p. 385 et les arrêts
cités).

   b) Déposés en temps utile - compte tenu des féries
judiciaires (art. 34 al. 1 let. c OJ) - contre des décisions
sur opposition au séquestre (art. 278 LP) prises en dernière
instance cantonale (SJ 120/1998 p. 146 consid. 2, non publié
aux ATF 123 III 494 ss; arrêt 5P.117/2001, du 21 août 2001,

consid. 1a, in: IWIR 2002 p. 72), les recours sont recevables
sous l'angle des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

   c) Sous réserve d'exceptions non réalisées dans le
cas particulier (cf. ATF 124 I 327 consid. 4b et c p. 332 ss
et les références), le recours de droit public est de nature
cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision
attaquée (ATF 128 III 50 consid. 1b p. 53). Il s'ensuit que
les conclusions en constatation formulées par la recourante
apparaissent irrecevables, sans qu'il faille s'interroger sur
leur admissibilité d'une manière générale (sur l'ensemble de
la question: Gerber, La nature cassatoire du recours de droit
public, thèse Genève 1997, p. 277-298).

   2.- Dans un recours de droit public pour arbitraire
(art. 9 Cst.), les moyens de fait ou de droit nouveaux sont
prohibés (ATF 118 III 37 consid. 2a p. 39 et la jurisprudence
citée). Le Tribunal fédéral s'en tient, dès lors, aux faits
constatés par l'autorité cantonale, à moins que le recourant
ne démontre que ces constatations sont arbitrairement fausses
ou incomplètes (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26).

   Il n'y a pas lieu, en l'occurrence, de s'écarter de
l'état de fait de la décision attaquée, puisque la recourante
n'établit pas, en conformité avec les exigences de l'art. 90
al. 1 let. b OJ (cf. infra, consid. 3a), qu'il serait arbi-
trairement lacunaire. Par conséquent, sont irrecevables les
allégations de la recourante d'après lesquelles des personnes
proches d'elle l'auraient informée de ce que S.D.________
était pressé de vendre, à bas prix et pour partie au noir, le
café-restaurant le «X.________», qu'E.D.________ aurait com-
muniqué pas moins de trois domiciles différents au cours de
la procédure de séquestre et que, en qualité d'associée de la
société E & S D.________ Snc, elle aurait donné son accord à
la vente de cet établissement ainsi qu'aux modalités détermi-
nées par son ex-mari.

   3.- La recourante soutient, en premier lieu, avoir
rendu vraisemblable que les époux D.________ avaient l'inten-
tion de se soustraire à leurs obligations et qu'ils avaient,
dans ce but, entrepris des démarches concrètes pour céler
leurs biens; en refusant de tenir pour réalisé le cas de
séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP, l'autorité cantonale
est ainsi tombée dans l'arbitraire.

   a) Selon la jurisprudence constante, une décision
est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable,
viole une norme ou un principe juridique clair et indiscuté,
ou encore contredit d'une manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité (ATF 128 I 19 consid. 3b p. 26/27
et les arrêts cités), non seulement dans ses motifs, mais
aussi dans son résultat (ATF 125 II 129 consid. 5b p. 134);
il incombe au recourant d'en faire la démonstration par une
argumentation précise (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492
consid. 1b p. 495 et les nombreux arrêts cités), sous peine
d'irrecevabilité - totale ou partielle - du recours (ATF 123
II 552 consid. 4d p. 558).

   b) En l'espèce, la recourante fonde sa critique sur
des faits nouveaux (cf. supra, consid. 2), allègue que l'éta-
blissement le «X.________» a été mis en vente peu de temps
après le prononcé de l'arrêt de la Cour de justice du 16 mars
2001 et reproche à la cour cantonale d'avoir admis l'explica-
tion de S.D.________ selon laquelle il a été contraint de
vendre l'établissement à la suite de son divorce, car seule
son ex-épouse était au bénéfice d'une patente de cafetier.
Une telle argumentation ne comporte, toutefois, aucune réfu-
tation des motifs de l'arrêt déféré, en sorte qu'elle se ré-
vèle clairement irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ). La
recourante ne démontre pas non plus en quoi les juges précé-
dents auraient commis arbitraire en soumettant à une appré-
ciation sévère la vraisemblance du cas de séquestre (cf. pour
la vraisemblance de la créance: SJ 120/1998 p. 149 consid.

3b, non reproduit aux ATF 123 III 494 ss; arrêt 5P.450/1999,
du 23 mars 2000, consid. 3d).

   4.- La recourante prétend, en second lieu, que les
débiteurs commettent un abus de droit en se prévalant de la
dualité juridique, car la revendication de la société E & S
D.________ Snc (cf. supra, let. A/b) n'a d'autre finalité que
de soustraire leurs actifs à l'exécution forcée; pour l'avoir
nié, la juridiction inférieure a versé dans l'arbitraire.

   En plus de reposer sur des faits nouveaux, à savoir
que la revendiquante n'est qu'un «instrument [...] sans auto-
nomie» entre les mains des débiteurs (ATF 119 II 6 consid. 4a
p. 7), le grief est insuffisamment motivé. En effet, la cour
cantonale a exposé que, en matière d'exécution forcée, seule
est déterminante l'identité juridique; ce principe ne connaît
de dérogation qu'en cas d'abus de droit (à ce sujet: ATF 102
III 165 consid. II/1 p. 169/170 et les arrêts cités; 105 III
107 consid. 3a p. 113), «situation manifestement non réalisée
en l'occurrence». Or, la recourante ne démontre nullement en
quoi une telle conclusion serait insoutenable (art. 90 al. 1
let. b OJ; cf. supra, consid. 3a).

   5.- La recourante ne se plaint pas d'arbitraire dans
l'application de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP; ce point n'a donc
pas à être examiné (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 124 I 170
consid. 2d p. 172).

   6.- En définitive, les recours doivent être déclarés
entièrement irrecevables, aux frais de leur auteur (art. 156
al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux intimés,
qui n'ont pas été invités à se déterminer sur le fond et ont
succombé quant à l'octroi de l'effet suspensif.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1. Joint les causes 5P.45/2002 et 5P.46/2002.

   2. Déclare les recours irrecevables.

   3. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge de la recourante.

   4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la 1ère Section de la Cour de justice
du canton de Genève.

                         __________

Lausanne, le 31 mai 2002
BRA/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        Le Greffier,