Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.369/2002
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5P.369/2002 /viz

Arrêt du 20 mai 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann et Escher.
Greffier: M. Fellay.

Administration de la faillite de X.________, représentée par Me Y.________, à
Paris,
recourante, agissant par Me Laurent Nicod, avocat,
place Tübingen 5, case postale 1222, 1870 Monthey 2,

contre

X.________,
Banque Z.________,
intimés,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile I, avenue Mathieu-Schiner
1, 1950 Sion.

art. 9 Cst. (faillite ancillaire, reconnaissance d'un état de collocation
étranger),

recours de droit public contre la décision de la Cour
civile I du Tribunal cantonal du canton du Valais
du 9 septembre 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 6 février 1995, confirmé en appel le 28 novembre de  la même
année, le Tribunal de Commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation
judiciaire à l'encontre de X.________. Par décision du 3 décembre 1998, le
Tribunal cantonal valaisan a reconnu ce jugement et a invité le juge du
district de Sierre à prononcer la faillite ancillaire du prénommé avec effet
immédiat, ce que le magistrat requis a fait le jour même. La faillite a été
publiée au Bulletin officiel du 29 janvier 1999 et l'état de collocation
déposé le 28 février 2000. Dans cet acte, demeuré incontesté, l'Office des
faillites de Sierre (ci-après: l'office) a, en application de l'art. 172
LDIP, rejeté provisoirement toutes les créances non privilégiées produites en
Suisse. Actuellement, un montant de 65'738 fr. 25 est à disposition de la
masse en faillite suisse.

B.
Saisi d'une requête de l'office, confirmée par l'"Administration de la
faillite de X.________", tendant à la reconnaissance de l'état des passifs de
la liquidation judiciaire établi le 2 mai 2000 par le juge commissaire
français, le tribunal cantonal l'a rejetée par décision du 9 septembre 2002.
Il a en outre requis le dépôt d'un nouvel état des passifs amélioré et
modifié dans un délai de 60 jours, en précisant qu'à l'échéance de ce délai,
l'office répartirait le montant de 65'738 fr. 25 entre les créanciers de
troisième classe figurant à l'état de collocation suisse.
Selon le tribunal cantonal, il ne ressortait pas du dossier que les
créanciers non privilégiés domiciliés en Suisse avaient été informés de
l'ouverture de la procédure française de liquidation judiciaire et plus
particulièrement de la publication, dans le BODACC et le journal d'annonce
légale du domicile du failli, des jugements des 6 février et 28 novembre
1995, ainsi que de l'avis aux créanciers les invitant à déclarer leurs
prétentions au représentant des créanciers; en conséquence, les créanciers en
question n'ayant pas pu prendre part à la faillite étrangère, les créances
non privilégiées inventoriées en Suisse avaient manifestement toutes fait
l'objet d'un traitement discriminatoire; l'état de collocation établi en
France ne pouvait donc être reconnu en Suisse en l'état.

C.
Par acte du 11 octobre 2002, l'"Administration de la faillite de X.________,
représentée par Me Y.________, à Paris" a formé un recours de droit public
pour violation de l'art. 9 Cst. contre la décision du tribunal cantonal du 9
septembre 2002.
Invitée à se déterminer sur ce recours en tant que tiers concerné, la banque
Z.________ n'a pas répondu. Le tribunal cantonal a renoncé à formuler des
observations et s'est référé aux considérants de sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a; 128 II 66 consid. 1).
Formé en temps utile contre une décision de dernière instance cantonale ne
pouvant être déférée au Tribunal fédéral par un autre moyen de droit, le
recours est recevable au regard des art. 84 al. 2, 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.
Sa recevabilité pose problème, en revanche, sous l'angle de la qualité pour
recourir selon l'art. 88 OJ.

2.
2.1 Aux termes de l'art. 88 OJ, ont qualité pour interjeter un recours de
droit public les particuliers ou les collectivités lésés par des arrêts ou
des décisions qui les concernent personnellement ou qui sont d'une portée
générale.
La qualité pour recourir en droit public se détermine exclusivement selon
l'art. 88 OJ, indépendamment de la position du recourant dans la procédure
cantonale. Celui-ci doit être personnellement titulaire des droits
constitutionnels invoqués (ATF 117 Ia 341 consid. 2b) et l'acte attaqué doit
l'atteindre dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés, le
recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou destiné à préserver de
simples intérêts de fait étant irrecevable (ATF 126 I 43 consid. 1a et les
arrêts cités). Un intéressé est formellement lésé lorsque, en tant que
partie, il n'a pas obtenu ce qu'il demandait. Ce critère formel ne suffit
toutefois pas; il faut encore que l'intéressé soit matériellement lésé,
c'est-à-dire que la décision attaquée l'atteigne dans sa situation juridique,
lui soit désavantageuse dans ses effets juridiques et, partant, qu'il ait
intérêt à sa modification. Cette double condition est valable pour toutes les
voies de recours au Tribunal fédéral (ATF 120 II 5 consid. 2a et la
jurisprudence citée).
La jurisprudence relative à l'art. 88 OJ exige en outre du recourant, sous
peine d'irrecevabilité du recours, qu'il expose dans l'acte de recours les
faits dont il déduit sa qualité pour recourir (ATF 125 I 173 consid. 1b et
arrêt cité).

2.2 Alors que la masse en faillite suisse a qualité pour interjeter un
recours de droit public (ATF 102 Ia 430 consid. 3), la capacité de la masse
en faillite étrangère d'ester en justice est régie par le statut personnel de
celle-ci (ATF 109 III 112 consid. 2 p. 115).

3.
La recourante allègue que le juge commissaire français, selon une indication
de celui-ci, ne pourra modifier son état des passifs en tenant compte de
créances qui n'ont jamais été produites. Elle ne fournit toutefois aucune
preuve à l'appui de cette affirmation. Se fondant néanmoins sur cette
prétendue impossibilité de modification de l'état des passifs en question,
elle fait valoir qu'à l'issue du délai de 60 jours imparti par le tribunal
cantonal, la somme de 65'738 fr. 25 devant revenir à l'administration de la
faillite française sera distribuée par l'office des faillites de Sierre aux
créanciers suisses non privilégiés, et cela au détriment de tous les autres
créanciers ayant produit dans la faillite principale. L'admission du recours
par le Tribunal fédéral, avec comme conséquence la reconnaissance en Suisse
de l'état des passifs français, permettrait d'éliminer le préjudice qu'elle
subit. La recourante invoque ainsi le préjudice des créanciers de la faillite
principale et son propre préjudice.

4.
Dans la faillite ancillaire en Suisse, les actifs servent en premier lieu à
payer les créanciers gagistes désignés à l'art. 219 LP et les créanciers non
gagistes privilégiés qui ont leur domicile en Suisse (art. 172 al. 1 LDIP).
Un solde éventuel est remis à la masse en faillite étrangère ou à ceux des
créanciers qui y ont droit (art. 173 al. 1 LDIP). Toutefois, ce solde ne peut
être remis qu'après reconnaissance de l'état de collocation étranger (art.
173 al. 2 LDIP). Lorsque cet état ne peut pas être reconnu, le solde n'est
pas remis à la masse en faillite étrangère ou aux créanciers de la faillite
principale, mais il est réparti entre les créanciers non privilégiés de la
faillite ancillaire suisse (art. 174 al. 1 LDIP). Dans ce cas, la masse en
faillite étrangère ou les créanciers de la faillite principale sont lésés.
La loi française n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la
liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes disposait,
à son article 13, que le jugement qui prononce le règlement judiciaire et la
liquidation des biens constitue les créanciers en une masse représentée par
le syndic qui seul agit en son nom et peut l'engager. Cette loi a toutefois
été remplacée par la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 (cf. art. 238 ch. 2 de
cette dernière), partiellement modifiée par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994.
Dans sa teneur actuelle, elle ne prévoit plus la constitution d'une masse et
prescrit une période d'observation, à moins que le redressement judiciaire ne
soit manifestement impossible (art. 1 et 148 al. 1); et, en pareil cas, le
tribunal désigne, dans le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, le
juge commissaire et un mandataire judiciaire en qualité de liquidateur (art.
148-1 al. 1), les créanciers devant déclarer leurs créances au liquidateur
(art. 148-2 al. 1).
Au vu de ce qui précède, force est de constater qu'il n'existe, en l'espèce,
pas de masse en faillite française qui pourrait être lésée par la décision
attaquée.

5.
La recourante se désigne elle-même, sans autre précision, comme
"administration de la faillite de X.________, représentée par Me Y.________,
à Paris". Elle ne soutient toutefois pas que ce dernier serait le liquidateur
désigné par le tribunal français conformément à l'art. 148-1 al. 1 de la loi
n° 94-475 précitée (consid. 4); elle ne produit d'ailleurs pas le jugement du
6 février 1995 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire en France, ni
l'arrêt du 28 novembre 1995 confirmant ce jugement, pas plus que la décision
du tribunal cantonal valaisan du 3 décembre 1998 reconnaissant le jugement du
6 février 1995, toutes trois décisions qui ne se trouvent du reste pas dans
le dossier cantonal. Ainsi, la cour de céans ne peut pas vérifier, et encore
moins admettre, que Me Y.________ a été nommé mandataire et liquidateur
judiciaire au sens précisé ci-dessus et qu'il agirait en cette qualité.
La recourante, qui invoque les intérêts des créanciers ayant produit dans la
faillite principale, ne précise pas davantage à quel titre Me Y.________
pourrait agir en leur nom et faire valoir un droit constitutionnel dont
ceux-ci seraient titulaires. Elle n'expose pas non plus à quel titre
"l'administration de la faillite" elle-même ou Me Y.________ lui-même
seraient personnellement lésés par la décision attaquée.
Faute ainsi par la recourante d'avoir suffisamment motivé sa qualité pour
recourir au regard de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, la Cour de céans ne peut
entrer en matière.

6.
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 156
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour civile I du
Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 20 mai 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: