Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.250/2002
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5P.250/2002 /frs

Arrêt du 20 septembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Escher,
greffière Mairot.

B. ________, recourant,
représenté par Me Philippe Degoumois, avocat,
case postale 259, 2740 Moutier,

contre

2ème Chambre civile de la Cour d'appel du canton de Berne, Hochschulstrasse
17, case postale 7475, 3012 Berne.

art. 8, 9 et 29 al. 3 Cst., 6 § 1 CEDH
(assistance judiciaire; divorce)

(recours de droit public contre la décision de la 2ème Chambre civile de la
Cour d'appel du canton de Berne du 11 juin 2002)

Faits:

A.
Le 21 janvier 2002, B.________ a demandé à être mis au bénéfice de
l'assistance judiciaire gratuite dans le cadre de la procédure en divorce sur
requête commune introduite avec son épouse; il a en outre conclu à ce que Me
Philippe Degoumois, avocat à Moutier, lui soit désigné comme conseil
d'office. L'épouse ne s'est pas opposée à la requête; elle a également
sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire.

Par décision du 2 mai 2002, le Président 2 de l'Arrondissement judiciaire I
Courtelary-Moutier-La Neuveville a rejeté la requête d'assistance judiciaire
du mari, au motif que celui-ci ne se trouvait pas dans le dénuement. Il a en
revanche admis la requête de l'épouse en tant qu'elle concernait ses frais
d'avocat.

B.
Le 10 mai 2002, le requérant a recouru contre cette décision dans la mesure
où elle lui refusait l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite. Il
reprochait au juge de première instance de s'être fondé sur un revenu mensuel
net de 3'315 fr.05 au lieu de 2'897 fr., et de n'avoir pas tenu suffisamment
compte de certaines de ses charges. Il a complété la motivation de son
recours le 15 mai suivant, en indiquant notamment que son revenu net était
bien de 2'897 fr. par mois, compte tenu des déductions sociales et de la
saisie de salaire dont il faisait l'objet; il a en outre précisé qu'il se
trouverait sans revenus à partir du 17 juillet 2002, son droit aux
prestations de l'assurance-chômage prenant fin à cette date.

Par décision du 11 juin 2002, la IIe Chambre civile de la Cour d'appel du
canton de Berne a rejeté le recours.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral, le
requérant conclut à l'annulation de la décision du 11 juin 2002 et à ce qu'il
soit mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite totale pour le
procès au fond, Me Degoumois lui étant désigné comme mandataire d'office. Il
sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure
fédérale.

L'autorité cantonale a renoncé à formuler des observations et s'est référée
aux considérants de sa décision, qu'elle a confirmée dans son intégralité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Déposé en temps utile contre une décision incidente prise en dernière
instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1 et
89 al. 1 OJ. Il l'est aussi selon l'art. 87 al. 2 OJ, la décision refusant
l'assistance judiciaire étant, de jurisprudence constante, susceptible de
causer un préjudice irréparable à l'intéressé (ATF 125 I 161 consid. 1 p. 162
et les références).

1.2 En vertu de sa nature cassatoire, le recours de droit public ne peut
tendre, en principe, qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 127 II 1
consid. 2c p. 5; 127 III 279 consid. 1b p. 282; 126 I 213 consid. 1c p.
216/217 et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu de s'écarter de cette règle
dans le cas particulier (cf. ATF 104 Ia 31 consid. 1 p. 32 et les arrêts
cités). En cas d'admission du recours, il appartiendra à l'autorité cantonale
de décider, notamment, si le recourant doit être mis au bénéfice de
l'assistance judiciaire totale ou partielle au regard du droit cantonal,
question que le Tribunal fédéral n'a pas à examiner lui-même. Les conclusions
tendant à l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure au fond sont
dès lors irrecevables (cf. arrêt P.62/1980 du 7 mai 1980, consid. 1b).

2.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement apprécié
les faits en affirmant qu'une procédure de divorce sur requête commune ne
pouvait  être qualifiée d'onéreuse. Il ne s'efforce cependant pas de
démontrer en quoi résiderait l'arbitraire, mais affirme simplement que la
Cour d'appel a ignoré les difficultés liées à la négociation d'une convention
de divorce, négociation qui serait très souvent longue et difficile; il
prétend par ailleurs que les frais judiciaires ne seraient aucunement réduits
en cas de requête commune. Cette critique présente un caractère purement
appellatoire et ne peut dès lors être prise en compte, faute d'être
suffisamment motivée (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 126 III 534 consid. 1b p.
536; 125 I 492 consid. 1b p. 495). Le recours de droit public pour arbitraire
n'est en effet pas un appel qui permettrait au Tribunal fédéral de procéder
lui-même à l'appréciation des preuves et d'établir les faits. Les
considérations générales émises par le recourant, qui n'ont aucun rapport
avec le cas particulier, ne sont donc pas suffisantes.

3.
Le recourant soutient en outre que la décision attaquée est contraire aux
principes de l'égalité de traitement et des armes, garantis par les art. 8
Cst., respectivement 6 §1 CEDH, dans la mesure où l'adverse partie, à savoir
son épouse, bénéficie - contrairement à lui - de l'assistance judiciaire,
alors qu'elle perçoit un revenu mensuel net de 3'088 fr.60 et que ses charges
sont relativement équivalentes aux siennes. Fondés sur des faits - concernant
la situation financière de l'épouse - qui n'ont pas été invoqués en procédure
cantonale, partant, irrecevables (ATF 119 II 6 consid. 4a p. 7 et l'arrêt
cité), ces moyens ne peuvent qu'être écartés (ATF 107 Ia 265 consid. 2a et
les références).

4.
Invoquant les art. 26 ch. 3 Cst./BE et 29 al. 3 Cst., le recourant reproche
aussi à l'autorité cantonale de lui avoir dénié le droit à l'assistance
judiciaire, au motif qu'il aurait les moyens financiers nécessaires pour
assumer les frais du procès et rétribuer un mandataire. Il se plaint du refus
de la Cour d'appel de prendre en compte la saisie de revenu dont il fait
l'objet, qui ne lui laisserait que son strict minimum vital, de même que ses
impôts et ses primes d'assurances RC et ménage.

4.1 Le droit à l'assistance judiciaire est régi en premier lieu par le droit
cantonal. Dans le cas où la protection que ce droit accorde apparaît
insuffisante, l'intéressé peut invoquer directement l'art. 29 al. 3 Cst., qui
constitue ainsi une garantie subsidiaire et minimale. Le Tribunal fédéral
examine alors librement si les exigences de cette disposition ont été
respectées. En l'espèce, le recourant se plaint d'une violation de son droit
à l'assistance judiciaire selon les art. 26 ch. 3 Cst./BE et 29 al. 3 Cst. Il
ne fait toutefois pas valoir que le droit cantonal bernois lui assurerait une
protection plus étendue, mais soutient au contraire que ces garanties se
recoupent intégralement. Son grief doit dès lors être examiné exclusivement
au regard des principes découlant de l'art. 29 al. 3 Cst. (ATF 127 I 202
consid. 3a et b p. 204/205; 124 I 1 consid. 2 p. 2; 122 I 8 consid. 2a p. 9,
267 consid. 1b p. 270 et les arrêts cités). Cette norme reprend les
conditions générales du droit à l'assistance judiciaire telles que
développées au regard de l'art. 4 aCst. par la jurisprudence du Tribunal
fédéral, à laquelle on peut dès lors se référer (ATF 126 I 194 consid. 3a in
fine p. 196 et la citation).

4.2 Selon cette jurisprudence, toute personne qui ne dispose pas de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite et à la
désignation d'un avocat d'office dans la mesure où elle en a besoin pour
sauvegarder ses intérêts (ATF 125 I 161 consid. 3b p. 163; 124 I 1 consid. 2a
p. 2). Pour prétendre à l'assistance judiciaire en vertu de l'art. 29 al. 3
Cst. (art. 4 aCst.), le requérant doit être indigent, c'est-à-dire ne pas
pouvoir assumer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter
atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille. Le
Tribunal fédéral vérifie librement si les critères utilisés pour définir
l'indigence au sens de cette disposition constitutionnelle ont été
judicieusement choisis; il n'examine toutefois que sous l'angle restreint de
l'arbitraire les constatations de fait de l'autorité cantonale (ATF 120 Ia
179 consid. 3a p. 181; 119 Ia 11 consid. 3a p. 12 et les références).

Le minimum d'existence du droit des poursuites n'est pas déterminant à lui
seul pour établir l'indigence au sens des règles sur l'assistance judiciaire
gratuite. L'autorité compétente en la matière doit éviter de procéder de
façon trop schématique, afin de pouvoir prendre en considération tous les
éléments importants du cas particulier. Elle peut certes partir du minimum
vital du droit des poursuites, mais doit tenir compte de manière suffisante
des données individuelles en présence (ATF 106 Ia 82/83). L'état d'indigence
peut ainsi être admis alors même que le minimum d'existence calculé selon le
droit des poursuites serait sensiblement dépassé, les ressources disponibles
se révélant néanmoins insuffisantes pour couvrir les frais judiciaires et
d'avocat (J.-F. Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, vol. V, n. 4 ad art. 152, p. 120). D'une manière générale, les
conditions d'octroi de l'assistance judiciaire apparaissent ainsi moins
strictes que celles de l'insaisissabilité au sens des art. 92 ss LP
(Frank/Sträuli/Messmer, Kommentar zur zürcherischen Zivil-prozessordnung ZPO,
3e éd., n. 20 ad § 84, p. 333). Dans le cadre de l'art. 93 al. 1 LP, le
préposé chargé de calculer la quotité saisissable additionne toutes les
ressources du débiteur avant de soustraire les dépenses nécessaires à
l'entretien de ce dernier et de sa famille. En matière d'assistance
judiciaire, il arrive fréquemment que l'autorité compétente déduise, en plus
des dépenses susmentionnées, un montant dit "supplément de procédure",
représentant les frais présumés de procédure, y compris les frais d'avocat
(Piermarco Zen-Ruffinen, Assistance judiciaire et administrative: les règles
minima imposées par l'article 4 de la Constitution fédérale, in JdT 1989 I p.
34 ss, p. 39).

4.3 En l'espèce, l'autorité cantonale a calculé le minimum vital du
requérant, qu'elle a chiffré à fr. 2'365 fr.40, ce montant comprenant un
supplément de procédure de 330 fr. (représentant 30% du montant de base
mensuel du droit des poursuites, soit 1'100 fr. pour un débiteur vivant
seul). Comparant le total ainsi obtenu avec le revenu mensuel net du
requérant (3'065 fr.05), elle a jugé que celui-ci était à même de supporter
les frais nécessaires à la défense de sa cause, sa situation financière
présentant un bénéfice de 699 fr.65 par mois. La Cour d'appel a considéré que
la saisie de salaire dont le recourant faisait l'objet n'avait à juste titre
pas été retenue par le juge de première instance. Selon elle, admettre que
les dettes de celui-ci pour lesquelles une saisie a été effectuée soient
déduites de son revenu "consisterait, dans le contexte d'une demande
d'assistance judiciaire, à privilégier ses propres créanciers, au détriment
de l'Etat". Ce raisonnement n'apparaît pas conforme à la jurisprudence.
Quelle que soit la nature des dettes qui ont donné lieu à la saisie, le
recourant ne peut s'y soustraire. Il ne saurait en effet demander à l'Office
des poursuites compétent de procéder à un nouveau calcul de son minimum vital
en tenant compte des frais qu'il doit engager pour intenter son procès en
divorce, de telles dépenses n'étant pas prises en considération selon les
Lignes directrices pour le calcul du minimum d'existence selon l'art. 93 LP
émises par la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse
(cf. BlSchK 2001 p. 19 ss). Inclure les frais de justice et les honoraires
d'avocat dans le minimum vital LP reviendrait d'ailleurs à privilégier la
justice, à savoir l'Etat, ainsi que l'avocat par rapport aux autres
créanciers. De surcroît, il faut reconnaître, le cas échéant, que le
requérant se trouve dans le besoin lorsque son revenu fait déjà l'objet d'une
saisie - pour autant que celle-ci demeure effective et que d'autres
s'ensuivent très vraisemblablement - jusqu'à concurrence de la part dépassant
son minimum vital (arrêt 4P.436/1997 du 6 février 1998, consid. 3b). La
jurisprudence concernant le droit à l'assistance judiciaire admet au
demeurant que des dettes établies par pièces et régulièrement amorties
puissent entrer dans le calcul du minimum vital du requérant, quand bien même
elles n'ont pas été contractées pour l'achat exclusif de biens de stricte
nécessité (cf. arrêt 5P.285/1993 du 20 octobre 1993, consid. 4 et la
jurisprudence citée).

Le recours doit par conséquent être admis sur ce point. En tant que le
recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir refusé de tenir compte de
ses impôts sous prétexte qu'ils n'étaient pas payés, alors qu'ils sont
essentiellement concernés par la saisie, son grief devient ainsi sans objet.
Quant à ses primes d'assurances RC et ménage, elles doivent en principe être
ajoutées au montant de base du minimum d'existence en matière de poursuites
pour dettes (Pierre Gapany, Assistance judiciaire et administrative dans le
canton du Valais, in RVJ 2000, p. 117 ss, 130).

5.
En conclusion, le recours doit être admis, dans la mesure où il est
recevable, et la décision attaquée annulée. Vu l'issue de la cause, il n'y a
pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 2 OJ). Le
recourant a droit à des dépens, qui lui seront versés par le canton de Berne
(art. 159 al. 1 OJ). Sa demande d'assistance judiciaire pour la procédure
fédérale devient par conséquent sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision
attaquée est annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le canton de Berne versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à la
2ème Chambre civile de la Cour d'appel du canton de Berne.

Lausanne, le 20 septembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: