Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.198/2002
Zurück zum Index II. Zivilabteilung 2002
Retour à l'indice II. Zivilabteilung 2002


5P.198/2002 /frs

Arrêt du 24 juin 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

C. ________,
recourante, représentée par Me Jean-Jérôme Crittin, avocat, rue de Lausanne
6, case postale 2106, 1950 Sion 2,

contre

1. A.________,

2. Aa.________,

3. Ab.________,

4. Ac.________,

5. Y.________
intimés, tous les cinq représentés par Me Simon Epiney, Avocat, Av. du Marché
10, 3960 Sierre,

6. Ba.________,

7. Bb.________,
parties intéressées, toutes les deux représentées par Me Régis Lorétan,
avocat, rue de la Porte-Neuve 2, case postale 2233, 1950 Sion 2,
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du Valais, Palais de Justice,
avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion.

Art. 9 Cst. (exequatur; partage),

recours de droit public contre le jugement de la Cour de cassation civile du
Tribunal cantonal du Valais du 19 avril 2002.

Faits:

A.
Le 8 décembre 1979 est décédé à Mexico X.________, alors domicilié à Montana
(Suisse). Né en 1923 en Espagne, X.________ avait obtenu la nationalité
mexicaine en 1954. Il avait successivement épousé A.________, qui lui a donné
quatre enfants (Aa.________, Ab.________, Ac.________ et Ad.________), puis
en secondes noces B.________, qui lui a donné deux enfants (Ba.________ et
Bb.________), et en troisièmes noces C.________, dont il a eu un fils
(Ca.________).

B.
X.________ a laissé deux testaments déposés auprès de l'Union de Banques
Suisses à Montana.

B.a  Le premier testament, daté du 27 novembre 1964, a été rédigé avec le
concours d'un notaire à Mexico, où le testateur était alors domicilié. Il
prévoit notamment la désignation de B.________ comme usufruitière viagère du
résultat net des biens possédés lors du décès au Mexique et en Espagne (avec
clause de substitution en faveur de son fils Ba.________ et legs en faveur de
ses enfants Aa.________, Ad.________ et Bb.________), l'attribution de legs
en faveur de tous les enfants des deux premiers lits et la désignation comme
héritiers universels et uniques, par parts égales, de ses fils Ab.________ et
Ac.________ pour les biens ne faisant pas l'objet de legs. Il prévoit en
outre la désignation d'un exécuteur testamentaire général, qui a été nommé en
la personne de Y.________ après que Ab.________ eut refusé cette tâche, ainsi
que d'un exécuteur testamentaire pour l'Espagne.

Ce testament public a été ouvert le 1er avril 1980 en séance du Tribunal
supérieur du district de Mexico par le cinquième juge des affaires
familiales. Ce magistrat a constaté la validité du testament et reconnu comme
héritiers uniques et universels les deux fils du premier lit du défunt,
Ab.________ et Ac.________, ainsi que comme légataires - sous réserve des
droits des autres légataires - ses autres enfants des deux premiers lits et
sa deuxième épouse.

B.b  Le second testament, daté du 1er mars 1974, a été rédigé en Suisse, en
présence du notaire Z.________ à Montana, et a pour unique objet un
appartement situé à Montana. II ne révoque ni ne modifie le testament
précédent, mais prévoit le legs des trois quarts de l'appartement à la
troisième épouse du de cujus, le legs du dernier quart à ses filles
Aa.________ et Ad.________ et la désignation du notaire Z.________ en qualité
d'exécuteur testamentaire. II est précisé dans ce testament qu'au moment de
le rédiger, X.________ résidait en Suisse mais était domicilié légalement à
Mexico.

C.
Plusieurs procédures judiciaires ont été engagées au Mexique en relation avec
le premier testament du 27 novembre 1964. Par jugement du 21 janvier 1983, le
cinquième juge des affaires familiales du Tribunal supérieur du district
fédéral de Mexico a approuvé un projet de partage qui mentionnait les comptes
et avoirs en Suisse à l'exception de l'appartement de Montana. Ce jugement a
été complété par une décision du 3 février 1983, apposée à son pied et le
déclarant exécutoire.

Le 13 décembre 1995, la treizième Cour de justice du district fédéral de
Mexico a admis le recours extraordinaire déposé par C.________ contre ce
jugement. Le 11 avril 1996, le cinquième Tribunal collégial en matière civile
du premier circuit du district fédéral de Mexico, estimant que le recours
extraordinaire déposé par C.________ était tardif, a admis le recours de
droit public dirigé contre la décision de la treizième Cour de justice du
district fédéral de Mexico. Le 26 avril 1996, celle-ci a donc prononcé le
rejet de l'appel et confirmé le jugement du 21 janvier 1983.

D.
Le 8 juin 2000, Aa.________, Ab.________, Ac.________, Ad.________ et
Y.________ ont sollicité l'exequatur des décisions précitées du 3 février
1983 et du 11 avril 1996. Tandis que Ba.________ et Bb.________ ont acquiescé
à la requête, C.________ a conclu au rejet de celle-ci.

Par décision du 7 novembre 2001, le juge III du district de Sierre a prononcé
l'exequatur de la décision du 3 février 1983 ainsi que du jugement du 11
avril 1996. Il a retenu qu'au moment de son décès, le de cujus était
domicilié en Suisse, mais qu'il avait (tacitement) soumis sa succession au
droit mexicain, ce qui fondait la compétence (indirecte) des tribunaux de cet
État en vertu des art. 90 al. 2 et 96 al. 1 let. a LDIP.

Par jugement du 19 avril 2002, la Cour de cassation civile du Tribunal
cantonal du canton du Valais a rejeté le pourvoi en nullité interjeté par
C.________ contre la décision d'exequatur du 7 novembre 2001.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
C.________ conclut à titre préalable à l'octroi de l'effet suspensif en ce
sens qu'il soit sursis à l'exécution de la décision rendue le 7 novembre 2001
par le Juge III du district de Sierre, et sur le fond à l'annulation du
jugement rendu le 19 avril 2002 par la Cour de cassation civile du Tribunal
cantonal, le tout sous suite de frais et dépens.

Invités à se déterminer sur la requête d'effet suspensif, Ba.________ et
Bb.________ ont conclu au rejet de cette requête; Aa.________, Ab.________,
Ac.________, Ad.________ et Y.________ n'ont pas déposé de détermination.

II n'a pas été ordonné d'échange d'écritures sur le fond.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les litiges relatifs à la reconnaissance et l'exécution en Suisse des
jugements étrangers ne sont pas des contestations civiles, de sorte que le
recours en réforme est exclu; ils ne peuvent pas davantage donner lieu à un
recours en nullité, à un recours du droit des poursuites ou à un recours de
droit administratif (ATF 126 III 534 consid. 1a et les arrêts cités). Seule
la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral étant ainsi ouverte en
l'espèce, le recours est recevable au regard de la règle de la subsidiarité
absolue du recours de droit public posée à l'art. 84 al. 2 OJ (ATF 126 III
534 consid. la). Formé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) contre une décision
finale (cf. art. 87 OJ) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1
OJ), le recours est en principe recevable.

2.
2.1 En vertu de l'art. 96 al. 1 let. a LDIP, les décisions, les mesures ou
les documents relatifs à une succession, de même que les droits qui dérivent
d'une succession ouverte à l'étranger, sont reconnus en Suisse lorsqu'ils ont
été rendus, pris, dressés ou constatés notamment dans l'État au droit duquel
le défunt a soumis sa succession. Selon l'art. 90 LDIP, la succession d'une
personne qui avait son dernier domicile en Suisse est régie par le droit
suisse (al. 1); un étranger peut toutefois soumettre sa succession par
testament ou pacte successoral au droit de l'un de ses États nationaux, ce
choix étant caduc si, au moment de son décès, le disposant n'avait plus cette
nationalité ou avait acquis la nationalité suisse (al. 2). Selon la
jurisprudence, le testateur peut soumettre sa succession au droit de l'un de
ses États nationaux (art. 90 al. 2 LDIP) même de manière tacite, pourvu que
le texte du testament contienne des indices suffisants pour admettre que
telle a été sa volonté; si cette dernière apparaît de manière non équivoque,
mais incomplète dans le texte de la disposition de dernière volonté, il y a
lieu d'interpréter le testament, en utilisant, pour l'éclaircissement de son
contenu, même des éléments, preuves et circonstances qui lui sont extérieurs
(ATF 125 III 35 consid. 2 et la jurisprudence citée).

2.2  Se référant aux principes qui viennent d'être rappelés, la cour
cantonale a considéré, à l'instar du premier juge, que la question d'une
éventuelle professio juris ne se posait pas pour le premier testament du 27
novembre 1964, rédigé au Mexique, avec le concours d'un notaire mexicain, par
un ressortissant du Mexique domicilié dans ce pays. Ce raisonnement pouvait
être repris s'agissant du deuxième testament du 1er mars 1974, car à cette
date, le de cujus était persuadé que son domicile légal était encore à
Mexico, comme cela ressortait expressément du testament. Peu importait dès
lors que le de cujus eût peut-être déjà en mars 1974 changé de domicile
légal, car c'est sa volonté effective et donc sa propre représentation des
faits qui était déterminante pour l'interprétation de son second testament.
Au demeurant, le de cujus n'avait aucune obligation d'attendre d'être de
retour au Mexique pour rédiger ce testament; dans la mesure où celui-ci ne
concernait qu'un immeuble situé en Suisse, il n'était pas déraisonnable de le
rédiger avec le concours d'un notaire suisse, dépositaire du testament et
exécuteur testamentaire. Enfin, la manière de tester était identique à celle
du premier testament du 27 novembre 1964. Compte tenu de ces éléments, la
cour cantonale a considéré que le juge de district pouvait retenir sans
arbitraire que les deux testaments laissés par le défunt étaient soumis à son
droit national.

3.
3.1 La recourante admet que la question d'une éventuelle professio juris ne
se pose pas pour le premier testament rédigé le 27 novembre 1964 au Mexique,
pays dans lequel le de cujus était alors domicilié, mais qu'elle se pose pour
le second testament, rédigé le 1er mars 1974 en langue française à Montana,
par devant un notaire suisse. Selon elle, le jugement attaqué ne spécifie pas
en quoi la propre représentation des faits du de cujus devait l'amener à
penser qu'il était encore domicilié au Mexique: cette affirmation serait
posée par l'autorité cantonale comme un axiome de base sans élément de fait
venant l'étayer. La mention du domicile du de cujus dans le testament ne
pourrait avoir de valeur probante et expliquer l'absence de référence au
droit mexicain, car ce même testament précisait que le de cujus résidait en
Suisse. Du reste, toutes les démarches ultérieures du de cujus - indication
du domicile suisse dans son passeport, naissance en Suisse de son fils qui a
été inscrit dans les registres suisses, résidence à Montana avec son fils et
sa troisième épouse - ne feraient que le confirmer et infirmeraient par
conséquent une volonté contraire. Au surplus, le de cujus, qui était
domicilié en Suisse au moment où il avait rédigé le second testament avec
l'assistance d'un homme de loi, aurait dû exprimer clairement le droit
applicable s'il avait voulu soumettre sa succession à un autre droit que le
droit suisse; d'ailleurs, s'il avait vraiment voulu soumettre l'entier de sa
succession au droit mexicain, il lui aurait été facile de mandater à cette
fin un notaire mexicain lors de l'un de ses fréquents déplacements au
Mexique. Enfin, le contenu du testament permettrait de renforcer l'idée que
le de cujus souhaitait le soumettre au droit suisse: en effet, il ne porte
que sur un appartement sis à Montana et désigne comme exécuteur testamentaire
un notaire à Montana. A la lumière de ces éléments, il ne serait pas possible
d'établir la volonté du testateur de soumettre sa succession à un droit
étranger. Dès lors, l'autorité cantonale, en l'absence d'indices sans
équivoque permettant de retenir une professio juris implicite, aurait dû s'en
tenir au principe fixé par l'art. 90 al. 1 LDIP.

3.2  Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours de droit public doit
contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. II s'ensuit que
celui qui forme un recours de droit public pour arbitraire ne peut se borner
à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où
l'au-torité de recours jouit d'un libre pouvoir d'examen (ATF 117 la 10
consid. 4b; 110 la 1 consid. 2a; 107 la 186 et la jurisprudence citée). En
particulier, il ne peut se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité
cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise, que la
décision attaquée repose sur une application de la loi ou une appréciation
des preuves mani- festement insoutenables (ATF 125 1 492 consid. 1 b; 120 la
369 consid. 3a; 86 1226).

Dès lors que les allégations, preuves ou faits qui n'ont pas été soumis à
l'autorité cantonale sont irrecevables dans un recours de droit public pour
arbitraire (ATF 119 Il 6 consid. 4a; 118 III 37 consid. 2a et les arrêts
cités), le Tribunal fédéral s'en tient aux faits constatés par l'autorité
cantonale, à moins que le recourant ne démontre, conformément aux exigences
de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, que ces constatations sont arbitrairement
fausses ou incomplètes (ATF 118 la 20 consid. 5a p. 26).

3.3  En l'espèce, le recours s'écarte sur plusieurs points des constatations
de fait du jugement attaqué d'une manière qui ne satisfait aucunement aux
exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Il en va notamment ainsi lorsqu'il
met en cause la constatation de fait selon laquelle le de cujus était
persuadé, au moment de rédiger le testament du 1er mars 1974, que son
domicile légal était encore au Mexique (ce qu'il avait expressément indiqué
dans ledit testament).

La recourante se borne par ailleurs à reprendre les divers éléments évoqués
par l'autorité cantonale pour en proposer une interprétation différente,
comme elle le ferait en procédure d'appel, sans démontrer précisément en quoi
la décision entreprise procéderait d'une application manifestement
insoutenable de l'art. 90 LDIP. De fait, à la lumière des griefs soulevés
dans le recours, le jugement attaqué n'apparaît pas insoutenable, en
contradiction flagrante avec une règle de droit ou un principe juridique
clair et indiscuté, ce qui justifierait le grief d'arbitraire.

Partant de la mention expresse faite par le de cujus dans son second
testament du 1er mars 1974 qu'il était légalement domicilié au Mexique - ce
qui n'était peut-être pas exact mais correspondait à sa représentation de la
réalité -, la cour cantonale a pu se fonder, pour interpréter ce testament
comme exprimant une professio juris implicite en faveur du droit mexicain,
sur le fait que par son testament du 27 novembre 1964, qui prévoyait des
institutions d'héritiers et divers legs et n'avait pas été révoqué ni modifié
par le second testament dont le seul objet était le legs d'un appartement sis
à Montana, le de cujus avait soumis sa succession au droit mexicain. Une
telle conclusion échappe au grief d'arbitraire, d'autant qu'il apparaît peu
probable que le de cujus ait voulu soumettre une part de sa succession - à
savoir le seul appartement de Montana - à un autre droit que l'ensemble de sa
succession; la désignation d'un notaire suisse comme exécuteur testamen-
taire pour le legs de l'appartement de Montana ne constitue d'ailleurs pas un
indice dans ce sens, dès lors que, comme l'a relevé l'autorité cantonale, le
de cujus avait aussi désigné, dans son testament fait au Mexique le 27 no-
vembre 1964, un exécuteur testamentaire particulier pour les biens sis en
Espagne.

3.4  En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable, ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif présentée par
la recourante. Cette dernière, qui succombe, supportera les frais judiciaires
(art. 156 al. 1 OJ) ainsi que les frais engagés par Ba.________ et
Bb.________ pour se déterminer sur la requête d'effet suspensif (art. 159 al.
1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Sont mis à la charge de la recourante:
2.1Un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
2.2Une indemnité de 1'000 fr. à verser à Ba.________ et Bb.________ à titre
de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour de
cassation civile du Tribunal cantonal du Valais.

Lausanne, le 24 juin 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: