Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.18/2002
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5P.18/2002

                 IIe   C O U R   C I V I L E
                *****************************

                         22 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et Mme Hohl, juges. Greffier: M. Braconi.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________,

                           contre

l'arrêt rendu le 13 décembre 2001 par la 1ère Section de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
la recourante à A.________, représentée par Me Dominique
Warluzel, avocat à Genève;

            (art. 9 Cst.; mainlevée d'opposition)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- a) X.________, avocate inscrite au barreau de
Genève, a été durant plusieurs années le conseil des époux
A.________; son mandat a pris fin en 1999. A la suite d'un
litige entre les parties au sujet du montant des honoraires
(135'061 fr. 80), l'avocate a, le 10 janvier 2000, saisi la
Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de
Genève, qui, par décision du 7 mars suivant, a fixé les hono-
raires à 24'465 fr. 95, précisant dans son dispositif que le
prononcé ne valait pas jugement exécutoire.

   b) Par arrêt du 27 octobre 2000, le Tribunal fédéral
a rejeté le recours de droit public exercé par X.________
contre la décision précitée et mis à sa charge une indemnité
de 4'000 fr. à verser aux époux A.________ à titre de dépens.

   Le 1er novembre 2000, le conseil des époux
A.________ a réclamé à X.________ le paiement des dépens
auxquels le Tribunal fédéral l'avait condamnée; l'intéressée
a refusé de s'exécuter, invoquant «la compensation de l'in-
demnité avec la dette des époux A.________», à savoir le mon-
tant des honoraires que la Commission de taxation lui avait
alloué.

   c) Le Tribunal de première instance de Genève a, le
30 mai 2001, refusé la mainlevée provisoire de l'opposition
formée par A.________ au commandement de payer que son ex-
mandataire lui avait fait notifier le 20 mars précédent en
paiement de 20'465 fr. 95, somme correspondant aux honoraires
arrêtés par la Commission de taxation, déduction faite des
dépens octroyés par le Tribunal fédéral. A défaut d'appel, ce
jugement est devenu définitif et exécutoire.

   B.- a) Le 23 avril 2001, A.________ a fait notifier
à X.________ un commandement de payer la somme de 4'000 fr.,
avec intérêts à 5% dès le 9 mars 2001, en mentionnant comme
titre de la créance les «dépens alloués selon arrêt du Tribu-
nal fédéral du 27 octobre 2000». La poursuivie a frappé cet
acte d'opposition totale, pour le motif que la dette avait
été éteinte par compensation avec les honoraires dont la
poursuivante était redevable à teneur de la décision de la
Commission de taxation.

   b) Par jugement du 3 septembre 2001, le Tribunal de
première instance de Genève a accordé la mainlevée définitive
de l'opposition.

   Statuant le 13 décembre 2001 sur l'appel interjeté
par la poursuivie, la Cour de justice du canton de Genève a
préalablement déclaré irrecevables diverses pièces nouvelles
et, au fond, confirmé le jugement entrepris.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, X.________ conclut à l'annulation de cet
arrêt.

   Des observations n'ont pas été requises.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48 et les arrêts cités).

   a) Déposé à temps contre une décision qui confirme
en dernière instance cantonale le prononcé de la mainlevée
définitive de l'opposition (ATF 120 Ia 256 consid. 1a p. 257,

98 Ia 527 consid. 1 p. 532), le présent recours est ouvert du
chef des art. 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1 OJ. Il
l'est aussi sous l'angle de l'art. 88 OJ, la recourante étant
personnellement atteinte par l'arrêt déféré dans ses intérêts
juridiquement protégés.

   b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs invoqués de manière claire
et détaillée; le recourant ne peut se contenter de critiquer
la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel,
mais doit, en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, démontrer
en quoi elle viole ses droits constitutionnels (ATF 125 I 492
consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).

   Dès lors que la recourante ne précise pas en quoi
l'arrêt attaqué serait contraire aux «art. 29 et 30 CF», ces
moyens sont d'entrée de cause irrecevables.

   2.- La recourante reproche tout d'abord à l'autorité
cantonale d'avoir écarté les pièces n° 10 à 15 présentées en
appel, parce qu'elle n'avait pas allégué les avoir produites
pour «répondre à un argument inopiné de sa partie adverse».

   La recourante ne soutient pas que la production de
ces pièces était destinée à contrecarrer une argumentation
imprévue de l'intimée (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt,
Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, N. 6 ad
art. 292 et les références), mais se borne à expliquer pour-
quoi elles ont été versées au dossier. Une telle motivation
ne correspond pas aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ;
le grief est, partant, irrecevable (supra, consid. 1b). Au
surplus, les magistrats cantonaux ont estimé que, «ces docu-
ments nouveaux auraient-ils été accueillis, que la solution
adoptée (...) ne s'en serait pas trouvée modifiée d'autant»;
or, la recourante n'établit pas en quoi ce motif subsidiaire

serait arbitraire, de sorte que le grief est irrecevable dans
son entier (ATF 119 Ia 13 consid. 2 p. 16).

   3.- La recourante fait, en outre, valoir qu'il est
arbitraire de ne pas qualifier de reconnaissance incondition-
nelle de dette, à concurrence des honoraires arrêtés par la
Commission de taxation, les déclarations des époux A.________
qui figurent dans leur réponse au Tribunal fédéral (supra,
let. A/b).

   L'autorité inférieure a constaté, à ce propos, que
la recourante n'avait pas produit «la totalité des écritures
responsives» des intimés en instance fédérale, si bien qu'on
ne pouvait guère conclure à l'existence d'une reconnaissance
de dette sur la base d'extraits choisis de leur mémoire. En
outre, la référence des intéressés «aux faits tels qu'ils ont
été établis par la Commission de taxation (...)» n'implique
pas l'acceptation de la somme fixée par cette autorité.

   En plus d'être appellatoire (supra, consid. 1b), le
grief n'est dirigé qu'à l'encontre du premier motif des juges
cantonaux; il est, dès lors, entièrement irrecevable (ATF 119
Ia 13 consid. 2 p. 16).

   4.- La recourante se plaint encore de ce que la cour
cantonale n'a pas pris en compte le fait, pourtant documenté,
qu'elle a «invoqué, sans contestation, envers la succession
A.________, la compensation entre les honoraires taxés et les
dépens alloués par le TF»; elle affirme que l'arrêt attaqué
repose sur des «constatations de faits absolument contraires
aux pièces du dossier».

   Autant qu'il est compréhensible, le moyen doit être
écarté à un double titre: D'une part, on ne discerne pas s'il
est fondé sur un défaut de motivation (art. 29 al. 2 Cst.) ou
sur une lacune dans la constatation des faits (art. 9 Cst.);

faute de pouvoir déterminer d'emblée le droit constitutionnel
dont l'application est en cause, la critique apparaît ainsi
irrecevable (ATF 115 Ia 183 consid. 3 p. 185). D'autre part,
pour que la compensation invoquée à l'égard de la succession
soit également opposable à l'intimée personnellement, encore
faudrait-il qu'il y ait fusion de patrimoines, ce qui suppose
que la prénommée soit héritière unique (cf. Piotet, Précis de
droit successoral, 2e éd., p. 20/21; v. aussi: Engel, Traité
des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 671; ); or, il ne
ressort pas de la décision attaquée qu'une pareille hypothèse
serait réalisée dans le cas particulier, et la recourante ne
le dit pas davantage.

    5.- La recourante prétend, de surcroît, que la cour
cantonale a, en violation des art. 80/81 LP et 347 ss LPC/GE,
retenu des allégations non prouvées par titre, à savoir que
l'intimée aurait payé sa dette d'honoraires «par compensation
avec "des montants précédemment versés"».

   L'allégation incriminée ne ressort pas de l'arrêt
attaqué (cf. ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26), pour le motif
déjà que les juges précédents n'ont rien déclaré de tel. En
réalité, le grief est repris - à peu près textuellement - de
l'acte d'appel cantonal; formulé à l'encontre de la décision
de première instance, il est irrecevable (art. 86 al. 1 OJ;
ATF 128 I 46 consid. 1c p. 51 et les arrêts cités).

   6.- Enfin, la recourante soutient que l'arrêt déféré
viole l'art. 120 CO, ainsi que les art. 81 et 85 LP.

    Cette critique est d'emblée vaine en tant qu'elle
porte sur la «compensation opposée à la succession de
B.________ (époux)» (supra, consid. 3) et à «A.________
(épouse)» (supra, consid. 4); il en va de même pour la pré-
tendue violation de l'art. 85 LP, dont la recourante ne dé-
montre pas à quel titre il serait applicable en l'occurrence,

ni en quoi l'autorité cantonale l'aurait enfreint (art. 90
al. 1 let. b OJ).

   Pour le surplus, le moyen se révèle appellatoire. En
effet - comme l'a souligné l'autorité inférieure -, le moyen
tiré de la compensation n'est opérant, en procédure de main-
levée définitive, que si la créance opposée en compensation
découle elle-même d'un titre exécutoire ou est admise sans
réserve par le poursuivant (ATF 115 III 97 consid. 4 p. 100
et les citations); or, la recourante n'expose pas en quoi il
serait arbitraire de dénier à la décision de la Commission de
taxation la valeur d'un jugement exécutoire (ATF 127 III 232
consid. 3a p. 234 et les arrêts cités), et à la réponse des
époux A.________ celle d'une reconnaissance inconditionnelle
de la dette d'honoraires (supra, consid. 3). L'affirmation
selon laquelle une action en reconnaissance de dette, consé-
cutive à l'opposition formée par l'intimée (supra, let. A/c),
serait actuellement pendante devant les juridictions genevoi-
ses est nouvelle, partant irrecevable (ATF 119 II 6 consid.
4a p. 7; 118 III 37 consid. 2a p. 39); elle est, au reste,
dépourvue de pertinence, car la question litigieuse n'est pas
de savoir si la décision de modération «donnera droit à la
mainlevée définitive de l'opposition» dans le cadre de cette
action.

   7.- Vu ce qui précède, le recours doit être déclaré
entièrement irrecevable, aux frais de son auteur (art. 156
al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée,
qui n'a pas été invitée à répondre.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1. Déclare le recours irrecevable.

   2. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la
charge de la recourante.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la 1ère Section de la Cour de justice du canton de
Genève.

                         __________

Lausanne, le 22 mai 2002
BRA/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        Le Greffier,