Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.67/2002
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5C.67/2002

                IIe    C O U R   C I V I L E
               ******************************

                        15 avril 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et Mme Hohl, juges. Greffière: Mme Mairot.

                         __________

                Dans la cause civile pendante
                            entre

Dame X._______, défenderesse et recourante, représentée par
Me Doris Leuenberger, avocate à Genève,

                             et

X.________, demandeur et intimé, représenté par Me Mauro
Poggia, avocat à Genève;

             (réglementation du droit de visite)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Y.________, née le 8 mars 1991, est issue de
l'union hors mariage de dame X.________, née le 1er février
1955, et de X.________, né le 28 juillet 1954, tous deux
originaires d'Egypte, étant précisé qu'une cérémonie reli-
gieuse de mariage avait été célébrée le 3 août 1990 à la Fon-
dation culturelle islamique de Genève. L'enfant a été recon-
nue par son père le 27 mars 1991.

   Les relations entre les parents s'étant détériorées,
la mère a saisi, en juillet 1991, le Tribunal tutélaire
(alors Chambre des tutelles) du canton de Genève en raison de
menaces d'enlèvement de l'enfant de la part du père.

   A la suite de l'intervention de X.________, qui
avait fait savoir à l'employeur de dame X.________ qu'elle
avait été condamnée pour prostitution, celle-ci a dû se ren-
dre en Egypte pour se disculper. Elle y a été retenue jus-
qu'au début de 1993, l'intéressé ayant demandé aux autorités
compétentes de lui retirer son passeport et de lui interdire
de quitter le pays.

   X.________ a en outre introduit dans ce même Etat
une procédure qui a abouti à sa désignation comme détenteur
de l'autorité parentale sur sa fille, conjointement avec sa
propre mère.

   Par décision du 18 février 1992, le Tribunal tuté-
laire a jugé que, selon le droit suisse, la mère détenait
seule l'autorité parentale ainsi que la garde sur l'enfant et
a réservé un droit de visite au père.

   Statuant le 18 mai 1993, cette autorité a provisoi-
rement suspendu l'exercice du droit de visite jusqu'à l'ou-
verture du Point de rencontre St-Victor et a prévu qu'il
s'exercerait par la suite dans ce lieu un samedi sur deux,
trois heures consécutivement, le père étant en outre astreint
à déposer son passeport pendant les visites. Statuant sur le
recours de celui-ci, l'Autorité de surveillance des tutelles
du canton de Genève a confirmé cette décision le 21 septembre
1995.

   Le 28 novembre 1995, le Tribunal tutélaire a rejeté
une requête formée par le père tendant à ce qu'il puisse
exercer son droit de visite en dehors du Point de rencontre
et a entériné, pour une période de douze mois, les modalités
fixées antérieurement. Cette décision a été confirmée par
l'Autorité de surveillance le 2 février 1996. Le Tribunal fé-
déral a rejeté, le 30 avril suivant, le recours de droit pu-
blic formé par le requérant.

   B.- Le 7 janvier 1999, X.________, qui est actuelle-
ment marié avec une ressortissante d'Arabie Saoudite et qui a
obtenu la nationalité suisse, de même que ses deux enfants
nés respectivement en 1996 et 1997, a sollicité l'élargisse-
ment de son droit de visite hors du Point de rencontre et à
raison d'une journée par quinzaine.

   Le 15 novembre 2001, le Tribunal tutélaire a modi-
fié l'ordonnance du 18 mai 1993 en ce qui concerne les moda-
lités du droit de visite du père. Il a prévu que celui-ci
verrait sa fille dans un Point de rencontre à raison d'une
demi-journée par quinzaine, avec possibilité de sortie après
trois visites moyennant l'accord de la curatrice. Il a de
plus confirmé la curatelle d'organisation et de surveillance
du droit aux relations personnelles confiée au Service du tu-
teur général et invité la curatrice à établir un rapport
après les premiers mois d'exercice de ce droit.

   La mère a recouru contre cette ordonnance, en con-
cluant à ce que le droit de visite du père soit suspendu pour
une durée indéterminée.

   Par décision du 28 janvier 2002, communiquée le len-
demain, l'Autorité de surveillance a rejeté le recours et
confirmé la décision attaquée.

   C.- Dame X.________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral contre la décision du 28 janvier 2002, en
reprenant ses conclusions tendant à la suspension du droit de
visite pour une durée indéterminée.

   Une réponse n'a pas été requise.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Le recours est recevable en vertu de l'art. 44
let. d OJ. Interjeté en temps utile contre une décision fina-
le rendue par le tribunal suprême du canton, le recours est
aussi recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

   2.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été consta-
tés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dis-
positions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
que des constatations ne reposent sur une inadvertance mani-
feste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les cons-
tatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas
tenu compte de faits pertinents régulièrement allégués et
prouvés (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252; 126
III 59 consid. 2a p. 65 et les arrêts cités). Sous réserve de
ces exceptions, que le recourant doit invoquer expressément
(ATF 115 II 399 consid. 2a p. 400), il ne peut être présenté
de griefs contre les constatations de fait - ou l'apprécia-

tion des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale
(ATF 126 III 189 consid. 2a p. 191; 125 III 78 consid. 3a p.
79; 122 III 61 consid. 2c/cc p. 66; 120 II 97 consid. 2b p.
99 et les citations) - ni de faits ou de moyens de preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Ces principes valent même
si la maxime d'office est applicable, ce qui est le cas
s'agissant du sort des enfants (ATF 120 II 229 consid. 1c p.
231/232).

   Dans la mesure où la recourante présente un état de
fait différent de celui qui résulte de la décision attaquée,
sans pouvoir se prévaloir de l'une des exceptions susmention-
nées, son recours est irrecevable. Il en va notamment ainsi
de ses assertions concernant le mariage religieux des parties
et le comportement répréhensible de l'intimé envers elle et
leur fille. On ne peut en outre tenir compte de ses alléga-
tions visant à compléter les constatations de l'autorité can-
tonale relatives à son séjour forcé en Egypte et aux juge-
ments rendus à son encontre dans ce pays. On ne saurait da-
vantage prendre en considération ses affirmations selon les-
quelles la déclaration lui confiant la garde de l'enfant, si-
gnée par l'intimé et sa mère, contiendrait des incohérences
et n'aurait aucune portée juridique. Le recours est également
irrecevable en tant que la recourante se réfère à diverses
pièces ou témoignages ainsi qu'aux déclarations de sa fille,
qui ne figurent pas dans la décision attaquée, et en tire des
conclusions différentes de celles de l'autorité cantonale.
Enfin, c'est en vain qu'elle renvoie à l'état de fait de la
décision de l'Autorité de surveillance des tutelles du 26
septembre 1995.

   3.- La recourante se plaint d'une violation des art.
273 et 274 CC. Elle reproche à l'autorité cantonale de s'être
écartée de l'avis de l'expert selon lequel il n'était pas ju-
dicieux, en l'état actuel de la situation, de contraindre la
fillette à entretenir des liens avec son père, et de n'avoir

pas tenu compte du refus exprimé par celle-ci de continuer à
le voir. Elle prétend en outre qu'un risque d'enlèvement est
toujours actuel nonobstant la naturalisation de l'intimé, dès
lors qu'il dispose d'un jugement égyptien qui lui accorde,
ainsi qu'à sa propre mère, la garde de l'enfant.

   a) Le juge n'est en principe pas lié par les conclu-
sions d'une expertise judiciaire. Toutefois, il ne saurait
s'en écarter sans motifs sérieux et doit motiver sa décision
à cet égard (ATF 122 V 157 consid. I/1c p. 160; 119 Ib 254
consid. 8a p. 274; 118 Ia 144 consid. 1c p. 146 et les arrêts
cités). Il sied encore de rappeler que l'appréciation in con-
creto de la valeur probante d'une expertise ressortit au fait
et ne peut pas être revue en instance de réforme (ATF 98 II
265 consid. II/2). En l'occurrence, l'autorité cantonale a
considéré, dans le cadre de son appréciation des preuves, que
le refus de l'enfant de poursuivre des relations avec son pè-
re s'expliquait dans une large mesure par l'attitude de la
mère, qui lui suggérait une image particulièrement négative
de celui-ci et semblait idéaliser une vie fondée sur des rap-
ports mère-fille exclusifs.

   Or cette représentation ne pouvait être que préjudi-
ciable à l'enfant. A l'approche de son adolescence, il était
au contraire souhaitable que celle-ci établisse une relation
stable avec son père de même qu'avec ses demi-frère et soeur,
dont elle avait été privée depuis leur naissance. Cette néga-
tion du rôle du père, ainsi que le déni de la mère de recon-
naître que cette situation était nuisible pour le développe-
ment et l'équilibre de sa fille, avaient amené à juste titre
le Tribunal tutélaire à s'écarter des conclusions de l'ex-
pert, lequel préconisait le respect de la volonté de l'en-
fant. Selon l'autorité cantonale, un enfant plus âgé, respec-
tivement un adolescent, est généralement capable de se forger
sa propre opinion, indépendante de celle de ses deux parents.
En l'espèce, la fillette n'avait toutefois que onze ans envi-

ron et elle s'identifiait de manière anormale à sa mère, dont
elle épousait largement les comportements. Il fallait donc
éviter de la conforter dans cette attitude en cédant à son
désir de cesser toutes relations avec son père, dès lors
qu'il était manifeste que ce désir ne correspondait pas à un
choix, mais résultait de son conflit de loyauté à l'égard de
sa mère.

   b) En tant que la recourante tente de remettre en
cause les constatations retenues dans la décision entreprise
en invoquant des éléments qui relèvent de l'appréciation des
preuves, ses critiques sont irrecevables. Au demeurant, si le
droit de visite doit servir en premier lieu l'intérêt de
l'enfant, sa réglementation ne saurait dépendre seulement de
la volonté de celui-ci. Il faut, dans chaque cas particulier,
déterminer pourquoi l'enfant adopte une attitude défensive
envers le parent qui n'a pas la garde et si l'exercice du
droit de visite risque réellement de porter atteinte à son
intérêt. Il est en effet unanimement reconnu que le rapport
de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut
jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche
d'identité (ATF 127 III 295 consid. 4a p. 298 et les cita-
tions). Au vu des éléments mentionnés plus haut, l'autorité
cantonale n'a pas méconnu ces principes, ni abusé de son
pouvoir d'appréciation. La recourante prétend certes qu'un
risque d'enlèvement existe pour sa fille. Ce moyen est toute-
fois irrecevable, dans la mesure où il s'agit d'une question
de fait, qui ne peut être soulevée en instance de réforme
(art. 63 al. 2 OJ).

   4.- En conclusion, le recours se révèle mal fondé et
doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires
(art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens,
l'intimé n'ayant pas été invité à répondre.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable et confirme la décision entreprise.

   2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 2'000 fr.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à l'Autorité de surveillance des tutel-
les du canton de Genève.

                         __________

Lausanne, le 15 avril 2002
MDO/frs

                Au nom de la IIe Cour civile
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
                        Le Président,

                        La Greffière,