Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.63/2002
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5C.63/2002

                  IIe  C O U R  C I V I L E
                 ***************************

                         13 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mmes Nordmann
et Hohl, juges. Greffier: M. Ponti.

                Dans la cause civile pendante
                            entre

L.________, et V.________, défenderesses et recourantes,
toutes deux représentées par Me Daniel Richard, avocat à
Genève;

                             et

E.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Edouard Balser, avocat à Genève,

              (rapport successoral, réduction)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- a) G.________ est décédé le 12 janvier 1992 lors
d'un accident de voiture en Italie, laissant pour seules hé-
ritières sa deuxième femme E.________ et ses filles
L.________ et V.________, issues de son premier mariage.

   Précédemment, en exécution des engagements pris dans
le cadre du divorce ayant mis fin au mariage avec sa première
femme B.________, G.________ avait transféré à chacune de ses
filles, par convention des 30 juillet et 13 août 1987, res-
pectivement par acte authentique du 1er septembre suivant:

   - 25 actions de la SI X.________, ainsi que la
     moitié d'une créance contre cette société, d'un
     montant de 665'623 fr. au 31 décembre 1986;

   - 12 actions, ainsi que la copropriété par moitié
     d'une 25e action, de la SI Y.________, de même que
     la moitié d'une créance chirographaire contre
     cette dernière, d'une valeur de 94'631 fr. 88 au
     31 décembre 1986;

   - la moitié de sa part sur l'immeuble Z.________,
     dont il était copropriétaire pour une demie, ses
     filles reprenant, avec l'autre copropriétaire, la
     dette hypothécaire de 2'000'000 fr. y relative.

   Peu après, B.________ a acquis l'autre part de co-
propriété de l'immeuble Z._______. Par acte du 17 novembre
1987, elle et ses filles ont vendu celui-ci dans son intégra-
lité à un tiers, pour le prix de 3'700'000 fr. Le transfert
de propriété a eu lieu par inscription au registre foncier du
21 décembre 1987.

   b) Par convention du 15/18 juin 1990, L.________ et
V.________ ont cédé à W.________, leur grand-père, les ac-
tions de la SI X.________ qu'elles avaient reçues, de même
que la créance chirographaire dont elles étaient cotitulaires
envers la SI. Le prix des actions cédées a été payé par la
remise de 50% du capital-actions de la SI Y.________ pour une
valeur de 1'778'544 fr. et par le versement d'une soulte de
203'355 fr., pour un total de 1'981'899 fr.; la créance chi-
rographaire que les soeurs V.________ et L._______ détenaient
envers la SI X.________ leur a été rachetée pour le montant
de 517'308 fr. Après cette opération, V.________ et
L.________ détenaient la totalité du capital-actions de la SI
Y.________.

    L'expertise ordonnée par la suite par le Tribunal
de première instance a estimé la valeur nette du capital-
actions de la SI Y.________ au moment du décès de G.________
(janvier 1992) à 2'690'000 fr., après déduction de la valeur
vénale brute de l'hypothèque inscrite au passif du bilan;
l'expert, dans son rapport du 31 mars 2000, a par ailleurs
précisé ne pas avoir tenu compte de l'impact fiscal de la
liquidation d'une société immobilière, parce qu'en 1992 cet
aspect n'influençait pas encore la valeur des actions.

   c) Le 16 avril 1991, G.________ avait rédigé, avant
d'épouser en secondes noces E.________, un testament ologra-
phe par lequel il attribuait 25% de ses biens à sa nouvelle
épouse, "équivalent à sa part légitime (réserve)", et le 75%
à ses filles, à répartir de façon égale entre elles. Par con-
trat de mariage du 21 mai 1991, les futurs époux avaient par
ailleurs choisi le régime de la séparation de biens, selon le
droit suisse.

   Le 5 avril 1994, E.________ a informé l'exécuteur
testamentaire qu'elle entendait demander le rapport des trois
donations faites par le défunt à ses enfants, en application
de l'art. 626 al. 2 CC.

   Le 8 novembre 1994, les héritières ont conclu une
convention de partage, avec clause arbitrale, réservant
expressément le sort des trois donations litigieuses.

   B.- Le 19 avril 1995, E.________ a ouvert action en
rapport et en réduction à l'encontre de L.________ et
V.________ (aujourd'hui mariée P.________). Les défenderesses
s'y sont opposées, invoquant notamment la prescription de
l'action, mais nullement une éventuelle renonciation de la
demanderesse à la réduction.

   Par jugement du 20 juin 1996, le Tribunal de pre-
mière instance de Genève a ordonné le rapport à la succession
de feu G.________ des donations en faveur de ses filles selon
convention des 30 juillet/13 août 1987, à l'exclusion des
fruits, dit que les modalités et l'étendue de ce rapport
feraient l'objet d'une décision ultérieure, constaté le ca-
ractère réductible de la donation faite à L.________ et
V.________, selon acte notarié du 1er septembre 1987, de la
part de copropriété pour moitié de l'immeuble Z.________,
ordonné la réunion à la succession des sommes représentant le
produit de la vente de ladite part de copropriété (1'850'000
fr.) et les intérêts courus sur ce capital (370'000 fr.),
condamné les défenderesses aux dépens et, enfin, rejeté tou-
tes autres conclusions.

   Par arrêt du 25 avril 1997, la Cour de justice du
canton de Genève a annulé ce jugement. L'autorité cantonale a
considéré que les donations faites par le défunt à ses filles
n'étaient pas rapportables, en raison du testament par lequel
il les avait instituées héritières dans une proportion excé-

dant leurs parts légales. En modifiant ainsi la répartition
successorale prévue par la loi, et en réduisant du même coup
sa seconde femme à sa réserve, le défunt avait en effet clai-
rement manifesté sa volonté de favoriser ses enfants au dé-
triment de sa nouvelle épouse, de sorte qu'il n'y avait aucu-
ne raison de compléter cette volonté en cherchant à rétablir
une égalité à laquelle le défunt s'était manifestement oppo-
sé.

   Saisi d'un recours en réforme exercé par E.________,
le Tribunal fédéral, par arrêt du 2 mars 1998, a partielle-
ment admis le recours et annulé l'arrêt de la Cour de justi-
ce. Il a considéré que les donations n'étaient certes pas
rapportables, mais qu'elles étaient sujettes à réduction en
application de l'art. 527 ch. 3 CC; à la différence de la
Cour de justice, qui avait jugé prescrite l'action introduite
par la seconde épouse du défunt, il a constaté que celle-ci
pouvait faire valoir son droit à la réduction dans le cadre
de la procédure pendante par voie de l'exception imprescrip-
tible prévue par l'art. 533 al. 3 CC. De ce fait, la cause a
été renvoyée aux autorités cantonales genevoises pour
qu'elles examinent - au besoin après complément d'instruction
- le mérite des prétentions de la demanderesse quant à la
reconstitution de sa réserve (cf. arrêt 5C.155/1997).

   C.- Statuant ensuite de l'arrêt de renvoi du Tribu-
nal fédéral, la Cour de justice, par arrêt du 4 septembre
1998, a ordonné la réunion à la succession du bénéfice net
que chacune des filles du défunt a retiré de la vente de
l'immeuble Z.________ (378'500 fr. chacune) et renvoyé la
cause au Tribunal de première instance pour instruire et
statuer sur la réduction des donations des actions des deux
SI, un complément d'instruction étant nécessaire pour déter-
miner leur valeur au moment de l'ouverture de la succession.

   Ce dernier, par jugement du 18 janvier 2001, a or-
donné la réunion à la masse successorale d'un montant total
de 4'243'158 fr., comprenant, en plus du bénéfice net retiré
par les soeurs L.________ et V.________ de la vente de l'im-
meuble Z.________, déjà fixé par l'arrêt de la Cour de justi-
ce du 4 septembre 1998 (757'000 fr.), les montants perçus en
espèces lors de la cession des actions de la SI X.________ et
de la créance chirographaire dont elles étaient cotitulaires
envers la SI (720'658 fr.), la valeur en janvier 1992 du 100%
du capital-actions de la SI Y.________ (estimé par l'expert à
2'690'500 fr.) et la moitié du bénéfice net de l'exercice
1988 de la SI Y.________ (75'000 fr.). Constatant que la ré-
serve de E.________ était lésée, selon le testament du 16
avril 1991, du quart de ce montant, le Tribunal a condamné
V.________ et L.________ à payer chacune la moitié de la
somme de 1'060'789 fr. 50 à l'intimée; il a enfin condamné
les premières nommées solidairement aux dépens de la procé-
dure, comprenant une indemnité de procédure de 50'000 fr. à
titre de participation aux honoraires d'avocat de E.________,
et débouté les parties de toutes autres conclusions.

   Par arrêt du 18 janvier 2002, la Cour de justice du
canton de Genève a confirmé le jugement précité, condamné les
recourantes aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'un émo-
lument complémentaire à l'Etat de 5'000 fr., et débouté les
parties de toutes autres conclusions.

   D.- Le 22 février 2002, L.________ et V.________ ont
formé, parallèlement, un recours de droit public et un re-
cours en réforme au Tribunal fédéral. Dans le recours en ré-
forme, invoquant une violation des art. 8, 533 al. 3, 617 et
618 CC, elles concluent principalement à ce qu'il soit cons-
taté que, conformément à la convention de partage du 8 novem-
bre 1994, la demanderesse a renoncé à réclamer la réduction
des donations litigieuses, et que les biens de la masse suc-
cessorale de leur père non partagés selon l'art. 3 de ladite

convention sont dépourvus de toute substance économique et ne
peuvent pas faire l'objet d'attribution à quelconque héri-
tier. Subsidiairement, elles demandent le renvoi de la cause
à la cour cantonale, afin que celle-ci ouvre des enquêtes
pour permettre d'interpréter correctement la convention de
partage et ordonne une expertise complémentaire pour déter-
miner la valeur des actions de la SI Y.________ après la dé-
duction de l'impôt sur le bénéfice de liquidation. Elles
concluent enfin à ce que E.________ soit déboutée de toutes
autres ou contraires conclusions et soit condamnée à tous les
frais et dépens des procédures fédérale et cantonale.

   La demanderesse n'a pas été invitée à déposer une
réponse.

   Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté,
dans la mesure où il était recevable, le recours de droit
public formé parallèlement par les recourantes.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c et les arrêts cités).

   Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-

ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a), même sous couvert
de l'art. 8 CC.

   Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

   2.- a) Pour toutes les prétentions fondées sur le
droit fédéral (ATF 123 III 35 consid. 2d), l'art. 8 CC répar-
tit le fardeau de la preuve - sous réserve des règles parti-
culières (par exemple, art. 55 al. 1 CO, 97 al. 1 CO) ou des
présomption légales (art. 32 al. 2 CC, 190 al. 1 CO) - et dé-
termine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer
les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 126 III 189
consid. 2b). Il a été également déduit de l'art. 8 CC un
droit à la preuve (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219
consid. 3c) et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid.
4a; 120 II 393 consid. 4b). En effet, l'art. 8 CC, qui cons-
titue une règle sur le fardeau de la preuve, serait éludé si
le juge admettait (ou écartait) un fait contesté sans aucun
raisonnement ni aucun commencement de preuve dans ce sens (B.
Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000

II 1 ss p. 41). Le droit à la preuve est toutefois limité aux
faits que les parties ont allégués (correctement) dans le pro-
cès; dans les procès soumis à la maxime des débats ("Verhand-
lungsmaxime"), il appartient en effet aux plaideurs de four-
nir au juge la base de sa décision et ce dernier ne peut évo-
quer les faits que les parties n'ont pas allégués (H. Desche-
naux, Le titre préliminaire du code civil, in Traité de droit
civil suisse, Tome II, I, p. 224).

   b) Dans un premier moyen, les défenderesses se plai-
gnent d'une violation de l'art. 8 CC dans la mesure où la
Cour de justice aurait refusé d'examiner et d'apprécier la
convention de partage du 8 novembre 1994; elles reprochent
aux autorités cantonales d'avoir refusé d'ordonner les enquê-
tes qui auraient permis d'interpréter correctement cette
convention, et surtout de prouver que la réelle intention de
E.________ était de renoncer à faire valoir ses prétentions
tendant à réunir à la succession les donations litigieuses.

   Ce grief se révèle mal fondé. Dans l'arrêt entre-
pris, la Cour de justice a en effet considéré que les allé-
gations des recourantes au sujet de la prétendue renonciation
de la demanderesse à la réduction des donations litigieuses
étaient tardives et irrecevables en vertu du droit cantonal
de procédure (cf. consid. 3b et 4 de l'arrêt rendu ce jour
sur le recours de droit public connexe); elle n'est donc pas
entrée en matière sur la question de l'interprétation de la
convention de partage, pas davantage que sur la nécessité
d'ordonner de nouvelles enquêtes à ce propos. Dans ces cir-
constances, on ne saurait dire que la cour cantonale a violé
le droit à la preuve déduit de l'art. 8 CC : du moment que
l'allégation sur la renonciation à la réduction a été écartée
pour des raisons de procédure, les mesures probatoires sur ce
point étaient sans objet.

   c) Les défenderesses font ensuite grief à la cour
cantonale d'avoir violé l'art. 8 CC en renonçant à ordonner
une expertise complémentaire pour fixer le montant de l'impôt
à déduire de la valeur du capital-actions d'une SI lors de sa
liquidation.

   L'art. 8 CC ne règle pas l'admissibilité d'une me-
sure probatoire, ni ses modalités d'exécution, pas plus qu'il
ne dicte comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122
III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c). La cour cantonale
a refusé la mesure probatoire proposée par les défenderesses
parce qu'elle estimait que le rapport d'expertise - précisé
par les déclarations de l'expert - était complet et clair, et
que des renseignements supplémentaires n'étaient pas aptes à
modifier sa conclusion selon laquelle l'impact fiscal n'in-
fluençait pas encore, en 1992, la valeur des actions d'une
SI. Or le refus d'une mesure probatoire à la suite d'une
appréciation anticipée des preuves ne peut pas donner lieu à
un recours en réforme, parce que cette question n'est pas
régie par l'art. 8 CC (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III
219 consid. 3c; 120 II 58 consid. 4d). C'est dire que l'argu-
mentation que développent les recourantes en ce qui concerne
l'absence d'une expertise complémentaire est vaine.

   3.- Les recourantes prétendent ensuite qu'il y a eu
violation des art. 617 et 618 CC. Elles affirment que la Cour
de justice a procédé au partage des biens successoraux sans
respecter ces règles de droit fédéral sur l'attribution des
immeubles; en particulier, en refusant de tenir compte de
l'impact fiscal d'une liquidation d'une SI, elle aurait pro-
cédé au partage complémentaire sans connaître l'exacte valeur
de l'immeuble au moment de l'ouverture de la succession ou au
moment du partage.

   a) Force est de souligner d'emblée que les défende-
resses n'ont pas soulevé cet argument devant la Cour de jus-
tice. Certes, dans leur mémoire d'appel du 22 mars 2001,
elles ont critiqué le refus du premier juge d'ordonner une
expertise complémentaire sur l'aspect fiscal de la liquida-
tion d'une SI; elles n'ont toutefois nullement invoqué une
violation des art. 617 et 618 CC par le Tribunal de première
instance, qui avait pourtant procédé au partage complémen-
taire conformément au principe de la restitution de l'enri-
chissement prévu à l'art. 528 CC. En soi, cette circonstance
ne s'oppose cependant pas à l'examen de ce nouvel argument
par la juridiction fédérale de réforme, qui n'est pas liée
par les motifs invoqués par les parties et applique d'office
le droit (art. 63 al 3 OJ; Poudret, Commentaire de la loi
fédérale d'organisation judiciaire, Vol. II, n. 1.5.2.5 ad
art. 55 OJ, p. 435).

   b) Quoi qu'il en soit, les critiques des recourantes
sont dénuées de pertinence. Les constatations de fait rete-
nues sur la base de l'expertise par la cour cantonale - qui
lient le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al.
2 OJ) - montrent que l'aspect fiscal n'avait, en 1992, aucune
influence sur la valeur du capital-actions d'une SI, de sorte
qu'il n'y avait pas à en tenir compte pour l'estimation de la
valeur vénale du capital-actions de la SI Y.________. Cela
étant, la cour cantonale n'a pas violé les art. 617 et 618
CC, qui exigent seulement que lors du partage, les immeubles
soient estimés à leur valeur vénale (art. 617 CC), et que le
prix d'attribution soit fixé, en cas de désaccord entre
héritiers, par des experts officiels (art. 618 CC). En
l'occurrence, les défenderesses ne démontrent pas que la
démarche suivie par les autorités cantonales contredirait ces
règles de droit fédéral.

   4.- Les défenderesses soutiennent enfin, dans un
dernier moyen, que la convention de partage du 8 novembre

1994 contient une renonciation explicite de la part de la
demanderesse à la réduction des donations litigieuse; la Cour
de justice, en refusant de se pencher sur cette question,
aurait dès lors violé aussi l'art. 533 al. 3 CC.

   En réalité, sous couvert d'une violation de cette
norme, les recourantes s'en prennent une fois de plus au
refus de la cour cantonale d'interpréter la convention de
partage et d'ordonner de nouvelles enquêtes sur la prétendue
renonciation à la réduction. Ces questions ont été définiti-
vement tranchées plus haut (cf. consid. 2b supra), et il n'y
a pas lieu d'y revenir. Pour le surplus, dans la mesure où
les recourantes critiquent l'appréciation des preuves et les
constatations de fait qui en découlent, leur grief n'est pas
recevable dans un recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c
OJ).

   5.- Il résulte de ce qui précède que le recours ne
peut qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable, ce
qui entraîne la confirmation de l'arrêt cantonal. Les recou-
rantes, qui succombent, supporteront les frais judiciaires,
solidairement entre elles (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a
en revanche pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui
n'a pas été invitée à se déterminer sur le recours.

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué.

   2. Met à la charge des recourantes, solidairement
entre elles, un émolument judiciaire de 20'000 fr.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour de justice du canton de
Genève.

                       ______________

Lausanne, le 13 mai 2002
PIT/frs
                Au nom de la IIe Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,