Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.42/2002
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5C.42/2002 /dxc

Séance du 26 septembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Raselli, Nordmann, Escher, Hohl,
greffière Heegaard-Schroeter.

X. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Alain Berger, avocat, 9, boulevard
des Philosophes, 1205 Genève,

contre

Y.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Yvan Jeanneret, avocat, 18, rue
du Conseil-Général, 1205 Genève.

effets accessoires du divorce

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève du 14 décembre 2001)

Faits:

A.
X. ________, né en 1938, et Y.________, née en 1953, tous deux d'origine
sénégalaise, se sont mariés en 1977 au Sénégal. Quatre enfants sont issus de
leur union: deux filles aînées, puis A.________, né le 14 juillet 1983, et
B.________, née le 3 mai 1987.

B.
Le 17 septembre 1996, Y.________ a formé une demande en divorce devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève.

Par jugement du 21 décembre 2000, le Tribunal de première instance a prononcé
le divorce des parties. Il a en outre notamment: attribué à la mère
l'autorité parentale et la garde sur les deux enfants alors encore mineurs,
avec un large droit de visite en faveur du père; condamné celui-ci au
paiement mensuel de 900 fr. (allocations familiales non comprises) en faveur
de chaque enfant mineur jusqu'à 18 ans révolus et de 3'000 fr. jusqu'au 31
octobre 2003 (fin de sa période d'activité) pour l'entretien de son
ex-épouse; attribué à cette dernière un droit d'habitation jusqu'au 31
octobre 2003 sur la villa de K.________ appartenant au mari, contre une
rémunération mensuelle de 2'000 fr. à déduire de la contribution d'entretien;
ordonné le partage par moitié de la prestation de sortie de la prévoyance
professionnelle de l'époux.

Sur appels des deux parties, la Cour de justice du canton de Genève
(ci-après: la Cour de justice), par arrêt du 14 décembre 2001, a modifié la
contribution d'entretien des enfants, en ce sens que le père a été condamné à
payer la somme mensuelle de 900 fr. jusqu'à leur majorité et au-delà, au plus
tard jusqu'à 25 ans, en cas d'études sérieuses et régulières. La contribution
d'entretien en faveur de l'épouse a été portée à 4'000 fr. par mois, sans
limitation dans le temps.

C.
Agissant par la voie du recours en réforme, X.________ conclut à
l'annulation, avec suite de frais et dépens, de l'arrêt rendu par la Cour de
justice. Il remet en cause les pensions accordées à ses enfants et à son
ex-épouse, ainsi que le droit d'habitation attribué à cette dernière.
Subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à l'autorité cantonale,
selon l'art. 64 al. 1 OJ.

La demanderesse conclut au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.
Elle requiert également l'assistance judiciaire pour la procédure devant le
Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La présente cause a pour objet des droits de nature pécuniaire (ATF 116
II 493) dont la valeur est manifestement supérieure à 8'000 fr. (art. 47 al.
1 OJ). Le recours est donc recevable du chef de l'art. 46 OJ.

Interjeté en temps utile, contre une décision finale rendue en dernière
instance par le tribunal suprême du canton de Genève, il l'est également au
regard des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ.

1.2 Conformément à l'art. 55 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir
l'indication exacte des points attaqués de la décision et des modifications
demandées. A titre exceptionnel, la jurisprudence admet que ces dernières ne
soient pas désignées expressément dans les conclusions, lorsqu'elles
résultent clairement des motifs invoqués (arrêt 4C.202/1994 du 3 octobre
1995, consid. 1; ATF 88 II 205 consid. 2, principio).

En l'espèce, bien que cela ne figure pas explicitement dans les conclusions
présentées, il ressort sans équivoque de la motivation du recours que le
défendeur conclut au rejet, respectivement à l'irrecevabilité, des demandes
de son ex- épouse tendant à l'octroi d'une contribution d'entretien pour les
enfants au-delà de leur majorité.

1.3 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur
les faits constatés dans la décision entreprise, à moins que des dispositions
fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à
rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art.
63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
régulièrement allégués et prouvés (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c;
126 III 59 consid. 2a). Au surplus, il ne peut être présenté de griefs contre
les constatations de fait (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 126 III 189 consid.
2a; 125 III 78 consid. 3a et les citations) ou l'appréciation des preuves à
laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 122 III 61 consid. 2c/cc p.
66; 120 II 97 consid. 2b p. 99), ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ).

2.
Le défendeur prétend d'abord que la Cour de justice a violé l'art. 125 CC en
le condamnant à verser une pension de 4'000 fr. à la demanderesse, sans
limitation dans le temps.

2.1 Selon l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un
époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris la
constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit
une contribution équitable. Cette disposition concrétise deux principes:
d'une part, celui du "clean break", qui veut que, dans la mesure du possible,
chaque époux doive acquérir son indépendance économique et subvenir lui-même
à ses propres besoins après le divorce; d'autre part, celui de la solidarité,
qui implique que les conjoints sont responsables l'un envers l'autre non
seulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage a pu
avoir sur la capacité de gain de l'un d'eux, mais également des autres motifs
qui empêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien (cf. Message
du Conseil fédéral du 15 novembre 1995 concernant la révision du code civil
suisse, FF 1996 I, n. 144.6 p. 31-32). L'obligation d'entretien repose donc
sur les besoins de l'époux demandeur. Si l'on ne peut attendre de lui qu'il
augmente sa capacité de travail ou reprenne une activité lucrative
interrompue à la suite du mariage, une contribution lui est due pour assurer
son entretien convenable. Dans son principe, comme dans son montant et sa
durée, cette allocation doit être fixée en tenant compte des éléments
énumérés de façon non exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC. Le juge doit ainsi
prendre en considération les expectatives de l'assurance-vieillesse et
survivants et de la prévoyance professionnelle ou d'autres formes de
prévoyance privée ou publique, y compris le résultat prévisible du partage
des prestations de sortie (ch. 8).

2.2 En l'espèce, la Cour de justice a constaté que la demanderesse avait
élevé quatre enfants, que le mariage avait duré plus de vingt ans, que le
niveau de vie des conjoints durant le mariage était plutôt élevé, que l'époux
était âgé de 63 ans et l'épouse de 48 ans, qu'une prise en charge des enfants
de quatorze et dix-huit ans devrait encore être assurée s'ils effectuaient
des études supérieures et régulières, et que la demanderesse avait une
formation universitaire. Sur la base des fiches de paye de l'époux pour les
mois de juin 1999 à février 2000, elle a retenu qu'il touchait un salaire
mensuel net de 13'197 fr. 80. S'agissant de l'épouse, elle a constaté que
celle-ci n'avait pas établi, par certificat médical ou autre pièce, son
incapacité d'exercer une activité lucrative en raison du diabète et du
handicap au bras gauche dont elle souffre. Elle lui a attribué une capacité
de gain mensuelle minimum de 1'675 fr. 20, correspondant au montant des
indemnités de chômage qu'elle a perçues en avril 2001. Elle a finalement jugé
qu'il n'y avait pas lieu de limiter dans le temps la contribution d'entretien
en faveur de la demanderesse afin que celle-ci trouve un emploi. Considérant
les revenus et charges des parties, elle a estimé que le mari pouvait
raisonnablement payer une rente mensuelle de 4'000 fr. à sa femme.

2.3
2.3.1Lorsqu'il soutient que la demanderesse est en mesure de subvenir seule à
ses besoins, qu'elle est responsable de ce que ses revenus actuels sont
insuffisants pour maintenir son train de vie antérieur, puisqu'elle a choisi
de consacrer son temps à du bénévolat plutôt qu'à une activité lucrative, ce
qui justifierait l'application de l'art. 125 al. 3 ch. 2 CC, le défendeur
s'en prend, de manière irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ; cf. consid. 1.3
ci-dessus), à l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la Cour de
justice à partir d'éléments concrets, ainsi qu'à la constatation de fait qui
en est résultée, c'est-à-dire que la demanderesse a une capacité de gain
mensuelle estimée à 1'675 fr. 20. En effet, la question de savoir si, et dans
quelle mesure, une personne est apte à exercer un emploi, ainsi que celle
relative au revenu qu'elle pourrait réaliser (revenu hypothétique) relèvent
du fait et ne peuvent être remises en cause par la voie du recours en réforme
(ATF 128 III 4 consid. 4c/bb p. 7; 126 III 10 consid. 2b p. 12-13).

Il ne peut pas non plus être entré en matière sur l'argument de la
demanderesse selon lequel on ne peut déduire sa capacité lucrative des
indemnités de chômage qu'elle a reçues, celles-ci lui ayant été versées en
vertu de l'art. 14 al. 2 LACI, dès lors qu'il s'agit d'une critique dirigée
contre une constatation de fait, voire l'allégation d'un fait nouveau.

2.3.2 Des constatations de la cour cantonale, il ressort que le mariage a
duré plus de vingt ans, que la demanderesse est âgée de 48 ans, qu'elle a
élevé quatre enfants, dont le plus jeune n'a que quatorze ans, et qu'elle est
apte à réaliser un revenu mensuel de 1'675 fr. 20. Dans ces conditions, on ne
voit pas en quoi l'allocation d'une contribution d'entretien non limitée dans
le temps serait contraire au droit fédéral.

Dans la mesure où le défendeur semble prétendre que la capacité de gain de la
demanderesse est en réalité plus élevée, son grief est irrecevable, puisqu'il
s'écarte des faits retenus par l'autorité cantonale. Au surplus, les
exigences de motivation posées par l'art. 55 al. 1 let. c OJ ne sont pas
satisfaites.

2.3.3 En revanche, c'est avec raison que le défendeur soutient que les juges
cantonaux auraient dû considérer l'incidence du partage de sa prestation de
sortie sur ses revenus à partir de son accès à la retraite, le 31 octobre
2003, pour fixer la pension de l'épouse dès cette date. Alors que, parmi les
critères qu'elle a indiqué retenir, la Cour de justice a explicitement
mentionné celui des perspectives de gain des époux dans l'optique de la
retraite du mari en 2003, elle a ensuite négligé cet aspect, fondant ses
calculs sur le salaire du défendeur au moment de sa décision. Partant, elle a
violé l'art. 125 al. 2 ch. 8 CC.

Pour ce motif, la cause doit donc être renvoyée à l'autorité cantonale pour
qu'elle complète ses constatations et, sur la base de celles-ci, fixe à
nouveau le montant de la contribution à l'entretien de l'épouse pour la
période au-delà du 31 octobre 2003, lorsque le défendeur sera retraité (art.
64 al. 1 OJ).

3.
Le défendeur prétend ensuite que la cour cantonale a violé le droit fédéral
en le condamnant à payer à la demanderesse une pension de 900 fr. en faveur
de son fils A.________, né le 14 juillet 1983, pour la période postérieure à
sa majorité. Le juge ne pourrait fixer une contribution à l'entretien d'un
enfant pour la période au-delà de l'accès à la majorité que si celui-ci est
encore mineur au moment du jugement. S'il est devenu majeur en cours de
procédure, le représentant légal n'aurait plus la "qualité pour agir".

3.1 En vertu de l'art. 133 al. 1 CC, le juge doit notamment arrêter, d'après
les dispositions régissant les effets de la filiation, la contribution
d'entretien due à l'enfant par le parent qui n'a pas l'autorité parentale
(1ère phrase); "la contribution d'entretien peut être fixée pour une période
allant au-delà de l'accès à la majorité" (2e phrase).

3.1.1 Une norme juridique doit être interprétée en premier lieu selon sa
lettre. Lorsque son sens littéral est clair et univoque, l'autorité qui doit
l'appliquer est en principe liée. Si le texte n'est pas absolument clair, si
plusieurs interprétations sont possibles, il faut alors rechercher la
véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à
considérer, ainsi les travaux préparatoires, le but et l'esprit de la règle,
les valeurs sur lesquelles elle repose, ou encore sa relation avec d'autres
dispositions légales. Pour rendre une décision répondant de manière optimale
au système et au but de la loi, le Tribunal fédéral utilise, de manière
pragmatique, une pluralité de méthodes, sans fixer entre elles un ordre de
priorité (ATF 125 II 238 consid. 5a p. 244 et les arrêts cités).

3.1.2 L'art. 133 al. 1 1ère phrase CC énumère les questions relatives au sort
des enfants que le juge du divorce doit trancher (cf. art. 279 al. 3 CC),
ainsi la contribution d'entretien due à l'enfant par le parent qui n'a pas
l'autorité parentale. La deuxième phrase de l'art. 133 al. 1 CC précise que
cette contribution peut être fixée pour une période allant au-delà de l'accès
à la majorité. Il résulte du sens littéral de cette norme que le juge doit
fixer la contribution d'entretien pour la minorité de l'enfant - ce qui est
la règle -, et qu'il peut aussi le faire pour la période allant au-delà de
l'accès à la majorité. Le texte légal n'indique toutefois pas expressément
qui peut réclamer la pension en faveur de l'enfant,   ni qui peut le faire
lorsque l'enfant mineur devient majeur au cours du procès.

Les dispositions relatives aux effets de la filiation (art. 270 ss CC)
prévoient que la qualité pour agir en paiement de contributions d'entretien
appartient à l'enfant (art. 279 al. 1 CC). Dès lors, si l'enfant est majeur
et a la capacité d'ester en justice (Prozessfähigkeit), il peut mener
lui-même le procès (ou désigner lui-même un mandataire à cet effet). S'il est
mineur, il a la capacité d'être partie (Parteifähigkeit), mais est dépourvu
de celle d'ester en justice et doit donc être représenté en procédure par son
représentant légal (art. 304 CC). Lorsqu'il devient majeur en cours de
procédure, le pouvoir de son représentant légal s'éteint; l'enfant doit alors
poursuivre lui-même le procès. Cette réglementation n'est pas applicable dans
le cadre d'un divorce, puisque l'enfant n'est normalement pas partie à cette
procédure, qui oppose ses parents. L'art. 279 al. 3 CC réserve d'ailleurs
expressément la compétence attribuée au juge du divorce par les dispositions
en la matière. Par conséquent, pour déterminer qui peut agir en paiement de
la contribution d'entretien de l'enfant, et ce qu'il advient de cette faculté
lorsque l'enfant mineur accède à la majorité au cours du procès de divorce,
il convient de rechercher le sens de l'art. 133 al. 1 CC en recourant aux
moyens d'interprétation mentionnés plus haut. Ces questions relèvent en effet
du droit fédéral, et non du droit cantonal: puisque l'art. 279 al. 1 CC règle
de manière générale la question de la qualité pour agir en paiement des
contributions d'entretien, et que l'art. 279 al. 3 CC réserve la
réglementation du divorce, la faculté de faire valoir les prétentions de
l'enfant doit être déduite de ce droit, en l'occurrence de l'art. 133 al. 1
CC; en outre, si le droit fédéral détermine qui a la faculté de poursuivre en
justice les prétentions de l'enfant, il doit aussi fixer quand cette faculté
s'éteint.

3.1.3 Selon une jurisprudence constante, dans le procès en divorce, le parent
auquel l'autorité parentale est attribuée fait valoir en son propre nom et à
la place de l'enfant mineur la contribution d'entretien due à celui-ci (ATF
112 II 199 consid. 2 p. 202; 109 II 371 consid. 4 p. 372/373; 107 II 465
consid. 6b p. 473). De manière générale, la jurisprudence a en effet toujours
admis que le détenteur de l'autorité parentale puisse exercer en son propre
nom les droits de l'enfant mineur (ATF 84 II 241 p. 245; 90 II 351 consid. 3
p. 355/356; cf. art. 318 al. 1 CC). Cette faculté de poursuivre en justice en
son propre nom le droit d'un tiers à la place de celui-ci est désignée par la
doctrine de langue allemande par les termes de "Prozessstandschaft" ou
"Prozessführungsbefugnis" (cf. Guldener, Schweizerisches Zivilprozessrecht,
3e éd., 1979, p. 142; Staehelin/Sutter, Zivilprozessrecht, Zurich 1992, §9 n.
22 p. 84; Hegnauer, Berner Kommentar, n. 125 s. ad art. 279/280 CC;
Hinderling/Steck, Das Schweizerische Ehescheidungsrecht, Zurich 1995, p. 457
s.).
3.1.4 Puisque cette faculté du parent présuppose qu'il ait l'autorité
parentale, elle ne devrait logiquement porter que sur les pensions
antérieures à la majorité de l'enfant. Le législateur en a toutefois décidé
autrement. Lors de la modification du code civil du 7 octobre 1994, entrée en
vigueur le 1er janvier 1996 (RO 1995 1126), par laquelle l'âge de la majorité
civile et matrimoniale a été abaissé de vingt à dix-huit ans, les Chambres
fédérales ont complété l'art. 156 al. 2 aCC par une deuxième phrase énonçant
que "la contribution d'entretien peut aussi être maintenue au-delà de l'âge
de la majorité" (BO 1993 CE 662; BO 1994 CN 1144), adjonction que ne
proposait pas le projet du Conseil fédéral (FF 1993 I 1115 ss). En étendant
ainsi la faculté d'agir du parent détenteur de l'autorité parentale, le
législateur a voulu éviter que l'abaissement de l'âge de la majorité ne
compromît la formation des jeunes gens, en contraignant l'enfant devenu
adulte à ouvrir en son propre nom une action indépendante contre son parent
(BO 1993 CE 662, BO 1994 CN 1144). Avant l'introduction de cette disposition
dans la loi, la jurisprudence avait d'ailleurs déjà admis, pour des motifs
d'opportunité et d'économie de procédure, que le juge du divorce puisse
fixer, dans certaines circonstances exceptionnelles bien précises, la
contribution d'entretien pour la période postérieure à la majorité de
l'enfant (ATF 112 II 199 consid. 2 p. 203; 109 II 371 consid. 4 p. 374).
L'art. 133 al. 1 2e phrase CC a repris en substance le texte de l'art. 156
al. 2 2e phrase aCC (FF 1996 I 127). Le juge du divorce requis de fixer la
pension due à un enfant mineur doit donc le faire pour la période antérieure
à la majorité, et en a également la possibilité pour la période postérieure à
celle-ci. Interprété selon la volonté du législateur, l'art. 133 al. 1 2e
phrase CC confère donc au parent détenteur de l'autorité parentale la faculté
de demander, en son propre nom et à la place de l'enfant mineur
(Prozessstandschaft ou Prozessführungsbefugnis), des contributions
d'entretien non seulement pour la période précédant la majorité, mais
également pour la période suivant celle-ci.

3.1.5 Vu le but poursuivi par le législateur lors de l'introduction de l'art.
156 al. 2 2e phrase aCC, l'enfant mineur qui devient majeur au cours du
procès en divorce ne doit pas non plus être forcé d'ouvrir une action
indépendante contre son parent. Il convient donc d'admettre que la faculté
d'agir du parent qui détient l'autorité parentale (Prozessstandschaft ou
Prozessführungsbefugnis) perdure au-delà de la majorité de l'enfant, lorsque
celle-ci survient en cours de procédure. Cette solution est également
conforme au principe d'économie de procédure et présente l'avantage de
permettre au juge de fixer dans le même procès toutes les contributions
d'entretien, en faveur du conjoint, des enfants mineurs et des enfants
devenus majeurs durant la procédure.

Toutefois, comme l'enfant est désormais majeur, le procès - dans la mesure où
il porte sur les contributions d'entretien réclamées pour la période
postérieure à la majorité - ne peut pas être poursuivi contre ou sans sa
volonté. A l'instar du mineur capable de discernement qui doit être entendu
sur l'attribution de l'autorité parentale et les relations personnelles (art.
133 al. 2 et 144 al. 2 CC; FF 1996 I 145 n. 234.101; ATF 124 III 90 consid.
3; 120 Ia 369), l'enfant devenu majeur durant la procédure doit être
consulté. Cela présuppose que l'existence de l'action en divorce et les
conclusions prises pour son entretien après l'accès à la majorité contre
celui de ses parents qui n'avait pas l'autorité parentale lui soient
communiquées. Si l'enfant devenu majeur approuve les prétentions réclamées,
le procès est poursuivi par le parent qui détenait l'autorité parentale, le
dispositif du jugement devant toutefois énoncer que les contributions
d'entretien seront payées en mains de l'enfant.

3.2 En l'espèce, l'enfant A.________, qui a atteint l'âge de 18 ans le 14
juillet 2001, est devenu majeur au cours de la procédure d'appel cantonale,
avant le prononcé de l'arrêt de la Cour de justice intervenu le 21 décembre
2001. Il ne résulte pas des constatations de fait de la décision attaquée
qu'il aurait donné son accord aux prétentions réclamées par sa mère pour la
période allant au-delà de sa majorité. Il convient donc de renvoyer la cause
à l'autorité cantonale pour qu'elle complète l'état de fait et statue à
nouveau, conformément à l'art. 64 al. 1 OJ.

En outre, s'ils condamnent le défendeur à payer une contribution d'entretien
à son fils A.________, les juges cantonaux devront tenir compte du fait qu'il
sera retraité après le 31 octobre 2003 et que la modification de revenu qui
en résultera pourrait avoir une incidence sur le montant de la pension.

4.
Le défendeur reproche également à la Cour de justice de l'avoir astreint à
verser une contribution d'entretien de 900 fr. en faveur de sa fille mineure,
B.________, pour la période au-delà de sa majorité.

4.1 L'art. 133 al. 1 2e phrase CC ne précise pas à quelles conditions
matérielles une contribution d'entretien peut être fixée pour une période
allant au-delà de l'accès de l'enfant à la majorité (cf. Lüchinger/Geiser,
Basler Kommentar, n. 20 ad art. 156 aCC). Il n'est toutefois pas nécessaire
d'examiner ici cette question, vu le sort qui doit être réservé au grief.

4.2 En l'espèce, la Cour de justice a constaté que B.________ était âgée de
quatorze ans et qu'elle étudiait dans un collège genevois. Elle a retenu
qu'il était fortement probable que l'enfant suive l'exemple de ses soeurs
aînées et entreprenne une formation professionnelle après sa majorité.

En soutenant que l'âge de sa fille au moment du prononcé de l'arrêt entrepris
ne permettait pas de retenir avec certitude qu'elle allait faire des études
universitaires, le défendeur s'en prend à l'appréciation des preuves des
juges cantonaux et, partant, formule une critique irrecevable dans le cadre
d'un recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ; cf. consid. 1.3 ci-dessus).

Le grief relatif à la prise en compte de la situation financière du défendeur
après sa mise à la retraite ayant été admis, la cause doit néanmoins être
renvoyée à l'autorité cantonale (art. 64 al. 1 OJ), afin que le montant de la
contribution d'entretien pour la période après le 31 octobre 2003 soit
calculé en fonction des revenus qu'il touchera alors.

5.
Enfin, le défendeur reproche à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 121
al. 3 CC en attribuant à son ex-épouse un droit d'habitation sur la villa
dont il est propriétaire et en fixant, à titre de contre-prestation, une
indemnité mensuelle de 2'000 fr. seulement.

5.1 Selon l'art. 121 al. 3 CC, lorsque la présence d'enfants ou d'autres
motifs importants le justifient, le juge peut attribuer à l'un des époux un
droit d'habitation de durée limitée sur le logement de la famille qui
appartient à l'autre conjoint, pour autant qu'on puisse raisonnablement
l'imposer à ce dernier, et moyennant une indemnité ou une déduction équitable
de la contribution d'entretien.

Le principe et la durée du droit d'habitation au sens de l'art. 121 al. 3 CC
relèvent du pouvoir d'appréciation du juge (art. 4 CC). Celui-ci doit statuer
en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce, notamment en
pesant les intérêts divergents des époux et en considérant le bien des
enfants communs (cf. FF 1996 I, n. 233.3 p. 100; Sutter/Freiburghaus,
Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, n. 26 p. 157 ad art. 121
CC). Lorsqu'il examine une décision d'équité prise en dernière instance
cantonale, le Tribunal fédéral fait preuve de retenue et n'intervient que si
elle s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la
jurisprudence en matière de libre appréciation, ou si elle s'appuie sur des
faits qui ne devaient jouer aucun rôle, ou à l'inverse, si elle n'a pas tenu
compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il
sanctionne en outre les décisions qui aboutissent à un résultat manifestement
injuste ou à une iniquité choquante (ATF 127 III 153 consid. 1a p. 155, 351
consid. 4a p. 354; 126 III 223 consid. 4a p. 227/228).

5.2 Selon l'arrêt attaqué, un droit d'habitation d'une durée de trois ans en
faveur de l'épouse se justifie afin de permettre à celle-ci, qui a encore la
garde d'un enfant, de trouver un autre logement; en outre, le défendeur n'a
pas établi avoir besoin de sa maison pour ses obligations professionnelles.
Pour fixer à 2'000 fr. l'indemnité mensuelle équitable due par la
demanderesse, la Cour de justice s'est fondée sur les dernières pièces
produites par le défendeur dans la procédure cantonale, qui établissent des
charges hypothécaires de 2'325 fr. par mois.

5.3
5.3.1Lorsqu'il soutient que l'attribution d'un droit d'habitation sur une si
grande demeure est disproportionnée, compte tenu du fait que la demanderesse
y vit seule avec sa fille B.________, le défendeur formule une critique
irrecevable, puisqu'elle repose sur des faits qui ne résultent pas de l'arrêt
attaqué (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ; cf. consid. 1.3 ci-dessus).

Pour le reste, les critères retenus par la Cour de justice pour fonder le
principe et la durée du droit d'habitation n'indiquent pas qu'elle aurait
pris en compte des faits dénués d'importance ou, au contraire, ignoré des
circonstances pertinentes. Par ailleurs, le résultat auquel aboutit cette
décision ne peut être qualifié de manifestement injuste. Dans ces conditions,
on ne saurait reprocher aux juges cantonaux d'avoir outrepassé leur pouvoir
d'appréciation et violé le droit fédéral en reconnaissant à la demanderesse
un droit d'habitation durant trois ans.

5.3.2 En remettant en cause le montant de l'indemnité pour le motif que ses
charges hypothécaires s'élèveraient en réalité à plus de 3'800 fr. par mois,
au lieu des 2'325 fr. retenus, ce qu'il prétend avoir démontré, le défendeur
reproche à nouveau à la Cour de justice la façon dont elle a apprécié les
preuves, ce qui n'est pas admissible dans un recours en réforme (art. 55 al.
1 let. c OJ; cf. consid. 1.3 ci-dessus).

6.
En conclusion, puisque le défendeur obtient gain de cause s'agissant de la
contribution d'entretien en faveur de son fils, l'emporte partiellement
concernant les pensions dues à son ex-épouse et à sa fille, et succombe à
propos du droit d'habitation, les frais judiciaires sont mis pour un tiers à
sa charge et pour deux tiers à celle de la demanderesse (art. 156 al. 3 OJ).
Le défendeur et la demanderesse ont en outre droit à des dépens réduits dans
la même proportion et compensés à concurrence du montant le plus faible (art.
159 al. 3 OJ).

Selon une jurisprudence constante, le devoir de l'Etat d'accorder
l'assistance judiciaire à un plaideur impécunieux dans une cause non dénuée
de chances de succès est subsidiaire par rapport à l'obligation d'entretien
qui résulte des rapports entre époux. L'assistance judiciaire n'est donc pas
octroyée à une partie qui est en mesure d'avancer les frais de procès grâce à
la contribution d'entretien que lui doit son ex-conjoint (cf. arrêt
4C.249/1987 du 18 novembre 1987, consid. 2b; ATF 108 Ia 9 consid. 3 p. 10;
103 Ia 99 consid. 4 p. 101; 91 II 253 consid. 1 p. 255). Il appartenait dès
lors à la demanderesse d'établir non seulement qu'elle n'avait pas de
ressources propres, mais également que le défendeur ne pouvait satisfaire à
son obligation d'entretien en lui procurant les moyens nécessaires à sa
participation à la procédure fédérale de recours. Cette preuve n'ayant pas
été apportée, la première condition posée par l'art. 152 al. 1 OJ, à savoir
que la partie requérante soit dans le besoin, n'est pas réalisée, ce qui
suffit à rejeter la demande d'assistance judiciaire de la demanderesse. Il
convient en outre de relever que le fait que la demanderesse a plaidé devant
les juridictions cantonales au bénéfice de l'assistance judiciaire n'est pas
déterminant, puisque le Tribunal fédéral prend sa propre décision pour la
procédure fédérale en application de l'art. 152 OJ (ATF 122 III 392 consid.
3a p. 393).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable et
l'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il condamne le recourant à payer à
l'intimée, par mois et d'avance, la somme de 4'000 fr. à titre de
contribution à son entretien, la somme de 900 fr. à titre de contribution à
l'entretien de l'enfant A.________ et la somme de 900 fr. à titre de
contribution à l'entretien de l'enfant B.________ au-delà de sa majorité en
cas d'études sérieuses et régulières. La cause est renvoyée à l'autorité
cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

2.
L'arrêt attaqué est confirmé pour le surplus.

3.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimée est rejetée.

4.
Un émolument judiciaire de 1'800 fr. est mis pour un tiers à la charge du
recourant et pour deux tiers à la charge de l'intimée.

5.
L'intimée est condamnée à verser au recourant une indemnité de 1'200 fr. à
titre de dépens réduits.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, à
l'enfant A.________ et à la Cour de Justice de la République et Canton de
Genève.

Lausanne, le 26 septembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: