Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.270/2002
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5C.270/2002 /frs

Arrêt du 29 mars 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Meyer.
Greffière: Mme Mairot

X.________,
défendeur et recourant, représenté par Me Jean-Marc Gigon, avocat, rue de la
Synagogue 1, 2900 Porrentruy,

contre

Y.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Yves Richon, avocat, case postale
169, 2800 Delémont 1.

contribution à l'entretien d'un enfant majeur,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du
canton du Jura du 23 octobre 2002.

Faits:

A.
Y. ________, née le 30 avril 1982, a ouvert contre son père, X.________, une
action alimentaire fondée sur l'art. 277 al. 2 CC.

Par jugement du 25 juillet 2002, la Juge civile du Tribunal de première
instance du canton du Jura a condamné le défendeur à verser à sa fille, dès
le 1er janvier 2001, une contribution d'entretien de 400 fr. par mois jusqu'à
ce qu'elle termine, dans des délais normaux, sa formation d'avocate.

B.
Statuant le 23 octobre 2002 sur l'appel interjeté par le défendeur, la Cour
civile du Tribunal cantonal du canton du Jura a partiellement modifié le
jugement de première instance, en ce sens que la contribution d'entretien
sera versée jusqu'à ce que la demanderesse obtienne, dans des délais normaux,
sa licence en droit.

C.
Le défendeur exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt
du 23 octobre 2002. Il conclut à ce que la demanderesse soit déboutée de
toutes ses conclusions, partant, à ce qu'il soit libéré de toute obligation
d'entretien en sa faveur.

La demanderesse n'a pas été invitée à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue dans une
contestation civile par le tribunal suprême du canton, le recours est
recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ; la valeur litigieuse
atteint manifestement 8'000 fr., de sorte qu'il l'est aussi sous l'angle de
l'art. 46 OJ.

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur
les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste
(art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
régulièrement allégués et prouvés (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p.
252 et l'arrêt cité). En dehors de ces hypothèses, les griefs dirigés contre
les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est
livrée l'autorité cantonale (ATF 127 III 543 consid. 2c p. 547) - et les
faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Autant que le défendeur s'écarte des constatations de la cour cantonale sans
démontrer l'existence de l'une des exceptions susmentionnées, son recours est
irrecevable. Il en va ainsi lorsqu'il affirme que sa fille a totalement coupé
les ponts entre eux bien avant le prononcé du divorce, qu'elle n'arrive pas à
renouer avec lui une relation parentale adéquate et normale ou encore qu'elle
a déclaré devant la juge de première instance qu'elle n'avait rien à
reprocher à son père.

2.
Le défendeur prétend que l'autorité cantonale a appliqué l'art. 277 al. 2 CC
de façon erronée en le condamnant à verser une contribution d'entretien en
faveur de sa fille majeure, alors que celle-ci refuse tout contact avec lui.
Il soutient que la cour civile jurassienne ne pouvait opter pour une simple
réduction du montant de la contribution d'entretien, mais devait débouter la
demanderesse de l'intégralité de ses conclusions. En tout état de cause, les
juges cantonaux auraient dû exposer en quoi cette absence de relations
personnelles n'était pas imputable à sa fille.

2.1 Selon cette disposition, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier
1996 (RO 1995 1126), si, à sa majorité, l'enfant n'a pas encore de formation
appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances
permettent de l'exiger d'eux, subvenir à son entretien jusqu'à ce qu'il ait
acquis une telle formation, pour autant qu'elle soit achevée dans les délais
normaux. L'obligation d'entretien de l'art. 277 al. 2 CC dépend notamment des
relations personnelles entre les parents et l'enfant (cf. ATF 127 I 202
consid. 3f p. 207). L'inexistence de celles-ci attribuée au seul comportement
du demandeur d'aliments peut ainsi justifier un refus de la part des parents
de toute contribution (ATF 120 II 177 consid. 3c p. 179 et les arrêts cités);
admettre, dans de telles circonstances, le droit à l'entretien après la
majorité reviendrait en effet à réduire le débiteur au rôle de "parent
payeur", ce que n'a assurément pas voulu le législateur. Toutefois, une
réserve particulière s'impose lorsqu'il s'agit du manquement filial d'un
enfant de parents divorcés envers ceux-ci ou l'un d'eux; il faut tenir compte
des vives émotions que le divorce des parents peut faire naître chez l'enfant
et des tensions qui en résultent normalement sans qu'on puisse lui en faire
le reproche. Néanmoins, si ce dernier persiste, après être devenu majeur,
dans l'attitude de rejet adoptée lors du divorce envers le parent qui n'avait
pas la garde, bien que celui-ci se soit comporté correctement envers lui,
cette attitude inflexible lui est imputable à faute (cf. ATF 113 II 374
consid. 4 p. 378 ss).

2.2 En l'espèce, il est constant que le père et la fille ont cessé
d'entretenir des contacts. Les faits retenus par l'autorité cantonale ne
permettent toutefois pas d'affirmer que l'un ou l'autre d'entre eux serait
totalement responsable de cette situation. Il résulte certes de l'arrêt
entrepris que le montant de 400 fr. par mois arrêté en première instance
tient compte de la situation économique des parties et du fait que la
demanderesse "refuse toute relation avec son père". Selon l'autorité
cantonale, il n'est toutefois pas établi que cette absence de liens
personnels soit exclusivement imputable à la demanderesse (et non pas, comme
le prétend le défendeur, que l'inexistence de ceux-ci puisse être attribuée
au seul comportement de sa fille). Ce faisant, les juges cantonaux ont
procédé à une appréciation des preuves qui ne peut être remise en cause dans
le recours en réforme (cf. supra, consid. 1.2). Dans la mesure où le
défendeur paraît soutenir que la demanderesse s'est soustraite de manière
coupable à l'accomplissement des devoirs qui lui incombent en vertu du droit
de la famille, il s'en prend, de manière irrecevable, à l'état de fait de
l'arrêt entrepris. Son grief ne peut dès lors qu'être écarté, sans qu'il y
ait lieu d'examiner s'il est conforme à l'art. 277 al. 2 CC de réduire la
contribution d'entretien lorsque l'absence de relations personnelles entre le
parent concerné et l'enfant majeur est en partie imputable à ce dernier.

3.
Dans un second moyen, le défendeur se plaint d'une violation de l'art. 280
al. 2 CC. Il expose que la maxime d'office prévue par cette disposition ne
s'applique pas dans le cadre du procès alimentaire intenté par un enfant
majeur contre l'un de ses parents. L'autorité cantonale ne pouvait ainsi
fixer le point de départ de l'obligation d'entretien au 1er janvier 2001, la
demande ayant été déposée le 14 janvier 2002. Il se plaint en outre sur ce
point d'une violation de l'art. 8 CC, dès lors qu'il incombait à la
demanderesse de démontrer qu'elle n'encourait pas de faute au sujet de leur
absence de relations personnelles, et non à lui d'apporter la preuve du
contraire.

3.1 Selon l'art. 55 al. 1 let. c OJ, les motifs à l'appui des conclusions
doivent indiquer succinctement quelles sont les règles de droit fédéral
violées par la décision entreprise et en quoi consiste cette violation. S'il
n'est pas nécessaire de citer expressément les dispositions ou les principes
de droit fédéral qui auraient été violés (ATF 116 III 745 consid. 3 p. 749 et
les références), ce n'est que dès l'instant où une conclusion est motivée de
façon satisfaisante au regard de l'art. 55 al. 1 let. c OJ que la règle selon
laquelle le Tribunal fédéral applique le droit d'office intervient (art. 63
al. 3 OJ; Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire,
n. 3.3 ad art. 63; cf. aussi Messmer/ Imboden, Die eidgenössischen
Rechtsmittel in Zivilsachen, n. 114 et 120).

3.2 En l'occurrence, la motivation du recours ne permet pas de comprendre en
quoi le défendeur considère la décision entreprise comme contraire au droit
fédéral. Il indique certes que l'art. 280 al. 2 CC aurait été violé, mais ne
précise pas pour quelle raison la fixation du dies a quo de la contribution
d'entretien au 1er janvier 2001 contreviendrait à cette disposition. Se
référant à la jurisprudence (ATF 118 II 93), il se borne à soutenir que
lorsqu'il s'agit d'arrêter la contribution d'entretien d'un enfant majeur, la
procédure n'est pas soumise à la maxime d'office. Mais il n'expose pas de
quelle manière cette règle aurait été enfreinte par la Cour civile, affirmant
seulement que les juges cantonaux "n'avaient pas le droit de tenir compte de
faits non allégués". On ne voit dès lors pas pourquoi la référence à l'art.
280 al. 2 CC serait pertinente.

Au demeurant, le défendeur - qui est représenté par un avocat - se limite à
contester le point de départ de la contribution d'entretien, sans prendre de
conclusions formelles à ce sujet. Il est vrai que les modifications demandées
doivent résulter de l'acte de recours et pas nécessairement des conclusions
stricto sensu (cf. Poudret, op. cit., n. 1.4.1.3 ad art. 55). En
l'occurrence, la motivation du recours n'est toutefois guère explicite. Le
défendeur se contente en effet d'alléguer que la contribution d'entretien ne
saurait être versée dès le 1er janvier 2001 alors que la demande a été
déposée le 14 janvier 2002, sans dire clairement à partir de quand cette
obligation pourrait, selon lui, être mise à sa charge. Par conséquent, le
grief ne remplit pas les conditions de recevabilité de l'art. 55 al. 1 let. c
OJ.
Quant au moyen tiré de l'art. 8 CC, il tombe manifestement à faux et est par
conséquent irrecevable, l'autorité cantonale n'ayant pas retenu que la
demanderesse n'était pas responsable de l'inexistence de liens personnels
avec son père, mais seulement que cette situation ne lui était pas
exclusivement imputable. Fût-il recevable, le grief serait de toute manière
infondé. En effet, selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne
prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son
droit. Dès lors que le défendeur justifie son refus de verser toute
contribution d'entretien à la demanderesse en invoquant le prétendu
manquement filial de celle-ci à son égard, il lui appartenait d'en rapporter
la preuve, un tel comportement n'étant pas présumé par l'art. 277 al. 2 CC.

4.
En conclusion, le recours se révèle entièrement irrecevable. Les frais
judiciaires seront supportés par le recourant, qui succombe (art. 156 al. 1
OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, une réponse n'ayant pas été
requise.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 29 mars 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: