Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.265/2002
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5C.265/2002 /frs

Arrêt du 1er avril 2003
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Escher, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Dominique Henchoz, avocate, Python
Schifferli Peter & Associés, rue Massot 9, 1206 Genève,

contre

Dame X.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Christine Gaitzsch, avocate, 3,
place de la Taconnerie, 1204 Genève.

divorce,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 11 octobre 2002.

Faits:

A.
X. ________, né en 1960, et dame X.________, née en 1965, se sont mariés le
30 août 1990 à Onex sous le régime de la séparation de biens. De leur union
sont issues les enfants A.________, née en  1991, B.________, née en 1992, et
C.________, née en 1994.

Les époux X.________ vivent séparés de fait depuis le mois d'octobre 1995. En
1997, ils ont réglé, à l'amiable et par écrit, les modalités de cette
séparation. L'épouse a ainsi assumé la garde des enfants, que le mari a pris
en charge un week-end sur deux du vendredi soir au dimanche soir et, chaque
semaine, du mardi soir au mercredi soir, ainsi que la moitié des vacances
scolaires. Le mari s'est engagé à verser à son épouse une somme mensuelle de
10'900 fr. nette d'impôts à titre de contribution forfaitaire d'entretien de
la famille, et à prendre en charge l'intégralité des frais d'école privée et
de cantine de ses filles. Il a en outre accordé à son épouse la jouissance
gratuite d'un appartement de 280 m2, avec un jardin de quelque 1'500 m2, sis
à Genève, qu'il a acquis en son propre nom mais pour son épouse et ses
enfants. Cet appartement pourrait être loué à un tiers pour 6'000 fr. par
mois au minimum.

B.
Administrateur et associé de diverses sociétés notamment dans le domaine
immobilier, le mari perçoit des revenus très élevés et bénéficie d'une
situation financière extrêmement aisée. Son revenu fiscal net pour l'année
1999 se montait à 1'839'668 fr. Dans le cadre de la procédure de divorce, il
a déclaré ne pas disposer d'éléments de fortune notables. Sa prestation de
libre passage LPP s'élevait à 13'243 fr. au 1er janvier 2001 et à 31'213 fr.
au 31 mars 2002.

L'épouse est architecte diplômée, profession qu'elle exerce à temps partiel.
Son revenu annuel, comme indépendante, était de 20'000 fr. environ entre 1995
et 1999. Elle est aujourd'hui salariée, à raison de 3'481 fr. 60 net par
mois, d'une société anonyme fondée en été 2000 dont elle est actionnaire à
raison de 49% et où elle travaille à 60%. Sa prestation de libre passage LPP
s'élevait à 3'798 fr. 20 au 28 février 2002.
Les enfants déjeunent à midi à leur école privée, et leur mère dispose à
plein temps d'une employée de maison qui s'occupe également d'eux.

C.
Le 29 novembre 2000, le mari a saisi le Tribunal de première instance du
canton de Genève d'une demande unilatérale en divorce, sur le principe duquel
l'épouse a déclaré consentir. Les parties ont alors déposé des conclusions
communes sur la plupart des effets accessoires de leur divorce. Seul a
subsisté un désaccord sur le principe et la quotité de la contribution
d'entretien en capital de 350'000 fr. réclamée par l'épouse.

Par jugement du 6 février 2002, le Tribunal de première instance a notamment
prononcé le divorce (1), attribué la garde ainsi que l'autorité parentale sur
les enfants à la mère (2) et réservé au père un droit de visite selon les
modalités déjà exercées pendant la séparation de fait (3). Il a en outre
donné acte au mari de son engagement de verser pour l'entretien de chacun de
ses enfants, jusqu'à leur majorité, une contribution mensuelle indexée de
3'440 fr., allocations familiales non comprises (4), de payer la totalité des
frais d'école privée et de cantine de ses enfants (5) et de concéder et
d'inscrire au Registre foncier, en faveur de son épouse, un droit
d'habitation valable jusqu'au 31 janvier 2012 sur l'appartement de Genève
(6). Par ailleurs, le Tribunal a donné acte au mari de son accord de partager
par moitié les prestations de sortie de son institution de prévoyance
accumulées pendant la durée du mariage (7) et a ordonné en conséquence à
ladite institution de transférer la somme de 6'622 fr. sur le compte LPP
ouvert par l'épouse (8). Il a en revanche débouté cette dernière de ses
conclusions tendant au paiement d'une contribution d'entretien en capital de
350'000 fr., dont 100'000 fr. qu'elle réclamait "aux fins de pallier aux
spectaculaires lacunes de la prévoyance professionnelle de [son mari]".

D.
La défenderesse a appelé de ce jugement devant la Cour de justice du canton
de Genève. Elle a conclu préalablement à ce que le demandeur fût invité à
verser à la procédure tous documents attestant du montant de la prestation de
libre passage accumulée pendant le mariage, et à ce qu'il lui fût donné acte
qu'elle avait requis les mêmes renseignements la concernant, qu'elle
communiquerait à la cour. Sur le fond, la défenderesse a conclu avec dépens à
la réforme du jugement de première instance en ce sens que fût ordonné le
transfert en sa faveur de la moitié de la prestation de sortie LPP accumulée
par le demandeur, après déduction de la moitié de la prestation accumulée par
elle-même (1), et que le demandeur fût condamné à lui verser une somme de
250'000 fr. au titre de contribution d'entretien capitalisée sur dix ans (2),
ainsi qu'une contribution d'entretien supplémentaire de 100'000 fr., dont à
déduire la somme lui revenant dans le partage des prestations de sortie LPP,
à charge pour elle d'affecter cette somme à sa prévoyance professionnelle
(3).

Par arrêt du 11 octobre 2002, la Chambre civile de la Cour de justice a
annulé les points 7 et 8 du dispositif du jugement de première instance.
Statuant à nouveau sur ces points, elle a donné acte au demandeur de son
accord de partager par moitié les prestations de sortie LPP, a ordonné à
l'institution de prévoyance du demandeur de transférer la somme de 13'800 fr.
sur le compte LPP de la défenderesse et a condamné le demandeur à verser à la
défenderesse un montant de 86'200 fr. destiné à sa prévoyance (7); elle a en
outre condamné le demandeur à verser à la défenderesse, à titre de
contribution à son entretien post-divorce, la somme de 3'600 fr. par mois
jusqu'à ce que la cadette des enfants ait atteint sa majorité (8).

E.
La motivation de cet arrêt peut être résumée comme suit :
E.aS'agissant tout d'abord du partage des prestations de sortie LPP (art. 122
al. 1 CC), l'autorité cantonale, constatant que le demandeur avait
expressément accepté en appel qu'un montant de 13'800 fr. (correspondant à la
moitié de sa prestation de libre passage sous déduction de la moitié de celle
de la défenderesse) fût transféré à la défenderesse, a décidé de fixer à
13'800 fr. le montant auquel la défenderesse avait droit dans ce contexte.

E.b S'agissant de la contribution d'entretien après le divorce réclamée par
la défenderesse, la Cour de justice a préalablement écarté deux arguments
soulevés par le demandeur dans ses écritures d'appel en relation avec
l'appartement de Genève En premier lieu, elle a constaté que le demandeur,
qui faisait valoir que la défenderesse vivait dans ledit appartement avec son
compagnon, n'avait fourni aucun élément précis quant à la nature et à la
durée de cette relation, de sorte qu'il ne pouvait invoquer la jurisprudence
sur la perte du droit à la contribution d'entretien en cas de concubinage
qualifié, soit d'une durée d'au moins cinq ans. En deuxième lieu, considérant
que le droit d'habitation sur l'appartement de Genève avait été concédé
largement pour le bénéfice des enfants, la cour cantonale a estimé que ce
droit ne représentait pas à proprement parler une contribution d'entretien en
faveur de la défenderesse, mais qu'il s'agissait bien plutôt d'une libéralité
librement consentie par le demandeur en faveur de sa famille; partant, ce
droit d'habitation ne pouvait en aucune manière se substituer ou faire
obstacle — quant à son principe et à sa quotité — à l'octroi d'une
contribution d'entretien en faveur de la défenderesse.

E.c Les juges cantonaux ont ensuite rappelé que selon l'art. 125 al. 1 CC,
pour décider si une contribution d'entretien est allouée et pour en fixer, le
cas échéant, le montant et la durée, le juge retient en particulier les
éléments énumérés à l'alinéa 2 de cette disposition.

A cet égard, ils ont d'abord considéré, en ce qui concernait la répartition
des tâches pendant le mariage (art. 125 al. 2 ch. 1 CC) ainsi que l'ampleur
et la durée de la prise en charge des enfants qui devait encore être assurée
(art. 125 al. 2 ch. 6 CC), qu'à l'aube d'une carrière professionnelle dans le
domaine architectural, la capacité de gain de la défenderesse avait été
altérée par le temps consacré aux besoins du ménage; le mariage avait
concrètement conditionné sa situation sur le plan professionnel, et pour
l'avenir, les enfants étant encore adolescents, la défenderesse verrait le
développement de ses activités professionnelles ralenti et n'obtiendrait
qu'après plusieurs années son indépendance économique.

Quant à la durée du mariage (art. 125 al. 2 ch. 2 CC), les juges cantonaux
ont exposé qu'il ne s'agissait d'une circonstance objective pertinente que si
on pouvait en déduire que, par sa brièveté, le mariage n'avait pas été de
nature à modifier les habitudes de vie du conjoint qui réclamait une
contribution d'entretien. Or en l'espèce, on n'était manifestement pas en
présence d'un mariage de courte durée au sens où l'entendait la
jurisprudence.

S'agissant enfin des revenus et de la fortune des époux (art. 125 al. 2 ch. 5
CC), la Cour de justice a constaté que la défenderesse, qui ne disposait
d'aucune fortune personnelle, avait produit un ensemble de pièces chiffrant
ses revenus (salaire mensuel net de 3'481 fr. 60) et faisant état de ses
charges qu'elle avait détaillées. L'on ne pouvait en l'état, en tout cas
jusqu'à ce que ses trois enfants eussent passé le cap de l'adolescence voire
atteint leur majorité, exiger d'elle un effort supplémentaire en vue
d'améliorer sa situation financière. Quant au demandeur, il n'avait — malgré
l'injonction du premier juge — pas produit de justificatifs sur sa situation
financière actuelle, mais s'était borné à déclarer avoir réalisé en 1999 un
revenu fiscalement imposable de 1'839'668 fr.; en tout état de cause, la
nature de ses activités professionnelles et le fait qu'il animait de
nombreuses sociétés laissait entendre qu'il disposait de fonds importants; il
ne contestait d'ailleurs pas être en mesure de verser le montant de 350'000
fr. réclamé par la défenderesse.

E.d Eu égard à l'ensemble de ces éléments, les juges cantonaux ont estimé que
le principe d'une contribution d'entretien en faveur de la défenderesse
devait être admis. Pour en chiffrer le montant, la défenderesse faisait
valoir que sa situation financière après le divorce s'était péjorée à
concurrence d'au moins 4'500 fr. par mois; d'autre part, la somme de 250'000
fr. qu'elle réclamait à titre de contribution d'entretien capitalisée sur dix
ans correspondait à la charge fiscale que le demandeur avait jusqu'ici assumé
en sa faveur (3'625 fr. par mois). La Cour de justice a fait droit à cette
argumentation, considérant qu'il était au demeurant raisonnable que le
demandeur continuât à assumer, par le biais d'une contribution post-divorce à
l'entretien de son ex-épouse, l'impact fiscal des contributions versées aux
enfants.

Dès lors qu'aucun motif particulier ne justifiait le versement du montant de
250'000 fr. sous forme d'un capital (cf. art. 126 al. 2 CC), la cour
cantonale a estimé qu'une rente de 3'600 fr. par mois représentait une
contribution équitable dans la mesure où elle permettrait à la défenderesse
de jouir d'un niveau de vie convenable, comparable, pendant la durée encore
nécessaire à l'éducation de ses trois enfants et jusqu'à leur majorité
(correspondant à l'échéance du droit d'habitation), à celui qu'elle avait
connu durant son mariage. Son montant capitalisé sur dix ans correspondait
d'ailleurs (ce qui n'avait pas formellement été contesté par le demandeur) à
ce que les époux avaient envisagé lors de leurs discussions préalables à
l'ouverture de l'action en divorce.

E.e Concernant le montant réclamé par la défenderesse à titre de perte de
prévoyance, la cour cantonale a constaté que le statut du demandeur en tant
qu'associé de la société en nom collectif X.________ & Cie avait fait perdre
à la défenderesse une part conséquente des avoirs LPP que son mari aurait
accumulés au cours du mariage s'il avait cotisé à une institution de
prévoyance sous forme de cadre supérieur d'une entreprise constituée sous
forme de société anonyme. C'était en effet en sa qualité
d'administrateur-délégué de la Société Y.________ SA (laquelle avait remplacé
X.________ & Cie) que le demandeur était au bénéfice d'une prestation de
libre passage de 31'213 fr. Par ailleurs, il ne ressortait de la procédure
aucun élément sur les dispositions qu'il aurait prises à l'époque où il était
associé de X.________ & Cie pour assurer sa prévoyance professionnelle, par
exemple dans le cadre d'un troisième pilier.

Or, pour les époux soumis au régime de la séparation de biens, une
compensation des lacunes de prévoyance individuelle se fondait sur l'art. 125
al. 2 ch. 8 CC, la constitution d'une prévoyance vieillesse et survivants et
invalidité étant une composante du devoir d'assistance selon l'art. 159 CC et
de l'entretien de la famille selon l'art. 163 CC.

Dès lors, les juges cantonaux ont fait droit aux conclusions de la
défenderesse visant à l'attribution d'un montant supplémentaire de 100'000
fr. (sous déduction des avoirs LPP déjà partagés), en exposant que ce montant
tenait compte à la fois des propres besoins de la défenderesse en matière de
prévoyance (art. 125 al. 2 ch. 8 CC) et, sans exagération (celui-ci ayant été
particulièrement discret sur ce point), de la capacité financière du
demandeur (art. 125 al. 2 ch. 5 CC).

Le demandeur disposant d'un patrimoine suffisant pour acquitter le montant
réclamé de 100'000 fr. sous forme de capital, la cour cantonale l'a condamné
à verser à la défenderesse la somme de 86'200 fr., compte tenu du montant de
13'800 fr. qu'il acceptait de verser à son ex-épouse en application de l'art.
122 CC.

F.
Contre l'arrêt de la Cour de justice, le demandeur exerce un recours en
réforme au Tribunal fédéral. Il conclut avec suite de dépens à la réforme de
cet arrêt en ce sens que la défenderesse n'a droit à aucune contribution
d'entretien après divorce au sens de l'art. 125 CC.

La défenderesse conclut avec suite de frais et dépens au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les droits contestés dans la dernière instance cantonale dépassent largement
la valeur d'au moins 8'000 fr. dont l'art. 46 OJ fait dépendre la
recevabilité du recours en réforme dans les contestations civiles portant sur
des droits de nature pécuniaire autres que ceux visés à l'art. 45 OJ. Le
recours est ainsi recevable sous cet angle. Déposé en temps utile contre une
décision finale prise par le tribunal suprême d'un canton et qui ne peut pas
être l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal, il est également
recevable du chef des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ.

2.
2.1 Le demandeur conteste d'abord le principe même d'une contribution
d'entretien en faveur de la défenderesse. Après avoir rappelé les principes
posés par la jurisprudence sur l'application de l'art. 125 CC, il reproche à
la cour cantonale d'avoir mal apprécié les critères fixés à l'art. 125 al. 2
CC dans le cas particulier (cf. consid. 2.1.1 infra) et de ne pas avoir pris
en compte la valeur économique du droit d'habitation sur l'appartement de
Genève pour fixer une déduction équitable de la contribution d'entretien (cf.
consid. 2.1.2 infra).

2.1.1 S'agissant d'abord du partage des tâches durant la vie commune et de
l'éducation des enfants (art. 125 al. 2 ch. 1 et 6 CC), le demandeur fait
valoir que si, pendant les cinq premières années du mariage, la défenderesse
s'est certainement occupée prioritairement des trois fillettes en bas âge,
elle est aidée depuis plusieurs années par une employée de maison à plein
temps. Par ailleurs, il ressort de l'arrêt attaqué que la défenderesse
entretient depuis 1999 une relation avec un avocat de la place, lui-même
divorcé, qui habite avec elle dans l'appartement de Genève et y accueille ses
propres enfants dans le cadre de son droit de visite (cf. arrêt attaqué, p.
6, 9 et 12). Or selon le demandeur, la présence au foyer d'un partenaire,
également père, permet certainement à la défenderesse de rationaliser
l'organisation de la famille. En outre, une relation stable et durable de ce
type, assimilable à un mariage et durant depuis maintenant trois ans, serait
considérée par la jurisprudence comme un élément pouvant être pris en compte
dans l'application de l'art. 129 al. 1 CC ou 130 al. 2 CC.

En ce qui concerne la durée du mariage (art. 125 al. 2 ch. 2 CC), le
demandeur critique l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle le
mariage des époux X.________ n'est manifestement pas un mariage de courte
durée. Il expose que selon la doctrine et la jurisprudence, c'est la durée de
fait du mariage qui importe dans l'évaluation de ce critère, une durée de
cinq ans étant considérée comme brève.

S'agissant enfin de la situation personnelle des époux et de leurs moyens
respectifs (art. 125 al. 2 ch. 5 et 7 CC), le demandeur soutient que les
juges cantonaux auraient dû justement prendre en compte, au regard de la
jurisprudence récente relativement stricte sur ce point (ATF 127 III 136
consid. 2a), les perspectives de gains que pourrait réaliser la défenderesse,
au vu de son âge, de sa formation et de l'assistance dont elle bénéficie dans
l'organisation de son quotidien.

2.1.2 le demandeur se plaint en outre de ce que les juges cantonaux,
considérant que le droit d'habitation sur l'appartement de Genève ne
représentait pas à proprement parler une contribution d'entretien en faveur
de la défenderesse mais bien plutôt une libéralité librement consentie par le
demandeur en faveur de sa famille, n'ont pas pris en compte la valeur
économique de ce droit d'habitation pour fixer une déduction équitable de la
contribution d'entretien, conformément à l'art. 121 al. 3 CC. le demandeur
soutient que d'après ses calculs, fondés sur une valeur locative mensuelle de
9'000 fr. et sur la table de capitalisation y2 de Stauffer/Schätzle, la
valeur du droit d'habitation sur dix ans équivaudrait à 912'600 fr.; dès
lors, même en considérant que ce droit d'habitation profite pour moitié aux
enfants et pour moitié à la défenderesse, l'autorité cantonale aurait dû
constater que la quotité de contribution qu'elle estimait nécessaire pour la
défenderesse (3'600 fr. par mois pendant dix ans) était éteinte par la
prestation supérieure (456'300 fr. sur dix ans) relative au logement de la
famille consentie par le demandeur.

2.2 Selon l'art. 125 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux
qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la
constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit
une contribution équitable (al. 1). Pour décider si une contribution
d'entretien est allouée et pour en fixer, le cas échéant, le montant et la
durée, le juge retient en particulier les éléments énumérés à l'alinéa 2 de
cette disposition.
L'art. 125 CC concrétise deux principes : dans toute la mesure du possible,
chaque conjoint doit subvenir lui-même à ses propres besoins après le
divorce; il doit être encouragé à acquérir sa propre indépendance économique
(principe du "clean break"). Pour parvenir à cette autonomie, qui peut avoir
été compromise par le mariage, l'une des parties peut toutefois être tenue de
fournir une contribution pécuniaire; les époux doivent supporter en commun
les conséquences de la répartition des tâches qu'ils ont convenue durant le
mariage (principe de la solidarité). Ainsi conçue, l'obligation d'entretien
repose principalement sur les besoins de l'époux demandeur; elle dépend du
degré d'autonomie que l'on peut attendre de ce dernier, à savoir de sa
capacité à s'engager dans la vie professionnelle ou à reprendre une activité
lucrative interrompue à la suite du mariage pour couvrir son entretien
convenable. A cet égard, comme lorsqu'il fixe le montant et la durée de la
contribution, le juge doit se fonder sur les éléments énumérés — de façon non
exhaustive — à l'art. 125 al. 2 CC (ATF 129 III 7 consid. 3.1; 127 III 136
consid. 2a et les références citées).

Comme sous l'ancien droit, la loi n'impose pas au juge de méthode de calcul
particulière pour fixer la quotité de la rente (Sutter/Freiburghaus,
Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, n. 118 ad art. 125 CC; FF
1996 I 119). La détermination de celle-ci relève du pouvoir d'appréciation du
juge du fait, qui applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC); à
cet égard, il n'y a violation du droit fédéral que si le juge a abusé de son
pouvoir d'appréciation, en se référant à des critères dénués de pertinence ou
en ne tenant pas compte d'éléments essentiels, ou bien encore si, d'après
l'expérience de la vie, le montant arrêté paraît manifestement inéquitable
(ATF 127 III 136 consid. 3a et les références citées). Cela étant, apprécier
ne signifie pas décider à sa guise; le choix du juge doit être motivé et
compréhensible (cf. arrêts non publiés 5C.100/2002 du 11 juillet 2002,
consid. 3.1, et 5C.278/2000 du 4 avril 2001, consid. 3b).

2.3 En l'occurrence, il n'apparaît pas que la cour cantonale ait abusé de son
pouvoir d'appréciation, ni qu'elle ait mal apprécié les critères fixés à
l'art. 125 al. 2 CC, en condamnant le demandeur à verser à la défenderesse
une contribution d'entretien de 3'600 fr. par mois jusqu'à ce que la cadette
des enfants ait atteint sa majorité.

2.3.1 Lorsqu'un époux qui a assuré la prise en charge des enfants pendant le
mariage (cf. art. 125 al. 2 ch. 1 CC) continuera à assurer cette prise en
charge après le divorce, il est évident que ses perspectives de gain se
trouvent sensiblement limitées de ce fait. C'est pourquoi la loi prévoit,
comme déjà la jurisprudence sous l'ancien droit (cf. ATF 115 II 6 consid.
3c), que cet élément doit être pris en considération pour apprécier dans
quelle mesure on peut raisonnablement attendre de lui qu'il pourvoie lui-même
à son entretien convenable (Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 21 ad art. 125
CC). En l'occurrence, il n'y a certainement pas d'abus du pouvoir
d'appréciation à considérer que la défenderesse, qui doit assurer la prise en
charge de trois enfants nées respectivement en 1991, 1992 et 1994, et qui
travaille déjà à 60%, ne peut être astreinte à un effort professionnel
supplémentaire en vue d'améliorer sa situation financière. En effet, selon
une jurisprudence bien établie, qui reste pleinement valable sous le nouveau
droit du divorce (arrêt non publié 5C.48/2001 du 28 août 2001, consid. 4b),
on ne peut admettre la possibilité de travailler à plein temps qu'après la
seizième année du plus jeune des enfants, et à temps partiel qu'après la
dixième année de celui-ci (ATF 115 II 6 consid. 3c et les références citées).
Selon la doctrine, ces limites d'âge devraient même être relevées dès qu'il y
a plus de deux enfants, en raison de la charge accrue qui en découle
(Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 22 ad art. 125 CC et les auteurs cités;
Ingeborg Schwenzer, in Schwenzer (éd.), Praxiskommentar Scheidungsrecht,
2000, n. 59 ad art. 125 CC).

Dès lors que la défenderesse travaille d'ores et déjà à 60% et que sa
capacité de gain demeurera conditionnée par l'ampleur et la durée de la prise
en charge des enfants qui doit encore être assumée, la durée du mariage ne
constitue guère en l'espèce une circonstance objective pertinente. Ce critère
est bien plutôt pertinent en relation avec les mariages de courte durée sans
enfants, où la renonciation d'un époux à exercer une activité lucrative
pendant le mariage n'affecte normalement pas sa capacité de se réinsérer dans
la vie professionnelle (cf. Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 26 et 29 ad
art. 125 CC;  Schwenzer, op. cit., n. 43 ad art. 125 CC; ATF 115 II 6 consid.
3a). En l'espèce, il est d'ailleurs incontestable que la situation de la
défenderesse a été concrètement conditionnée par le mariage, dans la mesure
où le train de vie qu'elle a encore mené pendant les quelque six années qui
ont suivi les cinq ans de vie commune résultait d'un accord amiable entre les
parties.

2.3.2 Pour déterminer l'entretien convenable au sens de l'art. 125 al. 1 CC,
il convient de tenir compte du niveau de vie des époux pendant le mariage
(art. 125 al. 2 ch. 3 CC). Le principe est que le standard de vie qui
prévalait pendant le mariage doit être maintenu dans la mesure où les
circonstances le permettent (Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 15 ad art. 125
CC), en tout cas lorsque, comme en l'espèce, ce mariage a durablement marqué
de son empreinte la situation économique de la partie nécessitant une
contribution d'entretien. Dans ce sens, le standard de vie marital choisi
d'un commun accord par les époux constitue la limite supérieure de
l'entretien convenable (Sutter/ Freiburghaus, op. cit., n. 15 ad art. 125
CC).
En l'espèce, l'arrêt attaqué ne constate pas quel était le niveau de vie des
époux pendant la vie commune, mais il ne paraît pas contesté que celui-ci
était très important, eu égard aux revenus très élevés et à la situation
financière extrêmement aisée du demandeur. Force est en tous les cas de
constater que la contribution d'entretien allouée par les juges cantonaux
permet seulement à la défenderesse de maintenir le niveau de vie qu'elle a
mené, selon un accord amiable entre les époux, pendant les quelque six années
de séparation de fait qui ont précédé le prononcé du divorce. En effet, selon
les constatations de l'arrêt attaqué, la défenderesse avait déjà la
jouissance de l'appartement de Genève et le demandeur assumait en sa faveur
la charge fiscale afférente aux contributions d'entretien pour les enfants,
charge qui représentait 3'625 fr. par mois et qui correspond ainsi à la
contribution après divorce de 3'600 fr. par mois allouée par la cour
cantonale. Partant, et en tenant ainsi pleinement compte du droit
d'habitation sur l'appartement de Genève, il n'apparaît pas que les limites
d'un entretien convenable soient dépassées en l'espèce. Par ailleurs, le
demandeur ne prétend pas que ses revenus — lesquels se montent, selon les
seules indications qu'il a lui-même fournies, à plus de 1'800'000 fr. par
année ou 150'000 fr. par mois — ne lui permettraient pas, tout en versant à
la défenderesse la contribution d'entretien fixée par la cour cantonale, de
maintenir pour lui-même le niveau de vie qui prévalait pendant le mariage.

2.3.3 Il résulte de ce qui précède que la décision de l'autorité cantonale
sur le principe et la quotité d'une rente d'entretien après divorce d'une
durée limitée en faveur de la défenderesse ne procède pas d'un abus de son
pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 125 CC. Il reste ainsi
dans ce contexte à examiner l'argument du demandeur tiré de la relation que
la défenderesse entretient depuis 1999 avec un nouveau partenaire.

2.4 L'art. 129 al. 1 CC, qui permet au juge de diminuer, supprimer ou
suspendre pendant une durée déterminée la rente si la situation du débiteur
ou du créancier change notablement et durablement, peut trouver application
lorsque le créancier vit dans un concubinage stable (cf. pour l'ancien droit
ATF 124 III 52). Cette disposition vise la modification du jugement de
divorce et n'est donc pas applicable lors de la fixation de la rente par le
juge du divorce. Il est toutefois admis que l'art. 126 al. 3 CC, aux termes
duquel le juge du divorce peut subordonner l'obligation de contribuer à
l'entretien à certaines conditions, permet de prévoir — par analogie avec
l'art. 129 al. 1 CC — une suspension conditionnelle de la rente déjà au
moment du prononcé du divorce (arrêt non publié 5C.296/2001 du 12 mars 2002,
consid. 3b/aa et les références citées).

Selon la jurisprudence rendue sous l'ancien droit, mais qui demeure
pertinente sous l'empire du nouveau droit, il faut entendre par concubinage
stable une communauté de vie d'une certaine durée, voire durable, entre deux
personnes de sexe opposé, à caractère en principe exclusif, qui présente une
composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois
également désignée comme communauté de toit, de table et de lit; le juge doit
dans tous les cas procéder à une appréciation de tous les facteurs
déterminants, étant précisé que la qualité d'une communauté de vie s'évalue
au regard de l'ensemble des circonstances de la vie commune (ATF 118 II 235
consid. 3b et les références citées; cf. ATF 124 III 52 consid. 2a/aa et les
arrêts cités). Il incombe au débiteur d'entretien de prouver que le créancier
d'entretien vit dans un concubinage stable avec un nouveau partenaire (ATF
118 II 235 consid. 3b); le Tribunal fédéral a toutefois posé la présomption —
réfragable — qu'un concubinage est stable lorsqu'il dure depuis cinq ans au
moment de l'ouverture de l'action en modification du jugement de divorce
("concubinage qualifié"; ATF 118 II 235 consid. 3a; 114 II 295 consid. 1c).

En l'espèce, le demandeur se borne à faire valoir que la défenderesse
entretient depuis 1999 une relation avec un avocat de la place, lui-même
divorcé, qui habite avec elle dans l'appartement de Genève. Comme le relève à
raison la cour cantonale, le demandeur ne fournit aucun élément précis sur la
nature de cette relation, qui durait depuis trois ans lorsque la cour
cantonale a statué, sans que l'on sache d'ailleurs depuis quand la
défenderesse et son nouveau partenaire ont fait ménage commun. Cela étant, la
Cour de justice ne peut se voir reprocher d'avoir considéré que le demandeur
n'avait pas apporté la preuve que la défenderesse vivait dans un concubinage
stable qui justifierait de ne pas lui allouer de contribution d'entretien.

3.
le demandeur reproche à la cour cantonale d'avoir excédé les compétences du
juge du divorce en matière de prévoyance professionnelle en le condamnant à
verser à son ex-épouse, sur la base de l'art. 125 al. 2 ch. 8 CC et en sus de
la contribution d'entretien mensuelle, un montant en capital au titre de la
prévoyance professionnelle.

3.1 Il découle de l'art. 163 CC que les époux contribuent, chacun selon ses
facultés, à l'entretien convenable de la famille, en convenant de la façon
dont chacun apporte sa contribution et en tenant compte des besoins de
l'union conjugale ainsi que de leur situation personnelle. L'art. 163 CC
impose à l'époux qui couvre les besoins économiques de la famille par le
revenu de son travail de se constituer une prévoyance appropriée, lui
permettant de continuer à pourvoir après sa retraite à l'entretien convenable
de la famille (Heinz Hausheer/ Ruth Reusser/Thomas Geiser, Berner Kommentar,
Band II/1/2, 1999, n. 19 ad art. 163 CC; Verena Bräm/Franz Hasenböhler,
Zürcher Kommentar, Band II/1c, 1998, n. 34 ad art. 163 CC; Marta Trigo
Trindade, Prévoyance professionnelle, divorce et succession, in SJ 2000 II
467 ss, 467 note 4; Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 17 ad art. 125 CC; ATF
116 II 101). Cette prévoyance inclut, outre l'AVS/AI (1er pilier) et selon la
nature de l'activité professionnelle et de la couverture nécessaire, la
prévoyance professionnelle (2e pilier) et la prévoyance privée sous forme
d'épargne individuelle (3e pilier), que celle-ci soit liée (3e pilier A) ou
libre (Bräm/Hasenböhler, op. cit., n. 34 ad art. 163 CC; Hausheer/
Reusser/Geiser, op. cit., n. 19 ad art. 163 CC).

3.2 Lorsque les conjoints ont adopté une répartition traditionnelle des
tâches pendant le mariage, dans lequel l'homme exerçait l'activité
professionnelle et constituait au moyen des revenus de cette activité la
prévoyance de l'union conjugale, la dissolution de cette union par le divorce
laisse l'épouse défavorisée sur le plan de la prévoyance, en raison du
rattachement de celle-ci à l'activité lucrative du mari (Jacques-André
Schneider/Christian Bruchez, La prévoyance professionnelle et le divorce, in
Le nouveau droit du divorce, publication CEDIDAC 41, 2000, p. 193 ss, 195;
Sutter/Freiburghaus, op. cit., Vorb. ad 122-124 CC, n. 10; Bräm/Hasenböhler,
op. cit., n. 52 ad art. 159 CC).
C'est pourquoi divers correctifs ont été mis en place par le législateur pour
répartir de manière équilibrée les expectatives de prévoyance en cas de
divorce. Ainsi, l'art. 122 CC prévoit en principe le partage par moitié des
prétentions en matière de prévoyance professionnelle acquises pendant le
mariage, l'art. 123 CC prévoyant des exceptions à ce partage par moitié et
l'art. 124 CC réglant le cas où les prétentions ne peuvent être partagées
(parce qu'un cas de prévoyance est déjà survenu ou pour d'autres motifs).
Ces dispositions prévues par le droit du divorce ne concernent que la
prévoyance professionnelle (2e pilier), à l'exclusion du premier et du
troisième pilier : Depuis la dixième révision de l'AVS, en vigueur depuis le
1er janvier 1997, le sort des expectatives du premier pilier est réglé
exclusivement, en cas de divorce également, par l'AVS/AI fédérale; quant au
troisième pilier, ce qu'un époux a épargné pendant le mariage — que ce soit
dans le cadre de la prévoyance privée libre ou de la prévoyance liée — doit
être partagé selon les règles du régime matrimonial auquel sont soumis les
époux (Thomas Geiser, Le nouveau droit du divorce et les droits en matière de
prévoyance professionnelle, in De l'ancien au nouveau droit du divorce, 1999,
p. 53 ss, 65; Hermann Walser, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2e éd.
2002, n. 4 ad art. 122 CC; Sutter/Freiburghaus, op. cit., Vorb. ad 122-124
CC, n. 13-15; Katerina Baumann/Margareta Lauterburg, in Schwenzer (éd.), op.
cit., n. 25-27 ad art. 122 CC).

3.3 Il résulte de ce qui précède que lorsque, comme en l'espèce, le conjoint
qui pourvoit (principalement) à l'entretien de la famille n'a pas (ou peu)
accumulé de prétentions de prévoyance professionnelle (2e pilier) parce qu'il
exerce (essentiellement) une activité lucrative indépendante, et que les
époux ont choisi le régime de la séparation de biens, le conjoint qui n'a pas
(ou peu) pu se constituer de prévoyance propre pendant le mariage se retrouve
en cas de divorce avec une prévoyance lacunaire (cf. ATF 129 III 7 consid.
3.2 p. 11). La question qu'il convient de résoudre ici est de savoir si de
telles lacunes peuvent être compensées par l'allocation d'une contribution
d'entretien après divorce au sens de l'art. 125 CC, comme l'a admis — à tort
selon le demandeur — la cour cantonale.

3.4 L'art. 125 al. 1 CC prévoit expressément que l'entretien convenable d'un
époux, auquel l'autre époux peut être tenu de contribuer après le divorce,
comprend la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée. En outre,
parmi les éléments que le juge doit retenir pour décider du principe et, le
cas échéant, du montant ainsi que de la durée de la contribution d'entretien,
la loi cite "les expectatives de l'assurance-vieillesse et survivants et de
la prévoyance professionnelle ou d'autres formes de prévoyance privée ou
publique, y compris le résultat prévisible du partage des prestations de
sortie" (art. 125 al. 2 ch. 8 CC).

Considérant que l'art. 125 CC ne vise clairement que l'entretien après le
divorce, comme l'indique son titre marginal, les auteurs du commentaire
bâlois estiment que cette disposition permet uniquement la mise à disposition
de moyens destinés à combler d'éventuelles lacunes futures (après le divorce)
dans la prévoyance vieillesse (Urs Gloor/Annette Spycher, Basler Kommentar,
Zivilgesetzbuch I, 2e éd. 2002, n. 4 ad art. 125 CC).

En revanche, Trigo Trindade soutient que pour les époux soumis au régime de
la séparation de biens, une compensation des lacunes de prévoyance
individuelle (3e pilier) peut se fonder sur l'art. 125 CC (Trigo Trindade,
op. cit., p. 476). Dans le même sens, mais de manière plus générale, d'autres
auteurs se prononcent en faveur de la possibilité de compenser sur la base de
l'art. 125 CC un déficit de prévoyance existant au moment du divorce
(Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 94 ad art. 125 CC); ils citent en
particulier le cas où le partage du deuxième pilier n'est pas possible et où
l'indemnité équitable selon l'art. 124 CC ne permet pas à l'époux créancier
de se constituer une prévoyance vieillesse et invalidité appropriée
(Sutter/Freiburghaus, op. cit., n. 100 ad art. 125 CC, auxquels semblent se
rallier sur ce point Gloor/Spycher, op. cit., n. 33 ad art. 125 CC). Quant à
Geiser, il relève d'une part que la prévoyance indépendante de l'époux qui
n'a pas exercé d'activité lucrative pendant le mariage doit être constituée
immédiatement après le divorce, quand bien même elle ne servira à l'entretien
que dans un futur éloigné, et d'autre part que les relations entre les
ex-époux devraient être réduites autant que possible après le divorce, selon
le principe du "clean break" (Geiser, op. cit., p. 63).

3.5 Le fait que l'art. 125 CC vise l'entretien après divorce ne saurait
empêcher de compenser, par le biais d'une contribution fondée sur cette
disposition, des lacunes dans la prévoyance vieillesse et invalidité de
l'époux créancier, lorsque ces lacunes ne peuvent pas être comblées par le
partage, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, de la
prévoyance privée accumulée par l'autre époux durant le mariage dans le but
de pourvoir à l'entretien futur de la famille. En effet, si ces lacunes de
prévoyance ont leur origine dans la répartition des tâches adoptée d'un
commun accord durant le mariage — ce qui justifie au demeurant l'application
du principe de la solidarité (cf. consid. 2.2 supra) —, la (re)constitution,
après le divorce, d'une prévoyance vieillesse appropriée est une composante
de l'entretien convenable, qui, si l'on ne peut raisonnablement attendre de
l'époux créancier qu'il y pourvoie lui-même, peut le cas échéant justifier
l'allocation d'une contribution fondée sur l'art. 125 CC.
Une telle solution est d'ailleurs conforme à la jurisprudence récente du
Tribunal fédéral. Il a en effet été admis que lorsque le mari — il s'agissait
en l'occurrence d'un médecin indépendant à la retraite — n'a pas constitué de
deuxième pilier et qu'en raison du régime matrimonial qui a été choisi
(séparation des biens ou ancien régime de l'union des biens), il conserve
l'entier, ou une part supérieure à la moitié, de l'épargne accumulée aux fins
de prévoyance durant la vie commune, il se justifie d'exiger de lui qu'il
entame la substance de cette fortune pour contribuer à l'entretien convenable
de son conjoint (ATF 129 III 7 consid. 3.2 p. 11). La différence est qu'il
s'agissait dans cette affaire d'une contribution d'entretien, sous la forme
d'une rente viagère, à une épouse qui était elle-même déjà à la retraite,
tandis qu'il s'agit dans le présent litige de permettre à la défenderesse,
qui est encore jeune et capable de travailler, de se constituer une
prévoyance vieillesse appropriée. En pareil cas, eu égard à la nature de ce
besoin et au fait qu'une telle contribution devrait pouvoir être financée au
moyen de l'épargne accumulée aux fins de prévoyance par le conjoint débiteur,
le juge peut imposer un règlement définitif en capital en vertu de l'art. 126
al. 2 CC, ce qui permet de constituer immédiatement après le divorce la
prévoyance indépendante de l'époux créancier ainsi que de respecter au mieux
le principe du "clean break" (cf. Geiser, op. cit., p. 63).

3.6 Si l'attribution par la cour cantonale à la défenderesse, sur la base de
l'art. 125 CC, d'une contribution en capital destinée à combler des lacunes
dans sa prévoyance est ainsi conforme au droit fédéral dans son principe,
force est de constater que l'arrêt attaqué ne contient guère de constatations
sur l'épargne que le demandeur a accumulée au cours du mariage dans un but de
prévoyance ni sur les besoins de prévoyance de la défenderesse. Toutefois,
cette situation est essentiellement imputable au demandeur, qui n'a pas
répondu à l'injonction du juge de produire des justificatifs sur sa situation
financière actuelle mais s'est borné à déclarer avoir réalisé en 1999 un
revenu fiscalement imposable de 1'839'668 fr. Le demandeur, dont la cour
cantonale a relevé qu'il ne contestait nullement être en mesure de payer les
contributions réclamées, ne prétend pas qu'il n'aurait pas accumulé pendant
les douze années qu'a duré le mariage une prévoyance privée suffisamment
importante pour que la contribution réclamée à ce titre par la défenderesse
ne l'entame guère. De fait, le montant réclamé, et alloué par la cour
cantonale, correspond pour le demandeur aux revenus de moins d'un mois de
travail et apparaît extrêmement raisonnable par rapport aux besoins de
prévoyance qui peuvent être attribués à la défenderesse. L'arrêt attaqué se
révèle ainsi conforme au droit fédéral sur ce point.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, doit être
rejeté. Le demandeur et recourant, qui succombe, supportera les frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) ainsi que les frais engagés par la
défenderesse et intimée pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art.
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Sont mis à la charge du recourant :
2.1 un émolument judiciaire de 10'000 fr.;
2.2 une indemnité de 5'000 fr. à verser à la défenderesse à titre de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 1er avril 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier