Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.261/2002
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5C.261/2002 /frs

Arrêt du 15 septembre 2003
IIe Cour civile

Mmes et MM. les Juges Raselli, Président,
Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

B. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Raymond Flückiger, avocat, case
postale, 1951 Sion,

contre

1. L.________, représenté par Me Jacques Philippoz, avocat, case postale 44,
1912 Leytron,

2. S.________ Spa,
représentée par Me Anne-Patricia Berguerand-Thurre, avocate, Près de la Scie
2, case postale 106,
1920 Martigny,
tous deux demandeurs et intimés.

action révocatoire selon l'art. 288 aLP,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile I du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 25 octobre 2002.

Faits:

A.
X. ________ SA, société active dans la fabrication, la commercialisation et
l'entretien de machines à café, a été mise en faillite le 6 septembre 1994.
Le 27 octobre 1995, la masse a cédé aux créanciers L.________ et S.________
Srl, société italienne avec siège à Gaggio/Milan, l'action révocatoire contre
B.________. Ces deux créanciers avaient produit dans la faillite et obtenu
des actes de défaut de biens à concurrence de 41'905 fr. 50 et 27'950 fr.
pour L.________ et de 879'583 fr. pour S.________ Srl.
Par mémoire-demande du 23 septembre 1996, L.________ a ouvert action
révocatoire contre B.________, B.________ SA et la société simple B.________
et Fils, en concluant principalement à la restitution en nature des biens
distraits de la société X.________ SA, à savoir un stock de marchandises et
un brevet cédés en vertu d'une convention du 27 juillet 1994, et
subsidiairement à son indemnisation à concurrence des actes de défaut de
biens délivrés dans la faillite de X.________ SA. Les défendeurs ont conclu
au rejet de ces conclusions.
Par mémoire-demande du 24 septembre 1996, S.________ Srl a à son tour ouvert
action révocatoire contre les mêmes défendeurs, en concluant principalement à
la constatation de la nullité de la convention du 27 juillet 1994 et à la
restitution des prestations réciproques entre les défendeurs et la masse en
faillite de X.________ SA. Les défendeurs ont conclu au rejet de ces
conclusions.
Les deux causes ont été jointes pour l'instruction, puis pour le jugement. En
cours de procédure, S.________ SpA (ci-après : S.________) a succédé aux
droits de S.________ Srl, qu'elle avait absorbée par fusion, et a pris sa
place dans la procédure.
Dans son mémoire-conclusions, L.________ a conclu avec suite de frais et
dépens à ce que les défendeurs soient condamnés, solidairement entre eux, à
lui payer les sommes de 41'905 fr. 50 et de 27'950 fr. avec intérêts au taux
de 5% l'an dès le 3 novembre 1995. S.________ a quant à elle conclu avec
suite de frais et dépens à la constatation de la nullité de la convention du
27 juillet 1994 et à la condamnation des défendeurs, solidairement entre eux,
au versement de la somme de 611'504 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 26
avril 1996. Les défendeurs ont conclu au rejet des actions, avec suite de
frais et dépens.
Par jugement du 25 octobre 2002, la Cour civile I du Tribunal cantonal du
canton du Valais a rejeté — pour défaut de légitimation passive — l'action
révocatoire dirigée contre B.________ SA et contre la société simple
B.________ et Fils (1), a admis l'action révocatoire dirigée contre
B.________ (2) et a condamné ce dernier à verser à l'Office des faillites de
Sion, pour répartition aux demandeurs, le montant de 228'800 fr. avec
intérêts à 5% l'an dès le 26 avril 1996 (3); elle a en outre fixé le montant
et la charge des frais et dépens (4 à 7).

B.
Les faits sur lesquels la cour cantonale a fondé son jugement peuvent être
résumés de la manière suivante :
B.aFondée en 1988, X.________ SA avait pour but la fabrication, la
commercialisation et l'entretien de machines à café. Les administrateurs en
étaient C.________ (qui s'occupait de l'aspect commercial), D.________ (qui
s'occupait principalement des questions techniques liées au développement, à
la fabrication et à l'entretien) et E.________. Cette société fabriquait
trois types de machines à café, à savoir les modèles SHT, Eurostar et
Cafeteria.

B.b B.________ était titulaire depuis 1980 d'une raison individuelle
s'occupant de vente et de réparation de machine de restaurants. En 1992, il
est entré en relations d'affaires avec X.________ SA, acquérant auprès de
cette société des machines et des pièces détachées et assurant à son propre
compte l'entretien des machines X.________ en Suisse romande, à l'exception
du Valais. Au début de l'année 1994, B.________ a avancé un montant de
200'000 fr. à X.________ SA, qui était en proie à des difficultés financières
et avait un urgent besoin d'argent. Pour le remboursement, il a été convenu
qu'un fabricant italien de machines à café avec lequel X.________ SA venait
de conclure un contrat de licence verserait directement à B.________ les
redevances dues sur les machines fabriquées.

B.c En raison des problèmes financiers rencontrés par la société, ses
administrateurs ont cherché à la vendre. Un repreneur potentiel a chargé la
fiduciaire Y.________ de procéder au bouclement intermédiaire des comptes au
23 mars 1994. Selon ce bilan intermédiaire, X.________ SA disposait à cette
date d'un stock de matériel estimé à la valeur d'exploitation de 630'504 fr.
Le bouclement ayant mis en évidence la gravité de la situation de la société,
les ouvriers ont été licenciés au mois d'avril 1994 et X.________ SA a cessé
toute activité au mois de juin 1994.

B.d A la suite d'une poursuite en paiement de loyers intentée contre
X.________ SA pour le montant de 15'200 fr., l'Office des poursuites de Sion
a dressé, le 8 juillet 1994, un procès-verbal d'inventaire portant sur deux
machines à café, une scie circulaire, une presse manuelle, une perceuse à
colonne, deux ordinateurs, une imprimante et "1 lot d'articles comprenant
toutes les pièces détachées servant à la construction des machines à café".
Alors que l'ensemble du mobilier saisi était estimé à 12'000 fr., le lot de
pièces l'était à 5'000 fr. L'employé de l'Office qui a procédé à l'estimation
a considéré qu'il n'agissait pas dans le cadre d'une faillite et qu'il ne
pouvait dès lors pas tenir compte d'une valeur d'exploitation, ce genre de
pièces se vendant mal lors d'une vente aux enchères après saisie. Tant
C.________ que D.________ étaient conscients que la valeur réelle des objets
inventoriés était largement supérieure à celle retenue pour les besoins de la
poursuite.

B.e Le 27 juillet 1994, X.________ SA, représentée par C.________ et
D.________, a vendu à B.________ les pièces détachées saisies pour le montant
de la poursuite, à savoir 15'200 fr., ainsi que le brevet européen permettant
de fabriquer les modèles Eurostar et Cafeteria pour le prix de 4'000 fr. La
convention établie ce jour-là précise en préambule que les objets cédés ont
été estimés par l'Office des poursuites à 5'000 fr. et que la titularité du
brevet est indispensable à B.________ pour commercialiser les articles cédés.
Le paiement devait intervenir auprès de l'Office des poursuites, à charge
pour celui-ci de libérer au profit de B.________ les objets inventoriés,
après imputation du montant de la saisie et des frais de poursuite. Les
administrateurs étaient conscients que le montant convenu était ridicule,
pour reprendre les termes de leurs déclarations à la police, dès lors qu'il
s'agissait d'une vente globale portant à la fois sur les composants et le
brevet nécessaire à leur utilisation.

B.f B.________ s'est acquitté du prix de vente auprès de l'Office des
poursuites le jour même et a pris possession non seulement des objets cédés,
mais de la totalité des objets inventoriés à l'exception d'une machine à café
"Schärer". Le 4 août 1994, X.________ SA a demandé sa mise en faillite, qui a
été prononcée le 6 septembre 1994. Lors de l'inventaire qui a suivi, l'Office
a constaté qu'il n'y avait aucun actif à saisir, à la suite de quoi il a
dénoncé les faits au juge pénal.

B.g B.________ a acquis les pièces — dont la plus grande partie concernait
les modèles Eurostar et Cafeteria (cf. lettre B.j infra) — avec le brevet
correspondant dans le but de fabriquer et de commercialiser le modèle
Eurostar, construit jusque-là par X.________ SA. Il a admis que l'achat
litigieux lui permettait de fabriquer une cinquantaine de machines, ainsi que
d'assurer l'entretien des machines Cafeteria et Eurostar; il a d'ailleurs
reconnu en avoir utilisé à cette fin. La cour cantonale a dès lors retenu que
B.________ avait acquis des pièces de type Eurostar permettant de fabriquer
une cinquantaine de machines et d'assurer leur entretien, ainsi que des
pièces de rechange pour les modèles Cafeteria et Eurostar. Pour entreposer le
matériel acquis, qui pesait quelques milliers de kilos, B.________ a pris à
bail des locaux à Collombey pour un loyer mensuel de 500 fr., dont il s'est
acquitté jusqu'à la fin de 1997.

B.h Avant sa mise en faillite, X.________ SA avait mis sur le marché une
vingtaine de machines Eurostar et une cinquantaine de machines Cafeteria.
B.________, qui assurait le service après-vente et avait en outre repris la
clientèle de la société, a constaté qu'elles ne fonctionnaient pas à
satisfaction. Il a progressivement repris les modèles vendus pour les
remplacer par d'autres. La dernière machine Eurostar livrée n'a cependant été
reprise que trois ans et demi plus tard, ce qui signifie que des modèles de
ce type sont restés sur le marché jusqu'à fin 1997. Selon ses propres aveux
devant le juge pénal, B.________ ne s'est rendu compte qu'à la fin de l'année
1996 que le solde des pièces n'avait plus d'utilité pour lui. L'on peut en
déduire qu'il n'a pas renoncé avant cette date à réaliser le but pour lequel
il les avait acquises, à savoir fabriquer et commercialiser le modèle
Eurostar; il a d'ailleurs conservé les locaux loués pour entreposer les
pièces jusqu'à la fin de 1997, avant de laisser les pièces en vrac, à l'air
du temps, puis de céder les carrosseries des machines à un marchand de fer.

B.i La cour cantonale a rejeté la thèse de B.________ selon laquelle les
pièces litigieuses n'avaient pas de valeur, de sorte que X.________ SA
n'aurait pas subi de préjudice en les cédant, avec le brevet correspondant,
pour le prix de 19'200 fr. Suivant l'avis de D.________, concepteur et
fabricant du modèle Eurostar, la cour cantonale a considéré que la
commercialisation de ce modèle, récent et attractif mais souffrant encore de
maladies d'enfance, aurait pu se poursuivre moyennant quelques améliorations.
Si tel n'avait pas été le cas, B.________ n'aurait pas précisément acquis,
avec les pièces, le brevet nécessaire à la commercialisation, ni engagé de
frais de location pour du matériel qui n'avait aucune valeur. En définitive,
c'est par un choix délibéré que B.________ a renoncé à fabriquer la machine
Eurostar et a laissé à l'abandon, à fin 1997, les pièces qu'il n'avait pas
encore utilisées, sans démontrer que leur valeur avait diminué tant qu'elles
avaient été entreposées dans les locaux loués à cet effet.

B.j Selon le bilan intermédiaire au 23 mars 1994, le stock de matériel de
X.________ SA valait à cette date 630'504 fr. Les pièces représentaient à
elles seules 491'872 fr., soit 204'490 fr. de pièces de type SHT, 278'950 fr.
de type Eurostar et 8'432 fr. répertoriées sous le terme
"Cafeteria-Eurostar". Ces valeurs correspondaient au prix d'achat et avaient
été approuvées par les organes de X.________ SA.
Selon les comptes intermédiaires établis par la fiduciaire Y.________,
X.________ SA avait fait un chiffre d'affaires de 1'248'803 fr. entre le 1er
juillet 1993 et le 23 mars 1994. Le prix de revient des marchandises
correspondant à ce chiffre d'affaires s'était élevé à 709'770 fr., soit à
78'000 fr. en moyenne mensuelle. Comme les ouvriers avaient été licenciés en
avril 1994, que les ventes, de l'aveu des administrateurs, avaient fortement
chuté en 1994 et que toute exploitation avait cessé en juin 1994,
l'écoulement de la marchandise (pièces comprises) n'a pu être supérieure à
cette moyenne pour les trois derniers mois d'activité de la société et n'a
donc pas dépassé 234'000 fr. L'on peut en déduire que X.________ SA disposait
encore au 8 juillet 1994 d'un stock de pièces valant plus de 250'000 fr.
(491'872 - 234'000). Comme à cette date il n'y avait pratiquement plus de
pièces pour le modèle SHT, selon ce qu'ont déclaré tant B.________ que les
administrateurs, le stock était alors composé principalement de pièces pour
les modèles Eurostar et Cafeteria, portées au bilan du 23 mars 1994 pour
287'382 fr. (278'950 + 8'432).

B.k Tandis que D.________ a estimé à 300'000 fr. la valeur des pièces cédées,
B.________ a admis avoir acquis des pièces en vue de fabriquer une
cinquantaine de machines Eurostar pouvant être vendues entre 11'000 fr. et
12'000 fr. pièce. Pour le modèle Cafeteria, le coût des pièces représentait
les deux tiers du prix de vente. La proportion correspondante pour le modèle
Eurostar ne ressort pas du dossier, mais selon les comptes pour la période du
1er juillet 1993 au 23 mars 1994, X.________ SA avait utilisé 709'770 fr. de
marchandises pour un coût de fabrication de 954'836 fr., ce qui signifie que
la marchandise représentait le 74% du prix de revient des objets.

B.l Selon l'expert commis dans l'affaire pénale, la fiduciaire Y.________,
dès lors qu'il s'agissait d'une vente globale, à une seule entreprise, des
composants et du brevet nécessaire à leur utilisation, la valeur des objets
cédés devait se rapprocher de leur valeur d'exploitation, à savoir celle
retenue au bilan intermédiaire du 23 mars 1994, valeur qui correspondait en
outre, s'agissant des pièces, à leur prix d'achat.

B.m Au mois de juin 2000, l'expert judiciaire G.________ a examiné le solde
des pièces conservées à Collombey. Il a confirmé que B.________ n'avait pas
fabriqué de machines X.________ avec les pièces achetées en 1994 et a pu
constater que les machines, fabriquées avant l'achat du stock et reprises du
fait de leur mauvais fonctionnement, présentaient des lacunes techniques.
Selon lui, B.________ n'est pas rentré dans ses fonds en achetant pour 19'200
fr. le stock de pièces et le brevet. Son appréciation intervient toutefois
après coup et tient compte du choix de B.________ de ne pas fabriquer les
machines ou d'utiliser d'une autre manière une partie des pièces acquises de
X.________ SA.

C.
La motivation en droit du jugement attaqué, dans ce qu'elle a d'utile à
retenir pour l'examen du recours, est en substance la suivante :
C.aAux termes de l'art. 288 aLP, applicable en l'espèce ratione temporis,
sont nuls, quelle que soit leur date, tous actes faits par le débiteur dans
l'intention de porter préjudice à ses créanciers, avec leur connivence, au
détriment des autres.

C.a .aL'application de l'art. 288 aLP présuppose en premier lieu que l'acte
attaqué ait causé un préjudice effectif aux créanciers. Causent un préjudice
aux créanciers et sont révocables au sens de l'art. 288 aLP tous les actes
qui diminuent les biens soumis à l'exécution forcée, qui avantagent certains
créanciers au détriment des autres ou qui aggravent la position des
créanciers dans la procédure d'exécution forcée; on ne peut parler
d'aggravation lorsque le débiteur échange une prestation contre une
contre-prestation de même valeur de l'autre partie, par exemple lorsqu'il
obtient un prêt contre la constitution d'un gage ou s'il vend des objets lui
appartenant contre paiement de leur pleine valeur (ATF 101 III 92 consid. 4a;
99 III 27 consid. 3-4 et les références citées).
En l'espèce, le point de vue de B.________, selon lequel le matériel acquis
le 27 juillet 1994 n'avait pas de valeur, de sorte que X.________ SA n'aurait
pas subi de préjudice en le cédant, avec le brevet correspondant, pour le
prix de 19'200 fr., ne peut être suivi. En effet, B.________ a au moins
acquis, par la convention litigieuse, les pièces nécessaires pour fabriquer
une cinquantaine de machines à café valant entre 11'000 fr. et 12'000 fr.
chacune. Comme il s'est fait céder simultanément le brevet lui permettant de
fabriquer puis de commercialiser les machines, il y a lieu de considérer,
comme l'a fait l'expert commis dans l'affaire pénale, que les biens avaient,
à la date de la cession, une valeur proche de leur valeur d'exploitation, qui
correspondait d'ailleurs à leur prix d'achat. Cette valeur était très
largement supérieure au prix convenu le 27 juillet 1994. Que B.________ ait
renoncé par la suite à fabriquer et à écouler les machines, au besoin après
avoir procédé aux améliorations nécessaires, ne concerne pas la masse dont
les créanciers ont effectivement subi un préjudice, dès lors qu'une part
importante des actifs de X.________ SA a été soustraite à l'exécution forcée.

C.a .bPour que l'acte préjudiciable puisse être révoqué, il faut ensuite que
le débiteur, en le commettant, ait eu l'intention de porter préjudice à ses
créanciers ou de favoriser certains créanciers au détriment des autres. Il y
a intention dolosive non seulement lorsque le préjudice, respectivement la
favorisation, est le but de l'acte du débiteur, mais aussi lorsque ce
résultat est la conséquence naturelle de cet acte. La situation obérée du
débiteur est un indice particulièrement important d'une telle intention, et
la mauvaise foi des organes statutaires coïncide avec la mauvaise foi de la
personne morale.
En l'espèce, X.________ SA était manifestement surendettée, ce que les
administrateurs savaient puisqu'ils avaient eu connaissance de la situation
intermédiaire du 23 mars 1994. Les biens cédés à B.________ représentaient
les derniers actifs en leur possession. Une semaine après la cession
litigieuse, ils ont sollicité la mise en faillite de la société. Dès lors, en
vendant le stock à un prix qu'ils jugeaient eux-mêmes ridicule, à un
acquéreur qui leur avait récemment rendu service au moyen d'un prêt de
200'000 fr. et qui allait reprendre la clientèle de la société, ils ne
pouvaient que se rendre compte qu'ils portaient atteinte aux droits des
créanciers et favorisaient B.________. L'intention dolosive est ainsi
réalisée.

C.a .cL'application de l'art. 288 aLP présuppose enfin la connivence du
créancier. Il y a connivence lorsque le créancier peut, en usant de
l'attention commandée par les circonstances, prévoir que l'acte incriminé
aura pour effet naturel de porter préjudice aux autres créanciers (ATF 99 III
89 consid. 4b et les références citées).
En l'espèce, B.________ connaissait la gravité de la situation financière de
X.________ SA. Il avait avancé à la société six mois plus tôt 200'000 fr.
dont elle avait un urgent besoin. Il savait qu'elle n'était plus en mesure de
payer les loyers et qu'elle avait dû accepter une prise d'inventaire sur
l'ensemble de son stock pour la somme dérisoire de 15'200 fr. Il savait enfin
qu'il acquérait, en plus de divers matériel, les pièces permettant la
fabrication d'une cinquantaine de machines et le brevet correspondant,
machines qui se vendaient entre 11'000 fr. et 12'000 fr. l'unité. Il ne
pouvait dès lors qu'être pleinement conscient que l'acte incriminé, dont
l'effet était de vider X.________ SA de ses derniers actifs, porterait
préjudice aux autres créanciers. Sa connivence au sens de l'art. 288 aLP est
ainsi établie.

C.b Selon l'art. 291 al. 1 LP, celui qui a profité d'un acte nul est tenu à
restitution. Si les biens ne sont plus en possession du révoqué, l'obligation
principale de restitution est remplacée par l'obligation subsidiaire de
fournir leur contre-valeur. Cette obligation devant être traitée comme une
prétention en dommages-intérêts selon les art. 97 ss CO, le révoqué doit des
dommages-intérêts compensatoires, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne
lui est imputable, ainsi que l'intérêt moratoire dès la demeure. Pour
déterminer l'ampleur de la restitution, il ne faut pas se fonder sur le
moment de l'acte révocable, mais il faut tenir compte de l'évolution
ultérieure jusqu'au moment où l'objet aurait dû être restitué (ATF 98 III 44
consid. 3), moment qui est déterminé par l'art. 232 ch. 4 LP. Le révoqué peut
déduire les impenses qu'il a faites pour préserver la chose de moins-value.
Lorsque l'acte révocable a donné lieu à un échange de prestations, il a en
outre le droit à la restitution de ce qu'il a versé.
En l'espèce, B.________ a disposé d'une partie, non déterminée, des biens
révoqués, en les utilisant ou en les détruisant; il a laissé périr le solde,
estimant ne pas pouvoir en faire usage. N'étant ainsi pas en mesure de
restituer les biens concernés, l'impossibilité de le faire lui étant
imputable, il doit fournir leur contre-valeur à la date où ils auraient dû
être restitués, à savoir dans les trente jours qui ont suivi la sommation
selon l'art. 232 ch. 4 LP. La faillite de X.________ SA ayant été publiée au
bulletin officiel du 7 octobre 1994, c'est la valeur des biens en novembre
1994 qui est déterminante pour la créance de restitution; cette valeur est
identique à celle prévalant au moment de la cession, et elle a subsisté aussi
longtemps que les pièces ont été entreposées dans les locaux loués à cet
effet.

C.c Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le
détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des
mesures prises par la partie lésée (art. 42 al. 2 CO, applicable par renvoi
de l'art. 99 al. 3 CO). En l'espèce, les demandeurs n'ont pu démontrer de
manière précise, à défaut d'inventaire détaillé établi par X.________ SA ou
encore de déclaration précise de l'acquéreur sur ce point, quelle quantité de
pièces de type Eurostar et Cafeteria a fait l'objet de l'acte de cession du
27 juillet 1994. Il convient donc de fixer équitablement la valeur des actifs
cédés, sur la base des indices réunis au dossier.
Il peut être estimé que X.________ SA disposait encore au 8 juillet 1994 d'un
stock de pièces qui valait plus de 250'000 fr. et qui était composé
principalement de pièces pour les modèles Eurostar et Cafeteria (cf. lettre
B.j supra). Comme il y avait peu de modèles de ce type sur le marché à la
date de la faillite, on peut admettre que leur entretien, durant les mois
d'avril, mai et juin 1994, n'a que peu diminué le stock de ces pièces.
Par ailleurs, si l'on considère que B.________ a acquis de quoi fabriquer une
cinquantaine de machines Eurostar pouvant être vendues entre 11'000 fr. et
12'000 fr. pièce, et si l'on admet que la proportion entre la valeur des
pièces et le prix d'une machine Eurostar est analogue à celle prévalant pour
le modèle Cafeteria, soit deux tiers (cf. lettre B.k supra), les pièces
cédées pourraient être estimées au prix minimum de 360'000 fr. (50 x 11'000 x
2 : 3). Ou alors, en partant du principe que la marchandise représentait le
74% du prix de revient (cf. lettre B.k supra), on peut admettre que les
pièces nécessaires à la fabrication de 50 machines représentent au moins la
moitié du prix de vente, et qu'elles valaient ainsi entre 275'000 fr. et
300'000 fr. Ce dernier chiffre correspond au demeurant à l'estimation de
D.________, concepteur et fabricant des machines (cf. lettre B.k supra).
Sur la base de ces éléments, il faut considérer que la valeur des biens cédés
le 27 juillet 1994 à B.________ n'était pas inférieure à 250'000 fr. et que
la cession litigieuse a causé à la masse un préjudice égal à ce montant.
Après déduction de la contre-prestation versée par B.________ à X.________
SA, soit 19'200 fr., ainsi que des impenses nécessaires à préserver la valeur
des biens cédés jusqu'à la date où B.________ aurait dû les restituer, soit
2'000 fr. (frais de location de dépôt engagés du 1er août au 30 novembre
1994), la créance en restitution doit être fixée à 228'800 fr., portant
intérêt à 5% l'an dès l'ouverture d'action, le 26 avril 1996. La clôture de
la faillite de X.________ SA ayant déjà été prononcée, ce montant doit être
versé à l'Office des faillites de Sion, à charge pour lui de dresser le
tableau de distribution spécial de l'art. 86 OAOF (RS 281.32).

D.
Contre ce jugement, B.________ exerce en parallèle un recours de droit public
et un recours en réforme au Tribunal fédéral. Dans le recours en réforme, il
conclut avec suite de frais et dépens à la réforme du jugement attaqué, en ce
sens qu'il soit constaté que les conditions de l'art. 288 aLP ne sont pas
réunies et que le défendeur ne doit aucun montant aux demandeurs.
Les demandeurs concluent chacun de leur côté, avec suite de frais et dépens,
au rejet du recours en tant qu'il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à
l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit
public. Cette disposition souffre toutefois des exceptions dans des
situations particulières, qui justifient l'examen préalable du recours en
réforme; il en est ainsi notamment lorsque le recours en réforme paraît
devoir être admis même sur la base des constatations de fait retenues par
l'autorité cantonale et critiquées dans le recours de droit public (ATF 117
II 630 consid. 1a et les arrêts cités). Tel étant précisément le cas en
l'espèce, comme on va le voir, il se justifie de déroger au principe posé par
l'art. 57 al. 5 OJ.

1.2 La décision rendue sur une action révocatoire au sens des art. 285 ss LP
tranche une contestation de droit des poursuites que la jurisprudence
assimile à une contestation civile pouvant en principe faire l'objet d'un
recours en réforme (ATF 93 II 436 consid. 1; 81 II 82 consid. 1). Les droits
contestés dans la dernière instance cantonale dépassent largement la valeur
d'au moins 8'000 fr. dont l'art. 46 OJ fait dépendre la recevabilité du
recours en réforme dans les affaires pécuniaires autres que celles visées à
l'art. 45 OJ, de sorte que le recours est recevable sous cet angle (cf. ATF
99 III 27 consid. 1). Déposé en temps utile contre une décision finale prise
en dernière instance cantonale, il est également recevable du chef des art.
54 al. 1 et 48 al. 1 OJ.

1.3 Lorsqu'il est saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral ne peut
pas aller au-delà des conclusions des parties, mais il n'est pas lié par les
motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation
juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ); il peut donc
admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant,
de même qu'il peut rejeter le recours en adoptant une autre argumentation
juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c
et les références citées).

2.
2.1 A côté de plusieurs griefs par lesquels il s'en prend de manière
irrecevable aux constatations de fait de l'autorité cantonale (cf. ATF 127
III 248 consid. 2c et la jurisprudence citée), le défendeur soutient
notamment que la condition objective posée à l'application de l'art. 288 aLP,
à savoir que l'acte incriminé ait causé un préjudice aux créanciers, n'est
pas réalisée en l'espèce, les pièces acquises en vertu de la convention du 27
juillet 1994 n'ayant aucune valeur. En outre, la condition subjective de
l'intention dolosive du débiteur — respectivement de la connivence du
bénéficiaire de l'acte — ne serait pas non plus réalisée en l'espèce, les
parties à la convention du 27 juillet 1994 s'étant fondées de bonne foi sur
l'estimation effectuée par l'Office des poursuites de Sion.

2.2 Aux termes de l'art. 288 aLP, sont nuls, quelle que soit leur date, tous
actes faits par le débiteur dans l'intention de porter préjudice à ses
créanciers, avec leur connivence, au détriment des autres. L'application de
l'art. 288 aLP présuppose ainsi la réalisation d'une condition objective,
l'existence d'un préjudice causé aux créanciers, et de deux conditions
subjectives, l'intention dolosive du débiteur et la connivence du
bénéficiaire de l'acte (ATF 30 II 160 consid. 4; Adrian Staehelin, Kommentar
zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 1998, n. 3 ad art. 288
LP).

3.
Il convient dès lors d'examiner si tant la condition objective que les
conditions subjectives dont dépend l'application de l'art. 288 aLP (cf.
consid. 2.2 supra) sont réalisées en l'espèce, ce qu'il incombait aux
demandeurs à l'action révocatoire d'établir en vertu de l'art. 8 CC.

3.1
3.1.1L'action révocatoire est dans tous les cas soumise à la condition
objective que l'acte attaqué du débiteur porte préjudice aux créanciers ou à
certains d'entre eux, en diminuant le résultat de l'exécution forcée ou leur
part à ce résultat ou en aggravant d'une autre manière leur situation dans la
procédure d'exécution (ATF 101 III 92 consid. 4a; 99 III 27 consid. 3; 40 III
381 consid. 2; 35 II 106 consid. 4; 31 II 322 consid. 5; Staehelin, op. cit.,
n. 3 ad art. 288 LP).

3.1.2 Un tel préjudice aux créanciers fait en principe défaut lorsque le
débiteur échange une prestation contre une contre-prestation de même valeur,
par exemple lorsqu'il obtient un prêt contre la constitution d'un gage ou
lorsqu'il vend des objets lui appartenant contre paiement de leur pleine
contre-valeur (ATF 101 III 92 consid. 4a; 99 III 27 consid. 4 et les
références citées; Staehelin, op. cit., n. 11 ad art. 288 LP). Il n'y a
exceptionnellement lieu à révocation d'un tel acte que lorsque la prestation
reçue par le débiteur est utilisée d'une manière préjudiciable aux créanciers
et que le débiteur a agi, de manière reconnaissable par l'autre partie, dans
le but de disposer de ses derniers actifs au préjudice de ses créanciers ou
de certains d'entre eux (ATF 101 III 92 consid. 4a; 99 III 27 consid. 4 et
les références citées; Staehelin, op. cit., n. 12 ad art. 288 LP).

3.1.3 Lorsque l'acte attaqué consiste en l'aliénation de biens, la valeur à
prendre en compte est la valeur marchande (Verkehrswert), soit le produit qui
aurait pu être tiré de la vente à un tiers selon le mode de réalisation —
enchères publiques ou vente de gré à gré — le plus favorable; cela résulte du
fait que, si l'acte attaqué n'avait pas eu lieu, les biens concernés seraient
tombés dans la masse active et auraient été réalisés pour payer les
créanciers (ATF 45 III 151 consid. 4, 178 consid. 3). Il convient en effet de
rappeler que le but de l'action révocatoire est de rendre à leur destination
première les biens du débiteur distraits de son patrimoine par l'acte
révocable et de les soumettre à nouveau à l'exécution forcée (art. 285 al. 1
LP); son admission n'entraîne pas la nullité de l'acte révocable, mais oblige
seulement le défendeur à l'action révocatoire à mettre la masse en faillite
dans la situation qui aurait été la sienne si l'acte révocable n'avait pas
été conclu (ATF 98 III 44 et la jurisprudence citée; Thomas Bauer, Kommentar
zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 1998, n. 8-10 ad art. 291
LP et les références citées; Staehelin, op cit., n. 8 ad art. 285 LP). Comme
l'exécution forcée par voie de faillite se fait par la réalisation des biens
— avant tout corporels (Urs Bürgi, Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und Konkurs, 1998, n. 5 ad art. 256 LP) — appartenant à la
masse active (cf. art. 256 LP), seule la valeur marchande est par définition
pertinente dans le cadre d'une telle réalisation (cf. ATF 107 III 40 consid.
3); la valeur d'exploitation ne peut être pertinente que dans le cadre non
pas d'une liquidation, mais d'une continuation de l'entreprise.

3.2
3.2.1En l'espèce, par la convention litigieuse du 27 juillet 1994, le
défendeur a acquis de X.________ SA les pièces détachées qui avaient fait
l'objet, le 8 juillet 1994, d'un procès-verbal d'inventaire dressé par
l'Office des poursuites de Sion dans le cadre d'une poursuite en paiement de
loyers intentée contre X.________ SA. Ces pièces, estimées à 5'000 fr. par
l'Office des poursuites dans l'optique d'une vente aux enchères après saisie,
ont été vendues pour le prix de 15'200 fr., qui correspondait au montant de
la poursuite en paiement de loyers et qui a été payé le jour même en mains de
l'Office des poursuites. A côté de ces pièces détachées, le défendeur a
encore acquis, pour 4'000 fr., le brevet européen permettant de fabriquer les
machines à café de modèle Eurostar et Cafeteria (cf. lettre B.e supra).

3.2.2 Pour arriver à la conclusion que la vente du 27 juillet 1994 avait
causé un préjudice aux créanciers, la cour cantonale a considéré que les
pièces détachées cédées, dont elle a retenu qu'elles auraient permis de
fabriquer une cinquantaine de machines à café de type Eurostar pouvant être
vendues entre 11'000 fr. et 12'000 fr. l'unité, devaient être prises en
compte à leur valeur d'exploitation, laquelle correspondait à leur prix
d'achat et n'était pas inférieure à 250'000 fr. (cf. lettres C.a.a et C.c
supra).
Un tel raisonnement procède d'une fausse application du droit fédéral. En
effet, pour déterminer si l'acte attaqué a causé un préjudice aux créanciers
de X.________ SA, il fallait prendre en compte la valeur marchande
(Verkehrswert) des pièces vendues, puisque, si la vente litigieuse n'avait
pas été conclue, ces pièces détachées seraient tombées dans la masse active
et auraient été réalisées pour payer les créanciers (cf. consid. 3.1.3
supra). On peut d'ailleurs relever à ce propos que le créancier qui avait
poursuivi X.________ SA en paiement de loyers aurait en toute logique été
payé par préférence sur le produit de la réalisation des biens dont il avait
été dressé inventaire le 8 juillet 1994 et qui faisaient l'objet de son droit
de rétention (cf. Henri-Robert Schüpbach, Droit et action révocatoires,
Commentaire des articles 285 à 292 de la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la faillite, 1997, n. 19 ad art. 288 LP, qui observe que le
paiement de créances privilégiées ne peut être préjudiciable aux créanciers
ordinaires).

3.2.3 La preuve qu'il incombait aux demandeurs d'apporter est que la valeur
marchande des biens vendus le 27 juillet 1994 était supérieure au prix payé
par le défendeur, et que les créanciers de X.________ SA en avaient en
conséquence subi un préjudice. Or les demandeurs n'ont pas apporté cette
preuve. La lecture de leurs écritures (cf. le mémoire-demande de L.________
du 23 septembre 1996, p. 8-9, et le mémoire-demande de S.________ du 23
septembre 1996, p. 6), confirme qu'ils ont — à tort — fondé leurs prétentions
uniquement sur le bilan intermédiaire établi au 23 mars 1994 par la
fiduciaire Y.________, bilan dans lequel le stock de matériel était estimé à
la valeur d'exploitation de 630'504 fr. (cf. lettre B.c supra), ainsi que sur
le rapport établi par la même fiduciaire dans l'affaire pénale, rapport qui
se réfère à la même valeur d'exploitation (cf. B.l supra).
Force est ainsi de constater qu'il n'est nullement établi que la valeur
marchande des biens vendus le 27 juillet 1994 soit supérieure au prix payé
par le défendeur. C'est même plutôt le contraire qui ressort des
constatations de fait de la cour cantonale : en effet, les pièces détachées
en question, vendues pour 15'200 fr., avaient peu de temps auparavant fait
l'objet d'une évaluation par l'Office des poursuites, lequel en avait estimé
la valeur dans l'optique d'une vente aux enchères après saisie — ce qui
correspond précisément à la définition de la valeur marchande (cf. consid.
3.1.3 supra) — à 5'000 fr. Ainsi, comme les demandeurs n'ont pas établi la
réalisation de la condition objective requise par l'art. 288 aLP, ils
devaient être déboutés pour ce motif déjà.

3.3 Par surabondance, on peut relever que les demandeurs n'ont pas non plus
démontré la "connivence" du défendeur, au sens de l'art. 288a LP, comme on va
le voir.

3.3.1 Selon la jurisprudence constante, la "connivence" au sens de l'art. 288
aLP est réalisée lorsque le bénéficiaire de l'acte incriminé a pu et dû
prévoir, en usant de l'attention commandée par les circonstances, que
l'opération aurait pour conséquence naturelle de porter préjudice aux autres
créanciers ou de le favoriser au détriment de ceux-ci (ATF 99 III 89 consid.
4b et les références citées; arrêt P.39/1984 du 18 juin 1984, reproduit in SJ
1984 p. 601, consid. 3c). Cet élément subjectif ne peut être déduit que de
l'appréciation d'indices; une telle déduction ne doit cependant pas être
faite trop facilement, car personne n'est ordinairement tenu de se demander
si l'acte juridique qu'il accomplit ou dont il bénéficie va ou non porter
préjudice aux créanciers de son cocontractant, l'art. 288 aLP ne l'exigeant
qu'en présence d'indices clairs (arrêt précité du 18 juin 1984, in SJ 1984 p.
601, consid. 3c).

3.3.2 En l'espèce, les pièces détachées vendues le 27 juillet 1994 avaient
fait l'objet, le 8 juillet 1994, d'un procès-verbal d'inventaire dressé par
l'Office des poursuites de Sion dans le cadre d'une poursuite en paiement de
loyers intentée contre X.________ SA, où leur valeur dans l'optique d'une
vente aux enchères après saisie — autrement dit leur valeur marchande (cf.
consid. 3.2.3 supra) — avait été estimée à 5'000 fr. Les parties à la
convention du 27 juillet 1994, soit X.________ SA et le défendeur, qui se
sont expressément référées à cette estimation, étaient a priori fondées à se
fier à celle-ci pour considérer qu'une vente des pièces détachées pour un
prix de 15'200 fr. ne porterait pas préjudice aux créanciers de X.________
SA. Il y a en effet lieu de considérer qu'une telle estimation, établie par
une autorité compétente dans l'optique d'une réalisation des biens, crée à
tout le moins une présomption quant à la bonne foi du tiers qui se fonde sur
cette estimation.
Cette présomption aurait certes pu être renversée s'il avait été démontré que
l'estimation de l'Office était erronée ou viciée et que le défendeur le
savait ou aurait dû le savoir en usant de l'attention commandée par les
circonstances (cf. art. 3 CC). Toutefois, la cour cantonale n'a rien constaté
de tel, déduisant au contraire la "connivence" du défendeur, au sens de
l'art. 288 aLP, de sa conscience du fait que la valeur d'exploitation des
pièces vendues était nettement plus élevée que le prix payé (cf. lettres
C.a.a et C.a.c supra). Or cet élément est sans pertinence, puisque, comme on
l'a vu, seule la valeur marchande pouvait être prise en considération dans ce
contexte. Force est ainsi de constater que les demandeurs n'ont pas non plus
démontré la "connivence" du défendeur, au sens de l'art. 288 aLP, de sorte
qu'ils devaient être déboutés aussi pour cette raison.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis dans la mesure où
il est recevable, le jugement attaqué devant être réformé aux chiffres 1 et 2
de son dispositif en ce sens que les actions des demandeurs sont rejetées.
Pour le surplus, le jugement attaqué doit être annulé en ce qui concerne les
chiffres 4 à 7 de son dispositif, la cause devant sur ce point être renvoyée
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la
procédure cantonale (art. 157 et 159 al. 6 OJ). Les demandeurs, qui
succombent, supporteront solidairement entre eux les frais de la procédure
devant le Tribunal fédéral, ainsi que les frais engagés par le défendeur pour
cette procédure (art. 156 al. 1 et 7, 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable.

2.
Le jugement attaqué est réformé aux chiffres 1 et 2 de son dispositif en ce
sens que les actions des demandeurs sont rejetées; il est annulé en ce qui
concerne les chiffres 4 à 7 de son dispositif, la cause étant sur ce point
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et
dépens de la procédure cantonale.

3.
Sont mis à la charge des demandeurs, chacun pour moitié mais solidairement
entre eux :
3.1 Un émolument judiciaire de 5'000 fr.;
3.2 Une indemnité de 5'000 fr. à verser au défendeur à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile I du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 15 septembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: