Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.250/2002
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5C.250/2002 /frs

Arrêt du 20 novembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Escher,
greffier Abrecht.

X. ________,
recourant,

contre

Commission cantonale de recours en matière de privation de liberté à des fins
d'assistance, Hochschulstrasse 17, 3012 Berne.

privation de liberté à des fins d'assistance,

recours en réforme contre la décision de la Commission cantonale de recours
en matière de privation de liberté à des fins d'assistance du canton de Berne
du 17 octobre 2002.

Faits:

A.
Par décision notifiée oralement le 4 octobre 2002 et par écrit le 7 octobre
2002, la Préfète II du district de Berne, appliquant les art. 397a et 397b CC
en relation avec les art. 9 et 23 de la loi cantonale du 22 novembre 1989 sur
la privation de liberté à des fins d'assistance, a ordonné le placement de
X.________ à la prison régionale de Berne pour une durée indéterminée,
jusqu'à ce qu'il quitte la Suisse.

B.
Par décision du 17 octobre 2002, la Commission cantonale de recours en
matière de privation de liberté à des fins d'assistance du canton de Berne,
après avoir entendu X.________, a rejeté le recours formé par celui-ci contre
la décision préfectorale. A l'appui de sa décision, elle a exposé en
substance ce qui suit:
B.a Ressortissant libyen, selon ses indications, X.________ est entré
illégalement en octobre 2000 en Suisse, où il a déposé une demande d'asile
que l'Office fédéral des réfugiés a rejetée le 19 juillet 2002; selon ses
propres indications, son recours contre cette décision aurait été rejeté.
Durant son séjour en Suisse, X.________ a fait l'objet de plusieurs mesures
de privation de liberté à des fins d'assistance, en raison notamment d'un
état de dépendance alcoolique. Il a ainsi fait l'objet d'une première mesure
urgente en avril 2001, puis en juin 2001 d'un placement à des fins
d'expertise au Service psychiatrique de l'Université de Berne, suivi d'une
mesure de placement ordinaire à la clinique psychiatrique de la Waldau, d'où
il s'est enfui le 16 novembre 2001. Il a alors été placé au Centre de
thérapie "Im Schache" à Deitingen, mesure qui a été levée et remplacée par
des règles de conduite (poursuite de la thérapie à l'Antabus et présentation
régulière à la clinique psychiatrique de la Waldau pour contrôle et
médication supplémentaire) par décision de la Préfète II du district de Berne
du 16 mars 2002.

Le remplacement de la mesure privative de liberté par des mesures
ambulatoires n'a toutefois pas porté ses fruits, attendu que le comportement
de X.________ a nécessité une nouvelle hospitalisation urgente le 26 juillet
2002, objet d'un recours rejeté par la Commission cantonale de recours le 8
août 2002. Cette nouvelle mesure de privation de liberté à des fins
d'assistance a été levée le 16 août 2002 et X.________ a été transféré de la
Clinique psychiatrique de Münsingen au Centre de transit pour réfugiés de
Münchenbuchsee, où il aurait créé des problèmes, buvant à nouveau de
l'alcool, se comportant mal, s'énervant et importunant les femmes.

B.b  La Commission cantonale de recours constate que l'attitude personnelle
de X.________ est restée inchangée depuis sa dernière décision du 8 août
2002. La phase durant laquelle il n'était pas soumis à une mesure de
privation de liberté à des fins d'assistance, soit entre le 16 août 2002 et
le 4 octobre 2002, a donné lieu à des problèmes, notamment des plaintes de
divers côtés concernant son agressivité et le fait qu'il ne peut s'abstenir
de consommer de l'alcool. Il refuse par ailleurs, du moins partiellement, la
prise de médicaments et notamment d'Antabus, dont la prescription est
indiquée car le problème d'alcool paraît encore réel. X.________ refuse
d'admettre les problèmes qu'il rencontre et ne montre aucune disposition à
prendre conscience de ses comportements non respectueux envers des tiers. Dès
lors, la mesure de privation de liberté à des fins d'assistance ordonnée par
la Préfète II du district de Berne est nécessaire et paraît être la seule
solution à ce stade et pour l'heure. Le principe de proportionnalité est
aussi respecté dans la mesure où il semblerait que le recours de X.________
contre le refus de sa demande d'asile a été rejeté et qu'il devrait dès lors
prochainement quitter notre pays.

C.
X.________ recourt au Tribunal fédéral contre la décision de la Commission
cantonale de recours. A l'appui de son recours, il déclare se sentir mieux,
être calme, résolu à ne pas consommer d'alcool même pendant les week-ends et
être disposé à retourner à l'Antabus comme moyen de contrôle. Enfin, il se
plaint de la trop grande dureté de l'emprisonnement et en appelle sur ce
point à la pitié du Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision de dernière instance cantonale ordonnant une mesure de privation
de liberté à des fins d'assistance est susceptible d'un recours en réforme au
Tribunal fédéral (art. 44 let. f et 48 OJ). Interjeté en temps utile (art. 54
al. 1 OJ), le recours est recevable en tant qu'il porte sur la violation du
droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ), mais pas en tant qu'il s'écarte des faits
constatés par l'autorité cantonale (art. 55 al. 1 let. c OJ et art. 63 al. 2
OJ).

2.
En invoquant la trop grande dureté de l'emprisonnement, le recourant se
plaint implicitement de ce que la prison régionale de Berne ne constitue pas
un établissement approprié au sens de l'art. 397a CC. Ce point peut être
contrôlé par le Tribunal fédéral dans le cadre d'un recours en réforme (ATF
114 II 213 consid. 7; 112 II 486).

2.1  Aux termes de l'art. 397a al. 1 CC, une personne majeure ou interdite
peut être placée ou retenue dans un établissement approprié lorsque, en
raison de maladie mentale, de faiblesse d'esprit, d'alcoolisme, de
toxicomanie ou de grave état d'abandon, l'assistance personnelle nécessaire
ne peut lui être fournie d'une autre manière. La loi ne définit pas ce qu'il
faut entendre par établissement approprié au sens de l'art. 397a al. 1 CC
(ATF 112 II 486 consid. 3; cf. ATF 121 III 306 consid. 2b sur la notion
d'établissement en général). Il est généralement admis qu'un établissement
doit être considéré comme approprié lorsqu'il peut y être fourni à la
personne en cause l'assistance et les soins dont elle a besoin dans le cas
particulier, cette assistance étant fournie sans l'assentiment ou contre la
volonté de l'intéressé que l'on prive de sa liberté (ATF 112 II 486 consid.
3). Il convient donc d'examiner dans chaque cas particulier quels sont les
besoins de la personne à placer, et si la structure de l'établissement
considéré et le personnel dont il dispose normalement lui permettent de
répondre de façon satisfaisante aux besoins essentiels de celui qui y est
placé pour recevoir soins et assistance (ATF 114 II 213 consid. 7; 112 II 486
consid. 3 et 4c).

2.2  Le placement dans un établissement pénitentiaire n'est pas absolument
exclu, le parlement ayant rejeté une proposition visant à exclure le
placement dans un tel établissement dans le cadre de l'art. 397a CC, mais il
ne peut être envisagé que dans des situations exceptionnelles (ATF 112 II 486
consid. 4a et 4b; Geiser, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2e éd. 2002,
n. 25 ad art. 397a CC). Dans les cas où le placement dans un établissement
pénitentiaire se révèle indispensable, parce que l'intéressé représente un
danger pour lui-même ou pour d'autres personnes, il y a lieu dans tous les
cas de poser des critères sévères quant à l'établissement envisagé (ATF 112
II 486 consid. 4b). Il ne faut pas perdre de vue qu'un séjour dans un
établissement pénitentiaire peut être stigmatisant et augmenter les
difficultés de réinsertion après la remise en liberté, alors que l'un des
buts de la privation de liberté à des fins d'assistance est précisément
d'exercer une action éducative sur l'intéressé, en sorte de le mettre en
situation, une fois sa liberté recouvrée, de mener sa vie de façon autonome
et dans le respect des règles établies (ATF 112 II 486 consid. 4b in fine).

2.3  En l'espèce, il ne résulte pas de la décision attaquée que le recourant
représenterait un véritable danger pour lui-même ou pour d'autres personnes,
qui rendrait indispensable son placement dans un établissement pénitentiaire.
Il n'en ressort pas non plus que la prison régionale de Berne dispose
normalement des moyens organisationnels et personnels qui lui permettraient
de fournir au recourant l'assistance et les soins particuliers dont celui-ci
a manifestement besoin, puisque selon la décision attaquée, la prescription
de médicaments (notamment d'Antabus) est encore indiquée en raison du
problème d'alcool persistant du recourant.

Quant au fait que le recourant devrait prochainement quitter notre pays
ensuite du rejet de sa demande d'asile, il ne saurait jouer de rôle dans le
cadre d'une mesure de privation de liberté à des fins d'assistance selon les
art. 397a ss CC. La détention en vue de refoulement est en effet régie
spécialement par les art. 13a ss de la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20) et ne peut être ordonnée que
lorsque les conditions prévues par ces dispositions sont réalisées, la
légalité et l'adéquation de la détention devant être examinées dans les 96
heures par une autorité judiciaire, dans le canton de Berne par le juge de
l'arrestation de la région d'instruction Berne-Mittelland (art. 18 de
l'ordonnance cantonale concernant le séjour et l'établisse-ment des
étrangers, RSB 122.21). Il convient d'observer que même le placement d'une
personne détenue à titre de mesure administrative de police des étrangers
dans un établissement d'exécution des peines ou de détention préventive n'est
qu'exceptionnellement admissible au regard de l'art. 13d al. 2 LSEE (ATF 123
I 221 consid. II/1).

3.
Il résulte de ce qui précède que le recours, en tant qu'il est recevable,
doit être admis en ce sens que la Préfète II du district de Berne soit
enjointe d'examiner, et le cas échéant d'ordonner, le placement du recourant
dans un établissement approprié ou, si — contre toute attente — un tel
établissement ne pouvait être trouvé, sa libération (ATF 112 II 486 consid.
2b; Geiser, op. cit., n. 25 ad art. 397a CC); pour ce faire, un délai de sept
jours ouvrables dès réception du présent arrêt apparaît approprié. Vu la
nature de l'affaire, il n'y pas lieu de percevoir d'émolument judiciaire
(art. 156 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, la décision de la
Commission cantonale de recours en matière de privation de liberté à des fins
d'assistance du canton de Berne du 17 octobre 2002 est annulée et l'affaire
est renvoyée à la Préfète II du district de Berne, avec l'injonction de
rendre, dans les sept jours ouvrables dès réception du présent arrêt, une
décision sur le placement du recourant dans un établissement approprié ou sur
sa libération.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à la Commission
cantonale de recours en matière de privation de liberté à des fins
d'assistance du canton de Berne.

Lausanne, le 20 novembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: