Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.214/2002
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5C.214/2002 /frs

Arrêt du 8 janvier 2004
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.

X. ________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Christophe Tafelmacher, avocat,

contre

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,
défendeurs et intimés,
tous représentés par Me Pierre-Dominique Schupp, avocat,

liquidation du régime matrimonial de l'union des biens,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 29 août 2002.
Faits:

A.
Z. ________ est décédé le 5 juin 1987 à Cudrefin, en laissant pour héritiers
son épouse, X.________, avec qui il était marié sous le régime de l'union des
biens, et leurs trois enfants, A.________, B.________ et F.________. Ce
dernier est décédé le 9 avril 1993; sa femme, C.________, et ses enfants,
D.________ et E________, sont ses héritiers.
La succession de feu Z.________ comprenait essentiellement cinq parcelles
sises à Cudrefin, qui ont été vendues aux enchères publiques le 2 juin 1989.
Ces immeubles provenaient de la succession paternelle du défunt et sont ainsi
à considérer, de l'avis concordant des intéressés, comme apports du mari.
Dans le cadre de l'action en partage de la succession de feu Z.________
pendante devant le Président du Tribunal civil du district d'Avenches, une
expertise a été confiée à un notaire. Dans son rapport déposé le 2 mars 1996,
celui-ci a exposé que le partage devait être précédé de la liquidation du
régime matrimonial des époux, liquidation qui devait s'effectuer selon les
règles de l'union des biens.

B.
Par requête de conciliation adressée au Juge de paix du cercle de Cudrefin le
29 mai 1997, X.________ a ouvert action en liquidation du régime matrimonial
contre A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________. Le 11
juillet 1997, ce magistrat lui a délivré un acte de non-conciliation.

X. ________ a, par demande du 11 septembre 1997, ouvert action devant la Cour
civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Elle a conclu à ce que le
régime matrimonial des époux soit liquidé selon les règles de l'union des
biens préalablement au partage de la succession, et à ce que les défendeurs
soient en conséquence condamnés, solidairement entre eux, à lui verser la
somme de 137'125 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 5 juin 1988, au titre de
la restitution de ses apports et du remboursement de ses biens réservés.
Dans leur réponse du 18 août 1999, les défendeurs ont proposé le rejet de la
demande. Reconventionnellement, ils ont principalement conclu à ce que le
montant des biens réservés de X.________ soit fixé à 8'306 fr. et,
subsidiairement, à ce qu'ils doivent solidairement à celle-ci la somme de
8'306 fr., sous déduction de sa part, à savoir 4'153 fr.; plus
subsidiairement encore, ils ont sollicité qu'un expert soit commis à la
liquidation du régime matrimonial.
Dans sa réplique du 29 octobre 1999, la demanderesse a conclu au rejet des
conclusions reconventionnelles prises par les défendeurs.
Un second notaire a été commis comme expert en cours d'instance avec pour
mission de répondre à certains allégués; il a déposé son rapport le 10 avril
2001.
Par jugement du 29 août 2002, la Cour civile a notamment prononcé que le
régime matrimonial des époux Z.________ et X.________ est liquidé et qu'à ce
titre, les défendeurs verseront à la demanderesse, solidairement entre eux,
la somme de 24'406 fr., plus intérêt à 5% l'an dès le 1er juin 1997.
Contre ce jugement, la demanderesse a déposé à la fois un recours en nullité
cantonal et un recours en réforme au Tribunal fédéral.
Par arrêt du 24 juillet 2003, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a rejeté le recours en nullité et maintenu le jugement
attaqué. Statuant ce jour, la cour de céans a rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité, le recours de droit public formé par la demanderesse contre
l'arrêt du 24 juillet 2003.

C.
La demanderesse requiert le Tribunal fédéral de réformer le jugement rendu
par la Cour civile le 29 août 2002 en ce sens que le régime matrimonial est
liquidé, les défendeurs étant condamnés à lui verser, solidairement entre
eux, la somme de 88'906 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 1er juin 1997, au
titre de la restitution de ses apports et du remboursement de ses biens
réservés. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à la Cour
civile pour nouveau jugement.
Elle sollicite par ailleurs l'octroi de l'assistance judiciaire.
Les défendeurs n'ont pas été invités à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par le
tribunal suprême du canton, le recours est recevable au regard des art. 48
al. 1 et 54 al. 1 OJ; la valeur litigieuse atteint manifestement 8'000 fr.,
de sorte qu'il est aussi recevable sous cet angle (art. 46 OJ).

1.2 La cour cantonale a prononcé que le régime matrimonial des époux
Z.________ et X.________ est liquidé. Devant le Tribunal fédéral, la
demanderesse n'a donc aucun intérêt juridique à reprendre cette conclusion,
qui est irrecevable.

1.3 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur
les faits tels qu'ils ont été constatés par l'autorité cantonale, à moins que
des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y
ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance
manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents régulièrement allégués et prouvés (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
consid. 2c p. 252 et l'arrêt cité). En dehors de ces exceptions, les griefs
dirigés contre les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à
laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 127 III 543 consid. 2c p.
547) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ). En
tant que la demanderesse complète l'état de fait de la décision entreprise
sans se prévaloir pour autant de l'une des exceptions susmentionnées, son
recours est dès lors irrecevable; tel est notamment le cas de ses allégations
concernant la maladie de son mari et ses conséquences sur la répartition des
tâches entre les époux.

2.
Selon l'art. 9a al. 2 Tit. fin. CC, les effets pécuniaires des mariages qui -
comme en l'espèce - ont été dissous avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier
1988, de la loi fédérale du 5 octobre 1984 restent soumis à l'ancien droit.
Mariés sous l'empire de l'ancien droit, les époux étaient soumis au régime de
l'union des biens (art. 194 - 214 aCC), faute d'avoir conclu un contrat de
mariage (art. 178 aCC). Ces principes ne sont pas remis en cause.

3.
La demanderesse se plaint d'une violation de l'art. 8 CC, les défendeurs
n'ayant pas allégué, ni a fortiori démontré, qu'elle aurait fait don des
montants versés en faveur du ménage en sus de son obligation légale, et
renoncé à toute restitution de ce fait.

3.1 L'art. 8 CC règle, pour tout le domaine du droit civil fédéral, la
répartition du fardeau de la preuve et, partant, les conséquences de
l'absence de preuve. Il confère en outre le droit à la preuve et à la
contre-preuve, mais non le droit à des mesures probatoires déterminées. Cette
disposition ne s'oppose ni à une appréciation anticipée des preuves, ni à la
preuve par indices (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 24/25 et les arrêts cités).
Le juge enfreint l'art. 8 CC s'il omet ou refuse d'administrer des preuves
sur des faits pertinents et régulièrement allégués ou s'il tient pour exactes
les allégations non prouvées d'une partie, nonobstant leur contestation par
l'autre (ATF 114 II 289 consid. 2a p. 291). En revanche, lorsque
l'appréciation des preuves convainc le juge qu'une allégation de fait a été
établie ou réfutée, la répartition du fardeau de la preuve devient sans objet
(ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277 et la jurisprudence mentionnée). L'art.
8 CC ne saurait être invoqué pour faire corriger l'appréciation des preuves,
qui ressortit au juge du fait (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248
consid. 3 p. 253).

3.2 En l'occurrence, les premiers juges ont constaté qu'en l'absence de
saisine de l'autorité compétente au sens de l'art. 246 al. 2 aCC, de toute
autre manifestation de son désaccord durant le mariage et compte tenu d'un
versement aux frais du ménage pendant de nombreuses années, il y avait lieu
de considérer que la demanderesse avait accepté, par actes concluants, de
verser une participation aux frais du ménage et renoncé à toute indemnité de
ce fait au moment de la liquidation du régime matrimonial. Contrairement à ce
que soutient la recourante, l'autorité cantonale s'est fondée sur les
éléments du dossier et sur les circonstances de l'espèce pour parvenir à la
conclusion que l'épouse avait eu l'intention de donner les prestations
litigieuses. L'animus donandi ainsi constaté résulte de l'appréciation des
preuves; or celle-ci ne saurait être mise en cause dans un recours en réforme
(art. 55 al. 1 let. c, 63 al. 2 OJ; ATF 128 III 22; 127 III 543 précités; 126
III 189 consid. 2a p. 191 et les références). Le grief de violation de l'art.
8 CC est ainsi mal fondé.

4.
Dans un second moyen, la demanderesse reproche à la Cour civile d'avoir violé
le droit fédéral, en particulier les art. 192 et 246 aCC, en affirmant
qu'elle ne pouvait faire valoir aucune prétention, fondée sur les règles de
l'union des biens, découlant de sa participation aux charges du ménage.

4.1 L'art. 192 al. 1 aCC soumet les biens réservés de la femme aux règles de
la séparation de biens, notamment en ce qui concerne l'obligation de celle-ci
de contribuer aux charges du ménage; l'alinéa 2 précise que la femme doit, en
tant que de besoin, affecter le produit de son travail au paiement des frais
du ménage. Selon l'art. 246 aCC, le mari peut exiger de la femme qu'elle
contribue dans une mesure équitable aux charges du ménage (al. 1) et il n'est
tenu à aucune restitution en raison des prestations de celle-ci (al. 3);
l'al. 2 prévoit qu'en cas de dissentiment au sujet de cette contribution,
chacun des conjoints peut demander qu'elle soit fixée par l'autorité
compétente. D'après la jurisprudence, l'art. 246 al. 3 aCC s'applique non
seulement aux prestations dues par l'épouse en vertu de l'art. 246 al. 1 aCC,
mais également à celles qu'elle fournit volontairement, en sus de son
obligation légale, pourvu que ces prestations soient faites animo donandi ou
pour accomplir un devoir moral; de manière générale, l'animus donandi ou la
volonté d'accomplir un devoir moral peuvent être présumés (ATF 96 II 1 ss).

4.2 Dans le cas particulier, la juridiction cantonale a déclaré, comme il a
été exposé plus haut, qu'en l'absence de saisine de l'autorité compétente
conformément à l'art. 246 al. 2 aCC, de toute autre manifestation de son
désaccord durant le mariage et compte tenu d'un versement d'une participation
aux frais du ménage pendant de nombreuses années, il y avait lieu de
considérer que la demanderesse avait accepté, par actes concluants,
d'effectuer ces versements donandi causa. Ces constatations portent sur la
volonté interne de l'épouse, soit sur un point de fait (ATF 126 III 25
consid. 3c p. 29, 375 consid. 2e/aa p. 379/380; 125 III 435 consid. 2a/aa p.
436/437). Le grief selon lequel elles auraient été faites en violation de
l'art. 8 CC s'étant révélé infondé (cf. supra consid. 3.2), elles lient donc
le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ). Les critiques de la demanderesse, qui
tendent à faire admettre qu'une intention de donner de sa part n'est pas
établie, sont donc irrecevables. Dès lors qu'il a été retenu que les
prestations en question ont été effectuées donandi causa, et au vu des
principes susmentionnés, la Cour civile n'a pas méconnu le droit fédéral en
considérant que l'art. 246 al. 3 aCC leur était applicable. L'art. 192 aCC
n'apparaît pas non plus violé.

5.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit par conséquent être
rejeté, dans la mesure où il est recevable. Vu cette issue - prévisible - de
la procédure, la requête d'assistance judiciaire ne peut être admise (art.
152 al. 1 OJ). La recourante supportera dès lors les frais judiciaires (art.
156 al. 1 OJ), lesquels seront fixés de manière réduite pour tenir compte de
sa situation financière (art. 153a al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de
dépens aux intimés, qui n'ont pas été invités à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 8 janvier 2004

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: