Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.203/2002
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5C.203/2002 /frs

Arrêt du 19 novembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

Z. ________,
recourant, représenté par Me Claire-Lise Oswald-Binggeli, avocate, rue de
l'Evole 15, case postale 1107, 2001 Neuchâtel 1,

contre

dame Z.________, agissant au nom de son fils mineur E.________ et en son nom
personnel,
intimée, représentée par Me Yves Grandjean, avocat, case postale 2273, 2001
Neuchâtel 1.

décision d'ordonner une expertise médico-légale,

recours en réforme contre l'arrêt de l'autorité tutélaire de surveillance du
canton de Neuchâtel du 23 juillet 2002.

Faits:

A.
Z. ________ et dame Z.________ se sont mariés en 1987. E.________, né le 22
novembre 1991, a été inscrit dans les registres de l'état civil comme
l'enfant du couple. Les époux se sont séparés au mois de février 1995 et sont
actuellement en instance de divorce. E.________ est sous la garde de sa mère.

Le 6 juillet 2000, Z.________ a ouvert action en désaveu de paternité contre
dame Z.________ et E.________. Le 25 août 2000, l'autorité tutélaire du
district de Boudry a instauré une curatelle ad hoc en faveur de E.________ et
désigné l'avocat Gilles de Reynier en qualité de curateur chargé de
représenter l'enfant dans la procédure en désaveu. Par jugement du 29 juin
2001, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la
demande. Elle a retenu en substance que Z.________ avait appris ensuite
d'examens médicaux effectués en juin et septembre 1998 qu'il était
probablement stérile, de sorte que son action, intentée tardivement sans
raison excusable, était périmée (art. 256c CC).

B.
Le 12 septembre 2001, Z.________ a adressé au président de l'autorité
tutélaire une requête tendant à étendre la curatelle en faveur de l'enfant
E.________, afin de permettre au curateur ad hoc d'introduire une action en
désaveu de paternité au nom de son pupille. Il faisait valoir en substance
que E.________ avait été mis au courant par sa mère des démarches qu'il avait
entreprises pour contester sa paternité, que l'enfant avait interprété ces
démarches comme une énorme trahison et qu'il refusait pour cette raison de le
voir depuis de longs mois. Le requérant estimait impératif, pour que
E.________ puisse construire sa personnalité, qu'il connaisse l'identité
réelle de son père biologique.

Le président de l'autorité tutélaire a requis des observations du curateur ad
hoc, qui a proposé de soumettre l'enfant à une expertise pédo-psychiatrique
pour déterminer si son développement était menacé par les doutes au sujet de
son origine, auquel cas il conviendrait d'autoriser une action en désaveu de
paternité. La curatrice de l'enfant au sens de l'art. 308 CC a quant à elle
proposé d'étendre le mandat de curatelle ad hoc dans le sens sollicité par
Z.________. Dame Z.________ a conclu à l'irrecevabilité de la requête et
s'est également opposée à la mise en oeuvre d'une expertise
pédo-psychiatrique.

C.
Par ordonnance du 8 mai 2002, le président de l'autorité tutélaire a ordonné
l'expertise médico-légale de E.________ et a désigné en qualité d'expert le
pédo-psychiatre Raymond Traube, qu'il a chargé de déterminer si l'enfant se
trouvait actuellement menacé dans son développement, notamment s'il exprimait
des signes de souffrances quant aux doutes exprimés par Z.________ au sujet
de sa filiation, et si l'intérêt de l'enfant imposait la mise en oeuvre d'une
expertise hérédo-biologique pour vérifier la réalité de ces doutes.

Se référant aux avis émis par le curateur ad hoc et par la curatrice au sens
de l'art. 308 CC, le président de l'autorité tutélaire a estimé qu'il était
nécessaire de déterminer si le développement de l'enfant était menacé, vu sa
connaissance des doutes émis par Z.________ et de la rupture des relations
personnelles avec ce dernier. Il a précisé que l'examen envisagé permettrait
de préparer une décision quant à l'éventualité de l'introduction par l'enfant
mineur d'une action en désaveu de paternité.

D.
Statuant sur recours de dame Z.________, l'autorité tutélaire de surveillance
du canton de Neuchâtel a annulé l'ordonnance d'expertise du 8 mai 2002 par
arrêt du 23 juillet 2002. Elle a considéré en substance que l'expertise
médico-légale ordonnée par le président de l'autorité tutélaire dans un
contexte familial particulièrement conflictuel n'était pas anodine et
pourrait en elle-même être source de perturbation pour l'enfant, dont le
développement ne semblait pas menacé actuellement sur le vu du dossier.
Envisagée comme le moyen de préparer une décision quant à une éventuelle
ouverture d'action en désaveu de paternité au nom de l'enfant mineur, la
décision du président de l'autorité tutélaire apparaissait selon les juges
cantonaux comme une mesure arbitraire, car une telle action ne saurait être
conforme à l'intérêt de l'enfant; en effet, si une action en désaveu était
déclarée bien fondée, l'enfant se trouverait dépourvu de père légal sans
qu'aucune perspective n'existât d'établir un lien de filiation juridique avec
un tiers, dès lors que la mère contestait que son mari ne fût pas le père de
E.________ et ne désignait donc aucun tiers comme étant le père biologique.

E.
Contre l'arrêt de l'autorité tutélaire de surveillance, Z.________ interjette
parallèlement un recours en réforme et un recours de droit public au Tribunal
fédéral, tendant tous deux à l'annulation de cet arrêt avec suite de frais et
dépens. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt
sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public.
Cette disposition souffre toutefois des exceptions dans des situations
particulières qui justifient l'examen préalable du recours en réforme; il en
est notamment ainsi lorsque ce recours apparaît irrecevable (ATF 117 II 630
consid. 1a et les références citées). Tel étant précisément le cas en
l'espèce, comme on va le voir, il se justifie de déroger au principe posé par
l'art. 57 al. 5 OJ.

1.1  La recevabilité du recours en réforme dans les affaires non pécuniaires
est régie par l'art. 44 OJ. Il ressort de cette disposition que le recours en
réforme est recevable dans les contestations civiles (sur cette notion, voir
ATF 124 III 463 consid. 3a) portant sur un droit de nature non pécuniaire,
ainsi que dans les affaires civiles non pécuniaires visées aux lettres a à f.
Les décisions gracieuses qui ne font pas partie de la liste exhaustive de
l'art. 44 let. a-f OJ ne peuvent pas faire l'objet d'un recours en réforme
(Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II,
1990, n. 2 ad art. 44 OJ et les références citées; Geiser, Basler Kommentar,
Zivilgesetzbuch I, 2e éd. 2002, n. 44 ad art. 420 CC; ATF 118 Ia 473 consid.
2c). Dans tous les cas, le recours en réforme n'est recevable — sauf les
exceptions prévues par les art. 49 et 50 OJ, dont les conditions ne sont pas
réalisées en l'espèce — que contre une décision finale (art. 48 OJ), à savoir
contre une décision par laquelle l'autorité cantonale statue sur le fond ou
s'y refuse pour un motif qui empêche définitivement que la même prétention
soit émise à nouveau entre les mêmes parties (ATF 127 III 474 consid. 1a; 126
III 445 consid. 3b et la jurisprudence citée).

1.2  La décision d'ordonner l'expertise médico-légale d'un enfant aux fins de
déterminer si celui-ci est menacé dans son développement (cf. art. 307 al. 1
CC) par des doutes au sujet de sa filiation, et si son intérêt impose la mise
en oeuvre d'une expertise hérédo-biologique pour vérifier la réalité de ces
doutes, constitue une mesure d'instruction visant à éclaircir une situation
de fait. Il ne s'agit pas d'une décision finale au sens de l'art. 48 OJ (cf.
Breitschmid, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2e éd. 2002, n. 16 et 26 ad
art. 307 CC), mais d'une étape sur la voie d'une éventuelle décision par
laquelle l'autorité tutélaire ordonnerait (ou non) des mesures protectrices
(art. 307 CC), ou par laquelle elle instituerait (ou non) une curatelle de
représentation en vue de l'ouverture d'une action en désaveu de paternité au
nom de l'enfant (cf. Hegnauer/Meier, Droit suisse de la filiation, 4e éd.
1998, § 6.07 et les références citées).

Au demeurant, tant la décision fondée sur l'art. 307 CC que celle relative à
la désignation d'un curateur chargé d'intenter l'action en désaveu ne
pourraient être portées devant le Tribunal fédéral que par la voie du recours
de droit public, et non par celle du recours en réforme (Stettler, Droit
suisse de la filiation, Traité de droit privé suisse III/II/1, 1987, p. 186
et 575).

1.3  Il résulte de ce qui précède que la décision de l'autorité tutélaire de
surveillance annulant l'ordonnance d'expertise du 8 mai 2002 ne constitue pas
une décision finale au sens de l'art. 48 OJ. Au surplus, elle a été rendue
dans le cadre de la procédure gracieuse et ne fait pas partie des décisions
pouvant faire l'objet d'un recours en réforme en vertu des dispositions de
l'art. 44 let. a-f OJ, de sorte que le recours serait irrecevable de ce chef
également.

Il convient au surplus de relever que la recevabilité du recours en réforme —
comme d'ailleurs de tout moyen de droit — présuppose que le recourant soit
touché dans sa position juridique par la décision dont il se plaint et qu'il
ait ainsi un intérêt à sa modification (Messmer/Imboden, Die eidgenössischen
Rechtsmittel in Zivilsachen, 1992, n. 42 p. 63 s. et les références citées;
cf. ATF 126 III 198 consid. 2b et les arrêts cités; 107 II 504 consid. 3). Or
en l'espèce, il est pour le moins douteux que le recourant puisse se voir
reconnaître un intérêt juridi-quement protégé à obtenir l'ouverture d'une
action en désaveu de paternité au nom de l'enfant, attendu qu'il disposait
d'une action propre (art. 256 al. 1 ch. 2 CC) qu'il a laissée se périmer sans
raison excusable (art. 256c CC) selon le jugement rendu le 29 juin 2001 par
la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois.

2.
Il s'ensuit que le recours en réforme interjeté par Z.________ doit être
déclaré irrecevable, avec suite de frais pour son auteur (art. 156 al. 1 CC).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à
l'autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 19 novembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: