Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.140/2002
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5C.140/2002 /frs

Arrêt du 16 août 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Raselli, juge présidant,
Nordmann, Escher,
greffière: Revey.

X. ________ (époux),
demandeur et recourant, représenté par Me Dominique Morard, avocat, rue
Rieter 9, case postale 236, 1630 Bulle,

contre

Y.________ (épouse),
défenderesse et intimée.

modification d'un jugement de divorce,

(recours en réforme contre l'arrêt de la Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal
de l'Etat de Fribourg du 3 mai 2002).
Faits:

A.
Par jugement du 17 février 1983, le Tribunal civil de l'arrondissement de la
Sarine a prononcé le divorce des époux X.________, né en 1945, et Y.________,
née en 1946. Il a confié à l'épouse les enfants C.________, née en 1973, et
S.________, né en 1976. Enfin, il a astreint l'époux à verser des
contributions mensuelles d'entretien de 400 fr. à 550 fr. pour chacun des
enfants et de 700 fr. pour l'épouse, ces montants étant indexés.

B.
Le 10 avril 2001, l'époux a déposé une demande de modification du jugement de
divorce, concluant à la suppression de la pension fixée en faveur de l'épouse
dès le 1er avril 2001. Le 9 janvier 2002, le Président du Tribunal civil de
l'arrondissement de la Gruyère a rejeté cette action.

Statuant le 3 mai 2002, la Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg a rejeté l'appel formé par l'époux contre ce prononcé.

C.
X.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 3 mai 2002, à
savoir de modifier le jugement de divorce du 17 février 1983 en supprimant la
pension due à l'épouse dès le 1er avril 2001. Il sollicite au surplus
l'assistance judiciaire.

D.
Le Tribunal cantonal a renoncé à formuler des observations. L'intimée n'a pas
été invitée à s'exprimer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué tranche une contestation civile portant sur des droits de
nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint manifestement 8'000 fr.
Formé en temps utile contre une décision finale prise par le tribunal suprême
du canton, le recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al.
1 OJ.

2.
Dénonçant la violation de l'art. 153a CC, "voire" de l'art. 129 CC, le
recourant affirme que tant l'augmentation des revenus de l'épouse que la
dégradation de sa propre situation financière doivent entraîner la
suppression de la rente destinée à l'épouse.

2.1
2.1.1Le jugement de divorce en cause ayant été rendu sous l'ancien droit, sa
modification quant à la pension alimentaire allouée au conjoint est régie par
ce même droit (cf. art. 7a al. 3 Tit. fin. CC), soit par les art. 151 ss aCC,
à l'exclusion de l'art. 129 CC invoqué à titre éventuel par le recourant.

2.1.2 Selon la jurisprudence relative aux art. 152 et 153 al. 2 aCC,
applicable par analogie à l'indemnité allouée sur la base de l'art. 151 al. 1
aCC pour compenser la perte du droit à l'entretien (ATF 117 II 359 consid. 3;
SJ 1992 p. 131 consid. 3 et les arrêts cités), la rente due à l'époux divorcé
est supprimée ou réduite lorsque la situation économique du débiteur se
détériore. La dégradation des facultés du débiteur peut résulter de la
diminution de ses ressources ou de l'augmentation de ses charges. Si elle est
imputable à sa mauvaise volonté ou à une négligence grave, une suppression ou
une réduction de la rente ne saurait entrer en considération, du moins aussi
longtemps qu'il est en son pouvoir d'y remédier (Heinz Hausheer/Annette
Spycher, Handbuch des Unterhaltsrechts, Berne 1997, nos 09.131 ss; Walter
Bühler/Karl Spühler, Berner Kommentar, 1980, n° 70 ad art. 153 aCC; ATF 108
II 30 consid. 7, 79 II 137 consid. 3 p. 139). En cas de remariage du
débirentier, son nouveau conjoint est tenu, dans la mesure qui peut être
exigée de lui, de l'assister dans l'exécution de ses obligations légales
d'entretien envers des tiers (cf. art. 159 al. 3 et 278 al. 2 CC); il doit
notamment contribuer d'une manière plus substantielle à l'entretien du
ménage, ou se contenter d'un train de vie plus modeste, afin de permettre au
débirentier de consacrer une plus grande partie de ses revenus à son
obligation d'entretien (ATF 115 III 103 consid. 3b et 79 II 137 consid. 3b;
Verena Bräm, Zürcher Kommentar, 1998, nos 140 et 146 ad art. 159 aCC, Adolf
Lüchinger/Thomas Geiser, Basler Kommentar, 1996, n° 14 ad art. 153 aCC). La
rente peut aussi être réduite en cas d'amélioration de la situation de
l'ayant droit, si celui-ci n'est plus dans le dénuement ou si la gêne dans
laquelle il se trouvait a sensiblement diminué. Il faut, toutefois, que
l'amélioration soit importante et que les nouvelles conditions soient, à vues
humaines, durables; la réduction ne peut être admise que si, au surplus,
l'amélioration des revenus du bénéficiaire n'était pas prévisible au moment
du divorce (ATF 120 II 4 consid. 5d; 117 II 211 consid. 4c et 5a, 359 consid.
3). Lorsque cette amélioration était prévisible, il sied en effet d'admettre,
au titre de présomption de fait, qu'elle a été prise en compte dans le
jugement de divorce (Lüchinger/Geiser, op. cit., n° 12 ad art. 153 aCC). Cela
étant, la jurisprudence n'a pas supprimé toute différence entre la
modification de la rente fondée sur l'art. 151 aCC et celle de la pension
relevant de l'art. 152 aCC, au sens où les exigences posées quant à
l'amélioration de la situation du crédirentier sont plus élevées lorsque la
rente ressortit à l'art. 151 aCC (cf. ATF 117 II 359 consid. 5a et 118 II 229
consid. 2).

Par ailleurs, la procédure en modification du jugement de divorce n'est pas
destinée à corriger ce dernier, mais à tenir compte de nouveaux faits (ATF
117 II 368 consid. 4b; Bühler/Spühler, op. cit., n° 52 ad art. 153 aCC;
Robert Kehl/Dieter Kehl, Die Abänderung und Ergänzung von Scheidungs- und
Trennungsurteilen, vol. I, 1973, Die materiellen Grundsätze, p. 13 n° 85).
Pour déterminer si de tels faits se sont produits et justifient une
modification du jugement de divorce, c'est la situation envisagée dans ce
jugement qui est décisive (ATF 117 II 368 consid. 4b).

Enfin, les fardeaux de l'allégation et de la preuve relatifs aux motifs de
suppression ou de réduction de la rente incombent à la partie qui entend
déduire un droit de l'art. 153 al. 2 aCC (Spühler, Berner Kommentar,
Ergänzungsband, 1991, n° 54 ad art. 153 aCC). Il appartient ainsi au
demandeur de prouver que les circonstances ayant présidé au divorce se sont
modifiées depuis lors d'une manière importante, durable et imprévisible (ATF
120 II 4 consid. 5d; 118 II 229 consid. 2; 117 II 211 consid. 5a, 359 consid.
3 p. 362/363).

2.2 Selon le Tribunal cantonal, le changement intervenu dans les ressources
de l'épouse "permettrait à l'évidence une modification de la pension fixée",
dès lors que le salaire mensuel de l'intéressée, qui atteignait 1'100 à 1'200
fr. brut lors du divorce, s'élevait à 2'938 fr. net au moment de l'ouverture
de l'action en modification. Lors du divorce toutefois, l'épouse, qui
s'occupait des enfants âgés de 7 et 10 ans, travaillait à temps partiel en
qualité de vendeuse, tandis qu'elle oeuvrait actuellement à plein temps. Or,
même si le jugement initial ne mentionnait pas expressément qu'elle pourrait
exercer une activité à 100% une fois la formation des enfants achevée, un tel
événement était alors déjà envisageable et prévisible. Par conséquent,
l'amélioration en cause n'autorisait pas de réduire la pension allouée au
titre d'épouse innocente, dont le montant avait du reste été fixé par accord
entre les parties.

Quant au changement survenu dans la situation financière du recourant, il ne
permettait pas davantage de modifier le jugement de divorce en sa faveur. Ses
revenus ne s'étaient pas péjorés, au contraire même, puisque son salaire
mensuel était passé de 3'650 fr. brut à 4'674.40 fr. net. Et son remariage,
contracté en janvier 2000, "ne modifiait guère" sa situation pécuniaire, son
épouse travaillant à 50% pour un salaire mensuel net de 1'700 fr., perçu
treize fois l'an. En revanche, ses dettes avaient notablement augmenté. Alors
qu'il était endetté à hauteur de 50 à 60'000 fr. lors du prononcé de divorce,
il devait actuellement une somme de 183'025.65 fr. au Bureau des pensions
alimentaires pour la période d'octobre 1984 à janvier 2002 et faisait l'objet
de poursuites pour un montant de 165'533.40 fr., dont 73'400 fr. dus à ce
même Bureau. L'aggravation de son endettement provenait donc principalement,
soit pour plus de 180'000 fr., du non paiement des contributions d'entretien,
alors qu'au moment du divorce, il restait à sa disposition un montant de
2'150 fr. brut après acquittement des pensions acceptées et retenues (3'650
fr. ./. 1'500 fr.). Ce comportement, consistant à ne pas régler les aliments
dus puis à demander leur suppression en se prévalant des dettes nées de ce
non paiement, constituait un abus de droit qui ne pouvait être protégé.

2.3 D'après le recourant, tant les modifications intervenues dans la
situation de son épouse que celles apparues dans la sienne propre, doivent
conduire à supprimer la rente allouée à l'intimée.

2.3.1 Toutefois, d'une part, l'amélioration des ressources de l'épouse ne
justifie pas une modification de la rente allouée en sa faveur.

En effet, l'accession des enfants à une autonomie permettant au parent
gardien d'alléger les soins qu'il leur voue et d'augmenter son taux
d'activité lucrative relève d'une évolution naturelle. L'extension à 100% du
temps de travail du parent gardien - partant une amélioration consécutive de
ses revenus - en raison de l'avancement des enfants en âge et en maturité
n'est donc pas imprévisible. De plus, le recourant n'indique aucun motif
propre à infirmer la présomption selon laquelle la modification en cause a
été prise en considération par le jugement de divorce.

2.3.2 D'autre part, une modification au sens de l'art. 153 aCC ne peut
davantage se fonder sur une dégradation des facultés du recourant.

Il ressort de l'arrêt attaqué que les revenus du recourant n'ont pas diminué,
ni ses charges augmenté. En particulier, comme l'ont expressément constaté
les juges cantonaux, son remariage n'a guère modifié sa situation pécuniaire;
au demeurant, selon la jurisprudence précitée, il pourrait être exigé de sa
nouvelle épouse qu'elle l'assiste dans le paiement de ses contributions
envers l'intimée.

Quant à la péjoration avérée de l'endettement du recourant, elle ne conduit
pas à une autre conclusion. Certes, le recourant conteste qu'un abus de droit
au sens de l'art. 2 CC puisse résulter du seul fait qu'une grande partie de
ses dettes découle précisément du non paiement des pensions alimentaires à sa
charge. Toutefois, le recourant n'étaye pas son argumentation de manière
conforme aux exigences de motivation posées par l'art. 55 al. 1 let. c OJ
(cf. ATF 121 III 397 consid. 2a; 116 II 745 consid. 3; 106 II 175 s.; 93 II
317 consid. 2d). Ainsi, par exemple, il ne soutient pas qu'il se serait
trouvé sans faute de sa part dans l'impossibilité de s'acquitter de ces
aliments, ou que les juges n'auraient pas donné suite à ses offres de
preuves, ou encore que les faits déterminants en cause n'auraient pas été
constatés (art. 64 OJ). Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière sur
cet argument.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable et l'arrêt attaqué doit être confirmé. Les conclusions du recours
étant d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit être refusée
(art. 152 OJ). Partant, le recourant devra supporter les frais judiciaires,
qui seront fixés en fonction de sa situation financière (art. 156 al. 1, 153
et 153a OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens, l'intimée n'ayant pas été
appelée à répondre (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué
est confirmé.

2.
L'assistance judiciaire est refusée.

3.
Il est mis à la charge du recourant un émolument judiciaire de 1'500 fr.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à
l'intimée, ainsi qu'à la Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg.

Lausanne, le 16 août 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: La greffière: