Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.101/2002
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5C.101/2002 /viz

Arrêt du 8 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffière Revey.

S. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Marc Lironi, avocat, boulevard
Georges-Favon 19, case postale 5121, 1211 Genève 11,

contre

Dame S.________,
défenderesse et intimée, représentée par Me Raeto Zarn, avocat, boulevard
St-Georges 72, 1205 Genève.

modification d'un jugement de divorce

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 22 février 2002).

Faits:

A.
S. ________, né le 21 juin 1959, et dame S.________, née le 14 février 1958,
se sont mariés le 26 août 1983. De cette union sont issues trois filles,
A.________, le 2 août 1981, B.________, le 20 avril 1984, et C.________, le
30 septembre 1985.

Le 24 juin 1993, le Tribunal de première instance du canton de Genève a
prononcé le divorce des époux, attribuant à la mère l'autorité parentale et
la garde des trois filles. D'entente entre les parties, le père s'engageait à
payer pour l'épouse une pension alimentaire mensuelle de 1'000 fr. et pour
chaque enfant une contribution d'entretien mensuelle, allocations familiales
ou d'études non comprises, de 600 fr. jusqu'à douze ans puis de 800 fr.
jusqu'à la majorité, toutes sommes indexées.

B.
Le 1er juin 1996, B.________ est partie de chez sa mère et s'est installée
chez son père, lequel a dès lors cessé de verser la contribution d'entretien
en sa faveur.

Le 2 novembre 1999, S.________ a sollicité la modification du jugement de
divorce quant au sort de B.________ et à la pension alimentaire de
l'ex-épouse. Le Tribunal de première instance a partiellement accueilli ses
conclusions. Statuant sur appels des ex-époux, la Cour de justice a confirmé
ce jugement en tant qu'il transférait au père l'autorité parentale et la
garde de B.________, l'a annulé pour le surplus et a renvoyé la cause en
première instance.

Par nouveau jugement notifié le 5 juillet 2001, le Tribunal de première
instance a attribué au père l'autorité parentale et la garde de B.________,
un droit de visite étant réservé à la mère, a libéré le père de la
contribution d'entretien pour cette enfant dès le 2 novembre 1999, a dispensé
la mère d'une telle contribution et a confirmé pour le surplus le jugement de
divorce du 24 juin 1993.

Le 17 août 2001, l'ex-époux a interjeté appel contre ce jugement, concluant à
la suppression de la pension alimentaire due à l'ex-épouse avec effet dès le
2 novembre 1999, le trop perçu étant restitué, et à la condamnation de
celle-ci à une contribution d'entretien en faveur de B.________ de 500 fr.
par mois dès le 2 novembre 1999, ce montant étant indexé. La Cour de justice
a rejeté l'appel le 22 février 2002.

C.
Par acte du 15 avril 2002, l'ex-époux demande au Tribunal fédéral de réformer
l'arrêt du 22 février 2002, en réitérant les conclusions déposées devant la
Cour de justice le 17 août 2001. Parallèlement au présent recours, il a formé
un recours de droit public (5P.156/2002), qui a été déclaré irrecevable par
arrêt de ce jour. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire.

D.
Il n'a pas été requis d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué tranche une contestation civile portant sur des droits de
nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint manifestement 8'000 fr.
Formé en temps utile contre une décision finale prise par le tribunal suprême
du canton, le recours est donc recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et
54 al. 1 OJ.

1.2
1.2.1Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur
les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées
ou que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste (art. 63
al. 2 OJ). Les griefs dirigés à l'encontre des constatations de fait - ou de
l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF
127 III 248 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a, 59 consid. 2a; 125 III 368
consid. 3 in fine) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1
let. c OJ). L'art. 64 OJ réserve en outre le complètement de constatations de
fait incomplètes.

Celui qui s'en prend à une constatation de fait dans le cadre d'un recours en
réforme doit établir avec précision, et en se référant aux pièces du dossier,
que les conditions prévues par les art. 63 al. 2 ou 64 OJ sont réalisées (ATF
119 II 353 consid. 5c/aa; 115 II 399 consid. 2a, 484 consid. 2a).

1.2.2 En l'espèce, le recourant ne fait pas valoir ni ne s'attache à
démontrer l'existence de l'une des exceptions susmentionnées, de sorte que la
cour de céans se fondera exclusivement sur les faits retenus dans l'arrêt
cantonal. Les assertions du recourant divergeant de cet état de fait sont
donc irrecevables.

Est ainsi notamment irrecevable la propre estimation du recourant de divers
postes des revenus et charges des parties - retenus par la cour cantonale en
application de la méthode du minimum vital -, en particulier de son loyer et
de son impôt fédéral direct. Il en va de même des griefs du recourant s'en
prenant à l'omission de certains postes dans ce calcul, dont sa taxe
d'exemption de l'obligation de servir, dès lors qu'il ne ressort pas de
l'arrêt attaqué que ces dépenses seraient à sa charge et qu'il ne fait pas
valoir une des exceptions énumérées ci-dessus (cf. supra consid. 2.1.2).
Doivent également être écartés les dires du recourant selon lesquels il ne
serait pas "prouvé" que l'intimée apporte une aide à l'aînée et assistera
également B.________ dans le futur, car le recourant ne mentionne ni ne tente
de démontrer une éventuelle violation de l'art. 8 CC. Enfin, sont
irrecevables ses affirmations prétendant que l'ex-épouse bénéficierait de
rabais importants sur les marchandises vendues par son employeur, que
A.________ ne vivrait plus auprès de sa mère et que B.________, aujourd'hui
mère, habiterait partiellement avec et chez son ami, père de son enfant.

2.
Dénonçant la violation des art. 151 ss aCC, le recourant sollicite, en raison
de l'installation de B.________ chez lui, la suppression de la contribution
versée pour l'intimée. A l'appui, il affirme, d'une part, que cette rente
relève exclusivement de l'art. 152 aCC et, d'autre part, que le départ de
B.________ permet à la mère d'augmenter son taux d'activité de 60 à 100% et
de subvenir ainsi à ses propres besoins.

2.1 La présente procédure ayant été ouverte avant l'entrée en vigueur du
nouveau droit du divorce le 1er janvier 2000 (RO 1999 1118), la pension
alimentaire due à l'ex-épouse est soumise à l'ancien droit.

Selon la jurisprudence relative aux art. 152 et 153 al. 2 aCC, applicable par
analogie à l'indemnité allouée sur la base de l'art. 151 al. 1 aCC pour
compenser la perte du droit à l'entretien (ATF 117 II 359 consid. 3; SJ 1992
p. 131 consid. 3 et les arrêts cités), la rente due à l'époux divorcé est
supprimée ou réduite lorsque la situation économique du débiteur se
détériore. Cette rente peut aussi être réduite en cas d'amélioration de la
situation de l'ayant droit. Il faut, toutefois, que l'amélioration soit
importante et que les nouvelles conditions soient, à vues humaines, durables;
la réduction ne peut être admise que si, au surplus, l'amélioration des
revenus du bénéficiaire n'était pas prévisible au moment du divorce (ATF 120
II 4 consid. 5d; 117 II 211 consid. 4c et 5a, 359 consid. 3).

2.2 La Cour de justice a estimé qu'il s'agissait principalement d'une
indemnité au sens de l'art. 151 al. 1 aCC, et non d'une pension d'assistance
au sens de l'art. 152 aCC. En application de la jurisprudence précitée, elle
a considéré que le départ de B.________ constituait un fait nouveau et
imprévisible par rapport au jugement de divorce. Elle a néanmoins refusé de
modifier ce prononcé et de supprimer la rente due à l'ex-épouse, car le
recourant ne démontrait pas une amélioration de la situation financière de
celle-ci, mais se bornait à alléguer qu'elle pourrait augmenter ses revenus
en faisant preuve de bonne volonté.

2.3 Le départ de B.________ de chez sa mère est un événement ni prévu ni
prévisible lors du divorce des parties, qui décharge la mère des soins et de
l'éducation à donner à cette enfant. Il était en revanche prévisible que
B.________ accroisse son autonomie en s'approchant de ses dix-huit, voire de
ses vingt ans, soulageant ainsi les tâches de l'intimée à son égard. Le
déménagement de B.________ n'a donc fait qu'avancer un allégement devant de
toute façon survenir quelque temps plus tard. Il n'a dès lors changé que
passagèrement la situation de l'intimée, si bien qu'il ne constitue pas une
modification, au sens de la jurisprudence, qui justifierait de baisser ou de
supprimer sa rente, ni même d'exiger d'elle une augmentation de son taux
d'activité à 100%.

La question de savoir si la rente due à l'épouse relève de l'art. 151 ou 152
aCC peut ainsi rester indécise, dès lors que les conditions communes à la
modification de ces deux types de pension en raison de l'amélioration de la
situation de l'ayant droit, à savoir l'imprévisibilité et la durabilité, ne
sont de toute façon pas remplies.

En conséquence, le refus de la cour cantonale de supprimer la rente en cause
doit être approuvé par substitution de motifs.

3.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 133, 134 et 285 al. 1 CC et
requiert que l'ex-épouse soit condamnée à verser une contribution d'entretien
en faveur de B.________. A l'appui, il soutient derechef qu'il peut être
exigé de l'intimée une activité à plein temps.

3.1 Les contributions d'entretien réclamées pour B.________ sont soumises au
nouveau droit du divorce (cf. art. 7a al. 3 Tit. fin. CC).

Lorsque le juge transfère l'autorité parentale, en vertu de l'art 134 al. 1
CC, au parent qui en était privé auparavant, il lui incombe de fixer, selon
le droit de la filiation, la contribution d'entretien pouvant être due,
désormais, par le parent qui a perdu l'autorité parentale. D'après l'art. 285
al. 1 CC, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2000, la
contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à
la situation et aux ressources des père et mère; il est tenu compte de la
fortune et des revenus de l'enfant ainsi que de la participation de celui des
parents qui n'a pas la garde de l'enfant à la prise en charge de ce dernier.

Comme sous l'ancien droit (cf. art. 157 aCC), la modification du jugement de
divorce quant aux contributions à l'entretien d'un enfant n'est possible que
si des faits nouveaux importants commandent une réglementation différente et
que le changement de situation est durable; cette procédure n'a pas pour but
de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances
nouvelles survenant chez les parents ou chez l'enfant. Seules entrent en
ligne de compte les circonstances nouvelles - par rapport à la situation
existant au moment du divorce - qui sont déterminantes pour fixer les droits
et devoirs des parents selon les art. 133, 285 et 286 CC (Franz Werro,
Concubinage, mariage et démariage, Berne 2000, n° 806; Thomas Sutter/Dieter
Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, nos 22 s. ad
art. 134 CC; cf., ad art. 157 aCC, ATF 120 II 177 consid. 3a et les
références citées).

La fixation de la quotité de la rente relève du pouvoir d'appréciation du
juge du fait, qui applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Il
n'y a violation du droit fédéral que si le juge a abusé de son pouvoir
d'appréciation, en se référant à des critères dénués de pertinence ou en ne
tenant pas compte d'éléments essentiels, ou bien encore si, d'après
l'expérience de la vie, le montant arrêté paraît manifestement inéquitable
(ATF 127 III 136 consid. 3a; 108 II 30 consid. 8 et l'arrêt cité).

3.2 Pour examiner l'opportunité d'imposer à la mère une contribution
d'entretien en faveur de B.________, la Cour de justice a appliqué la méthode
du minimum vital et déterminé la capacité contributive des ex-époux en
détaillant les divers postes de leurs revenus et charges respectifs (salaire,
pension, contributions d'entretien, allocations, loyer, montants de base du
minimum vital, assurances-maladie, etc.). En résumé, les revenus de
l'ex-épouse s'élevaient à 4'647 fr., tandis que son minimum vital élargi
atteignait 4'398.50 fr., ce qui dégageait un montant disponible de 248.50 fr.
Quant aux revenus de l'ex-époux, ils ascendaient à 8'829 fr., alors que son
minimum vital élargi équivalait à 7'634 fr., ce qui lui laissait un montant
disponible de 1'195 fr. Estimant en outre qu'il convenait de tenir compte du
revenu que le parent peut se procurer en faisant preuve de bonne volonté, la
Cour de justice a considéré ce qui suit:
"[l'ex-épouse] est à même, à moyen terme, d'augmenter son temps de travail
[...], mais le problème qu'il convient de résoudre est de savoir si on peut
l'obliger à le faire, vu que le disponible du père est au moins quatre fois
plus important (1'195 fr. par rapport à 248.50 fr.) et que l'augmentation des
revenus de la mère serait symbolique (20% d'augmentation du temps de travail
lui rapporteraient environ 600 fr. par mois).
La situation est encore plus délicate si l'on considère qu'en augmentant son
revenu salarié, la mère verra aussi ses impôts augmenter et ses avantages
sociaux diminuer [...], ce qui augmentera d'autant moins son revenu net et,
surtout aura une influence sur sa prévoyance LPP [...].

De l'autre côté, et indépendamment des éléments du calcul opéré ci-dessus,
force est aussi de constater que le père a cessé de verser une contribution
en faveur de l'aînée après ses vingt ans révolus [2 août 2001] alors qu'elle
est encore en apprentissage et que B.________ est actuellement enceinte de
plusieurs mois [...].
Il faut donc tenir compte de l'aide matérielle effective apportée par la mère
à l'aînée et de l'aide qu'elle devra apporter à B.________ après son
accouchement, circonstances qui permettent de dispenser la mère de verser une
contribution d'entretien en mains du père."
3.3 Conformément à ce qui a été retenu ci-dessus au consid. 2.3, il n'y a pas
lieu d'exiger de l'ex-épouse une extension de son taux d'activité, de sorte
que, contrairement à ce que soutient le recourant, le montant de 1'817 fr.
retenu au titre de salaire de l'intimée n'a pas à être augmenté d'un revenu
hypothétique. Il ne se justifie pas davantage de contraindre l'ex-épouse à
verser pour B.________ partie ou totalité de son montant disponible de 248.50
fr. Dès lors que B.________ peut tirer profit de l'excédent de 1'195 fr.
dégagé par le père, il est pour le moins légitime que les deux filles qui
vivent avec la mère, soit A.________ et surtout l'enfant mineure C.________,
puissent bénéficier seules du montant disponible quatre fois inférieur de
l'ex-épouse. Enfin, à supposer même qu'il faille prendre en compte la future
maternité de B.________, constituant un fait nouveau survenu en cours de
procédure, cela ne conduirait pas à une autre conclusion puisqu'il a été
retenu que la mère contribuera à l'entretien de B.________, qui aura vingt
ans le 20 avril 2004, par une assistance concrète.

4.
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé en tant que recevable. Les
conclusions de celui-ci étant d'emblée vouées à l'échec, l'assistance
judiciaire doit être refusée pour ce motif déjà (art. 152 OJ). De plus, le
recourant n'a pas établi son indigence, car il indique à cet égard verser des
contributions d'entretien pour sa fille aînée, alors qu'il est établi que
cette obligation - de plus de 800 fr. - a pris fin le 2 août 2001. Partant,
le recourant doit assumer les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté en tant que recevable et l'arrêt entrepris est
confirmé.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Il est mis à la charge du recourant un émolument judiciaire de 2'000 fr.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 8 juillet 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: